Le Fils de l'homme

 ME 1893 page 124

 

L'emploi du terme «le Fils de l'homme» mérite d'être examiné de près. Le Seigneur ne se nomme jamais lui-même «le Christ», sauf dans son entretien avec la Samaritaine, en dehors du judaïsme (Jean 4). Interrogé par le souverain sacrificateur, il reconnaît qu'il est «le Christ, le Fils de Dieu;» mais son témoignage quant à lui-même est: «Mais» (ou de plus — plhn) «je vous dis: dorénavant vous verrez le fils de l'homme assis à la droite de la puissance». C'est ainsi qu'Etienne le vit, mais debout; c'était une vision pour celui qui était rempli du Saint Esprit. Pour eux, pour ceux qui le condamnaient, ils devaient le voir «venant sur les nuées du ciel», c'est-à-dire qu'à partir de ce moment ils ne le verraient plus, sauf quand il viendrait de cette manière.

Jésus se nomme lui-même continuellement «fils de l'homme;» c'est son nom de prédilection dans les trois premiers évangiles. Jean le présente plus fréquemment comme «Fils de Dieu». Dans ce dernier évangile, l'expression «fils de l'homme» est employée en rapport avec la position qu'il a déjà prise, comme venant dans le monde qui ne l'a pas connu et chez les Juifs qui l'ont rejeté, et qui sont eux-mêmes rejetés de Dieu. Sa personne, comme divine tandis qu'il est sur la terre, et relativement à la croix, est présentée au chapitre 3 (*). Au chapitre 6, comme fils de l'homme, sa chair est donnée pour la vie des hommes (verset 51), et il monte en haut (verset 62) — c'est Christ sur la terre. Au chapitre 5, le jugement lui est donné, parce qu'il est «fils de l'homme» (verset 27).

(*) Il est le fils de l'homme qui est dans le ciel (verset 13), et il est le fils de l'homme qui doit être élevé comme le serpent au désert (verset 14). — (Note du traducteur)

Les hommes ne lui donnent jamais ce nom de «fils de l'homme», excepté Etienne quand il le voit dans le ciel. Ce qui est très significatif, après ce qu'il a dit aux Juifs, c'est qu'il ne le voit pas encore assis, mais debout. Sauf ces différents cas, nous trouvons l'expression «fils de l'homme» appliquée à Jésus, quand il est présenté comme souffrant, comme Seigneur de tout, comme pardonnant, comme cherchant et sauvant ce qui était perdu, ou comme revenant en puissance et en gloire (Luc 9: 22; Matthieu 12: 8; 9: 6; Luc 19: 10; Matthieu 25: 31). D'une manière générale, on le voit sous ce nom souffrant et rejeté, ou revenant en gloire.

Dans l'Ancien Testament, le nom de «fils de l'homme», appliqué prophétiquement à Christ, est employé seulement en rapport avec sa gloire et sa puissance à venir. (Daniel 7, et Psaume 8). Les paroles de ce Psaume: «Tu l'as fait de peu inférieur aux anges», sont citées dans l'épître aux Hébreux (chapitre 2: 7, 9), pour montrer qu'il pouvait souffrir la mort.

Nous trouvons encore ce nom donné à Christ dans l'Apocalypse: «Quelqu'un de semblable au Fils de l'homme» (chapitre 1: 13; 14: 14). Le Seigneur y est vu sous le caractère de juge au milieu des assemblées, et comme venant sur les nuées du ciel. Dans le Psaume 80: 17, il est envisagé comme le futur Libérateur d'Israël.

On voit clairement en Jean 12: 20-36, les «souffrances» se rattachant à ce titre de fils de l'homme. Cela y est indiqué d'une manière expresse. Au chapitre 9 de Luc, «le fils de l'homme» souffrant est en contraste distinct avec «le Christ» (versets 20-22), de telle manière que toute la bénédiction est sur un nouveau terrain. La même chose est répétée aux versets 43 et 44, comme étant la grande vérité pratique et nécessaire. La remarque faite plus haut quant au témoignage que Jésus rend de lui-même (Matthieu 26: 64), est déjà évidente dans Jean 1: 52: «Désormais vous verrez le ciel ouvert», et montre l'usage différent fait de cette expression dans cet évangile.

Le chapitre 2 de l'épître aux Hébreux emploie très distinctement l'expression de «fils de l'homme» d'une manière doctrinale, et développe pleinement sa portée en rapport avec l'intérêt que Christ prend aux hommes (la semence d'Abraham) comme tels: «ils sont tous d'un». Le premier chapitre de l'épître aux Ephésiens la rattache à l'Eglise ou à l'Eglise unie à lui, et dans le quinzième chapitre de la 1re épître aux Corinthiens, nous voyons par la résurrection le résultat du fait que Jésus est le fils de l'homme (versets 21, 22). Et cela explique comment le Fils lui-même est ensuite assujetti (verset 28), car il reste — grâce infinie — à jamais fils de l'homme. Sa dignité personnelle et sa seigneurie suprême demeurent, mais il remettra au Père son royaume, son gouvernement et son autorité.

C'est ce qui explique aussi le caractère de l'évangile de Jean, où sont si clairement établies la nature divine de Christ et son unité avec le Père. Bien qu'ayant pris la place de fils de l'homme et ainsi toujours dépendant du Père et recevant tout de lui, il est cependant toujours divin. Ce n'est pas le royaume que nous voyons dans cet évangile, mais une Personne — une Personne divine — le Fils un avec le Père, mais aussi le fils de l'homme qui a pris la place de sujétion, comme cela ressort partout. C'est très important en soi et, pour l'intelligence de l'évangile de Jean, très précieux en même temps. On le voit d'une manière frappante dans le chapitre 17, où il introduit ses disciples à sa propre place, où lui, qui a introduit le Fils dans l'Homme, amène les hommes à être fils avec lui — par lui, sans doute, mais avec lui. Combien cela est plein de grâce! C'est là, par conséquent, sa place pour l'éternité, glorifié alors, cela va sans dire, glorifié comme il le demande: «Maintenant, glorifie-moi, toi, Père» (verset 5).

Sa Personne est mise en évidence d'une manière frappante dans des passages tels que celui-ci: «Le fils de l'homme qui est dans le ciel». Mais quoique Jean emploie distinctement cette expression de la manière et pour la raison que nous avons mentionnées, en relation avec sa Personne — l'Homme ici-bas, bien que «le fils de l'homme qui est dans le ciel» — «la viande… que le fils de l'homme vous donnera, car c'est lui que le Père, Dieu, a scellé» — cependant la mort et la gloire à venir en rapport avec ce titre ne sont pas perdues de vue, seulement ce titre reste attaché à sa personne comme une chose présente. Nous le trouvons au chapitre 6, et aussi quand les Grecs (chapitre 12) demandent à voir Jésus. A cette occasion, le Seigneur déclare que le grain de blé demeure seul, à moins que, tombant en terre, il ne meure. «Il faut que le fils de l'homme soit élevé», en Jean, va plus loin que, «il faut que le fils de l'homme souffre beaucoup et soit rejeté par cette génération», que l'on trouve dans les autres évangiles, car dans le premier cas, le titre de fils de l'homme est directement en rapport avec Dieu — avec sa nature et l'oeuvre de Christ — d'un côté l'on a ce qui est de la part de l'homme envers Dieu (chapitre 3: 14, 15), l'autre côté venant ensuite et se rapportant au titre de «Fils de Dieu» (chapitre 3: 16). En Jean, le terme «fils de l'homme» présente un caractère très précieux et révélateur de ce qu'est Dieu. C'est en réalité la clef de tout cet évangile, en y ajoutant le don de «l'autre Consolateur».

L'unité absolue de sa Personne, bien que dans la nature humaine qu'il a prise, se voit au chapitre 6: 62, aussi bien qu'au chapitre 3: 13.

Il est évident que, dans les trois premiers évangiles, Jésus, bien que le miraculeux descendant d'Adam par la femme, prédit partout dans l'Ancien Testament, y est présenté comme fils de l'homme en contraste avec le Christ (objet des promesses juives), selon le Psaume 8 et Daniel 9, qui montrent qu'il devait souffrir (et qu'il ne prend pas alors la place assignée au Messie par le Psaume 2); mais souffrir comme fils de l'homme d'une manière plus dispensationnelle. Dans l'évangile de Jean, au contraire, c'est sa Personne qui est présentée — la Personne qui pouvait dire: «Père;» qui pouvait le dire et le disait comme homme — une chose présente, comme nous l'avons déjà fait remarquer sans la développer (voyez le verset 50 du chapitre 1er, et ensuite le verset 52).

En Jean, on voit d'abord au chapitre 1 le «fils de l'homme» que les anges de Dieu servent comme leur objet spécial. Ensuite, il est «le fils de l'homme qui est dans le ciel», mais qui en est descendu; puis «il faut qu'il soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle». Etre «élevé» est toujours en rapport avec le fils de l'homme. Ainsi, au chapitre 8, nous lisons: «Quand vous aurez élevé le fils de l'homme, alors vous connaîtrez que c'est moi;» et au chapitre 12: «Comment, toi, dis-tu qu'il faut que le fils de l'homme soit élevé? Qui est ce fils de l'homme?»

Après le chapitre 3, le chapitre 6 parle aussi du fils de l'homme. Il est Celui que «le Père a scellé», mais qui est «descendu du ciel;» le fils de l'homme dont la chair doit être mangée, dont le sang doit être bu, et qui doit aussi monter où il était auparavant. S'il est «élevé», il attire à lui tous les hommes (chapitre 12). L'expression «être élevé» désigne clairement sa mort, mais sa mort comme étant élevé, et ce mot me semble avoir de l'importance. C'est sa mort comme rejeté et banni de la terre, n'étant plus de la terre comme vivant sur elle et par là en rapport avec le ciel, et l'objet de la foi pour la terre, c'est-à-dire pour les hommes sur la terre qui ont la conscience d'être perdus. C'est pourquoi sa mort est en rapport avec le fils de l'homme, et comme tel il est mis en contraste par le peuple avec le Christ (le Messie) qui, selon la loi, comme le pensaient les Juifs, demeure éternellement. De la même manière, les termes «Christ» et «fils de l'homme» sont mis en contraste en Luc 9: 18-22.

En Jean 3, «il faut que le fils de l'homme soit élevé» est associé aux choses célestes, aussi bien qu'avec le serpent frappé à mort. En Israël même, on devait être né de nouveau pour jouir des promesses terrestres selon les prophètes, — pour l'établissement du royaume, et naturellement les gentils devaient l'être aussi. Mais «Dieu a tant aimé le monde» se rattache au «fils de l'homme élevé»: «Si je suis élevé, j'attirerai tous les hommes à moi». Et c'est à l'occasion des Juifs qui sont rejetés pour n'avoir pas voulu recevoir sa parole, que le Seigneur dit: «Quand vous aurez élevé le fils de l'homme» alors vous connaîtrez que c'est moi» (chapitre 8: 28). lis connaîtraient, mais trop tard, qui ils avaient rejeté. Dans ce même chapitre, celui qu'ils ont rejeté, c'est la Parole, c'est JE SUIS.

Il en était ainsi de l'autel, placé, non dans le camp, mais dans le parvis du tabernacle, devant la porte du tabernacle d'assignation ou du rendez-vous. Celui qui venait du camp et se dirigeait vers le tabernacle, figure du ciel, rencontrait en premier lieu l'autel sur le chemin du ciel. Ainsi en est-il de Christ sur la croix, élevé, mourant, témoin ainsi que nous étions morts dans le péché, mais le trouvant en grâce dans un sacrifice pour le péché. Nous allons plus loin — nous entrons dans le lieu très saint à travers le voile déchiré; mais l'autel est le lieu de rencontre, et nous sommes là comme en ayant fini avec le monde, le premier Adam, de même que Christ en avait fini avec lui à la croix. Il fut élevé de la terre, et tout est devenu céleste, sauf le jugement, et il en est ainsi pour nous.

Au chapitre 3, «il est élevé», comme le serpent d'airain, en rapport avec les hommes qui meurent, et comme introduisant dans les choses célestes. Au chapitre 8, «il est élevé», en rapport avec l'entière rejection des Juifs; et au chapitre 12, «il est élevé», et attire tous les hommes à lui — vaste sphère d'application de son oeuvre ici-bas — et tout est par sa mort. Ce sont les seuls cas de l'emploi du mot «élevé» par rapport à Christ.

Le chapitre 12 de Matthieu présente d'une manière très complète le point où les choses changent d'aspect (*). Les pharisiens et les sadducéens, ces deux classes d'hommes entre lesquelles se partageaient les Juifs (et avec eux tous les hommes religieux, ritualistes et propres justes, ou bien rationalistes incrédules), sont rejetés. Aucun signe ne leur est donné, sauf un Christ rejeté et mis dans le tombeau, trop tard alors pour être mis en relation avec la nation dans la chair. En un mot, la mort et le nouvel état de résurrection sont introduits, mais c'est la mort pour l'homme et pour toute espérance en l'homme — le figuier est maudit. Ensuite, au chapitre 16, le Seigneur prend sa propre place avec l'homme — non avec le judaïsme: «Qui disent les hommes que je suis, moi, le fils de l'homme?» Pierre alors le confesse comme «le Christ, le Fils du Dieu vivant». Il ne doit plus être annoncé comme le Christ — bien qu'il fût l'accomplissement de la promesse, la semence de David selon la chair, et le Fils de Dieu, du Dieu vivant, démontré tel en résurrection. Cette confession de Pierre est tout l'Evangile quant à la personne du Seigneur, et c'est ce qu'établit aussi le commencement de l'épître aux Romains, et pratiquement 2 Timothée 2: 8.

(*) C'est lorsque les chefs religieux des Juifs accusent le Seigneur de chasser les démons par le prince des démons. — (Note du traducteur)

Le Fils de Dieu, accomplissement de la promesse en tant que Christ, fils de David, introduit la vie en puissance divine, de manière à triompher de la mort. Il descend, comme homme, dans le plein effet de ce que comporte l'état de péché de l'homme et la puissance de Satan, triomphe en victoire et place l'homme dans une nouvelle position, au delà de la mort, du péché et de la puissance de l'Ennemi. Le fils de l'homme, «fait un peu moindre que les anges par la passion de la mort», est le Fils du Dieu vivant en puissance. C'est sur cela que l'Eglise est bâtie par Christ — des pierres vivantes ajoutées à la Pierre vivante. En second lieu, et comme une chose distincte, les clefs du royaume — non de l'Eglise: il n'y en a point — sont données à Pierre. L'Eglise responsable, bâtie par l'instrumentalité de l'homme, est l'ouvrage de Paul (*) (1 Corinthiens 3), mais ce n'est pas ici notre sujet. Dès ce moment, après ce qu'il a dit à Pierre, le Seigneur commence à parler à ses disciples de son rejet, de sa mort et de sa résurrection. C'est le terrain entièrement et absolument nouveau sur lequel l'homme est placé. De plus, le fils de l'homme doit venir dans sa gloire; mais cela se trouve au chapitre 17.

(*) «J'ai posé le fondement, et un autre édifie dessus; mais que chacun considère comment il édifie dessus» (verset 10). (Note du traducteur)

Nous apprenons (par l'exemple de Pierre, Matthieu 16: 22, 23), que la chair peut nous tenir dans un état d'âme au-dessous de la révélation que nous avons réellement reçue, de manière même à être un adversaire de Christ; car c'est là ce que nous sommes, quand nous avons nos pensées aux choses de la terre. Nous sommes alors ennemis de la croix du Christ, car si nous suivons le fils de l'homme, la croix est le sentier qu'il a foulé et que nous foulons. Paul était sur ce terrain de la croix; c'était son point de départ, «sachant que si un est mort pour tous, tous donc sont morts», et il ne connaissait plus personne, non pas même Christ, selon la chair. Comme on l'a souvent remarqué, il ne s'agit donc pas d'un passage du judaïsme au christianisme, mais d'un passage de l'homme dans la chair à une humanité en résurrection à travers la croix et la mort. La relation d'un Christ vivant avec Israël selon la chair a ainsi pris fin, et le fils de l'homme, prenant en main ce qui concerne l'homme, entre et place l'homme dans une toute nouvelle position en résurrection, au delà de la mort et de la puissance de Satan. Cela est en rapport avec le fils de l'homme, mais c'est sur le fait qu'il est le Fils du Dieu vivant que l'Eglise est bâtie: le fait qu'il est le Christ étant mis de côté, il prend la position plus étendue de fils de l'homme. L'Eglise n'est pas bâtie sur ce qu'il est le «fils de l'homme», mais sur le fils de l'homme qui est «le Fils du Dieu vivant». «Fils de l'homme» est individuel et général; le résultat public de ce litre et l'état qui en est la conséquence, se trouvent en Matthieu 17, Luc 9, etc.

Remarquez encore que, bien que la relation éternelle de Christ avec Dieu comme Fils soit une vérité vitale, car sans elle nous perdons le Père qui envoie le Fils et aussi le Fils créateur — et nous n'avons pas le Père si nous n'avons pas le Fils — de sorte que cela gît à la base de toute la vérité, cependant dans la présentation historique du christianisme, le Fils est toujours montré comme étant ici-bas dans la condition d'homme et de serviteur. C'est ce que nous voyons dans tout l'évangile de Jean, bien qu'il soit dans le ciel et un avec le Père: «Celui-ci», cette Personne, «est mon Fils bien-aimé;» Celui qui était comme Homme ici-bas, était cependant là-haut. Toute la Trinité est révélée en Matthieu 3, et nous pouvons dire qu'elle est pleinement révélée pour la première fois. C'est une grâce merveilleuse! Mais si nous faisons attention à ce qui est dit plus haut de la condition du Fils comme homme et serviteur ici-bas, l'expression «non pas même le Fils», ne présente aucune difficulté (Marc 13: 32).