Genèse 22

 ME 1893 page 136

 

L'adoration suppose toujours une volonté brisée.

Dans les chapitres précédents, nous avons vu Abraham en Egypte. Tant qu'il y demeura, nous avons remarqué qu'il ne bâtit aucun autel. Mais il en sort et, ayant abandonné l'Egypte, il peut élever un autel à l'Eternel.

David voit se mourir l'enfant qui lui est cher. Il jeûne, il prie, mais il lutte avec Dieu; sa volonté n'était pas soumise. Lorsque l'enfant eut expiré, David change de vêtements; il mange et boit, et peut venir adorer devant l'Eternel. La lutte qui avait lieu dans son coeur avait cessé; sa volonté était brisée. Job, après avoir traversé les terribles afflictions qui nous sont présentées dans le chapitre 1, et souffert la perte de ses biens et de sa famille, déchire, il est vrai, sa robe (1: 20), mais en cela, dit la Parole, il ne pécha pas. Sa douleur était légitime; il lui était permis de pleurer sur la perte de ses enfants; mais il se lève et se prosterne devant Dieu. Il peut le faire, parce que sa volonté est brisée, et il peut dire: «L'Eternel a donné, et l'Eternel a pris; que le nom de l'Eternel soit béni!»

Mais dans le chapitre que nous venons de lire, nous trouvons un état d'âme surpassant de beaucoup ce qui nous est rapporté de Job et de David. Ils acquiescent à la volonté de Dieu, mais leur soumission est passive; elle ne les force pas à agir. Il n'en est pas ainsi au chapitre 22 de la Genèse. Abraham doit non seulement accepter la volonté de Dieu, mais, encore, agir contre lui-même. Il faut, pour ainsi dire, qu'il se sacrifie lui-même, car sacrifier son fils n'était rien moins que cela. Dieu lui dit: «Prends ton fils, ton unique, et offre-le en holocauste». Le nom d'une personne nous rappelle tout ce qui la concerne et toutes nos relations avec elle. «Ton fils» — ce mot réveillait en Abraham les sentiments les plus tendres; et c'est ce fils qu'il doit sacrifier! Bien plus encore; ce nom lui rappelait les promesses de Dieu qui devaient être accomplies dans ce fils, car l'Eternel avait dit positivement: «En Isaac te sera appelée une semence».

Mais celui dont la volonté est soumise au Seigneur a deux choses qui lui suffisent: d'abord «Dieu y pourvoira», puis «je suis avec Dieu». Tout regard porté vers la chair, s'attendant à trouver en elle l'accomplissement des promesses, doit s'en détourner. Il faut que Dieu demeure seul comme source de la vie, des bénédictions et des promesses. Il est celui qui n'arrive jamais au bout de ses ressources, même quand font défaut les moyens désignés par lui pour l'accomplissement de ses promesses.

Dieu éprouve ainsi le coeur, afin que toute confiance en la chair soit détruite. Mais en même temps, sachant que le coeur a besoin d'être soutenu dans l'épreuve, il lui envoie une nouvelle révélation, qui l'encourage et lui permet de remporter la victoire. Ainsi, nous voyons par Hébreux 11: 19, qu'à l'occasion du sacrifice que l'Eternel exigea de lui, Abraham eut une révélation concernant la résurrection, si peu connue à ce moment-là. C'est ainsi que Dieu, dans sa grâce infinie, nous permet de gagner en lui ce que nous perdons dans la chair.

Loin de ceux qui l'avaient accompagné (c'est-à-dire seul avec Isaac et avec Dieu), Abraham reçut cette révélation et put offrir le bélier sur l'autel à la place de son fils, selon qu'il l'avait dit lui-même: «Dieu se pourvoira de l'agneau pour l'holocauste». C'est ainsi que, dans le secret de la communion avec Dieu, nous apprenons beaucoup de lui.

En Jésus, le véritable adorateur du Père, la volonté était toujours brisée. Nous savons que pour lui la coupe était remplie d'amertume, mais dans son désir d'accomplir la volonté de Dieu, il oublie, pour ainsi dire, cette amertume et s'écrie: «La coupe que le Père m'a donnée à boire, ne la boirai-je pas?»