Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 86  -  ME 1894 page 19. 2

Lettre de J.N.D. no 87  -  ME 1894 page 20. 2

Lettre de J.N.D. no 88  -  ME 1894 page 38. 2

Lettre de J.N.D. no 89  -  ME 1894 page 39. 3

Lettre de J.N.D. no 90  -  ME 1894 page 99. 4

Lettre de J.N.D. no 91  -  ME 1894 page 118. 4

Lettre de J.N.D. no 92  -  ME 1894 page 140. 5

Lettre de J.N.D. no 93  -  ME 1894 page 153. 6

Lettre de J.N.D. no 94  -  ME 1894 page 194. 8

Lettre de J.N.D. no 95  -  ME 1894 page 209. 10

Lettre de J.N.D. no 96  -  ME 1894 page 248. 12

Lettre de J.N.D. no 97  -  ME 1894 page 269. 13

Lettre de J.N.D. no 98  -  ME 1894 page 293. 17

Lettre de J.N.D. no 99  -  ME 1894 page 305. 18

Lettre de J.N.D. no 100  -  ME 1894 page 312. 22

Lettre de J.N.D. no 101  -  ME 1894 page 331. 23

Lettre de J.N.D. no 102  -  ME 1894 page 352. 24

Lettre de J.N.D. no 103  -  ME 1894 page 371. 26

Lettre de J.N.D. no 104  -  ME 1894 page 375. 28

Lettre de J.N.D. no 105  -  ME 1894 page 390. 29

Lettre de J.N.D. no 106  -  ME 1894 page 417. 31

Lettre de J.N.D. no 107  -  ME 1894 page 438. 33

Lettre de J.N.D. no 108  -  ME 1894 page 457. 34

Lettre de J.N.D. no 109  -  ME 1894 page 459. 35

 

Lettre de J.N.D. no 86  -  ME 1894 page 19

à Mr P.

Montpellier, juin 1856

Bien cher frère,

Je vous remercie bien sincèrement de tous les soins que vous avez pris de moi dans le Gard et la Lozère, et je suis très heureux d'avoir pu visiter ces chers frères de V. et de P. Que Dieu les bénisse et les fasse croître dans sa grâce. Saluez-les de ma part.

Que Dieu vous bénisse vous-même, cher frère, et vous fortifie dans la foi, faisant de Christ votre tout; c'est le secret de toute joie et de toute bénédiction.

En étudiant la Parole, et en travaillant à vous instruire, n'ambitionnez pas d'être autre chose qu'un ouvrier du Seigneur, «ouvrier qui n'a pas à avoir honte, exposant justement la parole de la vérité» (2 Timothée 2: 15). Dieu vous a béni et encouragé tel que vous êtes; tenez-vous toujours plus près de lui, afin que vous soyez, par sa grâce, un ouvrier abondant en travaux, et «utile au Maître».

Je suis encore indisposé, mais je n'ai pas cessé de travailler.

Paix vous soit, cher frère, que Dieu vous rende vigilant et vous garde. Priez aussi pour moi.

Lettre de J.N.D. no 87  -  ME 1894 page 20

à Mr P.

Clairac, 1857

… Il n'y a qu'une chose, cher P., pour laquelle nous ayons à vivre, et c'est la vie de Christ. C'est sa grâce qui nous permet de vivre pour lui. Gardez-vous dans la petitesse, si vous voulez être heureux et béni; l'on ne peut se tenir dans la petitesse qu'en se tenant en la présence de Dieu… C'est là le partage béni que Dieu nous a accordé; c'est là que nous apprenons à connaître Dieu et nous-mêmes et même le mal pour le juger. Gardez-vous, cher frère, de quoi que ce soit qui vous éloigne de la présence de Dieu: notre vie, notre joie, notre communion, notre portion éternelle, sont là; tenons-nous-y par la grâce. C'est ainsi que nous avons d'avance la conscience de notre bonheur éternel, et aussi que nous le réalisons d'avance…

Paix vous soit…

Lettre de J.N.D. no 88  -  ME 1894 page 38

à M. P.

Londres, 18 juin 1857

… Dieu, dans sa grâce, a fait prospérer mon voyage. J'ai visité Montpellier, Nîmes, Alais, etc.

En général, grâces au Seigneur, les frères sont en paix dans ces contrées, et il y a progrès; c'est un moment de paix et de bénédiction. C'est un sujet d'action de grâces: que Dieu nous accorde d'en profiter, et qu'il nous donne d'être dévoués de coeur au bien de son Eglise en général, et de ses assemblées en particulier.

Quant au reproche qu'on nous fait de prêcher l'Evangile dans des pays christianisés, au lieu de l'annoncer parmi les païens, je réponds qu'il s'agit de l'appel de Dieu. Ceux qu'il a appelés à prêcher l'Evangile aux païens ont une très belle part, mais d'autres ont été appelés à un autre service. Nous en avons cependant parmi nous qui se sont occupés d'eux, et non sans bénédiction. Toutefois, en général, les frères ont été appelés à travailler dans les pays christianisés et à y évangéliser. Je le répète, il s'agit de l'appel de Dieu, et que chacun agisse dans l'oeuvre à laquelle Dieu l'a appelé, comme Pierre au milieu des Juifs, et Paul parmi les gentils.

L'oeuvre au milieu des pays dits chrétiens, est je le crois au moins aussi difficile que celle qui s'accomplit parmi les païens, laquelle doit certainement intéresser tout vrai chrétien. Elle a réagi peut-être sur les pays appelés chrétiens, plus que sur les païens eux-mêmes…

Notre ami F., me mande-t-on de Genève, est bien malade. C'est un frère aimé et connu de tous, qui a été fidèle pendant de longues années…

Lettre de J.N.D. no 89  -  ME 1894 page 39

à M. P.

Hollande, août 1857

Bien-aimé frère,

Je suis ici sans savoir encore trop ce que cela donnera, ne possédant pas la langue du pays, ce qui m'ouvrirait naturellement bien des portes.

J'ai été à Londres et ai fait une tournée pour voir les frères en plusieurs endroits. Grâces à Dieu, ils vont bien, et sont unis et encouragés; et dans différentes localités, Dieu en a augmenté le nombre. J'ai beaucoup senti la présence du Seigneur avec moi dans ma tournée. Restez près de lui; cela nous tient dans l'humilité, et en même temps nous encourage puissamment.

Au sujet de 1 Pierre 3: 21, 22, la réponse est dans le texte même qui se garde soigneusement contre les interprétations que lui donnent les Luthériens et d'autres. C'est la réponse d'une bonne conscience par la résurrection de Jésus Christ qui nous sauve. La résurrection nous sauve. Le baptême est le signe extérieur de notre introduction à travers la mort qui nous purifie et par la résurrection de Jésus Christ. Il n'y a pas un mot de régénération dans ce passage, mais il parle d'être lavé, et d'avoir une bonne conscience par la résurrection d'une autre personne.

Ma tête souffre de la chaleur. Le temps a été extraordinaire; on n'en a pas eu de pareil depuis 40 ans.

Dieu soit béni de ce que la jeune C. a trouvé la paix.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 90  -  ME 1894 page 99

à Mr P.

Elberfeld, 1857

Bien cher frère,

… Dieu soit loué, car depuis notre dernière entrevue, il a été avec moi dans mon travail, soit en Angleterre, soit ailleurs. En Hollande, il m'a ouvert beaucoup de portes, et le chemin m'est frayé pour l'oeuvre en plus d'un endroit. J'y ai passé quelques jours bénis, avec la conscience que Dieu agissait et qu'il m'y avait conduit… Ma visite a, je l'espère, été utile, ne fût-ce que pour mettre un peu en relation les unes avec les autres, les âmes qui marchent fidèlement. J'ai parlé de l'amour du Seigneur, mais en rapport avec la position du chrétien qui le rend capable de l'attendre.

Quant aux titres des Psaumes, dont vous me parlez, ils se trouvent bien dans l'hébreu, et sont très anciens, mais on ne peut dire qu'ils soient inspirés. On ne sait trop quand ils ont été ajoutés. Les Rabbins ont pour principe que tous les Psaumes suivant un Psaume qui a un titre, appartiennent au même auteur, jusqu'à ce qu'on trouve un autre Psaume attribué, mais cette règle n'a pas d'autorité, non plus qu'une autre: que tous les Psaumes non attribués soient de David.

J'ai eu hier un très bon dimanche dans un endroit où Dieu m'avait béni, il y a deux ans, et où dès lors il y a eu une réunion. On y rompt le pain.

Ici même, quoique l'assemblée soit faible, il y a quelques frères pieux. Au reste, les frères vont bien, et je suis très heureux en général, et spécialement dans nos réunions de prières.

Lettre de J.N.D. no 91  -  ME 1894 page 118

à Mr P.

Londres, 1858

Bien aimé frère,

Je vous conseille beaucoup de patience. C'est évidemment un orage d'iniquité qui passera comme beaucoup d'autres; un effort de l'Ennemi, mais le Seigneur est plus fort que lui. Nous avons eu cet orage en Angleterre… en France vous n'en avez que la fin. Ceux qui se sont attendus à l'Eternel ne sont pas confus. Il n'a pas manqué à leur attente, et le résultat est que jamais nous n'avons eu autant de portes ouvertes, ni, par la grâce de Dieu, de liens plus étroits entre les frères…

Quant aux frères dont vous parlez, recevez les baptistes les plus stricts, s'ils viennent au milieu de vous. Vous seriez comme eux, si vous faisiez autrement. Il est de toute importance de garder la largeur de Christ. C'est à vous de le faire, de garder l'unité de l'Esprit par le lien de la paix. Oui, il est, selon moi, de toute importance, qu'on retienne fermement ce principe, et qu'on montre toute patience. Si un individu est convaincu de péché ou d'une doctrine qui touche à la personne du Sauveur, rejetez-le; mais il faut que cela soit démontré. Si même un frère s'était séparé d'une assemblée, par vraie difficulté de conscience, je le recevrais, seulement j'avertirais l'assemblée de laquelle il s'est séparé, sur quel principe on a fait cela. S'il y avait méchanceté et s'il s'agissait d'un faiseur de schisme, de ce que la Parole appelle un hérétique, je le rejetterais après l'avoir averti deux fois. Il est très important que la porte soit tenue ouverte pour les personnes qui pourraient être égarées ou troublées, ne sachant que faire, et qu'on ne fasse pas secte contre les baptistes; mais qu'on cherche l'unité de l'Esprit. Qu'eux veuillent être une secte, soit; mais pas nous. La Parole dit: «Rejette l'homme hérétique après un premier et un second avertissement».

L'hérétique est un homme qui établit une secte sur une opinion, non pas celui qui a une pensée erronée, mais celui qui cherche à faire secte par ce moyen. Si quelqu'un fait cela, nous avons un motif biblique pour l'exclure. Mais usez, cher frère, de toute patience… à la longue, Dieu est le plus fort; seulement il exerce notre foi. Lisez 1 Samuel 25: 31, et aussi Colossiens 1: 11. La force se montre dans la patience. Les signes d'un apôtre ont été «en toute patience». Dieu saura tout redresser, et brider, la volonté de ceux qui agissent d'après leur volonté. Il a la vue longue; il nous faut avoir cette foi de longue vue: c'est la patience.

Si quelqu'un causait des divisions, je me tiendrais à distance de lui, même s'il n'y avait pas des faits pour l'excommunier, mais soyez sûr que la patience, en remettant tout à Dieu avec des prières, des supplications, et des actions de grâces, parce qu'il s'en occupe, empêchera l'ennemi de profiter de la chair; puis, Dieu lui-même jugera le mal.

Paix vous soit; cordiales salutations aux frères.

Votre bien affectionné…

Lettre de J.N.D. no 92  -  ME 1894 page 140

à Mr P.

Bayonne, 26 juillet 1860

J'ai extrêmement joui du Psaume 16, comme me présentant la vie de Christ homme à travers ce monde. Je ne me souviens guère d'avoir trouvé plus de bénédiction dans la Parole, c'était comme une réalisation toute nouvelle de la vie de ce précieux Sauveur sur la terre et de ce qu'est la vie en lui et dans le chrétien; oui, une chose toute nouvelle sur la terre, tout en étant la vie d'un homme.

Paix vous soit, cher frère. Que le Seigneur nous tienne bien près de lui; c'est notre force et notre joie, la puissance de la vie de Dieu dans ce monde, comme il est dit dans ce Psaume 16: «Je me suis toujours proposé l'Eternel devant moi, et, puisqu'il est à ma droite, je ne serai point ébranlé». C'est là pour nous la grande affaire.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 93  -  ME 1894 page 153

à Mr P.

Angleterre, 1861

Bien-aimé frère,

J'ai été heureux de recevoir votre lettre. Il m'est très précieux d'avoir des nouvelles de nos chers amis de France, maintenant que je suis très occupé en Angleterre où l'oeuvre s'étend beaucoup; aussi ne faut-il pas vous étonner que je ne réponde pas toujours ou tout de suite, ou penser que ce soit faute de bonne volonté. De 5 heures du matin à 11 heures du soir, je suis incessamment occupé; seulement, je me demande quelquefois si j'ai bien fait d'entreprendre autant de travail de cabinet, mais il nourrit, je l'espère du moins, les travaux d'autres frères, plus jeunes et qui ont plus de courage, et je suis heureux de prendre la seconde place, car c'est ainsi que j'estime réellement mon travail actuel. L'après-midi, de 2 à 9 heures, je fais des visites et je tiens des réunions; mais, étant si absorbé par le travail, je suis d'autant plus content de recevoir des nouvelles des frères. Dieu m'a accordé cette grâce, et je l'en bénis; j'ai eu ces temps-ci des nouvelles du Midi, moins de la Suisse. Vous pouvez bien penser combien je rends grâces à Dieu de la bénédiction qui se réalise dans l'entourage de nos chers amis de P.; et, je n'en doute pas, dans leurs coeurs aussi. J'espérais toujours que votre cher frère pourrait être un jour utile. Puisse-t-il se tenir très près du Seigneur et lire beaucoup la Parole pour lui-même; je dis «pour lui-même», non pour son travail, car c'est la vraie manière de la lire. «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, dit le Seigneur, et de son ventre couleront des fleuves d'eau vive». On boit pour soi, on a soif pour soi; c'est ainsi que les fleuves coulent de nous pour les autres: — on vient à Jésus pour cela; ainsi tout ce qui est «moi», est jugé foncièrement dans le coeur, et la grâce agit, et cela au fur et à mesure. Sans doute, en se jugeant d'emblée, on marche de cette manière; mais ce jugement se renouvelle pour les détails. On ne peut bien travailler, si l'on n'est pas dans la communion du Seigneur. Il faut aussi pour cela l'amour des âmes, car, à la suite de l'intérêt qu'on leur porte, on connaît leurs besoins et de quelle manière la Parole s'y adapte. Ainsi le travail se fait avec sérieux, avec humilité, dans un esprit de service, avec le sentiment qu'on a à faire, non seulement avec des pensées, mais avec des âmes, ce qui est une différence essentielle. Nous avons à chercher dans notre travail, le sentiment que nous agissons envers les âmes, de la part de Dieu, dans un vrai esprit de service. C'est en cela que les visites sont profitables à notre ministère; nous pouvons nous y entretenir avec les âmes, soit publiquement, soit en allant de maison en maison, et nous voyons ainsi comment la Parole s'applique à leurs besoins, et ce qu'elles ne comprennent pas. Quelle que soit l'élévation d'une vérité, une âme ne reçoit rien que ce qui s'applique à son état actuel. Quand Jean-Baptiste a parlé de l'Agneau de Dieu, les disciples disent: «Nous avons trouvé le Messie». Quand le Seigneur a parlé d'une fontaine d'eau jaillissant en vie éternelle, la femme dit: «Voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Celui-ci n'est-il point le Christ?» Pour en revenir aux visites, l'amour de Christ y opère, et se fait aussi sentir à nous; pour ma part, je trouve qu'elles me font toujours du bien. Je ne crois pas qu'un homme exerce un ministère utile et béni, sans visiter les âmes. Il peut faire de très beaux discours remplis de vérités, mais le lien avec les âmes lui manquera. Dieu, sans doute, peut suppléer à tout ce qui manque, mais on ne peut s'attendre à une bénédiction sentie dans un tel ministère. Il faut que les jeunes médecins visitent les hôpitaux, assistent à la clinique, pour être de vrais médecins. Au reste, cela nous fait du bien à nous-mêmes, cela exerce et nourrit la charité, et Dieu y prend plaisir. Je bénis Dieu quand je le vois susciter des ouvriers. Il nous en a donné un certain nombre, plus d'évangélistes, bénis dans leur ministère, que de pasteurs. Toutefois il y a quelques-uns de ces derniers.

Vous aurez vu, par ma lettre à F., qu'Il y a une bénédiction réelle dans ce pays-ci. Il y avait au début quelque excitation, mais qui s'est beaucoup calmée. Deux ouvriers sont réellement bénis, quoiqu'ils comptent trop précipitamment les conversions. L'un d'entre eux, converti dans le réveil, l'année passée, et qui en a les allures, mais réellement dévoué, croit avoir eu depuis un mois 120 conversions; je ne le pense pas, mais je crois qu'il y en a. En tout cas, les dégradés, les malheureux, les catholiques romains, l'écoutent avec attention. Il n'a pas plus de 18 ans. Le cas est exceptionnel; mais voilà le genre: il tonne et parle cependant avec un vrai amour pour les âmes, seulement je suis convaincu que l'excitation de la chair accompagne son ministère. Je lui écris pour l'en avertir, tout en prenant garde — moi qui suis si froid — de ne pas le décourager ou le refroidir.

Dans quel labyrinthe, humainement parlant, ou plutôt au milieu de quel mélange on se trouve ici-bas. Quelle consolation de savoir que Dieu voit tout comme au travers d'un verre transparent, et que sa grâce parfaite s'occupe de tout; mais quel motif aussi pour être humble et pour s'anéantir. Je puis dire, grâce à Dieu, que j'ai une entière confiance en lui et que je jouis beaucoup du sentiment de sa parfaite grâce et de sa fidélité, — de la conscience, tout faible que je suis, qu'il est avec moi. Quelle grâce que celle-là! Mais j'aimerais être plus directement et plus constamment occupé des âmes. Je continue à prêcher, et il y a beaucoup d'assistants.

J'ai de bonnes nouvelles de Montbéliard; à B., il y a un certain nombre de conversions et beaucoup d'opprobre. On a cherché à y établir une réunion morave; au moins une dizaine d'entre eux se sont joints aux frères; les réunions du voisinage sont bénies et se recrutent…

La Parole vous est-elle toujours très précieuse, et en éprouvez-vous la puissance quand vous la lisez? Je vois, plus distinctement que jamais, la puissance pratique de l'Esprit dans la vie chrétienne, et, dans la Parole, la distinction nette entre la vie du dernier Adam et celle du premier. — Ce n'est pas une chose nouvelle, mais elle est plus distincte et plus profonde dans mon coeur, comme aussi la nouvelle position dans laquelle le chrétien se trouve, sans mettre de côté la responsabilité des hommes et l'action de l'Esprit vis-à-vis de cette responsabilité. — Quel tableau nous trouvons au chapitre 7 des Actes quant à la manifestation extérieure de ces choses: d'un côté, l'homme qui résiste au Saint Esprit; de l'autre, l'homme qui en est rempli…

Saluez avec affection les frères.

Lettre de J.N.D. no 94  -  ME 1894 page 194

à Mr P.

Denne Park, Horsham (Angleterre), 1861

Bien cher frère,

Je suis au milieu d'une conférence, et je rentre en cet instant d'une réunion d'évangélisation dans la grande salle d'assemblée de la ville, où nous avons eu au moins 500 personnes. Les autres frères sont allés prêcher dans les villages et sur la place publique de la ville: profonde attention partout. Je bénis Dieu de ce qu'il me fournit ces occasions d'évangéliser, qui font mon bonheur. Car je suis tellement occupé de l'enseignement — soit par des écrits, soit dans ces conférences pour les jeunes frères qui se vouent à l'œuvre — que je soupire après une vie dévouée à l'évangélisation, bien qu'à Londres j'aie des réunions tous les soirs, et que je visite beaucoup. Au reste, notre conférence a été extrêmement heureuse; la dernière a eu lieu dans une grande ville manufacturière, chez un excellent frère de position modeste; la conférence actuelle, chez un frère de grande fortune, avec un superbe domaine, des jardins, parcs aux daims, etc., mais bien simple et bien dévoué: il nous entretient tous chez lui, sauf quelques-uns qu'il a dû loger ailleurs. Le pays est dans les ténèbres, mais la nouveauté nous a donné beaucoup d'auditeurs. Dieu veuille que des âmes aient été atteintes.

Bien que vous ayez écrit aux frères de C., je m'empresse d'ajouter mon témoignage au vôtre, car je crois que l'union que l'Eglise libre leur propose serait une démarche fatale à l'oeuvre du Seigneur. Ce ne serait pas seulement pour eux cesser au fond d'être libres, reconnaître une organisation humaine et le clergé; mais il ne faut pas oublier que l'Esprit de Dieu n'est nullement reconnu comme formant l'unité du corps de Christ. Si, comme ils le disent, ils acceptent les principes fondamentaux des frères, pourquoi ne sont-ils pas avec nous? S'ils n'acceptent pas ces principes, moi je ne puis pas les renier. Le système tout entier de l'Eglise libre est en contradiction complète avec l'enseignement de la Parole quant à l'Eglise, et il est le reniement de cette présence de l'Esprit qui fait pour moi la seule force de ma marche, comme le Seigneur, le Christ, est le centre de l'Assemblée. Sans que ces amis s'en aperçoivent, cela change même le caractère de la prédication. Si l'Eglise n'est pas reconnue, le Saint Esprit n'est pas reconnu, et toute la marche s'en ressent. Ce serait un jour désastreux pour les frères que celui où ils se joindraient à l'Eglise libre. La liberté du ministère dont on leur parle n'est qu'un leurre. Le gibier entre librement dans le piège, mais une fois là, adieu la liberté! De plus, ayant été infidèle au Seigneur, on n'a plus de force. Quand deux corps se réunissent, celui qui a le plus de lumières et d'avantages spirituels de la part de Dieu, descend toujours au niveau de celui qui est le plus bas, car le premier doit abandonner sa position pour se joindre à l'autre. On ne peut monter individuellement si l'on n'a pas la foi, et cela ne se fait pas non plus comme corps, tandis qu'on peut très bien descendre de sa position, et devenir infidèle. — C'en est fait des frères, s'ils suivent cette marche, mais j'espère que Dieu gardera ces chers amis. En tout cas, ceux qui resteront dehors auront certainement la bénédiction. Il est de mode aujourd'hui de chercher l'union sans principes et sans conscience. Mr D. a très bien dit au clergé qui se séparait lors de la formation de l'Eglise libre dans le canton de Vaud: Messieurs, la conscience ne fait jamais agir en masse. — On trouble les frères à Pau et à Orthez par ces moyens; mais de ces côtés-là en proposant des réunions générales. Il va sans dire que ceux qui n'ont pas voulu la lumière sont charmés de se trouver au même niveau que tout le monde, sans être obligés de reconnaître la vérité, car, soit-on fidèle ou infidèle, cela va tout de même. On en profite pour détruire le témoignage qu'on n'aime pas voir à côté de son infidélité.

Le mouvement en Angleterre, qui est merveilleux, nous a amené certaines difficultés; mais sauf quelques moments d'excitation par-ci, par-là, on est resté ferme, tout en prêchant et en travaillant. Grâces à Dieu, il y a des auditeurs partout, et je ne puis pas dire que les frères aient manqué à l'impulsion donnée par l'Esprit: nous avons de nouveaux ouvriers, et les anciens sont plus actifs; un grand nombre de nouvelles réunions, et les anciennes, en général, beaucoup plus nombreuses. C'est là ce qui m'occupe, tout en me faisant languir après mon ancien travail d'évangélisation; mais tous ces éléments nouveaux ont besoin d'être soignés. Mais Dieu est bon et je puis dire: Que je doive puiser de l'eau et porter du bois pour les frères, c'est un honneur; d'autres seront à la bataille, car Dieu nous place chacun où il veut. Peut-être voit-il que ma lâcheté à l'oeuvre mérite que je sois occupé aux bagages? Quoi qu'il en soit, je suis heureux de le servir.

Tous les jours, il devient plus évident que le témoignage des frères est la vérité; beaucoup acceptent en partie cette vérité pour en jouir, mais non pas le témoignage. Ceux-là ne sont pas heureux; mais le témoignage agit largement sur les consciences. Que Dieu nous garde de l'ensevelir dans les fondrières religieuses; soyons larges de coeur, à la bonne heure; mais fidèles dans la marche comme des enfants d'obéissance. «Par ceci nous savons que nous aimons les enfants de Dieu, — si nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements», — verset important dans ces jours-ci, où l'on parle beaucoup de l'amour. Désobéir, ou accompagner les enfants de Dieu dans la désobéissance, n'est jamais l'amour.

Que Dieu garde ses enfants à C., de cette fausse démarche; ce serait un pur manque de foi.

Paix vous soit, cher frère. A la hâte.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 95  -  ME 1894 page 209

à Mr P.

Dublin, 1861

Bien-aimé frère,

… J'en viens à vos questions:

1°  Je crois qu'il est très fâcheux qu'un frère fasse part de ses pensées, en public, sur des questions ou des choses où il ne connaît pas la pensée de l'assemblée. Au reste, en général, à moins que cela ne soit nécessaire pour avertir, les questions ne devraient pas être amenées devant le public.

2°  Ensuite, la question de réception est souvent mal posée. Nous ne sommes pas un corps volontairement associé, mais, dans la mesure où nous pouvons l'être, un rassemblement des membres du corps de Christ, un rassemblement des siens, opéré par le Saint Esprit. Nous ne recevons pas des personnes au milieu de nous pour prendre la cène avec nous; Christ a dû les recevoir, nous les reconnaissons, étant responsables de garder la sainteté de la table du Seigneur et la vérité de Dieu. Les reconnaître, c'est une affaire de confiance, et qui dépend du témoignage que nous avons de leur vie. Il ne s'agit plus de délibération pour les recevoir, une fois que leur christianisme est constaté, sans en excepter la sainteté et la vérité; car l'Esprit qui conduit les enfants de Dieu est l'Esprit de vérité et l'Esprit Saint. Ils ont droit, dans ce cas, à la table. Reste encore la discipline. En des cas douteux, il est très à désirer que la conscience de toute l'assemblée soit au clair et ainsi au large; mais si l'homme est chrétien, connu comme tel, ou assez connu de quelque personne grave, pour que le témoignage de celle-ci soit une garantie du christianisme de celui qui désire prendre la cène, à mon avis il ne faut pas autre chose. Seulement, il est bon de le nommer devant l'assemblée, et en tout cas de le mentionner à quelques membres graves de la réunion, si l'on n'a pas de temps pour en parler davantage. C'est donc une affaire de témoignage suffisant, car il s'agit de maintenir un esprit de confiance entre tous. Si celui qui présente une âme nouvelle est un chrétien jeune ou léger, il vaudrait mieux que son témoignage fût appuyé par quelques chrétiens qui eussent plus de discernement. On devrait se réjouir de voir arriver de nouvelles âmes, mais on devrait veiller en même temps à ce que la vérité et la sainteté fussent sauvegardées.

3°  Il me semble que, si quelqu'un qui ne rompt pas le pain parle dans l'assemblée où l'on rompt le pain, c'est un très grave désordre. Un homme qui se sépare à tort de l'assemblée de Dieu, n'est pas dans le cas de l'instruire quand elle est réunie. Cela ne m'empêche pas, personnellement, de l'entendre, quand il exerce son don individuellement en dehors de la réunion. Je reconnais ainsi son don comme membre du corps, mais lui renie cette position si, quand le corps est réuni, dans la mesure où cela peut se réaliser, il ne veut pas y prendre place.

Je ne trouve aucune difficulté en 1 Timothée 4: 13. Premièrement, ce passage n'affaiblit pas une foule de déclarations, voire même de préceptes, relatifs à l'exercice des dons, qui font de cet exercice un devoir pour celui qui possède le don. Ensuite, Timothée n'était nullement un ministre local, ce qu'on appelle un ministre établi; il accompagnait l'apôtre, ou le remplaçait en des services exigeant quelqu'un qui fût pénétré de l'esprit de l'apôtre, et pleinement informé de ses voies. La prophétie, paraît-il, avait désigné Timothée (1 Timothée 1: 18) Paul lui avait imposé les mains (2 Timothée 1: 6) ensuite, le corps des anciens lui avait imposé les siennes, pour le recommander à la grâce de Dieu; l'apôtre lui rappelle, comme motif, toutes ces choses, la prophétie par laquelle Dieu l'avait désigné, et la sanction des anciens qui, en ayant eu connaissance, l'ont ainsi recommandé à Dieu. Ainsi Paul lui-même avait été désigné par la prophétie, et ceux qui étaient les prophètes à Antioche lui avaient imposé les mains, afin de le recommander à la grâce de Dieu pour l'oeuvre à laquelle il avait été appelé: telle est l'expression de la parole. Mais Timothée n'a jamais été un ministre établi sur un troupeau. Je crois pour ma part qu'il peut y avoir (et il y en a) des personnes consacrées à l'oeuvre et qui exercent leur ministère régulièrement en s'appliquant constamment à l'oeuvre. Si quelqu'un était désigné par la prophétie pour cette tâche, je ne ferais aucune objection à l'imposition des mains des anciens, s'il y en a. Il est probable, si l'Esprit agissait de la sorte, que les anciens ne tarderaient pas à se retrouver. Je ne ferais même aucune difficulté à ce que, dans la pratique, les frères anciens le fissent — abstraction faite du clergé et de l'établissement des ministres qui est l'oeuvre de l'ennemi. Je ne vois rien qui empêcherait de recommander un ouvrier à la grâce de Dieu, en lui imposant les mains en vue d'une oeuvre particulière à laquelle il serait appelé. Cela pourrait se répéter chaque fois qu'il devrait entreprendre une oeuvre nouvelle; mais on en a fait une consécration pour arrêter la libre action du Saint Esprit. Dès lors, c'est une abomination et de la rébellion contre Dieu.

Je ne suis nullement d'accord avec le Messager au sujet de 2 Corinthiens 5: 3, mais c'est une affaire d'interprétation, de sorte que cela ne me trouble pas. D'après ce que vous dites, l'auteur n'a pas compris le passage; voilà tout. La force du passage est pour moi très claire. Le mot e¹ge met en relief une condition, et le mot ca± y ajoute de la force: nous jouirons de ce dont nous avons parlé — pourvu que, bien entendu, nous supposions que, dans ce cas même où nous sommes revêtus [du corps], nous ne soyons pas trouvés nus [à l'égard de Christ], car dans ce dernier cas, ce serait tout autre chose que la gloire.

Dans ce pays, l'oeuvre du Seigneur se poursuit d'une manière remarquable. A Dublin, le nombre des frères a beaucoup augmenté; il y a un certain nombre d'aimables jeunes hommes, vivants et heureux; quelques-uns louent des chambres pour prêcher dans les mauvais quartiers de la ville (il y a 300,000 habitants), et il y a des conversions continuelles. Avant-hier soir, cinq auditeurs, sur une vingtaine, ont reçu la paix. Je tiens des réunions, souvent deux fois par jour; une quantité de personnes, des messieurs et des dames aussi, sont profondément attentifs; des gens nobles et riches se convertissent à la campagne, et quittent souvent le nationalisme. Il y a un mouvement remarquable de l'Esprit de Dieu. Cela se fait en dehors des frères; mais partout les principes sur lesquels les frères ont insisté se reproduisent, et pour les grandes réunions où des âmes se convertissent, tout a été organisé sous sa forme actuelle par des frères, au moins par des personnes imbues de leurs principes, un peu trop relâchées pour être admises parmi nous, mais qui suivent en quelque mesure les mêmes principes tout en allant partout. Les livres des frères aussi sont lus. On s'aperçoit bien qu'il y a moins de ce qui est sûr et solide; mais l'énergie de la vérité pénètre néanmoins et se fait jour.

Que Dieu nous garde près de lui, cher frère, heureux que Christ soit prêché partout, et fermes dans les principes et dans la marche que Christ enseigne, — la parole de la patience. Il faut savoir être petit, et il en vaut la peine; mais lui est toujours grand.

Saluez D. et tous les frères.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 96  -  ME 1894 page 248

à Mr P.

Elberfeld, octobre 1861

Bien cher frère,

Mon âme se réjouit de la bénédiction que Dieu vous accorde, pour vous, pour ces âmes, et à cause de l'amour du cher Sauveur qui s'y déploie.

J'éprouve comparativement peu de mal, je le crois, cher frère, des louanges que je reçois de temps en temps (bien que le coeur soit toujours rusé), parce que j'ai une conscience profonde du fait qu'il n'existe pas de bien en moi; puis j'y vois tant de mal, tant de choses qui empêchent le libre cours de la puissance de Dieu par mon moyen; enfin je suis, au fond du coeur, content de n'être rien; et si heureux que Christ soit tout! Cela ne m'empêche pas de voir dans ces louanges l'affection des frères. Oui, certes, je désire n'être rien, et que Christ soit tout; au reste, c'est le vrai bonheur, c'est la seule chose juste — ce qui est «moi» est péché, et exclut Dieu. Notre bonheur, c'est de ne penser qu'à Christ, d'oublier les choses qui sont derrière nous, et d'avancer vers le prix de l'appel céleste.

J'ai beaucoup senti la présence du Seigneur avec moi dans les réunions, ces temps-ci, et j'ai vu que, lorsque le salut est prêché, il y a toujours des coeurs attentifs et sérieux, pour entendre. Aussi les réunions ont-elles été nombreuses.

Depuis que je vous ai vu, j'ai parcouru le midi de la France; la Suisse française, sauf la Vallée de Joux et le Pays d'En-haut; la Suisse allemande; Guebwiller; quelques visites en passant à Amiens, etc., enfin le nord de l'Angleterre pendant trois semaines, après une conférence où j'avais trouvé les portes ouvertes et un travail très intéressant, puis quelques autres endroits. En ce moment, je suis à Elberfeld pour une conférence des frères ouvriers, et pour une nouvelle édition du Nouveau Testament allemand.

Le nombre des frères en Angleterre a beaucoup augmenté et augmente encore, mais je crains, avec un bon nombre de frères expérimentés, que quelquefois l'oeuvre ne soit pas profonde. Toutefois la bénédiction a été très réelle et très grande, et le retour au monde de quelques-uns, en certains endroits où il y avait eu peut-être quelque excitation à côté de conversions réelles, rend les frères qui ont pris part à cette oeuvre assez sérieux, et j'ai trouvé chez eux un bon esprit qui m'a bien réjoui…

Ce qui importe, cher frère, est de nous tenir près de Dieu. — Nous ne sommes rien, et tout ce que nous sommes à nos propres yeux, n'est que vanité et un obstacle à la vraie puissance: «Quand je suis faible», dit l'apôtre, «c'est alors que je suis fort». Aussi est-il important de ne pas se laisser exciter par la bénédiction même; cette dernière peut nous encourager, et cela va bien quand elle nous humilie et nous pousse à vivre davantage avec Dieu, afin d'avoir sa direction et que nos coeurs soient tranquilles et exercés devant Dieu. C'est une chose solennelle pour le coeur sérieux, lorsque nous sentons devant Dieu qu'une âme a passé de la mort à la vie. Quelle oeuvre merveilleuse et l'on comprend bien que, si elle est vraie, elle est l'oeuvre de Dieu. Cela réjouit le coeur, mais la joie devant Dieu est une joie sérieuse et solennelle. Gardez-vous soigneusement, cher frère, de toute excitation, et quand même elle semble ranimer l'assemblée, restez tranquille, tout en vous réjouissant avec elle. Prenez garde aussi de ne pas rendre la conversion de ces nouvelles âmes trop importante à leurs propres yeux. C'est un grand danger pour les jeunes âmes d'être mises en scène comme quelque chose de merveilleux. Laissez-les dans l'ombre, tout en leur donnant des soins diligents. Rien n'est plus funeste pour les âmes et pour l'oeuvre, que de mettre celles-ci trop en avant. Quant à vous-même aussi, cherchez un esprit tranquille. Cherchez la sainteté tout premièrement, afin que vous soyez en pleine liberté et en pleine communion avec Dieu…

J'écris au milieu de toutes sortes de distractions et dans un intervalle de notre conférence. Je serai très heureux de recevoir encore des nouvelles de l'oeuvre et des frères. J'ai été poussé plus que jamais dans l'oeuvre quant à mon coeur; toutefois je crois que ce dernier tend toujours davantage à soupirer après le ciel.

Saluez bien D. ainsi que tous les frères. Je me réjouis fort de la bénédiction à X; qui est-ce qui y travaille?

Paix vous soit, bien-aimé frère!

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 97  -  ME 1894 page 269

à Mr P.

Elberfeld, octobre 1861

Bien-aimé frère

Je ne savais pas ne pas avoir répondu à votre question au sujet de la Parole; je commencerai par là.

Depuis quelque temps, l'épître aux Philippiens a fait sur moi une profonde impression. J'y vois un chrétien avec les mêmes passions que nous, ayant même une écharde dans la chair afin qu'il ne s'élevât pas, j'y vois ce chrétien supérieur à toutes les circonstances et à toutes les influences qui l'entourent. La chair et le péché ne sont pas même nommés dans l'épître, sauf pour dire que l'apôtre n'a aucune confiance dans la chair. Sa vive attente et son espérance, c'est que maintenant comme toujours, Christ sera magnifié dans son corps, soit par la vie, soit par la mort: il peut tout; — tout lui tourne à salut; il sait ce que c'est que de se réjouir de tout, de ne s'inquiéter de rien. Voilà l'expérience normale du chrétien. La puissance de l'Esprit le met au-dessus de tout, non que la chair ne soit pas là, mais elle est mâtée. Or voici le secret de cette force: un ensevelissement absolu du vieil homme. Par la révélation de Jésus Christ, Paul, ou plutôt Saul, est mort, et en a la conscience: en trois jours, tout est terminé. Dès lors, à travers tout, pour lui, vivre c'est Christ. Nous nous tenons pour morts, et nous avons raison; mais Paul l'avait réalisé; il portait toujours dans son corps la mort du Seigneur Jésus. Dieu le livrait à la mort à cet effet, de sorte qu'il mourait tous les jours. Voilà la réalisation de cet état, l'énergie qui est tellement remplie de Christ qu'elle veut la mort, l'absence de toutes choses, pour ne connaître que Christ. On peut être exercé dans cet état, mais on y peut tout, car si Paul disait cela à la fin, c'est qu'il en avait fait l'expérience tout le long du chemin.

Je trouve l'épître aux Philippiens humiliante et encourageante en même temps, humiliante, si nous nous comparons avec l'apôtre, encourageante, si nous nous souvenons que la force pour réaliser ces choses est en Christ pour nous.

Notre jouissance de la Parole dépend entièrement, premièrement de notre spiritualité en général, puis de l'action de l'Esprit de Dieu en nous. Naturellement le degré de cette jouissance répond à la spiritualité, puis elle varie selon l'action du Saint Esprit. Ainsi, quand nous ne sommes pas spirituels, le caractère de notre jouissance est faible, pâle, superficiel. Puis, si en détail nous avons contristé le Saint Esprit, il peut donner de la force à la Parole dans notre conscience pour nous reprendre, mais nous n'en jouirons pas. La négligence rend cette jouissance impossible, parce que nous sommes dépendants de l'Esprit et de la lumière qu'il jette dans le coeur, et cette lumière nous ne l'avons que dans la dépendance. Si nous ne sentons pas cette dépendance, l'Esprit de Dieu nous la fait sentir; et c'est alors que nous trouvons notre esprit stérile, dans la lecture de la Parole. Pour ma part, j'en ai fait l'expérience, dans un temps de lectures où mon esprit était tout à fait sec. Je cherchais, dans ce cas-là, à me juger et à savoir pourquoi je ne jouissais pas. D'un autre côté, je n'ai jamais lu la Parole, en priant Dieu de me donner quelque chose dans sa bonté, que je n'aie reçu au moins quelque chose. Je crois que le grand moyen de profiter de la Parole est de veiller beaucoup sur son âme devant Dieu; ensuite de prier toujours quand on lit, et de demander que notre Dieu nous donne de la nourriture, et qu'il daigne mettre notre âme en communion avec lui, par le moyen de cette Parole que nous lisons. C'est la communion avec lui qui est la source, comme elle est l'heureux effet de notre lecture; mais de plus elle élargit l'intelligence quant à Dieu lui-même et quant à ses voies en Christ, et cela est d'un grand prix pour l'âme. Si vous trouvez que vous ne jouissez pas, ou du moins que, malgré vos prières, Dieu ne se révèle pas à vous dans la lecture (car c'est là le point capital), ne vous contentez pas de rester ainsi; Dieu vous parle par son silence. Il doit y avoir quelque chose entre votre âme et lui, soit mauvaise pensée admise, soit dureté, soit négligence. Je ne crois pas que, ni son amour, ni sa bonté même nous fassent défaut. Cherchez sa face, et voyez en quoi vous n'êtes pas à la hauteur de l'apôtre dans l'épître aux Philippiens. La grâce suffit pour un petit comme pour un grand cadre de service; il reste, que nous ne sommes pas morts dans le sens pratique, comme Paul l'a été. Si nous ne sommes pas morts d'emblée, comme il l'a été, cela exige, à la vérité, plus de soins journaliers pour que nous le soyons; mais notre Seigneur est fidèle, et son oreille est toujours ouverte.

Je bénis Dieu de ce que les choses vont mieux à S. — D. est un frère bon et fidèle qui a beaucoup de coeur et de dévouement; il se peut qu'il ne soit pas propre pour continuer cette oeuvre; il se laisse peut-être trop facilement exciter, mais il y a peu de frères qui aient montré plus de renoncement et d'abnégation d'eux-mêmes que lui. Je pense, Dieu aidant, lui écrire ces jours-ci.

Je suppose que les frères de C. ont craint l'accusation d'étroitesse, s'ils n'acceptaient les réunions de prières proposées. Mon expérience et l'expérience d'autres frères, c'est que la chose ne peut réussir. Comme principe, il y manque l'élément essentiel: «Si deux d'entre vous sont d'accord sur la terre pour demander quelque chose, cette chose sera faite pour eux»; mais ici, ce n'est pas le cas; et cela fait tout manquer. Comme principe, je suis heureux de prier avec tout chrétien sincère. Mais est-on d'accord sur ce qu'on va demander? Je ne parle pas de nuances d'expression; on devrait les supporter, mais le point de départ est différent. Les frères, les plus larges qui s'occupent du mouvement qui se produit en Angleterre, et qui ont essayé de ces réunions, n'ont pu les supporter, ou en ont reçu beaucoup de mal, car elles ont pour effet qu'on devient mécontent de l'assemblée, ou qu'on recule dans son âme. Je ne dis pas que Dieu ne puisse bénir en rien, et si des chrétiens se réunissent afin de prier Dieu pour leurs propres âmes, on peut bien s'attendre, à ce qu'ils soient exaucés; mais dans ces réunions modernes, on prétend s'occuper du progrès du christianisme dans le monde, et là les divergences sont trop grandes pour qu'on puisse réellement prier ensemble. On veut que le christianisme chemine de pair avec le monde, qu'il y ait une grande action sur les masses, qui envahisse le monde. Que Dieu le veuille! mais cette publicité, cette prétention, me détournent, je l'avoue. Il faut de l'excitation; on ne s'attend pas assez à Dieu; on publie la chose, on en publie les effets: tout cela a trop d'apparence. Je ne parle pas de manque de sincérité, mais ou se produit trop en public, je ne vois pas la prière considérée ainsi dans la Parole. Je ne pourrais défendre à personne d'y aller; c'est une affaire de sagesse, non de discipline, mais je suis sûr que les chrétiens spirituels ou qui ont des principes clairs, y perdraient ou quitteraient les réunions. Je crois qu'on a fait l'expérience à Orthez, que cela ne pouvait aller.

J'agirais à l'égard des assemblées tout à fait dans un esprit de grâce et de paix, mais je maintiendrais ma conviction, et je suis convaincu qu'à la longue, cette conviction sera justifiée.

En Angleterre, l'oeuvre s'étend beaucoup, les réunions sont nombreuses et se multiplient. Les conversions sont aussi très nombreuses. Je crois qu'en somme, au milieu d'un mouvement où il y a de l'excitation et du danger que cette excitation se communique peut-être à quelques frères, les principes des frères leur sont devenus plus chers et que Dieu les dissémine. Le baptême avait pris un certain développement; un des frères les plus actifs étant ardent baptiste (autrefois baptiste strict), mais il y a eu réaction lorsque le sujet a été examiné; alors plusieurs ont baptisé leurs enfants, et il règne un bon esprit sur ce sujet. L'extension de l'oeuvre me retient en Angleterre. Je ne suis ici que pour très peu de temps, leur ayant fait faux bond à mon dernier passage pour ne pas manquer une conférence en Angleterre. Il y a une masse d'âmes nouvelles, et j'ai senti que le Seigneur était avec moi, soit en Irlande, soit en Angleterre. Je cours un peu moins et je reste autant que possible quelques semaines dans le même lieu. Cela contribue, par la grande bonté de Dieu, à affermir les âmes dans la grâce.

La dernière fois que j'ai visité la France, je ne pensais pas la revoir du tout, car je me remettais lentement de la maladie que j'ai faite en Suisse. Dieu a voulu que ma santé se raffermisse; je suis mieux que je n'étais il y a deux ou trois ans, mais je vieillis; à 61 ans, à peu de jours près, on ne peut être aussi élastique qu'un jeune homme; je supporte moins bien le mauvais coucher, la mauvaise nourriture, les intempéries, mais je suis toujours plus heureux au milieu des pauvres. Les travaux de cabinet partagent mon temps, mais je les néglige davantage. Dieu sait s'il m'accordera de voir les chers amis de France avec la même activité dans l'oeuvre que par le passé. Cependant je travaille toujours. J'ai eu hier de bonnes réunions après quatre heures de voiture, et plus de deux heures à pied, de sorte que je ne puis pas me plaindre, et quand le Seigneur nous soutient, nous pouvons tout. Au reste, je ne veux que Christ, je ne désire vivre que pour lui, puis m'en aller auprès de lui. Je sais toujours davantage que je suis chez moi dans le ciel. C'est un bonheur calme, mais profond; c'est moins une aspiration vers le ciel que la conscience d'appartenir au ciel. C'est bien l'amour de Dieu, tout petit que l'on soit. Comprenez-vous le commencement de Jean 14? J'ai beaucoup joui dernièrement de Jean 1: Christ, centre autour duquel se rassemblent les hommes, donc il est Dieu — le monde condamné et un nouveau rassemblement autour de Dieu, révélé en Christ. — Puis comme homme il trace un chemin: «Suis moi!» Dans le paradis, il n'était pas besoin d'un chemin. Pour les rebelles, il n'y en a pas dans le lieu où ils se trouvent. Mais Dieu, la vie divine dans l'homme, trace un chemin à travers le désert. — De plus, comme Fils de l'homme, il est l'objet du ciel. Le ciel s'ouvre sur lui; les puissances du ciel le servent. Pour nous, le ciel est aussi ouvert, mais lui était l'objet du ciel. Bien-aimés comme lui, nous l'avons, lui, pour objet dans le ciel.

Saluez tous les frères. Paix vous soit.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 98  -  ME 1894 page 293

à Mr P.

Londres, janvier 1862

Bien cher frère,

Vous me pardonnerez, j'en suis certain, si je vous dis qu'il y a quelque manque de patience dans votre lettre. Non que j'approuve C. assurément, mais je dis que vous avez été vexé. Quant à sa banqueroute, je le crois sincère; il y a longtemps qu'il est dans les difficultés, en partie parce qu'il n'a pas marché avec le monde religieux, et en partie à cause de l'état de mort spirituelle de Bordeaux. Il a cherché à s'occuper d'autre chose que de l'oeuvre, mais je pense que, s'il était resté avec ce monde-là, on aurait fait quelque chose pour lui. F., de Pau, frère sage et paisible, qui a passé une quinzaine de jours chez C., représente sa vie comme étant en tout point des plus édifiantes, et dit que les Espagnols qui ont été convertis par son moyen, honorent l'évangile à Bordeaux d'une manière remarquable.

C., je le crois, est venu au milieu des frères après avoir renoncé à son salaire par principe de conscience. D'après ce que vous me dites, il paraît qu'il est tout à fait soumis à la Parole; s'il n'a pas une lumière bien claire, il n'y a rien là qui puisse étonner, sorti qu'il est du sein du papisme, Apollos annonçait la doctrine de Jean Baptiste, Aquilas et Prisca l'ont mieux enseigné; et c'est ce que nous avons à faire aussi dans ces cas.

Il ne faut pas oublier une chose, c'est qu'on peut être très sincère et très dévoué, et manquer de lumière. La grâce ne pense pas tant à ce qui nous convient dans les circonstances où nous nous trouvons, qu'au bien de l'âme avec laquelle nous avons affaire. Il faut pour cela que nous nous tenions près du Seigneur. Jamais (je ne le trouve, hélas, que trop pour moi-même), si l'on ne marche pas dans la communion du Seigneur, on ne sait, au moment voulu, ce qu'il faut faire et dire; la chose ne se suggère pas alors, tandis que, si nous sommes remplis du Saint Esprit, il devient au moment donné la source d'actes et de paroles selon Dieu.

Quant à M. Wigram, il s'affaiblit, mais il est relativement bien; il est dans ce moment à Exeter, où le Seigneur a ajouté 60 à 70 âmes au troupeau pendant l'année qui vient de s'écouler, et ces âmes ont besoin d'être affermies, et liées avec les frères anciens dont il y a environ 130. Nous y avons été dernièrement pour une conférence. J'ai reçu aujourd'hui une lettre de ce frère, il s'agit d'une oeuvre assez remarquable. Un ancien ministre national a été l'instrument d'un réveil où près de mille personnes, dit-on, ont été converties. Il y a eu des exagérations qui sont devenues un sujet de scandale pour le monde: des séparations de femmes d'avec leurs maris; pas de péchés, mais un mysticisme dangereux. Cet homme reconnaît ces exagérations, et cherche l'appui des frères, car maintenant qu'il avoue avoir eu tort, cela affaiblit son influence sur les nouveaux convertis. Les frères du voisinage ont naturellement quelque crainte; il s'agit de penser en même temps à lui et à la sûreté des âmes. Je suis un peu inquiet de son état, mais je ne le juge pas. Il est venu comme auditeur, à notre conférence d'Exeter, amené par un frère, mais je ne suis pas satisfait…

Tenons-nous près du Seigneur, oui, tenons-nous près de lui; c'est là notre affaire. Ne soyez pas satisfait de rester dans l'abattement. L'abattement peut nous arriver, et l'âme peut être troublée par ce qui arrive, mais l'abattement est une preuve qu'on ne s'est pas réfugié auprès de lui tout de suite, et qu'il n'était pas assez présent à nos âmes. Jésus a dit: «Maintenant mon âme est troublée»; mais il se tourne immédiatement vers son Père, de sorte que nous le trouvons sentant les choses vivement et rendant grâces dans cette même heure. Bien plus, il avait devant lui ce que nous n'avons pas, mais il sait de quoi nous sommes faits. Il y a trois pas: 1° La sensibilité aux circonstances; là, ce n'est pas un mal; au contraire, l'insensibilité serait un mal. 2° L'abattement, preuve que l'âme ne sait pas jeter son fardeau sur le Seigneur, lui porter tout en se confiant dans son amour. Quand on le fait, on peut avoir des combats à livrer par la prière, mais on rendra grâces en même temps. Dieu exauce, et l'on sait qu'on a ce qu'on demande, ou du moins, si l'on ne sait pas ce qu'il faut demander comme il faut, on a pleine confiance dans son amour. L'effet de l'abattement est de sonder le coeur et de nous faire découvrir ce qui nous manque ou ce qui nous empêche d'avoir de la confiance, — peut-être une distance pratique du Seigneur, un manque de communion directe, quoiqu'il n'y ait pas de mauvais fruits. 3° La méfiance, quand le coeur est loin de Dieu et que la volonté chagrinée agit. Cela est évidemment un mauvais état d'âme et peut aller fort loin. Mais le Seigneur est fidèle; notre part, quoiqu'il en soit, est de nous approcher de lui. Il peut nous laisser sans joie jusqu'à ce qu'il ait sondé notre coeur, mais il ne peut manquer à son amour fidèle: Il ne retire pas ses yeux de dessus les justes. Je sens sa présence plus que jamais, et que lui est tout. Bientôt il nous le fera savoir pleinement.

Votre bien affectionné.

P.S. — Je viens de terminer le manuscrit d'un gros volume contre les rationalistes qui, sous le nom de libéraux, infectent votre chère France aussi.

Lettre de J.N.D. no 99  -  ME 1894 page 305

à Mr P.

Guelph (Canada), janvier 1863

Bien cher frère,

J'ai été très heureux de recevoir des nouvelles de l'oeuvre et de vous.

J'ai, si Dieu me le permet, la pensée de me rendre en France cet hiver; mais j'aurai pour but une nouvelle édition du Nouveau Testament, la première étant à peu près épuisée. Il me faudra m'occuper aussi du Nouveau Testament allemand, pour la même cause. Cela suppose que je quitterai le Canada en été ou en automne, et j'espère être à même de le faire, quoique l'oeuvre ici m'intéresse beaucoup et que je sois très lié avec les frères. Grâces à Dieu, ils marchent bien; nous pensons avoir notre conférence dans quinze jours. Nous aurons, s'il plaît à Dieu, cinq ou six Indiens, ce sera un nouvel élément dans nos conférences: ils ont été, ou affranchis, ou amenés à la connaissance du Seigneur depuis mon arrivée dans ce pays; les nouveaux convertis l'ont été par le moyen de notre frère G., ancien ministre national. Je doute que tous comprennent l'anglais. Ce sont des Mohawks, anciennement la tribu la plus redoutable parmi ces indigènes. L'un de ces frères (ancien catéchiste national) commence à évangéliser les païens, parmi lesquels il y a six nations alliées, dont l'une est tout à fait païenne; une autre l'est en partie; le reste fait plus ou moins profession de christianisme. Ceux qui marchent avec nous rompent le pain entre eux, étant à une douzaine de kilomètres de la réunion la plus rapprochée.

Dieu a béni mon séjour ici. Je viens d'arriver à Guelph pour notre conférence, ayant déjà passé quelques jours à Hamilton, ville de plus de 20.000 habitants, où le Seigneur a beaucoup béni l'oeuvre. On me dit qu'il agit encore rétrospectivement dans les âmes. La réunion a déjà plus que doublé, et les personnes ajoutées sont sérieuses et dévouées et ont beaucoup de communion entre elles. Le ministre baptiste et un ancien de l'église libre, ont quitté ces systèmes et prennent la cène avec nous. Cela a passablement remué les esprits; non que ce fût de la curiosité, mais une oeuvre véritable de l'Esprit de Dieu. A part plusieurs conversions très évidentes, la doctrine de l'Eglise et de la venue du Seigneur a pénétré les esprits, et on a pu voir l'action manifeste de l'Esprit de Dieu. Les mêmes faits se sont renouvelés dès lors dans un nouvel endroit appelé Clinton, ville de peu d'importance, mais où j'ai senti l'action de l'Esprit. Il y avait là une petite réunion, mais l'oeuvre s'y agrandit et s'y consolide.

J'ai fait une tournée de 3200 kilomètres dans les Etats-Unis, spécialement pour visiter nos frères français et suisses: je les ai vus presque tous, outre quelques américains en passant. Ces amis, émigrés en vue d'avantages temporels, ont bientôt senti combien cela nuit au progrès spirituel. Voilà quatorze ans qu'ils végètent, la plupart se sont endettés pour posséder des terres, sont dans l'angoisse pour les payer, ou ont mauvaise conscience par l'indifférence à l'égard de leurs dettes; mais notre Père, dans sa bonté et sa fidélité, a agi dans les consciences, et beaucoup ont pris à coeur cet état de choses. Au fond, ils sont en bon état, ayant des peines et des soucis comme suite de leur marche, mais le coeur tourné vers Dieu, et un vrai désir de faire des progrès. Toutefois l'état d'éloignement de Dieu, dans lequel plusieurs se trouvaient, a produit des difficultés quant à la discipline, et la confiance mutuelle a été tristement minée; car on ne s'éloigne pas du Seigneur impunément. Grâces à Dieu, le mieux est sensible. C'était pour moi et pour eux aussi, un grand sujet de joie de nous revoir; ils ne s'étaient guère attendus à ma présence de ce côté de l'Atlantique.

Les frères français sont dans un plus triste état que les suisses. L'un d'entre eux qui n'avait pas une réputation bien avantageuse en France, mais qui a la parole très facile, s'est fait consacrer, pour se rendre plus respectable quand il prêche, et on ne rompt le pain que tous les deux dimanches. Il y a du trouble et du malaise chez plusieurs; une famille s'est retirée; mais je crois que le plus grand nombre s'étant mondanisé, acquiesce à cet état de choses; cependant je ne renonce pas à tout espoir de voir du mieux, et je pense, Dieu aidant, y retourner; mais pour faire du bien, humainement parlant, il faudrait y rester, et, par la grâce de Dieu, imprimer un tout autre caractère à la marche de l'assemblée: voilà ce que je ne puis guère. Il y a beaucoup à faire pour un frère de langue française qui aurait du dévouement et un peu de sagesse. L'Amérique n'est pas la France. L'état de ce pays est épouvantable; le monde voué au gain, les chrétiens presque autant que le monde, et on ne peut plus mondains de toute manière. Les frères sont plus simples, mais les habitudes du pays sont des plus tristes, point de moeurs, des jurements sans fin; dans l'Est (peut-être moins dans l'Ouest), l'ivrognerie, aucune vie de famille, au moins dans les villes; voilà l'Amérique. La guerre de sécession a l'air d'un jugement sur le pays, car, avec cela, on est très religieux: on se joint à une église, parce que c'est respectable; on y est reçu, parce que cela augmente l'influence de l'église. Les chrétiens sérieux en gémissent, et cela donne de l'espoir. En général, ce sont les églises qui ont attisé le feu de la guerre, et qui, sauf les étrangers, ont fourni les soldats; puis ce sont des jalousies et des soupçons, si l'on n'est pas ouvertement partisan. Mais Dieu est au-dessus de tout, et j'ai pu passer tranquillement jusqu'aux confins des pays où l'on se bat, et travailler comme je l'aurais fait, comme du reste nous avons pu le faire en France pendant la révolution. Notre conférence est bénie, les frères sont encouragés, heureux ensemble, — car, de fait, un bon esprit règne en général au milieu d'eux, et il y a un progrès assez frappant dans le pays. Ce ne sont plus quelques émigrés occupés du monde, ayant eu quelques principes, qu'ils gardent à peine, mais un témoignage réel et simple, établi par la grâce, et qu'on reconnaît, alors même qu'on s'y oppose. Le nombre des frères s'accroît; 70 âmes environ ont été ajoutées en divers endroits depuis que je suis ici, mais le nombre ne donne pas la mesure du progrès, parce que le témoignage s'est fait valoir auprès de beaucoup de personnes soit chrétiennes, soit amenées à la connaissance du Seigneur, et qui ne se sont pas jointes aux frères. Deux ministres nationaux, outre un pasteur baptiste, un ancien de l'église libre, et des principaux d'autres cultes, s'ajoutant à nous, ont produit un mouvement qui a exercé beaucoup d'âmes. Plusieurs sont convaincus que nous avons raison, voire même des ministres: mais prendre la croix, c'est autre chose. En un mot, les portes sont ouvertes, et la vérité se propage.

Notre conférence a été nombreuse et bénie. Les soeurs y sont admises; il y avait plus de 50 frères et beaucoup de communion fraternelle; cela encourage, fortifie, et fait la joie de Dieu lui-même. On commence maintenant à s'en retourner chacun chez soi, sans que la conférence soit proprement terminée. Je ne sache pas que de nouvelles âmes aient été ajoutées, sauf un Danois et deux frères dissidents de Montréal, dont un avait été le moyen de la conversion de plusieurs de nos frères qui l'aimaient beaucoup, en sorte que cette attraction de l'Esprit sur lui a été un vrai soulagement pour eux. A Hamilton, où Dieu m'a particulièrement béni, il y a eu de nouveau bien des âmes travaillées; on espère pour elles; Dieu seul peut donner l'accroissement. Ce qui pour moi est spécialement ressorti de notre conférence, c'est l'opposition complète entre le monde et notre association céleste avec Christ. Cette association est fondée sur son rejet absolu de la part du monde et la rupture complète entre le monde et Dieu. Avant que le monde fût, le Père aimait le Fils qui avait sa gloire avec lui, et l'Eglise et la vie éternelle étaient dans ses conseils en Christ. Dieu a créé le monde qui n'est qu'une chose dans le temps. Lorsque l'objet céleste, le Père, a été révélé dans le Fils, le monde n'en a pas voulu, l'a repoussé, l'a haï, et Christ a pris possession de la gloire, comme homme, selon les conseils de Dieu, l'Eglise y ayant part avec lui. La religion du monde, de l'homme dans la chair, savoir les Juifs, a été rejetée comme étant le monde même, et Christ prend sa place en haut. Paul ne peut plus désormais le connaître selon la chair. Il est reconnu Fils de Dieu, fils de David, mais quand il se présente comme Fils de l'homme, il faut qu'il meure. Alors il rend les siens propres à avoir part avec lui, en haut. (Jean 13). Au chapitre 14, il montre que la chose céleste a été révélée dans sa personne et que, par l'Esprit, ils sauront, étant sur cette terre, qu'ils sont en lui qui est entré dans la chose céleste, et lui en eux. Au chapitre 15, il montre qu'Israël n'est pas le vrai cep dont lui serait le plus excellent sarment, mais que lui, et cela sur la terre, est le vrai cep, dont eux sont les sarments. Au chapitre 16, le Saint Esprit est sur la terre, d'une part, pour démontrer, l'état du monde, de l'autre, pour prendre les choses du Christ céleste et les montrer aux siens. Au chapitre 17, il révèle en plein, en s'adressant au Père, leur position avec le Père, et vis-à-vis du monde. Puis l'histoire recommence: «Levez-vous, parlons d'ici», annonçait la cessation des relations du résidu avec les Juifs de l'ancienne alliance. Cette position des chrétiens s'est présentée à mon âme avec une clarté toute nouvelle…

Si vous voyez ce cher, V., ou que vous lui écriviez, vous l'assurerez de ma vraie sympathie. Mais Celui qui fait ces choses est toujours fidèle et plein d'amour. Saluez aussi beaucoup tous les frères de ces contrées-là. Peut-être Dieu veut-il rendre notre frère plus mûr et l'employer davantage? Que Dieu lui donne de se tenir près de lui. Je sens qu'il faut non seulement jouir des objets de la foi, mais vivre, par la foi, de ces objets.

Adieu, cher frère. Nos Indiens nous quittent dans ce moment; ils ont beaucoup joui de notre conférence. J'espère aller les voir et y prêcher sous peu; ils sont braves et intelligents; c'est réjouissant de les voir ainsi; l'une de leurs femmes était avec eux, une soeur modeste et excellente. Que Dieu vous garde et vous bénisse, cher frère.

Votre affectionné frère.

P.S. — J'ai de bonnes nouvelles d'Allemagne et de Hollande; en Angleterre, Dieu a été plein de bonté; à Londres, on a un peu peur du grand nombre des âmes qui sont ajoutées.

Lettre de J.N.D. no 100  -  ME 1894 page 312

à Mr P.

New York, novembre 1866

Bien-aimé frère,

Votre lettre m'a bien réjoui, ainsi que les nouvelles de cette oeuvre en France qui m'est toujours si chère: grâces à Dieu, elles sont généralement bonnes.

Ce que vous me dites montre un progrès sensible dans la Charente-Inférieure. Elle m'intéresse; il y a là de très braves frères, et à part quelques individus, tous ont été catholiques, mais ils sont éparpillés dans le pays. Je bénis Dieu de ce qu'il daigne faire avancer l'oeuvre, maintenant qu'éloigné du champ de travail, je n'y puis rien. Je sais bien, nous le savons tous, que c'est lui qui fait toujours tout; mais celui qui s'est dépensé dans un champ de travail, s'y intéresse naturellement; le coeur s'en occupe quand la voix ne le peut plus, et l'on se demande comment ira l'oeuvre? Je sais aussi très bien qu'il y a eu plus d'un frère bien plus béni que moi dans la conversion des âmes, et, je n'en doute nullement, plus fidèle que moi. Mais je trouve que penser à tous, et quelquefois pour tous, est une chose rare. Certes mon coeur le fait, quelque faible que l'instrument soit en pratique. Ainsi, lorsque je vois Dieu lui-même agir, c'est une profonde joie et une consolation pour mon âme.

J'ai été retenu à Toronto beaucoup plus longtemps que je ne pensais, parce que Dieu y agissait; mais les âmes n'avançaient pas aussi vite que je l'eusse désiré. Toutefois il y a eu du bien; des âmes ont trouvé la paix; plusieurs personnes ont été ajoutées, et d'autres s'intéressaient à la vérité.

Ici, à New York, où deux ou trois se rassemblaient il y a dix mois quand je suis arrivé, car mon oeuvre était une oeuvre de semailles et de patience, une cinquantaine de personnes rompent maintenant le pain. Ce qui est important, c'est que ce sont des Américains nés; deux d'entre eux sont bien utiles pour l'oeuvre. Un jeune frère, auquel j'ai été en bénédiction lors de ma précédente visite, est maintenant à San Francisco, en Californie, où il y a une réunion. Je l'ai mis en communication avec un frère qui s'y est rendu de Toronto et d'autres personnes se sont jointes à eux. Voilà, par la bonté de Dieu, l'oeuvre plantée à 3 ou 4000 kilomètres de l'autre côté du continent. Peu à peu elle s'établit en diverses localités de la Nouvelle Angleterre. Tout est si relâché ici, que le travail est rendu plus difficile sous bien des rapports; mais en général nos relations avec ces frères sont très douces et très cordiales. L'état de ce qu'on appelle des églises est épouvantable: on ne s'en fait pas une idée en Europe; et cependant ceux qui sont en dehors de ces églises sont mal vus. Malgré cela, la vérité se répand, et je crois que Dieu agit ici. Dans notre réunion d'hier, j'ai senti la présence du Seigneur; il ne manque pas d'âmes qui cherchent la vérité. Le ministre baptiste qui est venu au milieu de nous, un excellent frère, est un canal de bénédiction pour plusieurs, et Dieu nous encourage. Qu'il daigne nous tenir bien près de lui. Notre ministère devrait être un service qui apporte directement du Seigneur ce dont les âmes ont besoin; quelque chose, qui ait l'autorité et la fraîcheur de ce qui vient directement de lui, d'une âme qui l'apporte de sa part, et qui en a la conscience; pour cela, il faut se tenir habituellement près de lui. Bientôt nous verrons que tout ce qui n'appartient pas à ce qu'on trouve dans sa présence, n'est que vanité et perte. Nous le savons déjà; mais il faut la foi, la puissance du Saint Esprit, la diligence pratique d'une âme qui s'exerce devant Dieu pour le réaliser. Il est important aussi d'être dans le chemin voulu de Dieu. Il ne peut nous donner de la force pour marcher joyeusement dans un autre chemin; il ne saurait nous y encourager. Qu'il daigne nous rendre fidèles et devenir lui-même notre force!

Nous ne manquons pas de Français ici; il y en a qui rompent le pain, et je tiens une réunion en français le dimanche dans l'après-midi, comme du reste je l'ai fait précédemment.

Votre bien affectionné en Christ.

P.S. — Il est bien vrai que Mr Wigram a perdu sa femme; c'était une âme bien détachée de ce monde. Elle est morte peu de temps après son arrivée; peut-être le voyage, bien que recommandé par un médecin, l'aura-t-il trop fatiguée, mais la bonté de Dieu a permis qu'ils se trouvassent ensemble.

Regardez, si vous ne l'avez pas fait, à la division de l'épître aux Romains, qui se trouve entre 5: 11 et 12: jusqu'au verset 11, il parle des péchés, et, depuis le verset 12, du péché. Cela jette beaucoup de lumière sur les raisonnements de l'épître.

Lettre de J.N.D. no 101  -  ME 1894 page 331

à Mr P.

Toronto, septembre 1867

Bien cher frère,

Je vous remercie de coeur de votre sollicitude à mon égard. Je suis beaucoup mieux, grâces à Dieu; ma tête est encore éprouvée, seulement la moindre fatigue de cerveau me donne des maux de tête. J'avais trop travaillé, et peu soigné mon corps; puis une attaque inflammatoire m'a trouvé sans force; pendant deux jours, je pensais que je pourrais succomber, mais Dieu en a décidé autrement dans ses desseins de grâce; une fois la fièvre passée, j'ai dû me nourrir mieux que je ne l'avais fait. J'ai pu prendre part à la conférence de Guelph qui a été bénie plus qu'à l'ordinaire; même nous avons eu passablement de nouveaux venus de l'est des Etats-Unis; quelques-uns affranchis quant à leur position; un ou deux seulement quant à leur âme…

Les Indiens vont bien; le nombre des frères a augmenté, deux ou trois s'occupent de l'oeuvre au milieu de leurs compatriotes. La langue est un obstacle, mais on voit clairement que l'oeuvre est de Dieu, car il y a eu peut-être plus de progrès parmi eux qu'autre part, sans que nous puissions parler leur langue et sans qu'ils aient une Bible qui vaille quelque chose; ils ont une traduction, mais si mauvaise qu'on ne s'en sert pas. 26 d'entre eux rompent maintenant le pain. L'oeuvre est intéressante à New York et à Boston, mais exerce la patience. Toutefois, un assez grand nombre d'âmes ont trouvé la paix, et la vérité se répand… En plus d'un endroit on commence à se réunir, c'est en partie le fruit de la conférence de Guelph dont l'influence, comme je l'ai dit, a été fort bénie pour les âmes.

Ainsi la vérité se répand dans les Etats-Unis, mais la puissance de rassemblement est encore petite parmi les Américains-nés. Les soi-disant églises sont un grand obstacle; on y tient; il ne s'agit pas de chrétiens; la plupart des membres ne le sont pas, et ceux qui le sont vont au théâtre et à tout le reste, comme règle générale; seulement une personne qui ne fait pas partie d'une église est censée être ouvertement incrédule, ou vouloir vivre sans frein en dehors de la partie respectable de la société. Mais Dieu est au-dessus de tout cela, et déjà l'on s'aperçoit que nous voulons quelque chose de bien plus décidé que leur marche, et non pas une vie déréglée. Dieu agit, et il faut s'attendre à lui. Je crois que le témoignage est planté et s'enracine. Les frères ont pris des mesures pour avoir des dépôts de traités et de livres…

En général, grâces à Dieu, j'ai de bonnes nouvelles de France, de Suisse, d'Angleterre, d'Irlande, de l'Ecosse aussi qui avait été jusqu'ici très fermée. Les frères vont bien, leur nombre augmente rapidement; je crains un peu en Irlande l'influence d'une quantité de jeunes demoiselles (quelques-unes cependant bien dévouées) et de jeunes messieurs encore en relation avec des familles mondaines. Au reste, la bénédiction est évidente, ainsi que les besoins de beaucoup d'âmes. Pour toutes les difficultés, le Seigneur suffit, que ferions-nous sans cela? — La Parole m'est toujours plus précieuse, — la vérité.

J'espère que la venue du Seigneur garde toute sa puissance dans votre coeur, — que vous l'attendez. Saluez tous les frères.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 102  -  ME 1894 page 352

à Mr P.

New York, 1867

Bien-aimé frère,

… Quant à la Suisse, je parlais de besoins généraux. Il n'y a que trois frères entièrement à l'oeuvre, qui font tout ce qu'ils peuvent, en outre divers frères, chacun dans sa localité. Autrement, cela ne va pas mal. Le long de la Broye il y avait eu des dissentiments; de tout temps on y était maladif; mais ce qui était fidèle est devenu plus solide qu'auparavant. Il n'en est pas moins vrai qu'on a grandement besoin d'ouvriers. Je n'ai pas vu la brochure de Mr G.; il l'a envoyée à Londres et m'en a averti, mais ce genre de littérature ne me suit pas ici.

Quant à Béthesda, l'affaire est très simple. Quand Mr Newton a enseigné ses blasphèmes, et qu'on lui a bâti une chapelle, Béthesda a reçu les personnes qui en faisaient partie, même les personnes qui retenaient ses doctrines, puis a usé de toute sorte de procédés frauduleux pour cacher le fait, mais a préféré voir sortir de son sein une quarantaine de frères fidèles, plutôt que de ne pas recevoir ces personnes: c'était un parti pris.

Mais le principe va plus loin et l'on en voit les effets partout. En Amérique, il s'agit de l'immortalité de l'âme; les neutres, comme on les appelle en Angleterre, qui viennent ici, se joignent sans difficulté aux réunions qui nient l'immortalité de l'âme, et au fond par conséquent la valeur de l'expiation. Ils disent: «ce sont des chrétiens»; et cela leur suffit. Une personne payée par Béthesda, dans le Canada, défendait ouvertement les doctrines de Mr Newton, et quelques-uns ici les propagent. Ils ne sont pas de Béthesda, mais marchent dans ses voies et l'approuvent. La question est celle-ci: Est-ce que la vérité est nécessaire aussi bien que la grâce? L'un d'entre eux, homme actif de ce côté de l'Atlantique, et qui est venu du milieu des neutres de l'Angleterre, m'a dit: Qu'est-ce que la vérité? il n'y a pas de vérité certaine qu'on puisse exiger des autres. Il était en pleine communion avec ceux qui niaient l'immortalité de l'âme et qui propageaient cette doctrine, tout en disant qu'il ne partageait pas leurs vues puis il est allé se présenter à Toronto, aux frères, comme un de mes amis, car ce système est partout la ruine de l'intégrité et de la doctrine. Je crois que Mr R. a traduit la brochure de Mr T., «Béthesda en 1857». Pour ma part, je n'ai jamais rien publié là-dessus. Mais Béthesda est rentré dans le cercle de la mondanité chrétienne.

J'ai été dans l'Ouest, où il y a en quelques endroits du bien; des portes se sont ouvertes parmi ceux qui parlent le français. L'oeuvre fait quelques progrès et les frères commencent à se connaître les uns les autres; mais c'est une goutte d'eau dans un lac. Cependant le témoignage est là et se propage.

Ici, à New York, tout est enseveli dans le commerce; les chrétiens sont tout à fait mondains, à quelques exceptions près, et ces derniers gémissent. — On approuve ouvertement les bals, les théâtres, et les membres des églises y vont habituellement; c'est une débandade morale dont on ne se fait pas une idée. Il faut être d'une église, c'est honnête, et il ne s'agit pas plus de conversion que de quoi que ce soit. Nous avons à présent une petite réunion, composée de gens fidèles, quoique faibles; peut-être 25 en tout, mais c'est une ressource pour ceux qui viennent, et un petit témoignage pour ceux qui cherchent, — faible et de peu de valeur, mais où l'on marche en dehors du monde. A Boston, il existe aussi; la réunion est moins nombreuse, mais plus américaine, et, si je ne me trompe, les portes un peu plus ouvertes; du moins y a-t-il plus de relations avec les gens de l'endroit. J'en forme aussi à New York, mais je n'y suis qu'en passage.

Au Canada, en deux ou trois endroits il y a quelque mouvement de l'Esprit de Dieu, entre autres, parmi les Peaux-rouges; ils sont plus de 20 à rompre le pain. Sauf cela, on est stationnaire: mais les frères en général marchent bien. Là aussi on manque d'ouvriers. C'est le dévouement qui fait partout défaut. Pour ma part, je suis convaincu qu'il y a bien des dons cachés, qui s'exerceraient s'il y avait plus de foi. Enfin, c'est à Jésus qu'il faut regarder. Ici-bas, tout passe et tout change, nous le savons; mais nous avons besoin de regarder à lui pour que le coeur soit affermi dans la marche: «Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi». Avec cela, tout est simple, et bientôt le moment viendra où la vie de la foi en Jésus, la vie de Christ en nous, sera tout ce que nous reconnaîtrons avoir été réel. Tout le reste n'aura été que «se promener en ce qui n'a que l'apparence», Il est toujours plus clair que le Seigneur est notre tout, et bientôt, Dieu soit béni, il sera définitivement notre tout. En attendant, c'est la foi, la foi seule qui fait marcher. Il nous encourage quelquefois; il exerce notre patience à d'autres moments. Pour la foi, tout est clair; puis la recherche de soi-même disparaît. Au reste, il nous nourrit et nous chérit comme un homme sa propre chair. Tenons-nous près de lui. Toutes les grandes vérités qu'il nous a enseignées me deviennent toujours plus précieuses, et sa Parole est d'un prix infini pour moi, la seule chose vraie et divine dans un monde de mensonge, si ce n'est encore la vie de Christ dans les siens, mais souvent, hélas! bien mélangée!

Je ne pense pas rester longtemps ici. En y demeurant, j'aurais des portes ouvertes, il s'en ouvre de nouvelles, mais Dieu m'appelle ailleurs.

Paix vous soit, et communion, beaucoup de communion, avec le Seigneur.

Votre bien affectionné frère.

P.S. — J'ai de très bonnes nouvelles des frères d'Angleterre.

Lettre de J.N.D. no 103  -  ME 1894 page 371

à Mr P.

New York, 1868

Bien-aimé frère,

Heureux de recevoir de vos nouvelles. Grâces à Dieu, elles sont bonnes en général de France et de Suisse. En France, l'oeuvre chemine avec bénédiction; et en Suisse, dans un endroit que j'ai visité à mon dernier voyage dans ce pays, endroit faible, et où l'ennemi avait fait des ravages, il paraît que le Seigneur, dans sa grâce, ranime et attire les âmes. Le frère X. est très utile dans le canton de Vaud. Que notre Dieu le garde et le tienne près de lui. Il n'en reste pas moins qu'il y a partout disette d'ouvriers.

Pauvre E. est très bas, je le sais. Il y a bien des années qu'il n'a pas voulu écouter la voix de Dieu; il avait toujours la pensée d'être Mr le ministre, et il est tombé dans le piège. Il faut le laisser faire et ne pas s'occuper de son opposition. C'est la puissance du bien de la part de Dieu qu'il faut chercher; et s'il en est ainsi, les plaignants restent à sec sur le rivage.

Quant aux questions qu'on a soulevées sur les souffrances de Christ, j'ai trouvé dans ce sujet la plus profonde édification pour mon coeur. Je ne doute nullement qu'il n'y ait dans mes écrits, sur ce point et sur tous les points, la faiblesse et les inexactitudes d'un homme qui n'écrit pas sous l'inspiration divine; mais plus je lis ce que j'ai écrit, plus je suis convaincu que mes adversaires ont perdu la plus précieuse vérité à l'égard du Sauveur, et qu'ils sont tombés dans de très graves erreurs. Toutes ces discussions ont été en grande bénédiction pour les frères en Angleterre. Je ne crois pas que Béthesda ait un principe quelconque, sinon de réussir. Ils sont en relation avec tout le monde, et ne s'inquiètent ni de l'unité du corps, ni de la fidélité au Seigneur. Mr X. se vante d'avoir des indépendants, des méthodistes et je ne sais quels autres, pour enseigner les orphelins. Lui, et ceux de son bord, étaient en communion à Bristol, dans une grande conférence, avec des personnes qui enseignent des erreurs abominables; cela leur est indifférent! Ici, en Amérique, leurs agents et alliés sont en pleine communion avec ceux qui nient l'immortalité de l'âme et les doctrines qui en découlent; ils me l'ont avoué, et ont ajouté qu'ils voulaient l'être. Voilà ce qui est en vogue ici. D'après ce qu'on m'a dit, Béthesda s'est tout à fait mondanisé; mais ne vous en occupez pas. Vous trouverez toujours que la marche de ceux qui soutiennent ce parti, suffit pour juger de chaque cas particulier, sauf qu'ils manquent de droiture. L'unité du corps et la solidarité de l'Eglise, dans sa marche, sont niées par tous ceux qui ont exprimé leurs vues sur ce point, soit à Béthesda, soit parmi les neutres. Au reste, le grand but de Mr Newton était de détruire la doctrine de l'Eglise, et Béthesda est tout simplement une église dissidente qui se croit meilleure que les autres, mais accepte la position de la dissidence et ses rapports avec le monde chrétien. Avant la rupture, Mr C. examinait les candidats au ministère d'entre les dissidents, et on avait des jours de prières à l'occasion de leur consécration. Mr M. a dit que, pendant 20 ans, sous l'influence des frères, il s'était séparé par orgueil du monde religieux, mais qu'il avait cessé de le faire et y était rentré.

Je continue mon travail ici; c'est une oeuvre de patience. Le monde règne en maître, avec l'argent et les plaisirs; beaucoup de chrétiens, membres d'églises dites «à discipline», fréquentent les théâtres; mais je suis en relation avec beaucoup d'âmes qui cherchent quelque chose de meilleur; plusieurs ont trouvé la paix, — chose, on peut le dire, inconnue ici, — plusieurs reçoivent la venue du Seigneur, et plusieurs sont exercés à l'égard de leur position dans ces corps organisés par les hommes, qu'on appelle «églises». Les frères aussi, qui avaient été en relation avec ceux qui nient l'immortalité de l'âme, sont délivrés, et marchent avec nous. Nous sommes à peu près une trentaine, heureux ensemble, mais éparpillés dans une ville ou plutôt sur un espace beaucoup plus grand que Paris, car ce sont deux ou trois villes qui entourent le havre de New York.

Je crois que Dieu établit un témoignage, tout faible qu'il soit, ici et à Boston; la vérité pénètre, mais il faut de la patience. Le Seigneur en a bien eu avec nous; il a même pu dire (ce qui ne devrait pas être le cas maintenant): «J'ai travaillé en vain»; mais je suis encouragé. Les âmes qui recherchent la vérité et le dévouement à notre précieux Seigneur (ce à quoi je tiens autant qu'à la connaissance), sont attirées; je les laisse cheminer comme Dieu les conduit, sans les pousser d'aucune manière à se lier davantage avec nous; mais les liens fraternels se fortifient, et la vérité pénètre.

A Boston, il y a peut-être extérieurement plus de portes ouvertes; mais comme les âmes qui ont des besoins se rapprochent toujours davantage, je ne pense pas quitter New York en ce moment. J'ai passé un mois à Boston.

… Voilà, cher frère, ce qui concerne l'oeuvre.

Pour moi, le Seigneur et la Parole sont mon tout ici-bas, et ils ne sont qu'un, dans un certain sens. Je sens toujours davantage que le Saint Esprit seul peut opérer du bien ici-bas, mais je comprends toujours mieux que le «chez-soi est dans les cieux». La Parole m'est toujours plus claire, plus précieuse; je sens que notre position, quelque faibles que nous soyons, est celle du témoignage de Dieu, mais tout en jouissant beaucoup de la Parole, je sais aussi que nous ne connaissons qu'«en partie». Ce que le Saint Esprit nous donne, nous le possédons de la part de Dieu, et nous avons à y marcher; c'est notre tout. La sagesse de Dieu lui-même s'y trouve; cela se coordonne nécessairement avec ce que nous ne connaissons pas; nous sentons par cette ignorance, notre entière dépendance de Dieu, mais le fait que nous apprenons de lui inspire de la confiance. Suivre la Parole, voilà notre affaire: nous jouirons ainsi de la présence du Seigneur. Encore très peu de temps, et nous le verrons.

Saluez avec affection tous les frères. Que Dieu vous bénisse et vous garde.

Votre toujours affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 104  -  ME 1894 page 375

à Mr P.

La Barbade, 1869

Bien-aimé frère,

… L'oeuvre ne va pas mal ici. Sauf la Jamaïque, grande et belle île, et Demerara, colonie dont le territoire est aussi étendu que la Grande Bretagne, ce sont de petits îlots parsemés dans la mer.

Dieu a béni ici notre frère S.; il y a une réunion où règnent la piété avec la faim et la soif de la vérité. Je n'ai jamais vu une congrégation plus attentive, et bien que notre local soit des plus mesquins, les auditeurs n'y manquent pas. Demerara a plus d'une réunion. Le désir d'entendre y augmentait pendant mon séjour; là il y a eu du bien; tout en étant un peu assoupis, cela ne marchait cependant pas mal; maintenant de nouvelles âmes sont ajoutées. Notre visite a naturellement encouragé ces amis. A Demerara, ils sont 350, principalement des gens de couleur; à la Barbade, 50 avec plus de blancs, mais plutôt blancs d'apparence. Quant à la Jamaïque, nous ne l'avons pas encore visitée. La population à Demerara (colonie prospère) frappe; c'est un mélange de Chinois, d'Hindous, etc., de toutes sortes de races; ils vont à peu près nus. Le mariage, quoiqu'il y ait progrès, était l'exception; le plus grand nombre des frères étaient enfants illégitimes; et bien que les frères, cela va sans dire, fassent de ces unions une affaire de discipline, des difficultés surgissent. Un fils de famille introduit une fille à la maison, et dans la société la conscience est nulle à cet égard. On a été ferme au début pour ces cas aussi, et cela va mieux, mais ces moeurs, résultat de l'esclavage, sont épouvantables. Dans les réunions tout est en ordre, mais vu les moeurs générales, il faut beaucoup de vigilance. Des personnes vivant dans des relations illégitimes, assistent aux réunions et paraissent être converties. On dira qu'en réalité ils sont mariés, mais ils peuvent se quitter à tout moment, et cela ne manque pas, hélas! d'arriver. Au dedans de la réunion, le mal n'existe pas, mais on en est entouré, dans le cas de ceux qui la fréquentent.

La date de ma lettre vous expliquera mes longs délais.

Paix vous soit, cher frère. Saluez affectueusement tous les frères.

Votre affectionné en Christ.

P. S. — Je pense, Dieu aidant, partir pour l'Europe vers la fin du mois d'avril.

Lettre de J.N.D. no 105  -  ME 1894 page 390

à Mr P.

Elberfeld, novembre 1869

Bien-aimé frère,

Vous serez heureux d'avoir des nouvelles du midi de la France où j'ai passé quelques semaines, mais où j'ai travaillé un peu au delà de mes forces. Je pensais venir ici premièrement, où je m'occupe de traduction, ou plutôt de corrections, car j'ai refusé de traduire, la chose étant au-dessus de mes forces. Les frères qui devaient m'aider n'étant pas prêts, je suis parti de Londres pour Genève et pour le Vigan où l'on désirait beaucoup des conférences. J'ai visité Genève, Aigle, Lausanne, St-Aubin, La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel, Ste-Croix, Gilly, Le Brassus; Genève pour la conférence, puis Morges et Lausanne; après, la France, Lyon, St-Etienne, Annonay, avec une courte mais bonne conférence; à Valence, deux jours; à Montpellier, un jour de repos; puis la conférence au Vigan, St-André, St-Hippolyte (où ceux de Lasalle et autres sont venus un dimanche), ensuite St-Jean, Nîmes, Montpellier, Genève, la Suisse allemande, Berne, Zofingue, Zurich, avec une conférence allemande: puis Andelfingen, Schaffhouse, Stuttgart, où nous avons eu une conférence allemande pour le Wurtemberg; enfin Elberfeld.

J'ai un peu souffert de fatigue, et du voyage, mais enfin j'ai vu les frères dans les endroits où je ne les avais pas vus depuis longtemps, et soit à Valence, soit au Vigan, ils sont venus de tous les côtés de la France, du Doubs, etc. A Genève, les conférences ont été très bonnes, pleines de bonne harmonie et sérieuses. Pardessus tout, on s'est occupé de ce que c'est que d'être mort an péché on a désiré reprendre ce sujet, même au Vigan nous en avons parlé à Valence.

Je suis allé un jour à Vergèze; les frères de ces quartiers étaient occupés aux vendanges pendant la conférence. Il y a passablement de jeunes frères intéressants, et en certains endroits l'oeuvre progresse. Dans les montagnes, on va bien, mais on a besoin de soins pastoraux et d'enseignement; car, en général, on en est un peu aux éléments. Dans la plaine, il y a peu de progrès: le commerce de vin fait du mal, toutefois on se maintient.

La réunion à Montpellier a gagné, à mon avis, mais de tous les côtés le besoin d'ouvriers consacrés à l'oeuvre se fait sentir.

En Suisse, l'oeuvre se renouvelle; les anciens frères s'étaient un peu affaissés, mais il y a une jeune génération qui rend la vie et le ressort spirituel à l'ensemble.

Dans la Vallée de Joux il y a du bien, et dans la Suisse allemande, l'oeuvre s'est beaucoup étendue. Mais en général, il faudrait un nouveau feu, un nouveau dévouement, à part quelques endroits. En somme, j'ai été encouragé.

Il y a d'autres endroits en France où l'oeuvre s'étend un peu.

En Italie, les portes s'ouvrent; B. s'y est rendu. Il demande, ainsi que les autres ouvriers, que je m'y rende.

En Allemagne, l'oeuvre s'est étendue et élargie.

Voilà, cher frère, un résumé qui vous donnera quelque idée de ce qui se passe, et de ce qui se fait; je ne puis être que court dans une lettre, mais je sais que cela vous intéressera. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour vous écrire, vous pouvez le croire. En ce moment, nous avons une conférence à Elberfeld, dont je jouis. Notre travail de correction peut être utile, mais ici la Parole entre directement en contact avec les âmes des frères, et plus particulièrement avec celles des ouvriers. Et c'est là ce que nous avons à chercher. Notre travail sur l'Ancien Testament a le même but, mais ce n'est pas proprement s'occuper des âmes. Toutefois, je crois que c'est Sa volonté que je fasse ce travail, et sa volonté est toujours bonne. Je suis heureux d'être le serviteur des frères pour l'amour du Seigneur et pour sa gloire.

J'ai de très bonnes nouvelles de New York; M. et un frère anglais y sont; ils ont une chambre pour les traités, etc. L'on se réunit comme de coutume, et l'Esprit agit dans les âmes; leur état a bien changé. Nous trouverons toujours ici le combat, mais la foi nous élève au-dessus de tout. J'ai eu confiance que cette oeuvre de l'ennemi tournerait au bien par la grâce du Seigneur; et on est heureux, quand on a eu confiance dans le Seigneur, quand la chair, le coeur humain même, n'y trouvait pas son compte, mais qu'on comptait sur lui, heureux de n'être rien pour son service. On n'est rien, nous le savons bien, mais être content de n'être rien, c'est autre chose, et cela, quand l'oeuvre à laquelle on tient, et qui était selon Dieu, est gâtée. Mais Dieu est toujours bon, toujours fidèle.

Je ne sais si votre oeuvre est terminée à l'ouest. Ce serait dommage que vous fussiez allé si loin sans achever ce pour quoi Dieu vous a amené là, mais quand je vois tous les besoins de la France, je pense naturellement aux ouvriers français qui n'y sont pas. Ah! s'il y avait plus de dévouement, les ouvriers ne manqueraient pas, au moins comme cela a lieu à présent. J'espère que quelques-uns l'ont senti dans nos conférences. Mais un seul peut donner et ouvriers et dévouement. Qu'il le fasse dans sa bonté! J'ai un peu la pensée de me rendre en Amérique l'été prochain, mais je laisse la chose à Dieu, ne sachant ni si je pourrai trouver assez de temps, ni si j'aurai assez de force. Enfin la chose est entre ses mains. Tenez-vous près de lui, cher frère, c'est là notre force et notre bonheur, et la grâce du Seigneur nous suffit; seulement, par la grâce, tenons-nous près de lui, cherchons sa force.

Saluez cordialement les frères. Je me suis beaucoup réjoui d'entendre que cela allait mieux à Sugar Creek; Dieu en soit béni. Je me souviens de tous les frères dans l'Illinois, avec beaucoup d'affection.

Que Dieu soit richement avec vous.

Votre bien affectionné frère.

 

Le Seigneur est notre tout maintenant par la foi, bientôt il le sera dans la perfection, et sera révélé pleinement. Qu'il soit votre tout, et toujours davantage celui de tous les siens, — oui, leur tout!

Lettre de J.N.D. no 106  -  ME 1894 page 417

à Mr P.

Londres, 1er mars 1871

Bien-aimé frère,

Il est bien problématique que je revienne encore en Amérique. Ce n'est sûrement pas que le désir me manque, car j'aimerais beaucoup m'y rendre, surtout en vue d'un ou de deux endroits; mais, tout en étant encore capable de beaucoup de travail, j'ai dépassé le terme assigné à la vie humaine et ne suis plus aussi capable de supporter la fatigue et les peines, comme lorsque je trottais à pied sur les montagnes de la Lozère et du Gard. Mais enfin je suis à Dieu, à un Dieu de toute grâce, heureux de lui appartenir, infiniment heureux, et ne désirant que faire sa volonté jusqu'au bout, car c'est la seule chose bonne. Que sommes-nous, sinon ses serviteurs, dans ce monde? Bientôt les illusions passeront, il n'y a que la foi qui soit vraie et qui demeure.

Je tiens neuf réunions par semaine, ou j'y prends part, et je travaille de la tête; je visite encore comme toujours, mais je ne sais si un voyage jusqu'en Californie serait dans les voies de Dieu. On me l'a déjà demandé, mais de prime abord, une telle mission semble exiger, pour la remplir, des forces corporelles dont un homme de 70 ans passés ne peut guère disposer, réclamé comme je le suis par d'autres travaux. On me demande aussi en Italie.

Pour le moment, les peines de nos chers frères français paraissent toucher à leur fin. Nous avons fait ce que nous pouvions pour les soulager. Ceux de Paris ont souffert de la disette de vivres, mais pas autrement. Des secours se montant à 40.000 francs environ ont été envoyés du côté de Sedan où la détresse était grande, et de plus 4000 francs pour les besoins urgents de ceux qui ont été sur le théâtre de la guerre. La Hollande et la Suisse ont pris part de leur côté à cette libéralité. Les frères allemands ont fait ce qu'ils ont pu pour accueillir les frères prisonniers, quand ils ont pu les trouver. Deux de ces derniers travaillent paisiblement au milieu d'eux et gagnent leur vie: pour un troisième, ils sont arrivés deux heures trop tard, il venait d'être envoyé avec 2000 autres prisonniers dans le Holstein. Ils se sont portés caution pour ces frères, auprès du gouvernement. Enfin, il y a eu un témoignage rendu (quelque faible qu'il ait pu être), que la grâce et le christianisme sont en dehors, et au-dessus des misères de ce pauvre monde. L. F. les a visités, et a reçu de bonnes lettres de quelques-uns d'entre eux qui avaient été envoyés en Bavière. Dans l'Ardèche, où les frères ont peu ou point souffert, cela les a néanmoins rendus sérieux, il en a été de même des gens du monde; aussi les réunions ont-elles été plus fréquentées. Dans la Drôme, quelques-uns ont été entraînés par leurs compagnons de la garde sédentaire ou mobile. Dans la contrée de Montbéliard, ils sont pleins de reconnaissance envers Dieu qui les a gardés. Ils ont souffert, leur bétail a été pris, et les ouvriers ont, paraît-il, manqué d'ouvrage partout à la campagne. Nous leur envoyons des secours, soit d'ici, soit de Suisse. Je vois ce soir par les affiches que le traité de paix est déjà signé. Les choses vont vite à présent, mais on y voit d'autant plus la main de Dieu. J'espère que sous certains rapports, cela aura fait du bien aux frères, car le carnage et la ruine ont été affreux. Puis les vivres manquaient au nord de la France; car ce qu'on avait semé a été gelé. On sème maintenant. On envoie énormément de blé et de vivres de l'Angleterre, mais c'est un rien pour un si grand pays. Le Midi n'a guère souffert, l'Ouest non plus, sauf de l'inclémence de la saison, et du manque de grain pour les semailles. Mais la paix survenant, les choses se remettront en peu de temps. Dieu toujours bon est au-dessus de tout. Je craignais pour les frères allemands, que ces événements ne leur montassent la tête, mais il paraît qu'ils étaient trop sérieux et qu'ils les ont plutôt tournés vers le Seigneur.

Je craignais d'autre part pour nos frères français, que ces choses ne les aigrissent et qu'ils pensassent plus à la France qu'au Seigneur. J'espère toutefois qu'elles tourneront à leur bien. Nous avons constamment prié pour eux. Savez-vous bien que ce qui arrive mène à la confédération des nations de l'Occident? Dans mon esprit, ces événements renvoient plutôt la venue du Seigneur quant à la terre. Je voyais tout cela en bloc, pour ainsi dire; maintenant que les choses commencent à se développer, les événements se détachent l'un de l'autre, seulement il me semble que cela demandera du temps. Mais qui peut le dire? Cela ne touche nullement notre attente. Il n'y a pas d'événements entre nous et le ciel. Que nos coeurs y soient!…

En somme, je ne crois pas que ce fléau de la guerre ait fait spirituellement beaucoup de mal aux frères. Dans la Drôme, il y avait déjà peu de vie. Je laisse la question de porter les armes des deux côtés; cela a troublé bien des frères, et je le comprends. Quelle horreur! pour ne rien dire du principe, de voir des frères s'entre-tuer. Au reste, je ne crois pas qu'un seul frère ait été tué d'un côté ou de l'autre. Le fils d'un frère allemand l'a été; on espérait qu'il était sérieux. On m'a écrit de France: X., si je ne me trompe, a encouragé les frères à porter les armes. B. doit être, ou a été jugé pour s'y être refusé. Dieu fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l'aiment. Quel Dieu miséricordieux que notre Dieu!

Paix vous soit, cher frère. Saluez affectueusement tous les frères. Ici, les frères vont bien, et l'oeuvre s'étend continuellement, mais au dehors tout dégringole. En Allemagne, l'oeuvre s'étend aussi.

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 107  -  ME 1894 page 438

à Mr P.

Londres, mars 1871

Bien-aimé frère,

J'ai été heureux d'avoir de vos nouvelles ainsi que des frères, et tout premièrement de nos chers frères de France. Dieu les a gardés; il est toujours fidèle.

Vous aurez su comme tout le monde qu'il y a eu un second siège de Paris, les Communistes s'étant emparés de la ville. Des maux plus sérieux que dans le premier siège en sont résultés; des batailles, des assauts livrés, puis pour empêcher le progrès des troupes, on a mis le feu à la ville en bien des endroits, et incendié des monuments publics. Vous en savez probablement plus que moi, car je ne lis pas les journaux; cela me distrait, et le monde va son train, que je les lise ou que je ne les lise pas.

Les frères de Paris ont continué leurs réunions et ont été heureux, malgré les difficultés du temps. On a envoyé des fonds d'Angleterre, de Hollande, de Suisse, et on est venu en aide, au fur et à mesure de leurs besoins, aux ouvriers qui s'étaient endettés, ayant manqué de travail.

La Suisse va assez bien. Des frères anglais y sont actifs, et il y a eu un renouvellement de vie.

En Angleterre, en Ecosse, en Irlande et en Allemagne, dans le Canada aussi, l'oeuvre du Seigneur fait toujours des progrès, mais le mal aussi, et d'une manière encore plus évidente. Pour ma part, cher frère, Christ est toujours davantage le tout de mon âme. Je vieillis, mon salut est plus près que lorsque j'ai cru. Toutefois, je travaille toujours, mais le travail me fatigue davantage; ce n'est pas étonnant à 70 ans passés.

J'ai médité Matthieu à Londres, et j'ai excessivement joui de la présentation de Jésus, Jéhovah le Sauveur, homme dans ce monde, manifesté en chair, mais le modèle de notre position, le vainqueur dans notre combat, tout en étant Dieu en grâce, au milieu de nous.

Nous imprimons la seconde édition du Nouveau Testament français, avec les corrections et notes nouvellement ajoutées de la seconde édition anglaise, la troisième édition allemande, avec les mêmes corrections, ainsi que l'Ancien Testament que j'avais traduit la dernière fois que j'étais en Allemagne, ce qui, avec le travail ordinaire de l'oeuvre, ne m'a pas laissé oisif. J'ai dû consulter plusieurs nouveaux manuscrits et m'occuper d'autres travaux critiques qui ne nourrissent guère…

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre bien affectionné en notre précieux Sauveur.

Lettre de J.N.D. no 108  -  ME 1894 page 457

à Mr P.

Turin, novembre 1871

Cher frère,

Si je révélais toutes les choses que je sais, j'aurais beaucoup à dire; et savez-vous que le meilleur moyen de ne pas trahir un secret, est de ne pas laisser voir qu'on en connaît un? Pour agir ainsi, le monde trompe et parle d'une manière détournée, — non pas le chrétien, parce que s'il est content de ne dire que ce que Dieu veut qu'il dise, il n'a qu'à se taire, et s'il est habitué à agir ainsi, la chose devient toute simple…

Cette chère C. est délogée. Elle a quitté ce monde il y a très peu de temps. Son mari était absent; il l'a trouvée morte à son retour. Elle est morte en paix; elle a dit: «Je sais que je vais mourir, mais je suis tranquille: je n'en dis pas davantage». Voilà la fin d'une minime partie, mais pour quelques-uns d'une grande partie de ce pauvre monde.

Dieu s'est révélé à son âme, puis Dieu l'a prise; maintenant elle est dans le ciel. Que d'histoires se racontent ainsi en peu de mots, qui, sur une petite scène, ont rempli d'anxiété bien des coeurs! Si l'on traverse ce monde avec Dieu, on se confie en lui, et tout en souffrant pour les choses réelles plus que d'autres n'en souffrent, on le traverse sans inquiétude, parce que Dieu est là; on ne s'inquiète même de rien; une âme de plus dans le ciel amenée par le fidèle Berger, voilà le vrai fait. Quelques âmes affligées, cela est naturel dans ce monde, comme lorsque une pierre tombe dans l'eau: un peu de bruit, quelques cercles qui s'élargissent, puis s'effacent, et l'eau continue, comme par le passé, à couler avec le bruit qui lui est propre. Nul signe de la pierre ne reste, mais il y a une âme recueillie auprès du Seigneur et qui ne sortira plus de sa présence! Quelle immense joie, quelle profonde bénédiction! Que le nom du Seigneur en soit béni. On me dit que son frère est bien affligé, cela se comprend; son pauvre mari aussi a bien droit à nos sympathies.

Je vous dirai, cher frère, que nous allons avoir, Dieu aidant, une étude de la Parole à Nîmes, pour dix ou douze jeunes frères qui se consacrent plus ou moins absolument à l'oeuvre, principalement de l'Ardèche, mais d'ailleurs aussi.

Je suis au nord de l'Italie. Je sais assez la langue pour expliquer la parole de Dieu, mais je ne prétends pas prêcher. Dans quelques semaines, je pars, Dieu voulant, pour la France. Dieu a passablement ranimé les frères en Suisse, et je crois qu'il le fait en France aussi.

Il se peut que je me rende en Amérique l'été prochain. Dieu le sait.

Je ne puis plus faire de courses à pied, autrement je travaille comme de coutume, et je suis mieux hors de Londres que dans cette grande ville, mais dans sa 72e année, on ne peut penser à faire ce qu'on faisait plus jeune.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 109  -  ME 1894 page 459

Chicago, 1873

Bien-aimé frère,

Je ne m'étais pas trompé sur les localités de l'Ouest. Tout y est à faire; toutes les fausses opinions imaginables à écarter par la Parole; mais au moins y a-t-il le désir de l'étudier.

Nous avons deux réunions par jour pour la lecture; les Messieurs qui sont actifs dans la ville, y viennent; il me semble qu'il y a plus d'attention et de sérieux qu'au commencement, et je crois qu'il y a bien des vérités qui pénètrent dans les esprits. La grâce est peu, ou presque pas connue, et quand on la prêche, en général c'est d'une manière qui la fausse. La difficulté gît en ceci, que les premières vérités fondamentales sont faussées: ce qui serait, en général, un point de départ, exige encore des preuves scripturaires; tout est à rectifier. La vérité en commençant ne fait qu'embrouiller, parce qu'elle se mêle avec de fausses idées déjà reçues; on cite un passage pour démontrer une chose; on l'a employé à sa fantaisie, et il faut d'abord tirer cela au clair. On a, tout de même, fait du progrès sous ce rapport; on est plus soumis à la Parole, et l'on sent qu'il y a une puissance dans la vérité qui est autre chose que des opinions.

A Springfield, trente ou quarante personnes se proposent de se réunir et de se laisser conduire par le Seigneur. J'espère bientôt y aller. D'autres difficultés s'y trouveront, mais le Seigneur suffit à tout.

Ici, nous avons dû abandonner les Ephésiens et prendre l'épître aux Romains; on n'était pas encore bien établi sur le fondement de la vérité.

Les frères vont bien, sauf un ou deux d'entre eux, venus ici pour faire leur chemin. Le monde a pris possession de leurs coeurs; là encore, la grâce du Seigneur suffit, mais ils feront leurs expériences.

Saluez affectueusement les frères.

Votre affectionné frère.