Se glorifier en la croix de Christ

Galates 6: 14 

ME 1896 page 28

 

Il n'est rien de plus difficile que de sortir un homme de lui-même; c'est même chose impossible, à moins qu'on ne lui donne une nouvelle nature. L'homme se glorifie de tout ce qui lui procure de l'honneur, de tout ce qui le distingue de ses voisins. Peu importe quoi; peut-être est-il simplement de plus haute taille dire les autres; il suffit que son orgueil s'en mêle en lui donnant un avantage sur ceux qui l'entourent.

Il est des hommes qui se glorifient de leurs talents. Les caractères sont différents; chez les uns, la vanité domine; ils recherchent l'approbation d'autrui; chez les autres, c'est l'orgueil; ils ont bonne opinion d'eux-mêmes. L'homme se fera une gloire de sa richesse, de son savoir, de tout ce qui le distingue de son entourage; il se créera ainsi un petit monde dont il sera le centre. Outre le talent, la naissance, la richesse, l'homme se glorifie encore d'une autre chose: de sa religion. Un Juif se vante de n'être pas un Turc; un chrétien de nom se glorifie de n'être ni un païen, ni un publicain. L'homme se servira donc, pour s'accréditer, de la chose même que Dieu lui a donnée pour le sortir de lui-même. Ceux qui sont assez aveuglés pour se faire écraser par le char de Jaggernaut, peuvent avoir moins de raisons pour se glorifier, ou pour penser pouvoir se glorifier. Mais les hommes se glorifient précisément dans la mesure de vérité que contient leur religion. Ainsi le Turc qui reconnaît le vrai Dieu, se glorifiera de sa religion vis-à-vis des païens; le Juif, de même; il possède la vérité; «le salut vient des Juifs». Le chrétien aussi a beaucoup de connaissance, mais il s'en enorgueillit et ainsi s'en fait une occasion de chute. La subtilité de l'ennemi se révèle en proportion de la somme de vérité au sujet de laquelle l'homme s'enorgueillit. Il n'est pas difficile de s'en rendre compte. Si vous êtes fier d'être chrétien, la chose vous est prouvée. La question change naturellement, lorsqu'il s'agit du véritable enfant de Dieu qui marche selon la puissance de la croix de Christ et dont la gloire est de connaître Dieu.

En Jonas, nous voyons cet orgueil à l'oeuvre il était fier d'être un Juif, et, par crainte de perdre sa réputation, il ne voulut pas se rendre à Ninive, comme Dieu le lui avait commandé. Il aurait préféré voir Ninive détruite que de compromettre son crédit comme prophète. Jonas était un vrai prophète, mais par son orgueil il se servait de sa religion comme de base pour la glorification de lui-même. Quelle que soit la chose dont il se pare, fût-ce même d'une connaissance approfondie de l'Ecriture, l'homme se glorifie toujours dans la chair. Il suffit d'une très petite chose pour que nous soyons contents de nous-mêmes; ce que nous ne remarquerions pas même chez un autre, nous grandit dans notre propre estime.

Se glorifier dans sa religion est une chose qui va plus loin. Tout ce qui vient de l'homme est sans valeur aucune. Un homme ne peut trouver sa gloire dans le fait qu'il est un pécheur. La conscience ne peut jamais se glorifier — nous ne parlons pas maintenant de la justice de Christ — et sans conscience il n'y a pas de vraie religion. Que trouve l'homme dans sa religion pour se glorifier? Il faut qu'elle ait un caractère légal et qu'il y trouve quelque chose à accomplir — de dures pénitences peut-être, ou n'importe quoi, à n'importe quel prix, pourvu que le moi soit glorifié. «Tous ceux qui veulent avoir une belle apparence dans la chair, ceux-là vous contraignent à être circoncis;… ils veulent que vous soyez circoncis, afin de se glorifier dans votre chair». L'homme peut s'imposer de lourds fardeaux. Pourquoi le fait-il? Parce qu'ainsi la chair aura quelque chose à accomplir. Lorsque l'homme se glorifie en lui-même, il peut y avoir une part de vérité dans son point de vue, mais elle aura forcément un caractère légal, parce que l'homme veut toujours faire quelque chose pour Dieu. Se glorifier en la chair, ne signifie pas se glorifier dans le péché, mais, comme nous le voyons en Philippiens 3, c'est une gloire religieuse, qui trouve sa source en autre chose qu'en Christ.

Mais quand il est question de la croix, l'homme n'a plus rien à dire. Il ne s'agit pas de ma croix, mais de celle de notre Seigneur Jésus Christ. Or dans la croix de Christ, je n'ai eu d'autre part que mon péché. C'est mon péché qui l'a amené là. Voilà ce qui met l'homme dans la poussière. L'homme n'a pas pu avoir la moindre part dans l'oeuvre de la rédemption, dans ce qui fait les délices de Dieu. «La folie de Dieu est plus sage que les hommes». Je le répète, ma seule et unique part dans la croix, c'est mon péché. Puis vient cette pensée: sans la croix, nous sommes irrémédiablement perdus. L'amour divin me traite comme un pécheur sans aucune ressource, et plus je contemple ce parfait amour de Dieu, plus aussi je vois combien je suis vil, méprisable, souillé, perdu. J'ai pris plaisir dans ma souillure; je suis un misérable esclave que la corruption abaisse jusqu'à la poussière. La vue de ce qu'est la croix détruit ma glorification personnelle; elle apporte la vérité dans l'homme intérieur, car elle ne se contente pas de me montrer combien je suis mauvais, mais encore elle m'enseigne à confesser mon péché, plutôt que de chercher à m'en excuser. Ma conscience est réveillée et je dis: «Je suis coupable d'avoir pris plaisir dans toutes ces choses». L'amour ouvre mon coeur, et me rend capable de venir à lui et de lui confesser combien je suis mauvais. Ainsi je trouve ma joie à rappeler tout ce qu'il a fait pour moi, tout ce que je lui dois. Mon coeur ne cherche plus à cacher sa méchanceté, ne dissimule pas; je ne me réjouis pas du péché, mais du remède que Dieu a trouvé.

D'un autre côté, nous savons comment Dieu trouve ses délices en la croix. «Ayant fait la paix par le sang de la croix». Dieu nous donne de nous réjouir aussi avec lui dans la valeur de cette oeuvre. Nous y voyons d'abord l'amour inexprimable de Dieu — cet amour si différent du nôtre qui demande toujours à être attiré par un objet sympathique. Mais «Dieu constate son amour à lui envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous». C'est un amour qui agit dans l'énergie qui lui est propre, qui prend sa source en lui-même, si vraiment divin, qu'une âme qui y verrait son dû, ne serait pas digne d'en être l'objet. L'oeuvre de Dieu et ses voies ont été manifestées d'une manière à laquelle l'homme n'aurait jamais pu, n'aurait jamais dû penser. Je suis un pauvre, misérable pécheur, et dans la croix je vois l'amour de Dieu qui donne son Fils unique. Lorsqu'il pardonne, l'active énergie de son amour donne pour le péché ce qu'il a de meilleur, la chose qui lui tient de plus près; le péché est pourtant ce qui est le plus étranger à Celui qui «fut fait péché». Quand je contemple la croix, je vois un amour parfait et infini, Dieu donnant son Fils pour être «fait péché»; et j'y vois aussi une sagesse parfaite et infinie.

Si j'ai une conscience, je ne pourrai jouir de l'amour de Dieu, sans remarquer ses voies au sujet de mes péchés. Sans doute, Dieu peut montrer sa bonté à un passereau; mais peut-il m'accepter dans mes péchés? Peut-il agréer une offrande imparfaite? Comme dit le prophète Michée: «Donnerai-je mon premier-né pour le péché de mon âme?» Caïn apporta à l'Eternel le fruit de son travail, sans trace de son péché: cela prouvait la dureté de son coeur, et son indifférence totale quant à son état. Dans la croix, je puis voir ce qu'est mon péché. Je ne puis la contempler au point de vue divin sans comprendre ce qu'est Dieu. L'homme a oublié Dieu au point de se soulever contre Celui que Dieu lui envoyait pour guérir sa misère. Aussi le jugement devait-il avoir son cours. Il fallait que l'autorité de Dieu fut revendiquée. «Il convenait pour lui,… de consommer le chef de leur salut par des souffrances». Fallait-il que les anges vissent l'homme en révolte contre Dieu, sans qu'il fit rien pour l'arrêter? Impossible; aussi voilà pourquoi «il convenait pour lui, à cause de qui sont toutes choses, et par qui sont toutes choses,… qu'il consommât le chef de leur salut par des souffrances». Dieu est un juste juge; il faut que le jugement s'exécute. On peut voir cela, tout aussi bien que l'amour, dans la croix. On n'y trouve pas seulement une nature sainte qui ôte le péché, mais encore un Christ subissant le jugement qui était dû au mal. J'y vois aussi la colère de Dieu contre le péché et son amour parfait pour le pécheur. Il revendique sa majesté que nous avions insultée; le Fils lui-même s'incline devant son pouvoir. S'il doit faire briller d'un éclat toujours plus vif la gloire du Père, il doit revendiquer son caractère de cette manière. Cette vérité de Dieu fut prouvée à la croix: «Le salaire du péché, c'est la mort». L'homme avait oublié cela; alors Christ se leva, comme témoin de Dieu dans le monde, et prouva que Dieu avait dit vrai. «Le salaire du péché, c'est la mort». Dieu le prouve par l'amour même avec lequel il rachète l'homme.

Il y a plus encore dans la croix. C'est par elle que Dieu accomplit tous ses desseins. Il voulait amener «plusieurs fils à la gloire», mais comment introduire ces pécheurs souillés dans la même gloire que son Fils? Dieu a si parfaitement accompli l'oeuvre que, lorsque nous serons dans la gloire avec lui, nous ferons partie du déploiement de cette gloire. C'est pourquoi il dit: «Afin que, dans les siècles à venir, il montrât les immenses richesses de sa grâce»; — une Marie-Madelaine, un brigand sur la croix, seront, durant toute l'éternité, des trophées de cette grâce. Et comment Dieu a-t-il pu nous placer dans une telle position avec son Fils? Son amour et sa gloire dépassent tout notre péché et l'effacent complètement. C'est lui-même qui l'a fait. La croix nous a donc valu deux choses; elle nous a donné la paix de la conscience, non pas une paix extérieure que l'homme puisse voir et altérer. Non, il a rendu parfaits à jamais ceux qui sont sanctifiés. Le péché est effacé; il est ôté pour toujours. Ainsi, je puis me glorifier en la croix, car mes péchés ne sont plus.

Ensuite, «ayant connu Dieu, mais plutôt ayant été connus de Dieu» — pauvres, misérables créatures que nous sommes, être faits les dépositaires d'un tel amour, d'une telle grâce! La conscience possède l'assurance et la paix, et, plus que cela, une confiance qu'Adam n'aurait pu avoir même avant la chute. Dans mon âme, j'ai la communion et la paix, et, encore une intelligence claire des voies de Dieu. Chercherai-je, par des cérémonies et des génuflexions, à ajouter à la perfection que la croix m'a donnée? Si vous essayez de vous rendre meilleurs par de telles choses, vous ne savez pas ce que Christ, ce que Dieu a fait à la croix. «L'Ethiopien peut-il changer sa peau?» Tant que vous ne connaîtrez pas la croix, vous pourrez essayer de tous ces moyens pour tranquilliser votre conscience. Quand vous la connaîtrez, les affections spirituelles auront libre cours. Lorsque je vois la croix, je puis aimer Dieu. Si je l'ai offensé, je puis venir immédiatement à lui et lui confesser ma faute; car je suis son enfant et rien ne peut changer cette relation. Ma communion est avec le Père et avec le Fils; privilège béni!

Quand je puis me glorifier en la croix, c'en est fini de ma glorification personnelle; car je ne suis qu'un pécheur. Christ nous a amenés à Dieu par la croix; il a souffert, lui juste pour les injustes. Nos âmes se glorifient-elles en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, ou en la vanité, ou en elles-mêmes? Si vous ne vous glorifiez pas en la croix, c'est à votre détriment, sans parler du péché dans lequel vous tombez; car vous ne verrez jamais l'amour de Dieu, sa sainteté, sa sagesse, sa vérité, sinon dans la croix. Vous pouvez apprendre à vous glorifier en elle où vous êtes maintenant. Il n'est pas besoin d'un effort pour y arriver. Mais elle est venue à vous là où vous êtes. Vous n'avez pas à attendre d'être meilleur pour venir. Vous ne pourrez venir quand vous serez meilleur, mais elle vous rendra meilleur. Vous devez venir comme pécheur. L'apôtre vint comme le plus grand des pécheurs. Alors, comme il le dit, «le monde m'est crucifié, et moi au monde». La nature qui caractérise le monde, est justement ce qui a occasionné la mort de Christ; aussi, quand je me glorifie en la croix, je suis crucifié au monde.