Quelques pensées sur l'unité de l'Eglise

 ME 1895 page 121

 

… Dans ces derniers jours, le principe sur lequel nous avons à nous réunir, est la séparation du mal. Les deuxième et troisième chapitres de 2 Timothée sont clairs sur ce point.

Maintenant, pour les principes du rassemblement des enfants de Dieu dans ces temps-ci, plus d'un chrétien avoue franchement qu'il ne prétend pas se réunir sur les principes établis dans la Parole. On dit par exemple: «Le principe qu'on invoque est celui de l'Eglise primitive, mais peut-il être le principe de l'Eglise démembrée?» Voilà donc la question. On ajoute: «Les frères prétendent pouvoir réaliser aujourd'hui ce qui était le principe de l'unité de l'Eglise, lorsque l'Eglise était une, tandis que moi, je considère ce principe comme absolument impraticable aujourd'hui». C'est, dit-on encore, un principe en l'air, et privé de sa substruction. Or il est certain que la parole de Dieu n'en connaît pas d'autres, n'a pas deux principes de rassemblement. — Nous disons: il faut en revenir à la Parole et, quelque bas que soit notre état, nous fonder sur la Parole, où nous trouvons ce qui peut s'appliquer aux temps actuels; or se réunir deux ou trois au nom de Jésus est de tous les temps. Si l'on ne peut pas se réunir sur des principes scripturaires, la réunion n'est qu'une réunion humaine, sur des principes humains; si ce n'est pas sur le principe de l'unité de l'Eglise, ce sont des églises indépendantes.

Ce qui n'est pas dans l'unité est en dehors quant au principe de son existence. On ne peut agir, dit-on, sur le principe reconnu primitif et scripturaire, c'est-à-dire sur le principe reconnu de Dieu, et l'on doit s'en éloigner le moins possible. Et qui jugera jusqu'à quel point l'éloignement est admissible ou non? Et si le rassemblement n'est pas sur le principe scripturaire, c'est-à-dire sur celui qui seul a l'autorité de Dieu, chacun est libre de juger sur quel principe il veut se réunir. «Le démembrement domine tout». C'est-à-dire que l'effet du péché de l'homme nous libère du devoir de revenir à la Parole et à la volonté de Dieu. Impossible d'abandonner plus formellement le principe de la parole de Dieu. Une fois qu'on a fait cela, l'autorité de Dieu est nulle. Un peu plus, un peu moins d'éloignement est, comparativement parlant, indifférent. Le principe de rassemblement n'est pas un principe divin. Qu'on pèse bien cela… S'il est impossible de se réunir selon la Parole, mieux vaut ne pas se réunir du tout. Nous croyons que Dieu est fidèle envers ses enfants. Le Seigneur a un troupeau, et il a donné dans sa Parole ce qui est approprié à tous les temps. Ici, il s'agit de s'expliquer. On dit, que nous prétendons rétablir l'unité de l'ensemble, de la totalité des chrétiens. Il n'en est rien. Je doute que l'unité se rétablisse d'une manière absolue. Mais ce n'est pas pour nous la question. Ce que Dieu fera n'est pas notre règle de conduite, mais c'est ce qu'il veut que nous fassions, ce qu'il faut chercher dans la Parole. Il y a un grand système où se trouve la forme de la piété en en reniant la puissance; je dois m'en séparer, et je m'en sépare. D'autres chrétiens ne veulent pas le faire; je dois les laisser et suivre la Parole. De même pour les détails. Je nomme le nom de Christ: il faut que je m'éloigne de l'iniquité; je m'en éloigne où qu'elle soit. Ensuite, il y a dans la grande maison de faux docteurs; je m'en purifie en suivant la justice, la foi, l'amour, la paix, avec ceux qui servent d'un coeur pur le Seigneur.

Mais sur quel principe dois-je me réunir? Dois-je m'éloigner des principes scripturaires? Pourquoi est-il plus difficile de se réunir sur des principes scripturaires que sur un autre? Là où deux ou trois sont réunis au nom de Christ, il est là. Pour le fond, l'Eglise primitive ne pouvait avoir davantage; c'est une promesse faite lors du plus beau temps des apôtres, une promesse valable pour nous dans les temps de difficultés et de dispersion. Nous ne pouvons pas commander aux autres, mais par la grâce nous pouvons agir nous-mêmes selon la Parole, comme des enfants obéissants. On veut que nous nous écartions de la Parole aussi peu que possible. Soit; mais qu'on doive s'en écarter, que l'obéissance soit impossible — je ne le pense pas. On nous dit que nous devrions avoir un centre d'attraction pour tout réunir. Nous devrions: je ne le nie pas, je l'ai même souvent dit. Toute l'Eglise devrait être une, et j'accepte que nous sommes tous responsables du manque d'unité, et que les frères, comme tous ceux qui se réunissent selon la vérité, devraient être ou avoir au milieu d'eux le pôle magnétique qui attirât et fléchît chaque coeur; mais si nous ne l'avons pas, cela ne nous empêche pas d'obéir à la Parole, nous, et de jouir de la bénédiction attachée à l'obéissance. Nous n'osons pas faire autrement. La chose est nette. Quelqu'un croit qu'il est forcé de s'écarter du principe de la Parole Nous croyons qu'il ne faut pas s'en écarter du tout. Que si l'on s'en écarte, soit peu soit beaucoup, on l'a abandonné; ce n'est plus l'obéissance; l'autorité de Dieu n'est plus la base du rassemblement. Si le corps est séparé de la tête, le plus ou moins est parfaitement égal. Si notre marche n'est pas l'obéissance, c'est la volonté de l'homme. Je crois que c'est un manque de foi de dire que ce que l'on appelle le démembrement de l'Eglise a rendu impossible pour le chrétien une marche selon la Parole. Pendant des mois, quand j'eus découvert la ruine dans laquelle tout se trouvait, je ne savais que faire. Ensuite, j'ai vu que le Seigneur fournissait ce qui était nécessaire pour ces temps-ci et qu'on n'avait qu'à le suivre. On pouvait compter sur la fidélité du Seigneur pour les difficultés du chemin…

Je dirai un mot sur la question de la discipline et sur les principes émis à cet égard. On dit: «Où trouvera-t-on une assemblée souillée à cause d'un seul de ses membres, de telle sorte qu'un autre membre quelconque communique cette souillure à toute autre assemblée avec laquelle elle aura communion?» Je connais le cas où deux personnes se sont glissées dans une assemblée des frères. Je n'avais pas la moindre idée que cette assemblée fût souillée, parce que ces personnes avaient trompé l'assemblée, et que l'assemblée les avait reçues de bonne foi. Mais si une assemblée accepte le pécheur, le sachant et le voulant, elle n'est pas une pâte nouvelle, si je dois croire ce qui est dit en 1 Corinthiens 5: 7: Si l'assemblée juge le mal, ou même si elle l'a admis sans le savoir (il se peut que, dans ce dernier cas, elle ait manqué de vigilance), elle n'en est pas souillée, parce que sa conscience n'y est pas engagée. Mais si le mal est là, et mis en évidence, il faut qu'elle se montre pure, elle, dans l'affaire, sinon elle n'est pas une nouvelle pâte; elle est impure, aucun de ses membres n'invoque le Seigneur d'un coeur pur, à moins qu'il n'y ait une véritable ignorance du fait. Cela est vrai à l'infini; deux, ou deux millions d'assemblées n'y changent rien; la question, en chaque cas, est: Est-ce que l'assemblée a reçu ce qui est impur, le sachant et le voulant? Est-ce qu'elle s'est associée de volonté à ce qui est impur? Si elle l'a fait, elle est impure, et ceux qui la composent le sont.

On veut que, si l'assemblée même est rejetée, on en reçoive les ressortissants qui sont purs. Moi aussi, mais la question n'est pas là, elle est de savoir si les ressortissants en sont purs, ou s'ils se sont sciemment associés avec l'impureté. 1 Corinthiens 5, tranche la question. La parole de Dieu, dans ces derniers jours, veut que nous nous séparions du mal; c'est l'instruction claire, précise et à point de la deuxième épître à Timothée. Une assemblée telle que celle dont nous parlons ne veut pas le faire; nous ne pouvons marcher ensemble, et les personnes qui sont volontairement dans cette position, ne sont pas ce que l'apôtre exige pour une marche commune. Il ne s'agit pas de rétablir la totalité des chrétiens dans l'unité — chose bien à désirer en soi — mais d'être fidèles à la Parole et au Seigneur dans ces derniers temps.

Maintenant, sur un autre point en relation avec la discipline quant à l'indépendance des assemblées, je citerai les paroles de l'un de nos opposants: «Tout acte de discipline dans une assemblée doit être respecté dans les autres, aussi longtemps qu'on n'a pas lieu de le croire illégitime; mais lorsqu'on voit qu'une assemblée a jugé injustement, alors sa décision n'est plus obligatoire pour les autres réunions». — «En particulier», dit-il encore, «je ne pourrais jamais me soumettre à une discipline que je ne pourrais pas juger». Voilà l'indépendance complète. Il dit bien que les assemblées doivent se respecter les unes les autres, mais il n'y a aucune solidarité, conséquence naturelle et nécessaire d'avoir abandonné le système primitif et seul scripturaire. On se respecte quand on est indépendant, on accepte quand on croit qu'on a raison, autrement la discipline n'est nullement obligatoire. Les honnêtes gens se respectent; si un homme a été chassé de la maison de l'un d'eux, un autre y pensera avant de recevoir cet homme chez lui, mais ils sont indépendants, et chacun fera chez lui ce qu'il trouvera convenable. Il est certain qu'il n'en était pas ainsi au commencement. L'Eglise étant une, celui qui était mis dehors à Corinthe, était mis hors de l'Eglise ici-bas. L'Eglise était solidaire. Je répète cela, parce que c'est l'objection universelle. Je suis lié, dit-on, par un jugement que je désapprouve. Confessez donc au moins que vous êtes indépendant et que vous voulez juger pour vous-même, quitte à recevoir ce que vous approuvez. C'est le système des églises indépendantes, en contraste avec le système d'une Eglise unique, le seul qui se trouve dans la Parole. Mais parce que l'Eglise est une, chacun est libre de réclamer et de communiquer avec ceux qui agissent, non pas en prétendant à une compétence pour juger, refuser ou recevoir comme il l'entend, mais comme membre du tout, agissant aussi selon son don. Paul et ses compagnons l'ont fait. En 1 Corinthiens 1, c'était pour pousser à la discipline quand on n'en voulait pas. Il se peut qu'on rejette la discipline d'une assemblée; mais alors on rejette tout à fait la compétence de cette assemblée d'agir au nom du Seigneur. Ce système est donc le système des églises indépendantes qui se respectent, et non celui de l'unité de l'Eglise. Seulement on y ajoute sa compétence à soi d'agir de son chef, de juger soi-même le jugement de toute assemblée, et de rejeter, de sa propre autorité, une personne qu'on trouve impropre pour la communion. On ajoute le principe du clergé à celui des églises indépendantes; ni l'un, ni l'autre de ces principes, ne se trouvent dans la Parole, à moins de s'arroger peut-être les droits d'un apôtre, qui devraient s'appuyer sur la puissance d'un apôtre.

On a pu trouver dans mes écrits des expressions qui se contredisent; par exemple, que la totalité des églises constituait l'Eglise, et que la totalité des églises ne constitue pas l'Eglise. Dans la forme il y a contradiction; dans l'intention des phrases aucune. Je crois les deux. L'une a voulu dire que tous les chrétiens et les églises qui les renfermaient n'étaient pas des corps indépendants, mais un tout. La seconde a voulu dire que ces églises ne formaient pas cette unité comme corporation constituante, mais que des individus, et non des corporations locales, formaient le corps de Christ. Je crois encore les deux pleinement.

La question importante est: Qu'est-ce que c'est que l'Eglise, et quelle doit être la marche du chrétien dans ces temps de ruine? Doit-on renoncer aux principes scripturaires comme étant impraticables? ou bien se soumettre humblement à la Parole, sûrs que Dieu n'abandonnera jamais ceux qui cherchent à lui obéir, et que la parole de Dieu et la grâce du Chef de l'Eglise suffisent et suffiront toujours et dans tous les temps, à ceux qui sont contents de marcher dans la petitesse et méconnus du monde?

Encore un mot en terminant. Je suis uni à tous les chrétiens comme membre d'un seul corps et heureux de m'unir avec eux tous, partout où je ne suis pas appelé, en le faisant, à sortir du chemin tracé dans la Parole. La désobéissance n'est pas la communion, et la communion ne se trouve pas dans la désobéissance. Quelques âmes seront plus scrupuleuses que d'autres sous ce rapport-là; il faut laisser chacun à sa conscience. Je ne me joins pas au système que j'ai laissé et ne rebâtis pas ce que j'ai détruit pour me rendre transgresseur; mais je suis heureux de me rencontrer avec tout enfant de Dieu dans le chemin de l'obéissance à sa volonté, où que ce soit.