Les dernières paroles de David

2 Samuel 22 – 23: 7 - Darby J.N.

ME 1895 page 281

 

Il y a un contraste remarquable entre les deux cantiques que l'Esprit de Dieu a rapprochés l'un de l'autre dans ces chapitres. Le premier est l'expression de la joie de David, lorsqu'il en eut fini avec tous ses ennemis (après sa lutte contre Saül), tandis que l'autre fut composé, lorsqu'il en eut fini avec lui-même.

Ses épreuves terminées, quand il regarde en arrière et voit ses ennemis vaincus, il exprime la joie et le triomphe; mais, après cette expérience de la bénédiction, il dit: «Quoique ma maison ne soit pas ainsi avec Dieu». La fin de toute l'affliction et des épreuves accumulées sur lui par Saül n'est qu'allégresse, et force, et chants de triomphe. «Les vagues de la mort, dit-il, m'ont environné, les torrents de Bélial m'ont fait peur; les cordeaux du shéol m'ont entouré, les filets de la mort m'ont surpris»; mais le résultat du profond travail de son âme et de l'amertume qu'il a traversée est, en premier lieu, la reconnaissance et la louange lorsqu'il raconte la délivrance de Dieu. Ensuite, les fruits de la position d'honneur, de bénédiction et de triomphe qui lui a été donnée, se trouvent être une amère et profonde affliction, avec cette confession: «Quoique ma maison ne soit pas ainsi avec Dieu». Non pas que son âme manquât de soutien dans sa tristesse, car il ajoute: «Cependant il a établi avec moi une alliance éternelle, à tous égards bien ordonnée et assurée». C'est là son attente lorsque se lèvera le «matin sans nuages». Mais la fin de toutes ses bénédictions terrestres n'en est pas moins ceci: «Ma maison n'est pas ainsi avec Dieu».

Ce contraste nous rend l'affliction précieuse et nous ôte tout désir d'en sortir.

Il en est ainsi pratiquement. Nous avons à nous tenir en garde contre les conséquences du succès. Le fardeau de circonstances qui m'abattent, ne produit en moi que joie et actions de grâce; car lorsque je suis ainsi humilié, je fais l'expérience de la bonté de Dieu. Les circonstances qui m'élèvent auront la tristesse pour résultat. Que de fois un chrétien, amené par l'épreuve, dans le sentiment de sa faiblesse, à s'appuyer sur le Seigneur, n'a-t-il pas été soutenu comme un fidèle serviteur et n'a-t-il pas acquis dans sa dépendance même de nouvelles bénédictions et, sur d'autres, une influence selon Dieu! Mais combien souvent aussi, satisfait de cette bénédiction ou de l'influence acquise, et perdant ainsi le sentiment de sa faiblesse, n'est-il pas resté stationnaire, arrêté dans sa course et devenu comparativement inutile à l'Eglise de Dieu! Cela devrait nous faire désirer pour nous-mêmes la conformité des souffrances de Christ. Le chemin de la grâce qu'il nous a tracé, c'est de nous approcher de plus en plus du Père, tout en n'ayant aucune part ici-bas.

Trois choses sont placées devant nous dans ces chapitres. L'une d'elles nous donne un sérieux avertissement:

1° Le résultat des afflictions que David endura de la part de Saül.

2° Lorsqu'il fut assis sur le trône, les conséquences des innombrables bénédictions terrestres dont il fut entouré.

3° La joie du doux psalmiste d'Israël, lorsqu'à la fin de sa carrière il anticipa le «matin sans nuages».

Si nous avons reçu l'avertissement qui nous est donné au sujet des dangers du succès ou de toute autre bénédiction présente, attendons-nous la bénédiction pleine, entière et parfaite qui sera manifestée quand le Seigneur Jésus viendra? Nous reposons-nous sur cette espérance?

Nous voyons ici comment l'Esprit de Christ rassemble pour ainsi dire toute l'histoire d'Israël autour d'un centre qui est Christ lui-même: il choisit la harpe de David comme instrument pour chanter ces choses merveilleuses. Il n'y a rien de plus intéressant que de voir Dieu se servir dans les Psaumes de l'histoire de David, afin d'écrire l'histoire du Seigneur Jésus sur les tablettes du coeur de son serviteur.

Dans le premier de nos passages, nous trouvons une allusion remarquable à toute l'histoire d'Israël et aux voies de Dieu envers son peuple; et nous pouvons remarquer combien David en sentait la puissance morale pour lui-même. Nous avons ici une merveilleuse série d'événements passés, présents et futurs, se rattachant tous à l'histoire de David et à ses triomphes; nous dévoilant les sympathies de Christ avec David dans son affliction, jusqu'au moment où le fils d'Isaï devient le chef des nations, tandis que son peuple est béni sous sa domination.

Au chapitre 23, nous sont rapportées «les dernières paroles de David». Nous apprenons ici où pouvaient se reposer ses yeux et son coeur, malgré le sentiment qu'il avait de sa propre incapacité et de la ruine de sa maison. Il attendait le «matin sans nuages»; il regardait à Celui qui dominerait sur les hommes dans la crainte de l'Eternel, qui bâtirait la maison de Dieu et dans la personne duquel la gloire serait manifestée. Quant aux fils de Bélial, il surgirait quelqu'un qui les exterminerait selon toute la sévérité du jugement; alors «ils seraient tous comme des épines qu'on jette loin». Nous trouvons ici une conscience profonde de la ruine, illuminée cependant par l'attente du matin sans nuages qui luira bientôt. L'espérance de la venue du Fils de David et le sentiment de la ruine totale de tout ce qui l'environnait, font que le coeur du roi anticipe le plein triomphe du jour où la bénédiction débordera sur toutes choses.

Ainsi, dans ces deux chapitres, nous voyons d'un côté le déploiement des sympathies de Christ avec le coeur de David qui rappelle toutes les tristesses de l'histoire d'Israël; de l'autre, nous trouvons le coeur de David se reposant sur la certitude de ce que serait le «matin sans nuages». Nous devons chercher à avoir la puissance de l'Esprit dans les sympathies de Christ, en même temps que nous nous efforçons de saisir l'espérance que l'Esprit de Dieu place devant nous, et que nous avons en même temps communion aux souffrances de Christ.

Rappelons-nous maintenant ce qu'était David jusqu'au moment de ses succès. Dieu emploie toujours les instruments les plus incapables aux yeux de l'homme. Pensez à Sara, à Rebecca, à Zacharie, à Elisabeth, à David lui-même. Tout en lui était contraire aux pensées de la chair. Comparez-le à Saül. Ce dernier était le plus bel homme qui se trouvât en Israël. Il dépassait tous les autres de la tête, car «il était plus grand que tout le peuple depuis les épaules en haut»; il était l'image de la puissance de la chair. Mais Dieu passe par-dessus tous ces avantages pour ne s'occuper que du «jeune garçon qui paissait le menu bétail». Saül est infidèle; il est rejeté comme roi, et Dieu arrête ses yeux sur David.

Samuel, conduit par l'Esprit prophétique (1 Samuel 16), descend à Bethléhem pour choisir d'entre les fils d'Isaï celui qui devait remplacer Saül. Il les fait défiler devant lui. Sept se présentent. — «Sont-ce là tous les jeunes gens?» demande le prophète. Le père répond: «Il reste encore le plus jeune, et voici, il paît le menu bétail». — «Envoie, et fais-le amener». David arrive, et l'Esprit le désigne comme étant l'oint de l'Eternel. Tout ce qui est grand aux yeux d'Isaï passe inaperçu; c'étaient de beaux hommes que ses sept fils, mais Dieu leur préfère le huitième, «ce jeune garçon qui paissait les troupeaux», le plus faible de tous!

Depuis ce moment-là, l'Esprit de l'Eternel se retire d'avec Saül et celui-ci devient la proie d'un esprit malin. David lui est amené comme joueur de harpe. Il avait alors si peu d'importance que, lorsqu'il eut tué Goliath, et que Saül demande: «De qui ce jeune homme est-il fils?» Abner répond: «Je n'en sais rien». Ses frères même lui demandent avec mépris: «A qui as-tu laissé ce peu de brebis dans le désert?»

Quels sont, d'autre part, les traits de caractère que nous trouvons chez David? Une profonde conviction de posséder la puissance de Dieu et l'oubli de lui-même, en présence de toutes les difficultés qui surgissent sur le chemin du devoir. Il garde les troupeaux de son père: un lion et un ours viennent pour ravir un agneau. C'est l'affaire du berger de protéger les brebis; le jeune garçon va à la rencontre du lion et de l'ours et les tue. Pour lui, ces actions héroïques font simplement partie de son devoir; aussi les difficultés tombent-elles d'elles-mêmes.

C'est la foi à l'oeuvre. La foi reconnaît Dieu et le devoir envers Dieu, et la chose devient toute naturelle. Dites à un enfant de soulever une pierre; quel effort il lui faudra! Adressez-vous à un homme vigoureux; il le fera le plus facilement du monde. La foi réalise la puissance de Dieu sans compter sur la chair, et accomplit ainsi tout simplement ce qui est placé devant elle.

David acquiert dans le sentier du devoir la conscience de posséder la puissance de Dieu qui lui fera surmonter des épreuves subséquentes. Ce secret de la force, qu'il apprend à connaître dans sa retraite, le prépare pour ce que le Seigneur lui réserve.

Des bénédictions accompagnaient encore la carrière de Saül. Nous lisons que «partout où il se tournait, il châtiait ses ennemis». Quoiqu'il fût méchant, qu'il cherchât son propre intérêt et qu'il fût rejeté comme roi, il y avait encore de la bénédiction en Israël par son moyen. Mais secrètement l'Eternel avait fixé les yeux sur David.

Les Philistins avaient rassemblé leurs armées pour faire la guerre contre Israël (chapitre 17). Sur l'ordre de son père, David se rend au camp, avec des provisions pour ses frères; il y entend le défi insultant de Goliath. David avait appris, dans le simple chemin du devoir, que le Dieu d'Israël était un Dieu fidèle, aussi est-il fort étonné lorsque, se trouvant au milieu du peuple de Dieu, il constate sa frayeur devant Goliath. Le jeune garçon demande: Qui est ce Philistin? Quoi, un Philistin, un incirconcis, ose outrager les troupes rangées du Dieu vivant! Eliab soupçonne David d'être venu au camp pour de mauvais motifs; mais il y a chez ce jeune garçon une telle sincérité de coeur pour reconnaître Dieu, que le simple chemin du devoir s'ouvre en puissance devant lui. Déjà comme berger, quand son devoir était de garder les brebis, s'il survenait un lion, «il le saisissait par sa barbe et le tuait»; de même aussi il frappait l'ours, sans ostentation et sans vanterie; c'était pour lui simplement une affaire de devoir; il n'en parle que poussé par la nécessité. Lorsqu'il s'agit du Philistin incirconcis, c'est la même chose. «Il sera comme l'un d'eux, car il a outragé les troupes rangées du Dieu vivant!» Il marche en avant dans l'énergie de la foi. Il ne cherche pas de secours en Israël et refuse l'armure que lui offre Saül. Il ne se préoccupe pas de la lance, «semblable à l'ensouple d'un tisserand». Ce Philistin incirconcis outragera-t-il le Dieu d'Israël? C'est là la question. David s'écrie: «En ce jour, l'Eternel te livrera en ma main!» Son coeur est uni à Israël; il s'identifie avec les rapports qui existent entre l'Eternel et son peuple. Bien que l'exercice de la foi soit celui d'un seul individu, «la bataille est à l'Eternel». Il identifie la gloire de Dieu avec Israël, et ainsi le Philistin incirconcis ne peut avoir aucune force. Avec une fronde et un caillou du torrent, David tue le géant, dont l'épée même sert a lui trancher la tête. Ainsi il est dit de Jésus que, par la mort, il a rendu impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort, ayant employé l'arme même de l'ennemi pour le vaincre.

Le coeur de David se reposait sur la fidélité du Dieu de son peuple. C'était là le secret de sa force, secret appris dans la solitude, et dont il pouvait user en toute circonstance. Tel est toujours le caractère de la foi. La foi en activité introduit Dieu. Dieu est tout, les circonstances ne sont rien. Qu'il s'agisse du lion, ou de l'ours, ou du Philistin incirconcis, le cas est le même. Le secret de la force de Dieu, que l'on apprend seul à seul avec lui, voilà ce qui permet à la foi de placer toutes les circonstances au même niveau, faisant de Dieu lui-même la grande circonstance qui gouverne tout le reste.

Après cela, les femmes se mettent à chanter: «Saül a frappé ses mille, et David ses dix mille», et David devient un objet de haine pour Saül. «Depuis ce jour-là et dans la suite, Saül eut l'oeil sur David».

Plus tard, nous rencontrons dans le caractère de David, entouré d'ennemis puissants, la conscience de sa faiblesse et de son infirmité et l'absence de toute pensée de vengeance à l'égard de Saül. Il ne prend jamais aucune décision sans consulter Dieu, à une seule exception près suivie d'un châtiment. Tout est contre lui: il sent qu'il est au milieu d'ennemis subtils et qu'il lutte contre une puissance qu'il ne peut supprimer. Saül cherche sa vie (chapitre 18: 10, 11), mais David n'a pas le droit de supprimer la puissance de Saül (*). Il ne peut se débarrasser de l'ennemi, aussi est-il obligé de chercher auprès du Seigneur des directions pour chacun de ses pas.

(*) C'était une puissance légitime, donnée de Dieu, quoique Saül n'en usât pas justement.

Il en est de même pour les saints d'aujourd'hui, qui ont besoin de réaliser, eux aussi, qu'ils luttent contre une puissance qu'ils ne peuvent supprimer; ils sentiront ainsi leur entière faiblesse et seront forcés d'avoir affaire directement avec Dieu et de dépendre de lui dans toutes leurs circonstances.

Enfin Saül, dont l'hostilité se manifeste clairement, chasse David de sa présence; David devient un proscrit. Tout cela est nécessaire pour l'exercice de sa foi, et il apprend ainsi pratiquement à s'attendre à l'Eternel. «Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Eternel, et j'ai crié à mon Dieu».

Il se réfugie dans la caverne d'Adullam (chapitre 22), se sépare de tout ce que Dieu a jugé et rassemble autour de lui ses hommes forts.

Le chapitre débute par une scène des plus misérables. «Tout homme qui était dans la détresse, et tout homme qui était dans les dettes, et tout homme qui avait de l'amertume dans l'âme, s'assembla vers David» dans la caverne d'Adullam; mais au milieu de cette troupe d'hommes hors la loi, nous trouvons tout ce que Dieu reconnaissait en Israël, le prophète de l'Eternel (*), son sacrificateur et son roi.

(*) Saül avait mis à mort les sacrificateurs; mais Abiathar, l'un des fils d'Akhimélec, s'était échappé et s'était réfugié auprès de David. Gad, le prophète de l'Eternel, était aussi là (verset 5).

Suivons maintenant David dans sa carrière. Nous le voyons sans cesse dépendant de la puissance de Dieu ne se vengeant pas lui-même, mais toujours magnanime envers Saül, lorsque ce dernier se trouve en son pouvoir (chapitres 24; 26). Il dépend si entièrement de cette puissance que, quel que soit le sentiment de sa faiblesse, même si l'opprobre lui brise le coeur, dès qu'il se trouve en présence de la puissance du mal, il confesse sa propre indignité. Cependant il peut, même dans ces circonstances, prendre une place de supériorité. Ainsi faisait Jacob qui, tout en rappelant les misères des années de son pèlerinage, pouvait bénir le Pharaon. Ce pauvre vieillard chétif était identifié avec Dieu; il avait conscience de sa supériorité en présence de la puissance et de la gloire du monde; c'est toujours le privilège de la foi. Et ainsi il pouvait, tout en confessant sa faiblesse, prendre la place du plus grand qui «bénit le moindre».

David avait eu, grâce à Saül, une vie triste et misérable; mais lorsque Abishaï lui dit: «Dieu a livré aujourd'hui toit ennemi en ta main», il répond: «Loin de moi, de par l'Eternel, que j'étende ma main sur l'oint de l'Eternel!» Puis encore, quand il plaide sa cause devant Saül: «L'Eternel jugera entre moi et toi, et l'Eternel me vengera de toi; mais ma main ne sera pas sur toi. Que l'Eternel me délivre de ta main». Il en était ainsi du Seigneur Jésus qui, «lorsqu'on l'outrageait, ne rendait pas l'outrage, quand il souffrait, ne menaçait pas, mais se remettait à celui qui juge justement».

Et voilà aussi ce que l'Eglise est appelée à faire, entourée, comme elle l'est, d'ennemis qu'elle ne peut écarter de son chemin. Si nous recherchons la gloire de Dieu, nous n'éprouverons pas le besoin de nous justifier nous-mêmes; nous pourrons supplier («calomniés, nous supplions»), mais jamais nous ne revendiquerons nos droits avec hauteur. Pierre dit: «Si, en faisant le bien, vous souffrez, et que vous l'enduriez, cela est digne de louange devant Dieu». C'est un principe étrange, envisagé à tout autre point de vue qu'à celui de la foi. Mais, comme chrétien, je ne puis revendiquer mes droits tant que l'usurpateur est au pouvoir (pas plus que David ne pouvait toucher à l'oint de l'Eternel). J'attends un «matin sans nuages», quand le vrai Roi sera établi alors j'entrerai en possession de mon héritage. Maintenant mon lot est de faire le bien, de souffrir et d'endurer le mal; précisément ce qui fut la part du Seigneur Jésus. Mais, comme compensation, je suis assuré que cela est digne de louange devant Dieu.

Enfin (chapitre 28) Saül se trouve dans une triste et terrible condition. L'Eternel s'est retiré de lui. Le jour arrive où il doit succomber, avec la conviction que ]'Eternel ne lui a répondu ni par des visions, ni par l'urim, ni par les prophètes. Tous ces oracles l'abandonnent pour se retrouver auprès de l'homme méprisé et souffrant qui ne possède rien dans ce monde.

Saül et Jonathan tombent, et David prend le royaume.

Et maintenant, un triste tableau nous est présenté: David adopte une autre ligne de conduite.

Ce qui marque sa confiance, comme roi, en sa propre maison, c'est qu'il se confie en sa force. «Moi, j'habite dans une maison de cèdres et l'arche de l'Eternel demeure sous des tapis». Il se propose de bâtir un temple, quand l'Eternel ne lui a pas dit un seul mot à ce sujet. La chose qu'il projette n'est pas mauvaise en elle-même, mais il n'est pas entré dans la pensée de l'Eternel, parce qu'il ne l'a pas consulté et ne s'est pas attendu à lui. Nous ne retrouvons plus chez David ces rapports directs avec le Seigneur qui caractérisaient sa marche antérieure (*); il se confie en sa propre force, il vit dans la mollesse et tombe dans un grave péché.

(*) Lorsqu'il veut ramener l'arche, dans le désir de bâtir une maison à l'Eternel, nous le voyons chercher du secours auprès du monde — les Philistins.

La volonté propre s'étant introduite, la convoitise la suit de près; puis le péché le plus grossier éclate dans le meurtre d'Urie et l'adultère avec Bath Shéba; ensuite nous le voyons manquer de confiance en l'Eternel et faire le dénombrement du peuple.

La conséquence de tout cela se voit dans la parole que l'Eternel lui adresse par la bouche du prophète: «L'épée ne s'éloignera pas de ta maison». David est châtié; la repentance lui est accordée, mais l'épée ne s'éloigne plus de sa maison.

Dans cette dernière partie de l'histoire de David, nous voyons les conséquences de la bénédiction, les résultats de la foi, quand on en use selon la chair et pour soi-même. Ce n'est pas que, semblable à Saül, David commençât et finît par la chair, sans aucune bénédiction. Nous voyons, au contraire, en lui, jusqu'à son avènement comme roi dans sa maison, un exemple ravissant de ce que doit être la marche d'un homme de foi, pleine de grâce et d'humilité. L'Eternel avait dit: «J'ai trouvé un homme selon mon coeur» (Il ne parle pas de sa conduite, mais David était «un homme selon le coeur de Dieu»). Il était un homme pieux; il reflétait la grâce divine, et à la fin il recueille une abondante bénédiction.

Mais nous voyons l'homme pieux comblé de bénédictions, et les résultats de sa fidélité sont trop considérables pour la foi qui l'a introduit dans ces privilèges. Malgré tout, la grâce brille et ensuite nous trouvons une humilité admirable, fruit précieux de la grâce. Toutefois l'histoire de David contient pour nous un sérieux avertissement: les bénédictions qui résultent de la foi peuvent être trop grandes pour la foi même qui nous les a procurées.

Notre unique sécurité se trouve dans l'exhortation de l'apôtre aux Philippiens: «Qu'il y ait donc en vous cette pensée qui a été dans le Christ Jésus», pensée d'humilité qui nous abaisse constamment jusque dans la poussière. Tant que David fut humble comme roi, il fut comblé d'autant de bénédictions que lorsque, rejeté de tous, il était poursuivi par Saül comme une perdrix sur les montagnes.

Nous avons trouvé dans ces dernières paroles de David un profond sentiment de la ruine et de la chute de tout ce qui l'entourait. «Ma maison n'est pas ainsi avec Dieu!» Où est-ce que le coeur de David trouvait un lieu de repos au milieu de cet état de choses? En ceci: «Cependant il a établi avec moi une alliance éternelle, à tous égards bien ordonnée et assurée, car c'est là tout mon salut et tout mon plaisir, quoiqu'il ne la fasse pas germer».

Où l'Eglise trouve-t-elle sa consolation, sa ressource, sa joie, quand du milieu de la ruine, considérant son état actuel, elle doit dire: «Quoique nous ne soyons pas ainsi avec Dieu»? Peut-il y avoir un seul coeur ayant l'Esprit de Dieu qui ne partage ce sentiment, et ne puisse être satisfait d'aucun honneur extérieur qui repose maintenant sur la maison de Christ? Existerait-il quelqu'un qui ne fût profondément humilié par l'état de cette maison, sous quelque aspect qu'on l'envisage? Cette vue est-elle pour nous un sujet de joie et de bonheur, ou plutôt ne devons-nous pas dire: «Nous ne sommes pas ainsi avec Dieu»?

Certes nous avons sujet d'être affligés et humiliés, quoique tout doive concourir à notre bénédiction finale. La maison de David sera de nouveau glorifiée dans la personne de Christ au milieu de la nation qui est maintenant «répandue au loin et ravagée»; et nous, nous serons avec lui dans sa gloire, avec lui, la Tête de son corps, l'Eglise. Il y a une alliance à tous égards bien ordonnée et assurée; une alliance éternelle, établie dès avant la fondation du monde, dans les bénédictions de laquelle nous sommes introduits; et nous avons besoin de cette certitude pour soutenir nos âmes.

Mais la certitude de cette alliance doit-elle nous rendre indifférents à la ruine et satisfaits du déshonneur qui repose maintenant sur la maison de Christ? Quoique David pût dire, tout en sentant la ruine de sa propre maison: «J'ai une alliance à tous égards bien ordonnée et assurée», était-il satisfait et heureux! Impossible! car il exprimait son sentiment au sujet de la maison de David. Il en est de même pour nous. Si nous avons l'Esprit de Christ, nos coeurs seront contrits et affligés, parce que cette maison n'est pas ainsi avec Dieu; et nous le dirons, quoique Dieu nous ait révélé, comme une chose certaine, la manifestation de l'honneur et de la gloire de Christ au jour de son apparition. Ce que je dois chercher, c'est sa gloire pour le jour actuel. Ainsi il y aura nécessairement de la tristesse dans mon coeur, en voyant le déshonneur jeté sur mon Sauveur.

C'est une terrible chose de dire: «L'alliance me garantit la possession de toutes les bénédictions éternelles; pourquoi donc m'inquiéterais-je de la gloire actuelle de Christ?» Cela revient à dire que sa gloire n'a aucune importance quelconque. Pratiquement, c'est aussi bien de l'antinomianisme ecclésiastique, que, se servir de la grâce de Dieu comme d'un manteau pour couvrir le péché, est de l'antinomianisme individuel.

Cependant au milieu de la ruine qui nous entoure, il est consolant de penser que nous avons la bénédiction devant nous. Nous avons besoin, comme soutien pour nos âmes, de cette bienheureuse espérance de la venue du Seigneur. C'est ce qui vraiment réjouit nos coeurs. Il est très important pour nous pratiquement d'avoir une sphère de bénédiction, au milieu des épreuves que nous sommes appelés à traverser, sur laquelle nos coeurs puissent se reposer. Chez quel homme trouverez-vous la manifestation d'heureuses affections? Sûrement chez celui qui possède un foyer où ces mêmes affections puissent se donner libre cours. De même pour nous chrétiens, il est très important que nous ayons une sphère dans laquelle nos affections puissent se développer librement et où toutes nos relations soient pures et heureuses. Quel est l'homme qui, occupé tout le jour d'un ouvrage malpropre, ne se salisse un peu lui-même? Mon âme a besoin parfois d'être occupée exclusivement de ce qui est bon. Elle doit se concentrer en Dieu. Il ne se tient pas caché très loin de nous. Il est amour et il est, pour ainsi dire, sorti de lui-même pour couler vers nous comme la source qui nous communique son amour. Cherchons à avoir nos associations dans la sphère où Dieu est le centre de la bénédiction qu'il communique.

Lorsque Dieu aura assujetti toutes choses au Seigneur Jésus Christ, comme au juste dominateur des hommes en la crainte de Dieu, la puissance du mal sera abolie et les fils de Bélial seront «tous comme des épines qu'on jette loin»; alors, en la révélation de Jésus Christ, les pensées du coeur de Dieu pourront se manifester.

Alors aussi un homme sera la tête et le centre de toute cette bénédiction; un homme en sera le dispensateur, et cet homme est le Seigneur Jésus Christ. L'homme est déchu de toutes les positions de bénédiction dans lesquelles Dieu l'a placé; abandonné à lui-même il faillira de nouveau, même après avoir été témoin de la gloire. Mais le coeur de Dieu se repose sur la manifestation du Seigneur Jésus Christ, de l'homme parfait, qui sera le centre de toute bénédiction. La plénitude de la bénédiction éclatera lorsque lui, le Souverain Sacrificateur selon l'ordre de Melchisédec, descendra du ciel. Même ici-bas nous avons part aux biens célestes, mais c'est la vie d'ici-bas, c'est le sentiment de la ruine et du désordre, qui nous arrachent ce cri: Nous ne sommes pas ainsi avec Dieu! Il y aura plus tard un état organisé de bénédiction, un temps où l'Ordonnateur et le Dispensateur de la bénédiction descendra d'auprès de Dieu. La bénédiction selon le coeur de Dieu, descendant du ciel dans la personne du Seigneur Jésus Christ, tel sera le caractère saillant de «ce jour-là».

Toute chose prend ainsi sa place selon ses relations avec le Seigneur Jésus. Si l'Eglise est l'Epouse de Christ, elle prend sa place selon ses relations avec lui comme telle. Il en est de même d'Israël. «Celui qui domine parmi les hommes sera juste, dominant en la crainte de Dieu; et il sera comme la lumière du matin, quand le soleil se lève, comme un matin sans nuages; par sa clarté, l'herbe tendre germe de la terre après la pluie». «Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, et je susciterai à David un Germe juste; et il régnera en roi, et prospérera, et exercera le jugement et la justice dans le pays. Dans ses jours Juda sera sauvé et Israël habitera en sécurité; et c'est ici le nom dont on l'appellera: L'Eternel, notre justice» (Jérémie 23: 5). Mais s'il règne, nous régnerons aussi avec lui, comme son épouse, associée à sa gloire. Israël sera béni sous sa domination, mais il n'en reste pas moins vrai «qu'il est le chef sur toutes choses à l'Assemblée, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous».

Il en sera de même quant aux nations; Israël sera alors le centre de la bénédiction terrestre: mais les nations se confieront en lui. «Et en ce jour-là, il y aura une racine d'Isaï, se tenant là comme une bannière des peuples: les nations la rechercheront, et son repos sera gloire» (Esaïe 11: 10). «Toutes les nations le diront bienheureux» (Psaumes 72: 17).

Et encore: «Toutes choses ont été créées par lui et pour lui». Il est le «fidèle Créateur»; et cette sphère de bénédiction, il devra aussi la réconcilier avec lui-même, afin d'y manifester sa puissance. La domination est déjà placée entre ses mains: «Toute autorité m'a été donnée dans le ciel et sur la terre»,. mais cette autorité n'a pas encore été exercée. «Nous ne voyons pas encore que toutes choses lui soient assujetties».

Ce n'est pas à nous de chercher la bénédiction ici-bas en dehors de la manifestation future de Celui qui sera le porteur de cette bénédiction, quand resplendira «le matin sans nuages». L'énergie de l'Esprit a pour effet de nous faire soupirer et souffrir en proportion de la puissance du mal, jusqu'à ce que cette puissance soit abolie. Nos soupirs, comme chrétiens, devraient toujours être ceux de coeurs saints souffrant en esprit au milieu du mal qui les entoure; et non pas des gémissements produits par notre propre misère. Jésus lui-même soupirait en vertu de ses saintes affections, jamais autrement.

Tant que la puissance du mal n'est pas abolie, plus l'énergie de l'Esprit sera grande, plus aussi Satan s'acharnera contre celui chez lequel elle se manifeste. Le chrétien a aussi à faire avec «ces fils de Bélial». La douce main de la grâce ne peut les atteindre; «ils seront tous comme des épines que l'on jette loin, car on ne les prend pas avec la main, et l'homme qui les touche se munit d'un fer ou d'un bois de lance; et ils seront entièrement brûlés par le feu sur le lieu même». L'ivraie a cru parmi le bon grain (Matthieu 13). La grâce ne peut arracher l'ivraie du champ, elle ne peut la transformer en froment! L'ivraie doit croître jusqu'à la moisson. Alors elle sera «liée en bottes pour être brûlée».

David ne cherchait pas à remédier à la ruine de sa maison. Il attendait la pleine bénédiction du «matin sans nuages». Il devrait en être ainsi pour nous aussi. Israël, l'Eglise, David, tous ont failli, leur «maison n'est pas ainsi avec Dieu». L'homme a failli, il faillira toujours. Paul a dû s'écrier: «Personne n'a été avec moi, mais tous m'ont abandonné. Mais le Seigneur s'est tenu près de moi et m'a fortifié». Il faut que Dieu soit le centre de notre bénédiction. Nous sentons qu'il nous manque quelque chose: l'énergie vivante de l'Esprit qui réalise Dieu; ce n'est pas une plus abondante effusion de l'Esprit si nous sommes fidèles, mais c'est la fidélité de Dieu, malgré notre faiblesse. «Si nous sommes incrédules, il demeure fidèle; car il ne peut se renier lui-même». Cependant il est bon pour nous, non seulement de pouvoir dire: «Dieu est fidèle», mais il faut aussi que nos affections s'exercent et se développent dans une sphère où tout est bénédiction parfaite, que nos coeurs soient occupés de ce qui satisfait son coeur à lui. «Ce que l'oeil n'a pas vu, et que l'oreille n'a pas entendu, et qui n'est pas monté au coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment, — mais Dieu nous l'a révélé par son Esprit; car l'Esprit sonde toutes choses, même les choses profondes de Dieu». Ce que le Saint Esprit nous révèle, c'est le déploiement de la gloire céleste et terrestre, dont le Seigneur Jésus Christ sera le centre et la manifestation, lorsqu'il reviendra. Voilà pour nous une sphère de joie, de consolation, de repos. Les affections réveillées par l'Esprit de Dieu ne peuvent être satisfaites qu'en se reposant là où le coeur de Dieu lui-même a trouvé son repos.

Leur centre, leur sphère, leur repos, c'est la gloire de Jésus.

L'effet pratique de toutes ces choses sur nos coeurs et nos consciences est de nous faire réaliser la première partie de l'histoire de David. Dans quelques circonstances que nous soyons placés, si nous sommes fidèles, si notre oeil est simple dans le camp de Saül, nous ne manquerons pas de nous trouver bientôt dans la caverne d'Adullam, ayant, comme portion de nos âmes, la communion des souffrances de Christ. C'est là que nous réaliserons le développement de ces affections intimes, de ces secrètes affections du coeur, que David connut dans son humiliation. C'est lorsque David participait à l'avance aux souffrances et aux afflictions de Christ dans la caverne d'Adullam, lorsqu'il était poursuivi comme une perdrix sur les montagnes, c'est alors qu'il était environné de chants de délivrance.

Que le Seigneur nous donne un oeil simple et nous accorde la communion de ses souffrances dans la puissance de sa résurrection.