Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 138 – ME 1896 page 36. 1

Lettre de J.N.D. no 139 – ME 1896 page 39. 3

Lettre de J.N.D. no 140 – ME 1896 page 78. 4

Lettre de J.N.D. no 141 – ME 1896 page 81. 5

Lettre de J.N.D. no 142 – ME 1896 page 118. 10

Lettre de J.N.D. no 143 – ME 1896 page 217. 11

Lettre de J.N.D. no 144 – ME 1896 page 237. 13

Lettre de J.N.D. no 145 – ME 1896 page 260. 15

Lettre de J.N.D. no 146 – ME 1896 page 276. 16

Lettre de J.N.D. no 147 – ME 1896 page 296. 17

Lettre de J.N.D. no 148 – ME 1896 page 316. 19

Lettre de J.N.D. no 149 – ME 1896 page 335. 21

Lettre de J.N.D. no 150 – ME 1896 page 355. 24

Lettre de J.N.D. no 151 – ME 1896 page 357. 25

Lettre de J.N.D. no 152 – ME 1896 page 395. 26

Lettre de J.N.D. no 153 – ME 1896 page 399. 28

Lettre de J.N.D. no 154 – ME 1896 page 415. 29

Lettre de J.N.D. no 155 – ME 1896 page 439. 31

Lettre de J.N.D. no 156 – ME 1896 page 451. 31

Lettre de J.N.D. no 157 – ME 1896 page 457. 34

Lettre de J.N.D. no 158 – ME 1896 page 474. 35

Lettre de J.N.D. no 159 – ME 1896 page 477. 37

 

Lettre de J.N.D. no 138 – ME 1896 page 36

à Mr B.

New York, 6 octobre 1867

Bien-aimé frère,

Je me réjouis beaucoup des nouvelles que vous m'envoyez au sujet de Nice. J'y vois la bonté de Dieu à l'oeuvre. Quand un endroit a été longtemps sous la domination de l'ennemi, et ainsi sans témoignage ou pire que cela, c'est une grande et précieuse preuve de la bonté et de l'opération de Dieu lui-même, qu'un témoignage y soit suscité, que, par cette bonté, un chandelier, si petit soit-il, y soit placé, et une lampe allumée. Je me réjouis de ce que Dieu vous a fait la grâce d'y prendre part; c'est encore le fruit de sa bonté, et un encouragement pour vous. Je suis heureux aussi que les amis continuent à marcher dans le chemin de la foi à Milan. Saluez-les de ma part quand vous leur écrirez. Ici, nous sommes au jour des petits commencements; c'est un effort pour obtenir un peu de réalité au milieu d'une masse énorme de profession où l'activité ne manque pas, mais où l'on justifie les bals, les théâtres et tout ce que vous voudrez. Un certain nombre d'âmes gémissent, mais ne savent que faire. L'idée du progrès de l'homme et de l'Evangile domine tout; et cependant ils sentent que les choses vont bien mal, car, après tout, les papistes gouvernent la ville, qui est aussi mal gouvernée que possible, et les gens tranquilles vous disent: Nous sommes à la merci de la populace irlandaise, chose assez bizarre dans un pays libre, mais qui a aussi beaucoup lieu en Angleterre. Ces Irlandais n'ont aucune retenue, et les honnêtes gens n'aiment pas à aller dans les bagarres; la liberté est devenue la licence; et l'on s'enrichit aux dépens des contribuables. Au milieu de toutes ces choses qu'on peut tout de même considérer en paix, Dieu forme une petite assemblée, très peu de chose, mais, je n'en doute pas, son oeuvre. Il y a de vingt à trente personnes qui cherchent à glorifier le Seigneur, et ce sont en général des personnes fidèles. L'oeuvre est de Dieu, car ce sont des gens sans aucune influence extérieure quelconque; des commis, des caissiers et autres de la même classe, puis quelques personnes attirées par un évangile plus simple et plus clair. Pour cette partie de l'oeuvre, il me faudrait rester plus longtemps ici que je ne le pourrai. Mais il y a du dévouement chez ceux qui composent la réunion, et j'espère que Dieu les bénira. Je crois que ce que Dieu fait maintenant, c'est de former un noyau, tout en bénissant individuellement quelques âmes.

A Boston, le petit noyau appartient à une autre classe. Notre frère B., ancien ministre baptiste, y ayant des parents et des connaissances, le rassemblement commence à prendre quelque consistance, quoiqu'ils soient moins nombreux qu'ici. J'y irai sous peu, s'il plaît à Dieu. A l'ouest, cela va bien en général, et les fruits de mon voyage s'y sont montrés après mon départ.

Dans le Canada, l'oeuvre se maintient; il y a trois nouvelles réunions. Chez les Indiens, il y a progrès sensible. En général, les choses sont à peu près dans le même état; sauf les cas sus-mentionnés, il n'y a pas beaucoup d'énergie pour rassembler. C'est le dévouement que je cherche (hélas! chez moi-même), et que Dieu veut partout, cet amour des âmes pour les chercher avec plus d'activité. On se ralentit, hélas! facilement; ce n'est pas que je fasse autre chose ou que ma vie, extérieurement soit moins occupée, au contraire. On travaillait à Ephèse (Apocalypse 2), mais on peut perdre son premier amour quant à l'oeuvre, tout en continuant à travailler. Que Dieu rallume en nous cette énergie de l'amour. Je sais que je vieillis, et je le sens, mais la grâce ne vieillit pas. Au reste, il est toujours bon, et il exerce notre patience dans son oeuvre pour notre propre bien.

En général, j'ai de très bonnes nouvelles d'Irlande et d'Angleterre. L'opposition est assez forte; en cela il n'y a rien de nouveau; mais les frères vont bien; Dieu a manifesté sa bonté à leur égard et a fait progresser l'oeuvre.

Saluez bien affectueusement les frères. J'ai, à New York, au moins autant d'auditeurs de langue française que de langue anglaise; trois Français et cinq Suisses rompent le pain. A l'ouest, il y a au moins une centaine de frères de langue française; j'y ai trouvé des portes ouvertes.

Que Dieu vous bénisse, cher frère, avec vos chers enfants, et vous dirige dans cette tâche.

«Votre bien affectionné frère en Jésus.

Lettre de J.N.D. no 139 – ME 1896 page 39

à Mr B.

Londres, 10 août 1868

Bien cher frère,

Je doute qu'il me soit possible de me rendre maintenant dans le midi de la France; je viens de rentrer en Angleterre après deux années d'absence! De plus la traduction que j'ai faite du Nouveau Testament est tout à fait épuisée, enfin je pense aller aux Antilles cet hiver et, si je le puis, je ne désire pas mieux. Un frère des Antilles vient d'arriver, qui me fournira des renseignements sur les détails de ce voyage. Si je puis achever avant mon départ la préparation et la nouvelle édition, j'écrirai un mot, mais on m'attend pour une conférence à York, puis à l'ouest de l'Angleterre. Je ne pense pas, pour les mêmes raisons, m'y arrêter. Je désire beaucoup voir les frères, ainsi que ceux d'Allemagne et de Suisse, aussi je pense plutôt visiter les Antilles que m'y arrêter. Ainsi j'aurai fait la tournée que le Seigneur m'a donnée à faire. Alors j'espère visiter les frères de France et d'Allemagne, car il me tarde de les voir. Je suis très attaché à l'oeuvre actuelle en Amérique, mais je pense qu'il me faudra la placer entre les mains du Seigneur; où donc, si ce n'était là? Sans doute, il est pénible d'abandonner un champ où l'on a travaillé, mais je me fais vieux, quoique, grâce à Dieu, je sois bien. J'espère donc que Dieu me fera la grâce de voir encore les chers frères du continent. Si je ne vais pas aux Antilles, je les verrai, Dieu voulant, bientôt; ce sera une joie pour moi.

Je suis bien aise que vous alliez en Italie; Dieu, je n'en doute pas, sera avec vous.

Je lis toujours quelques pages d'italien pour ne pas l'oublier tout à fait…

L'oeuvre s'ouvre en Amérique, et Dieu a suscité quelques ouvriers.

Souvenez-vous que je vais avoir 68 ans révolus.

Quand je saurai quelque chose de positif à l'égard de mes mouvements, je vous le communiquerai.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 140 – ME 1896 page 78

à Mr B.

Londres, 6 juin 1869

Bien-aimé frère,

Je suis réjoui des nouvelles que vous me donnez de l'Italie. J'espère pouvoir m'y rendre, mais Dieu seul sait si et quand cela se pourra. Je craignais beaucoup d'avoir peut-être à retourner en Amérique, toutefois je comptais sur Dieu, et il a mis sa bonne main là où l'ennemi avait cherché à mettre le désarroi, et l'avait mis pour un temps.

Je me propose de me rendre en France, mais j'ai aussi l'Allemagne en vue, où l'on se plaint un peu de mon absence prolongée. Pour le moment, je suis occupé de la nouvelle édition de mon Nouveau Testament. On m'a attendu dans ce but, et cela me retiendra pour le moment. D'autres peuvent faire les corrections de la presse, mais la vérification de toutes mes nouvelles notes et des petites corrections que j'ai dû faire, exigent mes soins. Il se peut bien que l'année prochaine, si Dieu conserve mes forces, je retourne encore au Canada et dans les Etats-Unis.

Il y a du bien dans les Antilles, et ils y ont été encouragés par notre visite. Je me remettrai à mon italien. F. m'écrit dans cette langue, et je n'ai aucune difficulté à comprendre ses lettres, mais parler est autre chose. Je bénis Dieu de tout mon coeur de ces réunions en Italie, que je connais de réputation par le moyen de L. F.

Quant à votre voyage, cher frère, souvent un frère qui a quelque chose est plus mal placé que celui qui n'a rien; on suppose que peut-être il a assez, tandis qu'à l'autre il faut envoyer. J'ai connu de tels cas. Si je m'en souviens bien, M. E. a envoyé quelque chose que vous lui avez retourné pour un motif que j'ai pu parfaitement apprécier. J'espère que cela n'aura pas lieu une seconde fois. Il y a des cas de discipline fort humiliants en Suisse, mieux vaut cela que le péché couvert, mais c'est triste, et cela doit humilier ceux qui n'y sont pas. Toutefois Dieu est toujours bon et fidèle et plein de patience envers nous, chose frappante quand on pense à sa sainteté. Il faut bien qu'il soit patient, puisque nous sommes une si pauvre expression de la vie de Jésus. Il y a deux principes de la vie chrétienne: celui des Philippiens et celui des Ephésiens, selon le point de vue auquel on envisage le chrétien. Il traverse le désert, regarde vers la gloire et la poursuit, ou plutôt veut gagner Christ. Il est assis dans les lieux célestes, et doit manifester le caractère de Dieu comme il le connaît. Soyez des imitateurs de Dieu comme ses chers enfants. Quelle position! Cela exige pour le faire, comme Paul l'a fait, qu'on porte toujours dans son corps la mort, du Seigneur Jésus. C'est Christ, Dieu manifesté en chair, qui en est la parfaite expression. Le premier principe donne des motifs qui vous délivrent de ce qui est de ce monde et de la chair; le second, la communion avec les sources de ces voies de Dieu dans lesquelles nous devons marcher, communion avec Dieu lui-même. Vraiment, quand on voit ce qu'on est au prix de nos privilèges, nous sommes bien petits, mais tout en se jugeant quand il le faut, on doit regarder à Jésus, non à soi-même.

J'espère que ma lettre trouvera votre femme parfaitement rétablie. Je vous écrirai un mot quand je me mettrai en mouvement.

Mes affectueuses salutations à tous les frères.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 141 – ME 1896 page 81

 à Mr B.

Londres, 22 novembre 1870

Cher frère,

Vous me demandez quelques paroles sur l'apostasie. Je ne tiens pas au mot apostasie. Il exprime plutôt le reniement public du christianisme, que l'abandon de ses principes par ceux qui en font profession. Mais, quant au fond, la chose elle-même est de toute importance pour le coeur et pour la conscience. Aussi longtemps qu'on n'appliquait ce mot qu'aux sectateurs du romanisme, on n'éprouvait aucune peine à s'en servir, mais quand on s'est aperçu que si ce déclin de la chrétienté était arrivé, la conséquence devait en être universelle, on a commencé à se formaliser de l'emploi du mot. L'apostasie ouverte n'est pas encore arrivée, mais bien l'abandon de l'autorité et de l'efficace de la Parole, l'abandon de la foi à la présence du Saint Esprit, la substitution de l'autorité du clergé aux droits immédiats du Seigneur sur la conscience; la dénégation de la justification par la foi, l'efficacité des sacrements en place de l'oeuvre du Saint Esprit, En un mot, le plein développement du mystère d'iniquité est précédé d'un abandon du premier état de l'Eglise et des principes sur lesquels elle était fondée, ce qui est une apostasie morale. Jean dit: «Vous avez entendu dire que l'antichrist viendra, et déjà il y a plusieurs antichrists, et à cela nous savons que ce sont les derniers temps». Ainsi l'apostasie n'est pas venue dans le sens d'un renoncement public au christianisme, mais l'esprit de l'apostasie se manifeste, non seulement dans le développement du «mystère d'iniquité», mais dans le renoncement au christianisme, à l'autorité de la Parole, et au Christ lui-même, qui caractérise la moitié de la population de l'Europe occidentale. C'est le rationalisme proprement dit, et l'esprit de rébellion qui l'accompagne. Les pensées de l'homme ont pris la place de la parole de Dieu, dont on n'accepte plus l'autorité; la volonté de l'homme ne veut plus de l'autorité du Christ. Si l'antichrist n'est pas encore là, les antichrists existent depuis longtemps; si l'apostasie n'est pas là, l'esprit de l'apostasie s'est déjà depuis longtemps emparé de l'esprit des hommes.

Je dis que la chose est sérieuse. Si l'assemblée — car le mot église nous fourvoie beaucoup, puisqu'on se demande ce que c'est que l'Eglise — si l'assemblée de Dieu n'a pas gardé son premier état, si elle a dit: «Mon maître tarde à venir» et a commencé à battre ses compagnons de service, à manger, à boire, et à s'enivrer, il y a longtemps, il y a des siècles, qu'elle a fait cela, et elle sera coupée en deux et aura sa part avec les hypocrites. On dit que Christ bâtit son assemblée sur le rocher, et que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. Je le crois, grâce à Dieu, de tout mon coeur. Mais cela n'a rien à faire avec notre question. Certes, ce que Christ bâtit ne sera pas renversé par l'ennemi; mais il s'agit de ce que l'homme a bâti. Là, il n'en est pas de même. «Moi», dit Paul, «comme un sage architecte, j'ai posé le fondement,… mais que chacun prenne garde comment il édifie dessus». Ici la responsabilité de l'homme entre pour quelque chose, — dans un certain sens pour tout, — dans la question de la bâtisse. C'est bien l'édifice de Dieu, comme dit l'apôtre, mais élevé sous la responsabilité de l'homme; une chose actuelle sur la terre. Il ne s'agit pas du salut des individus, mais de l'état du système dans lequel ces individus se trouvent. Quand la fin du judaïsme sous la première alliance est arrivée, les âmes pieuses, les croyants, ont été transférés dans l'Eglise, — Dieu en a fini à tout jamais avec le premier système. A la fin du système chrétien, les fidèles seront transportés dans le ciel, et le jugement mettra fin au système où ils ont vécu précédemment; rien de plus simple. Le vieux monde a péri; Noé et les siens ont été sauvés. Le jugement d'un système ne touche pas à la fidélité de Dieu, si ce n'est pour la mettre en évidence, en montrant qu'il garde les siens, lors même que tout ce qui les entoure croule sous le poids de son jugement. Mais que peut-il y avoir de plus sérieux que le jugement de ce que Dieu a établi sur la terre, car c'est une chose dure à son coeur; si Jésus a pu pleurer sur Jérusalem, combien les siens ne devraient-ils pas être émus à la vue du prochain jugement de ce qui était bien autrement précieux que Jérusalem même. C'est ainsi que Jérémie, organe des plaintes de l'Esprit de Dieu sous l'ancienne économie, montre, en des paroles d'une rare et touchante beauté, sa douleur profonde à la vue de la ruine de ce qui appartenait à Dieu. «L'Eternel a saccagé sa clôture, comme un jardin; il a détruit le lieu de son assemblée… Le Seigneur a rejeté son autel, il a répudié son sanctuaire» (Lamentations de Jérémie 2: 6, 7). Voilà l'esprit dans lequel le fidèle devrait penser à la ruine de ce qui s'appelle du nom du Christ. Mais on me dira: Oui, cela se comprend, quand il s'agissait du judaïsme, mais cela ne peut arriver au christianisme. C'est absolument ce que disaient les Juifs incrédules au temps de Jérémie: «La loi ne périra pas de chez le sacrificateur, ni le conseil de chez le sage, ni la parole de chez le prophète» (Jérémie 18: 18); fausse confiance qui a attiré la ruine sur le peuple et sur la sainte cité. Mais il y a plus que cela. C'est précisément contre cette fausse confiance que Paul, au chapitre 11 des Romains, prémunit solennellement les chrétiens d'entre les gentils, c'est-à-dire nous-mêmes, en établissant le parallèle entre les Juifs et la chrétienté. «Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu: la sévérité envers ceux qui sont tombés; la bonté de Dieu envers toi, si tu persévères dans cette bonté, puisque autrement, toi aussi, tu seras retranché», c'est-à-dire que le système chrétien au milieu des gentils est sujet au même jugement que le système judaïque. Si les gentils qui ne sont debout que par la foi ne persévèrent pas dans la bonté de Dieu, ils subiront le même sort que les Juifs. Est-ce que le Romanisme est la persévérance dans la bonté de Dieu? Est-ce que les «temps fâcheux» sont le fruit de la persévérance dans la bonté de Dieu, ou bien cette forme de la piété qui en renie la force, et dont le chrétien doit se séparer? (2 Timothée 3). Si l'apôtre peut dire que tous cherchent leur propre intérêt, non l'intérêt de Jésus Christ, est-ce persévérer dans la bonté de Dieu? Si Paul prévoyait qu'après son départ le mal s'introduirait aussitôt, la puissante main de l'apôtre n'étant plus là pour tenir la porte fermée contre l'adversaire; si Jude a dû dire que déjà ceux qui étaient des objets de jugement s'étaient glissés dans l'Eglise; si Jean a dit qu'ils avaient abandonné les chrétiens, étant sortis d'entre eux, un pas de plus que celui dont Jude parle; s'il a dit encore qu'il y avait plusieurs antichrists et qu'on reconnaissait à cela que c'étaient les derniers temps; si Pierre nous annonce que le temps était venu pour que le jugement commençât par la maison de Dieu; est-ce que tout cela nous porte à croire que les gentils ont continué dans la bonté de Dieu, ou plutôt que le système chrétien, établi parmi les gentils, sera terminé par le jugement, le terrible jugement de Dieu? que, comme profession extérieure, il boira la coupe de sa colère sans mélange, ou sera vomi de sa bouche comme une chose d'une tiédeur nauséabonde? Cela est solennel pour nos consciences. Allons-nous comme système au-devant des jugements de Dieu? Assurément les fidèles jouiront d'une part bien plus excellente; d'une gloire céleste, mais le système chrétien, comme système sur la terre, sera retranché à tout jamais.

Quant à la citation tirée de M. B., elle est entièrement fausse. Les Ecritures parlent de l'assemblée comme étant l'habitation de Dieu ici-bas; toute la question gît là. Dans une maison il ne s'agit pas d'union, mais de demeure.

Quant au corps de Christ, il ne saurait avoir des membres morts. On peut tromper les hommes, mais celui qui, de fait, est uni au Seigneur est un seul Esprit avec lui. Le corps est formé par le baptême du Saint Esprit (1 Corinthiens 12). Ensuite Christ bâtit une maison qui ne sera achevée que quand la dernière pierre y sera posée, elle croit pour être un temple saint dans le Seigneur. Mais nous avons vu qu'ici-bas, la bâtisse étant confiée aux hommes, il se peut que l'édifice soit mal bâti et attire le jugement de Dieu sur ce qui a été fait. Que l'Eglise ait été établie comme colonne et appui de la vérité, qu'elle soit toujours responsable du maintien de cette position, c'est autre chose que de dire qu'elle l'a maintenue.

La première épître à Timothée nous dépeint l'ordre de la maison de Dieu, et comment l'homme doit se conduire dans cette maison. S'est-il conduit ainsi? telle est la question. Si oui, d'où vient donc le papisme? La seconde épître à Timothée règle la conduite du fidèle quand le désordre a été introduit. Déjà les choses du christianisme n'étaient plus dans l'état dans lequel elles se trouvaient précédemment. Au commencement, le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui devaient être sauvés. Ils étaient manifestés et ajoutés sous les yeux du monde, à un corps bien connu. Mais quand l'apôtre écrit à Timothée sa seconde épître, tout était déjà changé. Tout ce qu'il peut dire, c'est que le Seigneur connaît ceux qui sont siens; il se pouvait bien qu'ils restassent cachés à l'homme, comme les 7000 fidèles à Elie. Mais avec cela il y a une règle pour le fidèle, c'est que, quiconque invoque le nom du Seigneur se retire de l'iniquité. Ensuite vient la pensée de la grande maison. Il faut s'attendre à trouver dans une grande maison des vases à déshonneur aussi bien que des vases à honneur. Mais voici encore une règle pour le fidèle: il faut se purifier des vases à déshonneur, et non seulement cela, mais il faut poursuivre la justice, la foi, l'amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur. Dans cet état de désordre, je ne puis connaître, comme au commencement, tous ceux qui sont à Dieu; mais quant à ma marche personnelle, je dois m'associer avec ceux qui ont le coeur pur. De plus, au chapitre 3, l'apôtre nous enseigne que, dans les derniers jours, des temps fâcheux surviendraient, où il y aurait la forme de la piété, tandis que la force en serait reniée. Pas d'apostasie avouée, car il y a la forme de la piété, mais apostasie réelle, morale, puisqu'on en renie la puissance. M. B. dit que je dois rester là et m'en contenter. L'apôtre me dit: «Détourne-toi de telles gens». A qui dois-je obéir? Quand M. B. me dit qu'il est impossible de distinguer les vrais fidèles de ceux qui font profession de christianisme, et que l'apôtre dit que celui qui invoque le nom du Seigneur se retire de l'iniquité, que je dois me purifier des vases à déshonneur, chercher les grâces chrétiennes avec ceux qui invoquent le nom du Seigneur, d'un coeur pur; comment puis-je écouter celui qui me dit qu'il m'est impossible de distinguer entre les uns et les autres? S'il me dit qu'il peut y avoir beaucoup d'âmes que le Seigneur connaît, que nous ne reconnaissons pas, je réponds: Sans doute, le Seigneur connaît ceux qui sont siens, mais j'ai des directions pour ma conduite dans cet état de choses, qui contredisent les vôtres. Je dois reconnaître ceux qui invoquent le nom du Seigneur d'un coeur pur, et m'associer avec eux, par conséquent les distinguer; me purifier des vases à déshonneur, par conséquent les distinguer, et éviter ceux qui ont la forme de la piété en en reniant la puissance. Il faut donc bien distinguer les deux. Au reste, c'est un principe affreux de dire qu'on ne peut pas distinguer entre les enfants de Dieu et les gens du monde, mais il n'est pas vrai qu'on ne le fasse pas. J'ai dit: un principe affreux, car il est dit: «A ceci on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres». Or si je ne puis pas les discerner, je ne puis non plus les aimer, et le témoignage voulu de Dieu est perdu; ensuite, ce n'est pas vrai en pratique qu'on ne puisse pas les discerner, car on jouit de la communion fraternelle, et tout chrétien fidèle fait la différence entre un enfant de Dieu et ceux qui ne le sont pas. Qu'il en reste qu'on ne discerne pas, mais que Dieu connaît, on ne le nie pas; mais les passages que j'ai cités de 2 Timothée nous dirigent à cet égard. Que deviendrait l'affection de famille si un père disait à ses enfants: Vous ne pouvez savoir qui sont vos frères et qui ne le sont pas; il vous faut vous associer avec tout le monde sans distinction quelconque? Je ne cherche pas dans les dictionnaires, comme on nous dit de le faire, mais dans les consciences et dans les coeurs de ceux qui aiment le Seigneur, en prenant la parole de Dieu pour voir quel était l'état de l'Eglise au commencement et ce qu'il est maintenant. Que dit cette Parole pour nous faire savoir ce que l'Eglise deviendra dans les derniers temps? La Parole est ou ne peut plus claire sur la décadence de l'Eglise, sur le caractère des derniers temps, et sur la mise de côté du système chrétien. La Parole est assez claire sur l'unité qui devrait subsister comme témoignage rendu au monde pour qu'il vive (Jean 17). Si une lettre était adressée par l'apôtre à l'église de Dieu qui est à Turin, qui prendrait la lettre à la poste, si ce n'est ceux du système romain? L'Eglise, comme elle était au commencement, n'existe plus. Appelez cela du nom que vous voudrez, pourvu que le coeur le sente et qu'on ait à coeur la gloire du Seigneur foulée aux pieds par les hommes. Si l'Eglise, dans son état actuel, n'est pas encore la prostituée assise sur la bête, dont parle l'Apocalypse, l'indifférence de conscience qui peut faire des chicanes sur l'emploi d'un mot, est la preuve la plus sensible de cette tiédeur qui a pour résultat, à la fin, que Christ vomit l'Eglise de sa bouche.

… Au reste, il n'y a rien dans cette ruine de l'assemblée qui ne soit en accord avec l'histoire de l'homme depuis le commencement. Aussitôt que l'homme a été laissé à lui-même, il est tombé; infidèle dans ses voies il est déchu de son état primitif, et n'y est jamais rentré. Dieu ne le rétablit pas, mais il donne le salut par la rédemption, et introduit l'homme dans un état infiniment plus glorieux, dans le second homme, Jésus Christ. Lorsque Noé fut sauvé dans la ruine d'un monde entier, la première chose que nous lisons après son sacrifice, est qu'il s'enivra; lorsque la loi est donnée, avant que Moïse soit descendu de la montagne, Israël avait fait le veau d'or; le premier jour après la consécration d'Aaron, ses fils offrent un feu étranger, et l'entrée du lieu très saint est interdite à Aaron, sauf au jour des expiations; jamais il n'y a porté ses vêtements de gloire et de beauté. Le premier fils de David, Salomon, type du Seigneur, est tombé dans l'idolâtrie, et le royaume a été aussitôt divisé. Dans tous ces cas, la patience de Dieu a été glorieusement manifestée, mais le système que Dieu avait fondé en tant que système de relation avec lui, a été mis de côté. Cela est moins évident dans le cas de Noé, parce qu'il n'existait pas de la même manière une relation formelle. La confusion de Babel ayant terminé l'ordre du monde, la tyrannie et les guerres y sont entrées; mais, pour ce qui concerne l'homme, Israël, la sacrificature, le royaume, quelle qu'ait été la patience de Dieu, l'homme a été immédiatement en chute, et le système n'a jamais été rétabli sur l'ancien pied. Il n'est pas étonnant que cela se retrouve dans l'histoire de l'Eglise, en tant que placée sous la responsabilité de l'homme. Elle a dit: Mon maître tarde à venir, et s'est mise à battre les gens de service et à s'unir au monde. Elle sera retranchée. Le grand principe du Romanisme et d'autres systèmes qui lui ressemblent plus ou moins, et ce qui les rend essentiellement faux, c'est qu'ils attribuent à la chrétienté, à l'assemblée organisée par le moyen des ordonnances, la stabilité et les privilèges immanquables qui n'appartiennent qu'à ce que Christ bâtit, à ce qui est opéré par le Saint Esprit. Toute sorte de fausses doctrines sont la suite de cette erreur. On est né de Dieu, membre du corps de Christ, puis l'on périt; on est pardonné et perdu; c'est ce que dit l'article de la Vedetta cristiana; c'est ce que dit le passage cité de M. B. Il oublie un des deux principaux caractères de l'Eglise selon la Parole, précisément celui où entre la responsabilité de l'homme, celui d'être l'habitation de Dieu sur la terre. Il nous présente le titre que nous donne Ephésiens 1, et oublie celui d'Ephésiens 2; il nous présente l'état dans lequel l'Eglise se trouve actuellement, et certes, elle n'est pas composée de vrais membres de Christ, sans nous en rendre compte, sans nous donner un renseignement quelconque sur ce sujet, pour que nous sachions si cet état est bon ou mauvais, d'où il provient, où il se terminera, et comment la Parole le juge. Les expressions dont il se sert, équivalent a celles des Juifs incrédules du temps de Jérémie. Nous sommes livrés à toutes ces abominations. Personne ne peut dire que l'état de l'Eglise, de la chrétienté, ressemble en quoi que ce soit à ce qui la caractérise au commencement, selon la Parole; il n'y avait, en aucune manière, ni Romanisme, ni église nationale, ni dissidents. Il y avait l'Eglise de Dieu, et rien d'autre. Elle s'est corrompue bien vite, dira-t-on; d'accord, mais était-ce un bien? il y avait donc une Eglise à corrompre, une assemblée où quelques hommes se sont glissés. Est-ce que cette corruption était un bien, ou amène-t-elle le jugement? N'y a-t-il pas eu un progrès effrayant dès lors? Est-ce que l'Eglise de Dieu est rétablie sur la terre? Dois-je souffrir de son état? Ne dois-je pas chercher dans la Parole comment cela finira, et y prendre garde? — Nous l'avons citée cette Parole; que chacun juge devant Dieu ce qu'elle dit. Si nous nous trouvons dans les temps fâcheux, la Parole ne nous a-t-elle pas donné quelques règles pour nous tracer le chemin dans lequel nous devons marcher?

Si quelqu'un a la conviction que nous sommes dans ces temps, qu'il lise 2 Timothée 2 et 3, et se place devant Dieu qui nous a donné ces instructions, avec une entière confiance en Christ. Le résultat, quant à ses convictions, n'est pas douteux. Qu'il sache marcher avec Dieu. Souvenons-nous que, dans toutes les positions dans lesquelles le premier Adam a manqué, l'homme est glorieusement rétabli dans le second. Mais c'est un sujet, tout intéressant qu'il soit, dans lequel je ne puis entrer ici.

Faites usage, cher frère, comme vous le trouverez bon, de ces pages; je les ai écrites à la hâte. Des heures du matin à minuit, il me faut toujours travailler; j'ai des réunions chaque jour, puis, outre des travaux de toute espèce, j'ai encore la correction de la nouvelle édition du Nouveau Testament anglais, et souvent aussi le français en même temps.

Les frères vont bien.

Je ne savais qui m'avait envoyé la Vedetta jusqu'à l'arrivée de votre lettre. Ma réponse arrive un peu tard, mais cela n'y fait pas grand-chose; le sujet reste toujours important. Seulement présentez plutôt l'évangile que la controverse.

J'ai écrit sur l'épître aux Romains, vous y trouverez peut-être quelque chose; cela n'a pas encore paru.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 142 – ME 1896 page 118

à Mr B.

20 octobre 1876

Bien-aimé frère,

J'ai suivi avec un intérêt soutenu tout ce qui se passe dans l'Ardèche et dans la Drôme, mais ma part dans cette pénible histoire a été plutôt auprès de Dieu que de m'en occuper avec les hommes. J'ai lu le récit de G.; F. m'a écrit, ainsi que C. à qui j'ai répondu, mais seulement d'une manière générale; j'ai trop bien connu la plupart des acteurs pour ne pas avoir une idée de la part que chacun a prise, mais à moins d'y être appelé de Dieu, je n'entrerai pas directement dans les difficultés des assemblées; je crois que cela se fait trop souvent, tandis qu'il s'agit plutôt de réveiller la conscience d'une assemblée troublée. Je reconnais qu'une assemblée peut tirer profit des conseils d'un frère plus exercé qu'elle dans les choses de Dieu; je reconnais aussi pleinement que nous sommes tous un, et que si l'un souffre, tous souffrent avec lui. Ce que je crains est la substitution de l'influence individuelle au réveil de la conscience de l'assemblée. J'ai pleine confiance que cette pénible bourrasque tournera au profit des frères. On s'apercevra de la main de Dieu, on deviendra plus sérieux. Des vérités qu'on a un peu négligées viendront en mémoire, la mondanité sera jugée, ainsi que toutes les choses par lesquelles on a contristé le Saint Esprit; on sentira davantage que l'on dépend de la grâce dans laquelle nous nous trouvons. Ce qu'il faut chercher, c'est que les âmes ne s'égarent pas tout à fait dans ce conflit, et n'abandonnent le chemin du Seigneur. J'ai appris qu'il y a eu schisme aux O. Il faudra grâce, patience et fermeté pour y faire face; fermeté dans la marche de ceux qui ont, je le crois, quitté le local et ne sont pas sous l'influence de G., fermeté à l'égard de ceux qui mènent les 13 qui ont gardé le local, mais témoignage de regrets envers ceux qui sont menés, douceur et patience envers tous. Il est clair que le schisme est un mal; ce péché a été commis sous l'influence de ceux qui n'étaient pas de l'assemblée. Romains 16: 17, nous montre clairement notre chemin dans ce cas, et 2 Thessaloniciens 3: 14, 15, l'esprit dans lequel nous devons agir, afin que tous soient ramenés et qu'aucun ne se dévoie tout à fait et d'une manière permanente. Mais tout ceci n'est pas d'hier, et il y a eu trop de faiblesse, trop peu de spiritualité en général pour qu'on s'étonne que Dieu châtie; c'est pourquoi ceux qui souffrent doivent se placer devant Dieu en reconnaissant sa main, et Celui qui a frappé guérira. Le Seigneur n'a pas pris la coupe qu'il a dû boire pour nous, ni de la part des hommes, ni de la part de Satan, mais de la main de son Père. En ce qui nous regarde, cela adoucit la peine et l'amertume, et nous rend plus humbles et plus sérieux; puis nous pouvons prier pour les autres. J'ai confiance dans le Seigneur qu'il ramènera l'ordre et la paix; il se peut que pour quelques-uns, ce ne soit pas de si tôt, mais dans ce but il faut que ceux qui ont raison se conduisent avec grâce, voyant la main de Dieu, mais avec fermeté en rejetant le schisme et en faisant sentir à ceux qui l'ont causé, que ce n'est pas chose légère de l'avoir fait. J'ai déjà dit que cela doit se faire avec une douleur de coeur bien éloignée de la hauteur ou de la haine.

Que Dieu lui-même agisse par sa grâce au milieu de vous…

Lettre de J.N.D. no 143 – ME 1896 page 217

 à Mr B.R.

Genève, 8 septembre 1844

Bien cher frère,

Je suis heureux que la fin de mon travail sur Matthieu soit plus populaire que le commencement, et j'en bénis Dieu. Il sera évidemment plus utile ainsi. Je crois que, dans l'état actuel de l'Eglise, il faut agir selon le raisonnement de Hébreux 5 et 6. Toutefois c'est une bénédiction que cela s'adapte aux simples.

Quant à Matthieu 25: 31-46, je ne comprends pas comment vous l'appliquez aux Juifs, et cela par la raison toute simple qu'il parle des gentils. Peut-être me direz-vous que antonz (*) ne s'accorde pas avec eqnh (**); mais je dis oui, quant au sens, et il n'y a rien d'autre avec quoi l'accorder. Voici donc la phrase : «Lorsque le fils de l'homme viendra dans sa gloire et tous les saints anges avec lui, alors il s'assiéra sur le trône de sa gloire et tous les gentils seront rassemblés devant lui, et il les séparera comme un berger sépare les brebis des boucs». Ce n'est pas ici une allusion à un témoignage prophétique, mais à un acte du métier de berger. Là-dessus il emploie l'expression: «Il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche»; mais il l'abandonne aussitôt en disant: «Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite…» Les brebis ne sont plus nommées; il parle des personnes sans se servir d'image. Enfin, je ne vois pas ici d'autre sujet que les gentils (soit nations); ils seront rassemblés et il les séparera; il n'y a pas d'autre antécédent. Vous avez raison quand vous dites que, selon ma division, les «frères» du verset 40, ne sont pas «les bénis de mon Père» du verset 34. Je ne doute pas que si une brebis avait fait du bien à une autre brebis, cela n'eût été reconnu de Jésus, mais de fait les brebis ou ceux qui sont à sa droite, sont les justes et les bénis du Père.

(*) «Et il les séparera».

(**) «Toutes les nations».

Voici la division

Roi

Brebis    Boucs

Les «frères», dont il parle, ne trouvent pas leur place dans la parabole. Le Seigneur laisse à l'intelligence spirituelle de ses serviteurs de discerner qui ils sont. Quant à moi, je ne doute pas que ce soient des Juifs, messagers du royaume, d'après l'ensemble de l'enseignement du Seigneur dans ces passages, mais je suis tout disposé à recevoir de nouvelles lumières. Vous auriez tort d'insister sur Ezéchiel 34: 17, 22, parce que le mot hébreu traduit brebis, s'applique aux chèvres comme aux brebis; il indique autant la race des chèvres que celle des moutons (voyez, par exemple, Deutéronome 14: 4). Je ne comprends pas non plus pourquoi vous dites que, dans les versets 4, 6, 8, «les boucs les ont fait égarer»; ce sont les mauvais bergers. Je crois aussi que vous trouverez que dans ce passage, verset 22, les béliers et les boucs ne sont pas mis en contraste les uns avec les autres, mais les bêtes faibles en contraste avec celles qui les ont foulées, appelées béliers et boucs. Dieu fera la différence entre brebis et brebis, entre béliers et boucs (verset 17).

L'énergie qui va en avant pour chercher la vérité est très précieuse. Qu'elle soit tempérée par la prudence qui pense au résultat, c'est une grâce qui vous est faite; la charité pense aux âmes et pas seulement aux idées, quoiqu'il reste vrai que les idées de Dieu sont les seuls moyens de bénédiction pour les âmes; mais il faut «la nourriture au temps convenable…»

Quant à la sympathie de Christ, c'est un sujet très important. Il est évident pour moi que, lorsque Paul parle d'accomplir ce qui manque des souffrances de Christ, il parle des souffrances qui restent à accomplir, après celles que le Christ a accomplies sur la terre. Paul se charge, à son tour, de la souffrance. S'il parlait d'un Christ qui souffrait encore, je ne vois pas qu'il pût dire: les souffrances de Christ qui manquent. Ces paroles me semblent être en contraste avec ce que Christ avait déjà souffert; Paul prenait sa place pour continuer. Ne pensez pas que je nie par là les souffrances de Christ comme Tête du corps, car j'y crois, et c'est pour moi la plus douce pensée possible. Je crois seulement qu'il est important que l'idée soit assez mûre pour devenir un sujet d'édification et non de controverse. Elle est pour moi trop précieuse et trop près des affections pour cela. Il y a des sujets qu'il faut toucher délicatement. Je ne nie donc pas les souffrances de Christ en sympathie; j'y crois pleinement; seulement je doute qu'on puisse appliquer Colossiens 1: 24, à ce que Christ souffrait dans le ciel (*).

(*) Sympathiser n'est pas, comme vous semblez le croire, souffrir de la même manière que vous. Je pourrais être appelé, comme vous le dites, à vous couper le bras; certainement je pleurerais plus que vous, mais mon bras n'est pas coupé. Je sympathiserai, mais je ne souffrirai pas en moi-même la chose faite; je souffrirai de voir souffrir un autre. Je ne dis pas du tout que l'on souffre moins, mais on souffre autrement.

Quant à votre article, il m'a beaucoup intéressé, et je crois qu'il peut être bien béni pour les âmes. La rédaction aurait besoin d'être revue; il y a des passages qui ne se lient pas. J'aimerais beaucoup qu'on le publiât, mais il me semble que vous ferez bien de peser et de mûrir l'expression de vos pensées. Il s'agit pour nous de manoeuvrer en présence de l'Ennemi et de ne pas prêter le flanc à ses attaques.

Je répète que je ne crois pas que ce passage: «Ce qui reste encore à souffrir des afflictions du Christ,» puisse se dire d'un Christ souffrant avec Paul, quoique d'autres passages prouvent (et je le crois) ses souffrances en sympathie avec lui. Je n'émets ici que des principes; pour les détails, il me faudrait relire votre article.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 144 – ME 1896 page 237

à Mr B.R.

Genève, 15 septembre 1844

Cher frère,

J'ai lu votre tableau, sur les mots epijaneia, janerwsiz, apocalnyiz, paronsia, avec assez d'attention. J'ai parcouru votre second tableau sur les évangiles, et je saisis un moment pour vous en dire un mot. Mais d'abord, je vous communiquerai mes remarques critiques sur les mots; je les ai faites après avoir de nouveau examiné tous les passages.

epijaneia (conf. 1 Timothée 6: 14; 2 Timothée 1: 10; 2 Thessaloniciens 2: 8), est pour moi l'apparition, non pas la révélation, comme si l'on sortait d'un lieu où l'on était caché auparavant. Sans doute, l'apparition est nécessairement opposée à l'idée d'être caché, mais elle est le fait d'être vu ou visible, de paraître, comme le soleil luit. Il a paru, il paraîtra de nouveau. C'est-à-dire qu'il y aura un état de choses dans lequel il ne sera pas caché, ni comme non existant (sauf pour la foi), mais où il sera apparent. Ce n'est pas l'acte de sortir comme apocalnyiz, mais l'état de luire, en sorte qu'il est visible. Sans doute, la chose sera vraie, au moment de sa janerwsiz et de son apocalnyiz, mais elle restera vraie après.

janerwsiz est en contraste avec ce qu'il a été auparavant, savoir caché quoique existant, et d'une existence connue. Ce terme ne nous est appliqué que lorsque notre vie a été présentée comme cachée avec Christ en Dieu (Colossiens 3: 4).

apocalnyiz (conf. Romains 8: 19; 1 Corinthiens 1: 7; 1 Pierre 1: 7), est dit plutôt de quelqu'un qui a le droit de paraître en gloire et qui paraît ainsi, en effet, à la confusion de ceux qui n'ont pas voulu reconnaître la gloire. Aussi ce terme est appliqué au jugement ou à la gloire; c'est quelque chose de glorieux qui éclate.

janerow signifie mettre au grand jour et s'applique au péché (Ephésiens 5: 13; 1 Corinthiens 4: 5; Luc 8: 17; Marc 4: 22, etc.).

paronsia signifie présence, en contraste avec absence, et aussi le fait de devenir présent après avoir été absent (1 Corinthiens 16: 17; 2 Corinthiens 7: 6, présentent ce dernier sens, et Philippiens 2: 12; 2 Corinthiens 10: 10, le premier). Ce mot nous donne évidemment l'idée de sa présence au milieu de la scène dans laquelle sont nos affections, nos craintes, nos espérances, nos joies, nos douleurs, et où sa présence ou son absence peuvent agir sur ces choses. De sorte que la présence de Christ dans la création se rapporte aux espérances et aux affections de la personne qui en parle. D'une manière générale, c'est son arrivée dans la scène dont il est actuellement absent. Si mon âme s'occupe de pensées célestes, elle le rencontre dans le ciel, si des terrestres, elle salue son introduction dans ce monde, en sorte que ce mot s'applique à l'une et à l'autre, à son arrivée pour recevoir l'Eglise en l'air, et à son arrivée sur la terre pour y accomplir les desseins et le jugement de Dieu.

Ces remarques peuvent apporter quelque modification à l'expression de quelqu'une de vos pensées, mais elles sont, en général, d'accord avec votre tableau et enlèveront peut-être quelque difficulté qui reste sur le mot paronsia.

Quant aux noces de l'Agneau, il me semble qu'il vaudrait mieux, non pas mettre autre chose, mais laisser de côté ce qui regarde les Juifs et les paraboles. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites sur les noces mêmes, mais votre interprétation de la parabole des vierges présente des difficultés qui, pour moi, sont insurmontables. Il faudrait d'abord qu'un résidu des Juifs fût auprès du Seigneur, comme ses amis, avant les noces. Il n'y a point d'épouse ici, parce que, dans ce cas, Jérusalem sur la terre serait l'épouse. Je ne crois pas qu'en Luc 12: 36, il soit question des noces de l'Agneau; ce n'est qu'une similitude de ce que les disciples devraient être quant à leur état moral.

Quant à Daniel 11, ma conviction actuelle est que, du verset 21 au 35e, c'est de l'histoire. Le personnage nommé dans ces versets est non pas le dernier roi, car historiquement ce n'est pas le cas, mais le dernier ici (sauf au verset 40), parce que c'est lui qui a été le type de l'Antichrist. Aux versets 36-39, c'est l'Antichrist lui-même. J'ai dit, en méditant Daniel, que certains frères considéraient les versets 21-35 comme parlant de l'Antichrist, mais que ma conviction était ce que je viens de vous dire.

Ayant fait ces remarques en toute liberté, afin que vous vous en serviez selon votre volonté, je puis vous dire qu'en général votre tableau m'a fait grand plaisir et, si vous mettez de côté l'explication des paraboles, je crois qu'il pourrait être profitable aux frères. Je n'impose pas du tout ma pensée sur les paraboles, mais dans un résumé pareil, cela prêterait plus à la controverse qu'à l'édification, parce que le tableau se présente pour être consulté comme un ensemble, et non pas comme un traité où la question serait discutée. Si vous aimez à publier vos pensées sous forme de traité, je n'y vois point de mal du tout, seulement je vous engage à les reconsidérer auparavant.

Saluez affectueusement tous les frères. Que la paix de notre Dieu, sa grâce et sa miséricorde soient en abondance avec vous et tous ses chers enfants. A la hâte.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 145 – ME 1896 page 260

à Mr B.R.

Genève, 24 septembre 1844

Cher frère,

Je saisis l'occasion de l'envoi des lettres ci-jointes aux frères pour vous dire que j'ai remis, selon votre demande, vos tableaux au frère S. Vous ne dites pas, parait-il, si vous voulez les publier; je ne sais si vous avez pris quelque résolution à ce sujet. Je crois vous avoir dit, dans ma lettre, ce qui me frappait, mais que l'ensemble serait très bon; seulement j'aimerais mieux omettre les pensées sur les paraboles, ce qui du reste n'entre pas directement dans votre cadre. Je crois qu'il y a encore de la lumière à recevoir sur ces paraboles. Et votre article sur les souffrances de Christ, l'avez-vous revu et un peu rédigé? Les lettres que je vous envoie intéresseront les frères; ils verront un peu où en est l'oeuvre en certains quartiers, mais elles sont pour les frères. J'en ai lu une partie à l'assemblée dimanche, à l'heure que les frères d'ici avaient fixée, pour pouvoir les envoyer plus vite aux frères de V.; mais cela a laissé une mauvaise impression sur mon âme, comme si l'on publiait la bonté de Dieu pour s'en vanter un peu. J'ai dû m'en humilier devant Dieu et le prier que cela ne fit pas de mal, car il est triste d'avoir ces choses autrement que comme sujet de prières et de travail devant lui, ou pour la joie et les actions de grâces des frères, quand l'occasion s'en présente.

Saluez cordialement tous les frères.

Lettre de J.N.D. no 146 – ME 1896 page 276

 à Mr B.R.

Lausanne, 2 janvier 1845

Bien cher frère,

J'ai lu les deux correspondances que vous avez eu la bonté de m'envoyer et je vais, sans préface, vous en dire quelque chose. La chair de M., douce, accueillante et flatteuse, me plaît moins que la franche étourderie de H., quoiqu'elle soit moins blessante. Quant à la confiance en soi, je ne vois pas grande différence entre les deux; et vous voyez, du moment que son système charnel et incrédule tombe, frappé à sa base, de quelle manière toute douceur disparaît chez M. «C'est un sophisme jésuitique», dit-il. Il parlera de l'amour tant que vous voudrez, mais jamais de ce qui touche sa conscience. Je crois qu'il est dans le plus triste état possible. Le seul vrai témoignage, quant à lui, je suis peiné de le dire, c'est de l'éviter. Il évite tout ce qui peut blesser la chair, en évitant tout ce qui peut la juger, parce qu'il veut pouvoir marcher tranquillement lui-même. Cela lui donne un air d'amabilité, de douceur et de charité, mais tout cela ne fait que l'oeuvre de l'ennemi. Si l'on s'y oppose, on a l'air de contester et de ne pas avoir cette charité; si l'on est avec lui sans opposition, on consent au mal qui se fait. Dieu sait mettre cela à nu, mais c'est lui qui le fait. Vous voyez qu'il s'est déjà donné la réputation d'un homme opprimé, à cause de ce qu'il appelle vos attaques. C'est ainsi, sachant tout le mal qu'il fait aux âmes simples par ces moyens, que j'ai pris un parti aussi décisif que celui de refuser d'aller le voir ou de l'inviter…

Quant à H., vous avez été blessé, cher frère. Vous auriez dû vous tenir au-dessus de son manque de sagesse ou de savoir-faire, et lui montrer en amour que ses lettres manquaient pour le moins de maturité, et enfin aussi de sagesse. Cela lui aurait fait du bien. Je lui ai écrit, peut-être trop franchement, mais j'aurais senti que je manquais à la charité, si je ne lui avais pas dit ce que je pensais. Je n'ai pas encore de réponse; j'espère que Dieu agira dans son coeur.

J'ose vous engager, cher frère, à ne pas beaucoup écrire dans ce moment. Lorsqu'on étudie l'exégèse ou plutôt la Parole dans ce but, sans s'occuper des âmes, il y a toujours du danger. On poursuit des idées. La recherche des âmes est un correctif; il faut savoir appliquer notre savoir à leur état, sans cela il ne vaut rien. Etre clair à soi-même n'est pas être clair aux autres, tout en révélant la vérité. La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Quand notre intelligence est trop en activité la vérité cesse d'être un lien entre l'âme et Dieu. Je n'ai jamais rencontré une personne, lisant beaucoup la Parole sans agir en charité et en responsabilité vis-à-vis des âmes, qui ne tînt pas à des idées quelquefois de peu d'importance et souvent erronées. La vérité n'est pas même un lien entre ma propre âme et Dieu. Elle devient «subjecta veritas quasi materia», et cela est doublement fâcheux quand il s'agit de la Parole. Si vous vous mettez à produire beaucoup, je vous engage à le produire pour les âmes et spécialement pour les pauvres pécheurs. C'est inconcevable quel bien cela nous fait à nous-mêmes, combien l'on devient petit, et de quelle manière la vérité prend sa place.

J'ai dit «produire», parce qu'on peut étudier sans produire; toutefois ce qui cherche les âmes est toujours bon en soi; ce sont des réalités de la foi et non pas nos idées, et nos propres âmes trouvent leur vraie place devant Dieu. Il est évident que cela ne détourne pas des études bibliques; au contraire, elles sont beaucoup plus profitables, parce que l'Esprit de Dieu, ayant sa véritable activité, selon sa nature, agit librement dans la communication qu'il nous fait des choses divines. C'est ce que j'ai souvent trouvé.

Au reste, Dieu agit en nous aussi bien que par nous, et la première de ces choses, n'est jamais agréable, mais très profitable. Quelquefois ceux qui ne savent pas ce qui en est, pensent avoir perdu son amour, parce qu'il les force à se reporter sur eux-mêmes pour leur bien. C'est une discipline pénible, mais qui a pour but de nous faire jouir de lui plus réellement, et de nous placer dans le vrai, du fond du coeur, au lieu d'être heureux à la surface, ce qui est au-dessous étant trop négligé. Tout cela est notre faute, mais c'est la bonté de Dieu qui veut que nous jouissions plus profondément de lui, nous nettoyant de tout ce qui nous entraverait, si la conscience était en plein exercice, et nous faisant juger tout cela. Au lieu que nous puissions le voir tout simplement, lui qui est notre pleine joie, il met dans la conscience quelque chose de caché, à notre insu, soit dans le coeur, soit dans la nature, et au moins il nous arrête en chemin. Il est fidèle dans son amour; si nous le connaissons, nous voyons bientôt que c'est lui, et la confiance renaît, si l'oeuvre n'est pas finie. Laissez-vous aller entre ses mains, cher frère, et s'il agit, ne le gênez pas, pour ainsi dire, dans son oeuvre. Pour que nous soyons bénis et que notre oeuvre ne soit pas un danger pour nous, il faut qu'il agisse en nous afin qu'il agisse par nous. Laissez-le faire et ne nous hâtons pas. Il est parfait et fidèle dans son amour.

En grande hâte, votre bien affectionné frère en Jésus, notre Seigneur et précieux Sauveur. Saluez beaucoup tous les frères. J'espère, si Dieu le veut, les voir sous peu, mais je ne sais trop quand.

Lettre de J.N.D. no 147 – ME 1896 page 296

 à Mr B.R.

Plymouth, 1er novembre 1845

Bien cher frère,

Quelques mots seulement. Je ne réponds pas à ce que vous avez dit sur la 4e classe de la première résurrection. La chose m'intéresse beaucoup, parce qu'elle se lie à tant de passages et même, de près, à tant de vérités, qu'on devrait l'examiner d'une manière un peu suivie pour pouvoir s'en former un jugement quelconque. Aussitôt que j'aurai pu le faire, je vous en dirai quelque chose. Cela se lie aussi à quelques pensées que j'ai eues sur Apocalypse 14, mais j'ai un tel sentiment de mon ignorance sur ces points, que ce serait folie d'en dire grand-chose; il est vrai que cela en rend la recherche d'autant plus intéressante. Je crois seulement qu'il est mauvais de se hâter d'établir un système là-dessus, à cause de la petitesse de nos esprits, au prix de Celui duquel le système, ou plutôt la révélation est sortie. Nous connaissons en partie; nous recevons (par la foi) des vérités isolées. La liaison de ces vérités provient de l'activité de notre esprit. Je ne dis pas que le Saint Esprit ne nous aide pas — pourquoi en douterions-nous? — mais ce n'est plus une révélation proprement dite, et la somme en est toujours incomplète, en sorte que, si nous nous bornons tant soit peu à cela, d'autres vérités sont exclues, perdent leur force, et l'âme et la communion avec les frères (qui peut-être ont appris d'autres vérités) en souffrent. Quant à la traduction (*), je travaille loin de la plupart de mes ressources en fait de livres, de sorte que je ne présente mes notes que comme pouvant servir à l'utilité commune, et, dans cette oeuvre, il s'agit évidemment de cela. Je reconnais, dans cette traduction (celle qui existe), un travail consciencieux, mais l'examen suivi que j'en ai fait m'a convaincu qu'elle est parfois un peu moins littérale qu'on ne le pensait. Voici ce que j'ai fait dernièrement dans un travail que j'avais entrepris sur le Nouveau Testament anglais: au commencement, je n'avais pas pensé à des améliorations critiques du texte reçu. Etant en voyage (car je n'y travaillais qu'à mes moments de loisir), j'avais mon Tischendorf comme livre de voyage. Maintenant, je me suis un peu arrêté à ceci: j'ai une édition avec le texte de Scholz et, dans la marge, le texte reçu, celui de Griesbach et quelques autres. Je traduis sur cette édition, et je m'arrête quand il y a quelque différence. J'examine alors Griesbach, Scholz et Tischendorf. S'il y a accord entre eux, et que les témoins démontrent d'une manière peu équivoque, le vrai texte, je l'accepte. S'il y a une variante de quelque importance, appuyée par un bon nombre de témoins, je mets, dans la marge, «plusieurs» ou «quelques-uns» lisent telle ou telle chose. Je ne touche pas la question, quand cela devient une affaire de critique, parce qu'il s'agit d'une traduction et non pas d'une édition critique. Si tous ceux qui ont examiné le texte sont d'accord, c'est une folie de donner une mauvaise leçon. Dans le cas où il y a un grand nombre d'autorités pour une chose, je puis raconter historiquement que ce fait existe, mais je n'entre pas dans le domaine critique proprement dit. J'en profite, mais je ne l'entame pas; ce n'est pas là ma besogne.

(*) 2e édition de la Version dite le Lausanne.

J'enverrai demain, je le pense, les notes sur Matthieu; les autres suivront de près, Dieu aidant. Les remarques sur les épîtres seront tout autrement importantes. J'ai suivi la marche des traducteurs dans mes notes.

Quant au passage d'Apocalypse 5: 9-10, le texte est bien embrouillé, tellement, qu'on ne doit pas beaucoup insister doctrinalement sur ce qui tient aux variantes dans ce passage. Scholz lit: nous au verset 9. Griesbach aussi; le seul manuscrit ancien de l'Apocalypse le rejette. Au verset 10, Scholz et Griesbach lisent antonz  (*), avec la grande majorité des témoins. Scholz et Griesbach retiennent basileiz (rois). A. Copt., Vulg. sont les autorités pour basileian (royaume). Il y a presque autant de témoins, plus même, pour «ils régneront» que pour «ils règnent», mais le seul ancien manuscrit cité favorise la dernière leçon…

(*) «Tu les as faits rois, etc.».

Il reste une question sur les quatre êtres vivants, que vous n'avez pas encore entamée. Sont-ce des symboles d'un certain caractère de puissance, laquelle se trouve manifestée dans le service de certains êtres qui ne sont pas nécessairement toujours les mêmes? Qu'est-ce qu'un séraphin? Il ne se trouve qu'en Esaïe 6, sauf le serpent d'airain. Je doute un peu de votre doctrine de la sacrificature. Il faut premièrement démontrer qu'il y en ait une qui ne soit pas du caractère de celle de Melchisédec. «Ils régneront sur la terre», ne signifie pas le siège de la souveraineté, mais son objet. J'ai été interrompu et je m'arrête. Paix vous soit, cher frère. Que Dieu daigne garder les frères dans la simplicité et dans l'humilité, et que leurs coeurs soient unis. Qu'il les fasse prospérer par le souffle de son Esprit. Saluez nos chers amis très affectueusement de ma part. Que la présence de Dieu en Esprit soit au milieu de vous tous; c'est là notre joie. La seule chose qui m'ait fait de la peine dans la brochure Herzog (*), c'est que c'est un frère; sauf cela, il y avait seulement à n'en pas tenir compte.

(*) Brochure hostile à l'écrivain de la lettre.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 148 – ME 1896 page 316

à Mr B.R.

Plymouth, 13 février 1846

Bien-aimé frère,

Il ne faut pas penser que Dieu se soit montré contre les frères. Bien au contraire. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu des épreuves très grandes. Mais je n'ai jamais été autant convaincu que Dieu aime les frères et qu'il veut les garder. Ce qui est vrai, c'est que l'ennemi avait cherché à bouleverser tous leurs principes et à les éprouver par une pierre de touche, d'une manière à laquelle la chair n'aurait su échapper; mais cela a bien démontré, en nous humiliant, il est vrai, profondément, que nos principes étaient du fin or. Dieu les a reconnus en humiliant ceux qui les professaient tous. Mais la scission n'a eu lieu qu'en deux endroits et, dans le second, elle n'a été accomplie que la semaine passée; dans les deux décidément en bien, selon moi, pour les frères qu'on travaille, je n'en doute pas, pour faire un parti ailleurs. Mais je crois que Dieu a mis sa main sur l'oeuvre des adversaires, et qu'ils ne pourront guère faire plus, parce qu'on la connaît maintenant. Dieu a pourvu à cela, malgré toutes les ruses qu'ils ont employées. Peut-être notre patience sera-t-elle exercée, et ce sera notre bien. Mais Dieu nous a manifesté sa bonté d'une manière dont, pour moi, je n'ai jamais vu la pareille. Jamais nous n'avons eu de réunions aussi heureuses, ni autant l'esprit de culte, tout pauvres que nous soyons. Je crois pouvoir dire (tout en étant certain que l'on moissonnera encore çà et là ce qui a déjà été semé) que la plaie est arrêtée.

Dieu a déjà répondu, je n'ose dire à la fidélité, mais au moins au désir d'être fidèle.

Voilà ce que je pense des affaires d'ici. S'il y avait eu plus de spiritualité, la chose aurait été, ou aurait pu être guérie en bloc. Dieu a agi selon l'état de l'Eglise et en cela, il me semble, beaucoup plus solidement dans les consciences individuelles. J'ai laissé la chose telle quelle, en suivant, je crois, les pensées de Dieu; et j'en suis heureux.

Ne soyez pas découragé, cher frère, au sujet de votre chère fille. Il est des coeurs qui se referment au milieu de la foule, et qui, souvent, ne sont au large qu'auprès de Dieu. Quelquefois cela se rattache par un côté à quelque faute. Mais ils n'ont de confiance que quand ils sont près de Dieu et se cachent au milieu du bruit du monde où des esprits plus hardis se font jour. Dieu a soin de ces coeurs, mais il faut les soigner autant que les autres, car la chair qui est toujours là, tendra toujours à se rapprocher du monde. Si la vie est là, comme je n'en doute pas, il faut la cultiver comme chez une autre âme, abandonnant sa manifestation à Dieu. On a dit: La grâce de Dieu, dans le coeur de l'homme, est une plante délicate dans un mauvais climat. Il faut y penser.

Quand la foi de votre fille s'affermira et s'appuiera moins sur sa joie en Christ, ou plutôt sur la joie qui découle de lui, votre fille aura plus de confiance devant le monde. Il faut attendre l'oeuvre de Dieu, et, en attendant, veiller pour que le monde ne gâte pas cette oeuvre. On a de la peine à retrouver la première fraîcheur; mais si elle est gardée, tout ceci se retrouvera plus tard, plus solide, et plus complètement Christ lui-même.

Je ne saurais rien dire, cher frère, sur la résurrection juive, mais, quoiqu'il en soit, voici, sur Jean 11, ma pensée, qui, du reste, est pour le fond la vôtre. Je crois que l'action de Christ comme résurrection et vie, répond à sa position.

Etant sur la terre, il vivifie Lazare d'une vie qui le laisse sur la terre. N'étant présent maintenant que spirituellement, il nous vivifie spirituellement. Lorsqu'il reviendra, il ressuscitera ceux qui ont cru, bien qu'ils soient morts (littéralement), et ceux qui vivent et croient en lui ne mourront pas (littéralement), C'est là le seul sens complet de ce passage. Je ne sais pourquoi on ne l'appliquerait pas à la résurrection des fidèles. Je ne doute nullement que les Juifs se soient trompés, au verset 36, sur les larmes de Jésus. Le Seigneur avait sur son coeur le sentiment de la puissance de la mort sur ses pauvres créatures.

Le passage de 2 Pierre 1: 10, ne m'a jamais beaucoup arrêté, parce que le mot grec bebaiov n'a pas seulement le sens de rendre ferme, mais de la conviction d'une vérité dans laquelle nous sommes affermis, comme, par exemple, au verset 19: «Nous avons la parole prophétique, rendue plus ferme» (bebaioteron), cas parfaitement pareil. La parole pas plus que l'élection (moins si l'on veut, puisque Dieu s'est exprimé dans la parole) ne saurait être rendue plus ferme, mais le terme veut dire qu'elle a été confirmée, savoir par la transfiguration. Or la conscience (le sentiment intime ou conviction intérieure) de notre élection nous est affermie, si nous marchons selon Dieu, cela est certain. Le Saint Esprit, Dieu, a sa liberté dans nos coeurs et s'y entretient.

Quant à Hébreux 12: 22, 23, l'emploi du mot «et,» (l'a-t-on remarqué?) tend à faire interpréter le passage ainsi: «et à des myriades d'anges, l'assemblée universelle; et…» L'emploi du mot myriades est connu dans le cas des anges, comme en Apocalypse 5: 11; d'autre part, panhgnriz, l'assemblée universelle, est employé pour l'assemblée d'Israël. L'emploi de ce mot dans les autres classiques est trop connu, pour qu'on ait besoin d'en parler. Il me semble que la pensée des myriades d'anges suggère à l'apôtre cette belle assemblée solennelle et joyeuse de tous. J'ai pensé depuis longtemps, sans chercher à imposer mon idée à d'autres, que «l'assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux» formait l'Eglise proprement dite, et les «esprits des justes consommés», les saints de l'Ancien Testament, d'une manière spéciale. Il ne faut pas oublier dans ce passage, l'absence de l'article qui donne une force caractéristique et non objective à la phrase, ainsi: «à une montagne de Sion», en contraste avec «une montagne qui peut être touchée».

J'espère que notre cher R. ne manque de rien. Saluez bien affectueusement tous les frères.

Votre tout affectionné.

 

P.S. — En effet, je suis très heureux et béni dans mon travail; nous le sommes tous plus que jamais, mais je suis occupé à tout instant. Je suis forcé quelquefois de renvoyer un peu ma réponse à des lettres qui demandent une étude suivie.

Lettre de J.N.D. no 149 – ME 1896 page 335

à Mr B.R.

Plymouth, 17 juin 1846

Je ne sais pas trop comment vous auriez des nouvelles officielles, vu qu'on n'écrit pas en français de nos côtés; mais je n'en suis pas moins sensible à votre bonté. Je vous en remercie bien. J'y suis d'autant plus sensible que je ne mérite point tant d'égards de la part de mes chers frères, mais, heureusement, l'affection ne se mérite pas. Elle croit dans le bon terrain de la grâce de notre Dieu. J'ai repris mes travaux sur la traduction (*). Mais il ne manque pas d'affaires qui se sont accumulées pendant ma maladie; peut-être Dieu a-t-il voulu que ce travail fût interrompu.

(*) Version dite de Lausanne.

Et maintenant, en réponse à votre question sur l'évangélisation, je me réjouis à la pensée que vous vous occupez des âmes, cela nous fait toujours du bien à nous-mêmes. On ne saurait répondre d'une manière catégorique à une demande semblable, parce que j'agirais différemment dans des cas différents. En général, on place l'Evangile dans sa simplicité devant l'âme, sans l'engager à prier, comme notre cher frère R., le veut, parce que les âmes placent toujours quelque chose entre elles et leur salut, et attachent à ce quelque chose de l'importance, comme à tout ce qu'elles font. On voudrait quelque chose dans l'âme, avant qu'elle soit aimée et lavée; c'est le cas même de la plupart des chrétiens évangéliques, tandis qu'il faut leur présenter Christ sagesse, justification et rédemption. De sorte qu'en thèse générale je suis d'accord avec R. — Mais voici où l'autre principe entre, non pas seulement dans le cas d'un athée, mais en bien d'autres. Je présente Christ à une âme, la conséquence en est qu'elle est travaillée, pas encore affranchie. Ici donc, j'ajoute quelque chose que vous me semblez omettre dans ce que vous me dites soit de votre part, soit comme étant les vues de R.

Ce n'est pas seulement: «Crois et tu seras sauvé», car le témoignage de Dieu convainc l'âme de péché. Ceci est un fait, et un fait qui doit absolument arriver, si l'âme est vraiment pénétrée de l'Evangile. Ce n'est pas la présentation de la foi comme moyen de salut qui fait cela, mais la révélation de Christ à la conscience, de Christ qui, comme la lumière, rend l'âme sensible à ce qui est au dedans. La foi dans ce sens produit la conviction salutaire, mais pénible, et pas la paix. Souvent il y a un intervalle assez long (je ne dis pas: il doit y avoir; car ce n'est pas le cas, lorsque l'Esprit agit en puissance) entre la conviction du péché et l'affranchissement. Il y a un autre effet de la foi à présenter; non pas seulement la personne de Jésus qui a déjà produit la conviction de péché dont nous parlons, mais l'efficace de son oeuvre. C'est ce qu'on doit toujours mettre en avant, mais ce qui répond toujours dans ce cas à un besoin produit. Mais ici se présente à l'âme cet effet de la foi, savoir la propitiation et l'amour qui l'a donnée. Je n'engage pas l'âme à prier pour la foi. Mais ce qui me parait ne pas avoir sa place dans vos pensées, ni dans celles que vous me donnez de R., c'est la conviction du péché. On s'y arrête et les docteurs les engagent à prier, c'est mauvais. D'accord ici avec le cher frère R. Mais je cherche cette conviction dans mes entretiens avec une âme et, si elle n'y est pas, je cherche à la produire par la vérité. Cela fait crier: cette âme prie (non pas: «elle doit prier». A ce cri, la plénitude de l'Evangile est la réponse. Les péchés dont elle se plaint ne lui sont pas imputés à cause du sang de Christ. Ce que je cherche chez un païen ou un chrétien de nom, c'est la conviction de péché. Je la cherche en annonçant la pure grâce gratuite et efficace de Dieu. Où cette conviction se trouve, je présente ce que la grâce a accompli. Il est très important de présenter tout cela comme une chose accomplie à laquelle on croit, sans qu'il soit question de prier, ni de quoi que ce soit d'autre. Mais si je trouve quelque obstacle, quelque chose qui empêche l'âme de faire du progrès, quoiqu'il y ait de la sincérité (et cela arrive quelquefois), des choses que l'Esprit de Dieu doit chasser du coeur avant de lui donner la paix — là je pourrais l'engager à prier. Dans l'état de mélange et de confusion où nous sommes, c'est ce qui arrive. Seulement il faut prendre soin de ne pas mettre des prières ou quoi que ce soit entre l'âme et Christ, car la foi n'est que la vue que l'on a de lui. «La foi», dans les Ecritures, veut souvent dire aussi: la doctrine que la foi embrasse, ou le système de foi, en contraste avec la loi.

Je présente donc Christ tel qu'il est, comme objet de la foi, et là où le Saint Esprit agit en puissance, la connaissance du Seigneur déplace et remplace tous les obstacles; l'âme est affranchie.

On rencontre des cas où j'engagerais à prier, à cause de quelque chose qui fait obstacle. En général, on n'a guère besoin d'y engager une telle âme. Quant à l'élection, il ne s'agit pas de cela en prêchant l'Evangile. Je prêche Christ, Dieu agira dans ses conseils de grâce. Je ne prêche pas Christ mort pour les élus, quoique parmi les croyants, il soit important de développer les rapports spéciaux de sa mort avec les élus. Sans cela leurs pensées sur son oeuvre sont vagues, manquent de stabilité et se mêlent avec l'oeuvre du Saint Esprit dans leurs âmes. J'annonce Christ victime propitiatoire pour le péché, lui Fils glorieux du Père et un avec lui, ses souffrances et sa gloire, et cela à cause du péché. Je leur montre peut-être les ténèbres de l'âme, en leur montrant ce qu'il est, lui, la lumière et la grâce. — Et je leur annonce que quiconque croit en lui est sauvé, pardonné, et jouit de la vie éternelle.

J'explique, au besoin, l'efficace pour ceux qui croient, parce que dans les pays chrétiens de nom, c'est ce dont on a besoin, et l'efficace annoncée leur démontre qu'ils n'y croient pas. Aux enfants de Dieu, l'élection est utile pour les rendre humbles, car tout est grâce; pour les rassurer, car la grâce est efficace et coule d'une source qui ne tarit pas, d'un conseil qui ne chancelle pas. Ici, l'oeuvre et les joies du Saint Esprit peuvent être précieusement développées.

Me voilà, cher frère, à la fin de ma lettre pour cette fois. Plus il y a de simplicité, plus il y aura de bénédiction. C'est Christ qu'il faut prêcher, Christ Sauveur d'âmes, et d'âmes pécheresses dans leurs besoins et dans leurs misères, fruit de l'amour gratuit de Dieu.

Dieu soit béni, j'ai de bonnes nouvelles en général de l'oeuvre en Suisse et en France.

La différence de la prédication maintenant, c'est que l'histoire en général est connue; on a à en annoncer l'efficace, la gloire, mais, au commencement, cette histoire en présentait la gloire aux âmes par la puissance du Saint Esprit. Maintenant, il faut y attirer l'attention. L'effet en sera toujours le même, là où le Saint Esprit agit.

A Dieu, bien-aimé frère. Que Dieu vous dirige et vous fortifie. Saluez les anciens, R., G., et tous nos précieux frères. Ce n'est que par une lettre de G., qui supposait que je le savais déjà, que j'ai su que notre bien-aimé Tapernoux a délogé en paix. Il est heureux. Je soupire ardemment après le moment; oui, ardemment. Toutefois on accomplit sa journée comme un mercenaire. Assurez sa veuve et sa famille de toutes mes sympathies. Oui, il est heureux! Oh que ce jour arrive où nous serons tous réunis dans la présence et la gloire de Jésus sans péché.

Votre affectionné.


Plymouth, 29 juin 1846

Je vous envoie encore un cahier. Je crains qu'il trahisse un peu de hâte, parce que, en relevant de maladie, j'ai trouvé une masse de lettres et d'affaires qui m'attendaient, et j'ai été un peu écrasé de fatigue.

Lettre de J.N.D. no 150 – ME 1896 page 355

 à Mr B.R.

Plymouth, 14 août 1846

Bien cher frère,

J'écris seulement quelques lignes au sujet de nos notes sur la traduction de Lausanne. Probablement je suis bien en arrière de leurs travaux. J'ai eu passablement d'hésitation au sujet de ces notes, ayant le sentiment, pas du tout qu'on dût recevoir mes pensées, mais qu'ils seraient un peu trop liés par leur système actuel, pour les recevoir, quand même elles seraient vraies. Toutefois dans les évangiles et encore plus dans les Actes, livre presque entièrement historique, ces difficultés entraient peu en ligne de compte, et j'étais heureux de travailler comme sous-ouvrier si, par ce moyen, quelque chose pouvait être ajouté à l'exactitude d'une traduction de la Parole, à laquelle toute l'Eglise de Dieu de langue française est intéressée. Maintenant, arrivé aux épîtres, cela me préoccupe un peu plus. De plus, je ne sais pas si je ne suis pas trop arriéré quant à l'ouvrage pour me tenir au niveau de leurs travaux. Enfin, j'aimerais savoir ce que vous en pensez et à quel point d'avancement ils en sont dans ce moment. Il y a des questions graves sur la loi, et même des difficultés de langage, en ce que le français ne sait guère rendre les pensées abstraites. «Des oeuvres de loi», si cela pouvait se dire, est bien autre chose que «des oeuvres de la loi». Or je crois que l'apôtre tient souvent à mettre les choses au clair par le moyen de propositions très abstraites. Maintenant, quant au français, il est clair que nos amis seraient à même de faciliter le maniement d'une langue qui est la leur, pour se rapprocher au moins de l'exactitude du grec, s'il y avait accord quant au sens de ce grec. Sans cela, on travaillerait un peu inutilement, parce qu'on ne chercherait pas à reproduire ce sens. Je prends seulement le mot «loi», comme exemple. Je crois que leur travail est un travail important. Je suis tout heureux de travailler sur cette base pour le bien de tous, et étant étranger quant à la langue, de le faire dans mon cabinet, inconnu hors de cette limite. C'est ce qui devrait être. Si le travail est bien exécuté, nos frères en profiteront comme les autres, ainsi que toute l'église française. Etant arrivé à ce point de l'ouvrage où les doctrines se développent en détail, je m'arrête un instant seulement pour savoir si mon travail contribuera vraiment en quelque chose à l'oeuvre. Il y a des notions de traduction que j'estime peut-être petites; cela ne me fait rien; c'est leur oeuvre, et je ne fais que travailler aux carrières et à la montagne comme un ouvrier d'Hiram, tout en recevant mes gages du vrai Salomon, et ils sont bons. J'en suis très satisfait, car j'en profite beaucoup pour moi-même. Ma question est seulement si vous pensez que je puisse encore leur être utile dans la tâche à laquelle ils se sont voués. Dites-moi un mot là-dessus. Saluez beaucoup les frères. Je me trouve béni et heureux, par la grâce de Dieu. A la hâte.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 151 – ME 1896 page 357

Cette lettre, insérée par inadvertance dans ce numéro, s'intercale à la suite de la lettre de J.N.D. no 168, page 396 de l'année 1897.

à Mr Foulquier

Plymouth, 25 août 1846

Ici, grâces à Dieu, nous sommes heureux; les frères sont bien paisibles et font des progrès. Il m'a semblé que, dans l'exercice de la discipline, nous n'avons pas assez donné la première place à la prière. Sans doute, en des cas flagrants, la discipline doit s'exercer. Mais il y a mille cas contristant le Saint Esprit, gênant son mouvement dans le corps, qui ne sont guère les sujets d'une discipline publique, mais n'empêchent pas moins la bénédiction générale.

Christ aime son Eglise; nous sommes de sa chair et de ses os. Or souvent le coeur, au lieu d'être poussé à reprendre, devrait être poussé vers Jésus, pour que son amour se manifeste envers cette âme, membre précieux de son corps, afin qu'elle soit guérie, restaurée. Si l'on pensait aux âmes comme aux membres de son propre corps, on s'intéresserait à ce qu'elles fussent en bon état selon sa grâce, et on compterait sur sa grâce pour que cela s'accomplît; car il agit directement sur les âmes des siens, ainsi que sur les pécheurs pour les appeler. Il faut se souvenir, cher frère, que, pour les connaissances aussi bien que pour toute autre chose, elles s'acquièrent, quand elles sont vraies, par le Saint Esprit, et qu'il agit librement dans sa sphère qu'il s'est formée par sa puissance qui agit en grâce; ainsi, si les objets dont il s'occupe, lui, ne possèdent pas nos coeurs, ces coeurs ne peuvent pas être remplis de sa connaissance dans la communion.

De là l'importance de l'état spirituel des frères pour la jouissance de cette communion, dont la nourriture sera la révélation des choses de Christ par l'Esprit. Sans cela, on cherchera un enseignement qui laisse l'âme à sa propre paresse, au lieu d'en jouir comme fournissant les moyens de communion spirituelle.

Il faut donc penser à l'état des âmes, et si nous ne savons pas agir directement sur elles, il faut beaucoup prier pour que la faim et la soif de Jésus prennent possession d'elles.

Dernièrement, nous avons lu ensemble l'épître aux Hébreux avec beaucoup de communion d'âme et, j'espère, à notre profit. Moi-même, j'ai été particulièrement occupé de l'épître aux Ephésiens, et de la position de l'Eglise comme économie ou objet spécial des conseils de Dieu, et j'espère que j'en ai profité — plutôt en affermissant ma foi et les bases de cette foi qu'en étendant mes connaissances.

Mais la position de l'Eglise a été mise en relief devant moi dans cette lecture.

Avez-vous remarqué que, dans la consécration des sacrificateurs (dans le Lévitique), il n'était pas question d'entrer dans le lieu saint, ni avec du sang, ni avec de l'encens? Tout était dehors. Moïse et Aaron y entrent après; mais la consécration ne s'en occupait pas. Le bouc, offrande pour le péché, aurait dû être mangé. Ceci met le but ostensible de leur sacrificature comme telle, en deçà des choses célestes de l'Eglise. Le jour des expiations était autre chose. J'aimerais que vous pensiez à ce point-là. Christ, évidemment, occupe cette double place.

Moïse est le Christ rejeté par ses frères et élevé à la gloire, s'identifiant avec ses frères, étranger et méconnu, et revenant pour les libérer de leur esclavage. Dans le premier cas, il reçoit, lui élevé, son peuple en grâce. Dans le second, il vient comme l'un d'eux pour les délivrer.

Il y a aussi certains caractères du Saint Esprit pendant cette économie, caractères qui lui sont propres: l'union avec le chef caché, élevé à la droite de Dieu, et les arrhes de la gloire à venir.

Il est évident que le Saint Esprit sera répandu comme Esprit de puissance pendant les mille ans, mais ce ne sera plus la puissance d'une vie cachée avec Christ en Dieu. Il ne sera plus caché. — De plus, le sceau et les arrhes, pendant le non accomplissement des promesses, n'y auront pas de place dans ce temps-là. Ce sont ceux qui ont espéré d'avance, qui ont besoin d'être ainsi scellés et d'obtenir ainsi les arrhes, et cela par un Esprit descendu qui les lie de coeur à Celui qui est monté.

L'Esprit a, me semble-t-il, deux caractères à la fin de l'évangile de Jean, même quant à son office.

1° Le Seigneur, comme Médiateur, l'obtient, et le Père l'envoie, et il agit de la part du Père comme Esprit d'adoption et de connaissance de la vérité. Il console et instruit les enfants ici-bas.

2° Mais aussi, 15 et 16, le Seigneur Christ, élevé en haut, l'envoie lui-même; alors il prend les choses de Christ et les montre aux siens; et tout ce que le Père a est au Fils, c'est-à-dire qu'il rend témoignage à la gloire du Fils de l'homme élevé comme étant un avec le Père, et enfin à toute sa gloire… Je termine, cher frère.

Lettre de J.N.D. no 152 – ME 1896 page 395

à Mr B.R.

Angleterre, 23 septembre 1846

Bien cher frère,

Je m'empresse de répondre à votre bonne lettre, d'autant plus que j'y vois un peu de découragement spirituel. Quant à la traduction (*), je l'avais poursuivie en toute simplicité, pour ajouter ce que je pouvais au bien commun, si les spécialités des épîtres n'avaient pas exigé des données plus positives à l'égard de la coopération. La réponse ne dit rien sur ce que j'ai demandé à cet égard. Je ferai, autant que je le pourrai, la volonté du Seigneur, là dessus. Ce qui avait donné lieu à ma question, c'était qu'il y a des difficultés particulières résultant de ce que le génie de la langue française ne répond pas à bien des abstractions grecques. Si l'on avait refusé d'aborder cette difficulté, en reconnaissant la portée de cette circonstance, j'aurais été un peu découragé dans cette tentative; le travail aurait été inutile, parce que, pour l'idiome de la langue française, il est évident que je dois dépendre en quelque mesure d'autrui. Enfin je laisse la chose là, sans rien ajouter.

(*) Notes pour la Version dite de Lausanne.

Quant aux dangers dont vous parlez, ils sont possibles, mais Celui qui a gardé son peuple avant les vendanges, le gardera après. Il ne change pas. L'ennemi peut rugir et grincer des dents, mais les cheveux de la tête de chacun des disciples sont comptés. Je crains tout autant le repos que la persécution pour les chers et précieux enfants de Dieu, quoique je bénisse Dieu lorsqu'il nous accorde ce repos. Seulement que nous sachions marcher dans la crainte de Dieu, et ce sera dans les consolations de son Esprit. Il est tout naturel que la relâche, après la tension de la persécution, amène un peu de relâchement spirituel et que l'ennemi cherche à en profiter, mais, en cherchant sa face, sa grâce nous suffira ; sa force s'accomplira dans notre faiblesse. C'est à chacun à se tenir près du Seigneur, non pas pour lui-même seulement, mais y étant par la grâce pour les autres. Un homme de foi déconcerte souvent (par la grâce) l'ennemi d'une manière étonnante. C'est ce que Dieu veut. Il intervient et il est reconnu. Tout caché qu'il soit, l'instrument ne perdra pas sa récompense. C'est l'oeuvre cachée qui est la plus belle, la plus près de Dieu et de son coeur, la plus entièrement à lui, et il la reconnaîtra telle au jour où il manifestera ce qu'il aura donné et approuvé.

Pour les assemblées, cher frère, outre ce que je viens de dire, il faut se fier au Seigneur et chercher beaucoup à cultiver un véritable esprit d'amour, des affections fraternelles découlant de la charité qui ne tient compte de rien, pour que Dieu soit glorifié dans les siens. Quant à la difficulté que vous ressentez au sujet de vos prières, c'est une chose sérieuse et pénible, j'en conviens, mais la grâce de Dieu ne vous fait pas défaut. Je ne doute pas, bien-aimé frère, que la chair n'en soit la cause, la négligence, la fausse confiance, le manque de petitesse et de pauvreté en esprit. Hélas! je n'en sais que trop. Toutefois, il y a quelque chose à dire ici. Le Seigneur nous fait sentir notre dépendance dans la chose qui nous est la plus facile, dans laquelle nous éprouvons une certaine satisfaction, dans laquelle la chair ne manque pas de trouver son compte. Je ne dis pas que cette incapacité nous arrive sans qu'il y ait quelque faute, quelque négligence spirituelle, car la chair qui y prend plaisir ne peut être active dans la présence de Dieu, ni la chercher. Ainsi, nous nous relâchons intérieurement; il n'y a pas la même intensité, le même besoin; la présence de Dieu n'est plus, comme auparavant, la source de joie pour nous; elle ne nous fait pas besoin de la même manière. Notre amour envers l'Eglise est l'amour de Dieu envers l'Eglise, et elle n'en est l'objet qu'en tant que vue de Dieu selon l'amour dont il est la source. Elle ne porte plus le même caractère à nos yeux; le motif de la prière manque dans la mesure où le lien avec la source est affaibli. — Mais en même temps, cher frère, tout ceci nous fait faire la découverte de la chair en nous, et nous comprenons par là même plus profondément que tout est grâce. Dans l'état dont je parle, n'ayant pas la conscience de l'amour de Jésus pour l'Eglise, nous voyons plus facilement ses misères, et ces misères d'une manière plus pénible, moins comme des objets de sa sollicitude à lui, plus comme des choses pénibles pour nous, et, n'ayant pas la confiance qu'inspire son amour, nous en sommes découragés.

Vous avez parlé d'un sujet assez important, la responsabilité et sa liaison avec la grâce. Je crois qu'on peut très bien insister sur le dévouement, dans un esprit de grâce. Je désire que vous abondiez dans cette grâce aussi, comme fruit d'amour en nous. C'est ainsi qu'on encourage à ces choses. On ne produit pas le dévouement, car il est un fruit de la grâce, en blâmant l'affaiblissement dans le dévouement. Le dévouement qui découle [de ce blâme] n'est qu'une imitation, au fond mauvaise. En lisant les épîtres, vous trouverez facilement cette distinction. Au reste, si Dieu me le doline, je vous dirai un mot sur la liaison entre la responsabilité et la grâce, ou plutôt entre la grâce et la responsabilité. La place me manque pour le faire ici.

Quoiqu'il en soit, bien-aimé frère, rapprochez-vous du Seigneur, notre infiniment précieux et fidèle chef. La grâce qui est en lui convient à toutes nos circonstances, à tous nos états d'âme. Elle en est le remède et plus que cela, car nos misères ne sont que l'occasion de la connaissance de sa plénitude et de sa perfection. «J'ai vu l'affliction de mon peuple»; il y avait bien d'autres choses à voir. — Au reste, le Seigneur est fidèle. La foi agit individuellement, bien qu'elle produise des effets communs, et même qu'il y ait une foi commune à laquelle Dieu répond. C'est à lui que je vous remets, bien-aimé frère.

Je crois que «la fin du Seigneur», en Jacques 5: 11 signifie la fin en contraste avec le chemin. Pour nous, le chemin est la patience, mais la fin qui est dans les mains du Seigneur, est toujours miséricorde, comme on le voit en Job.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 153 – ME 1896 page 399

à Mr B.R.

Angleterre, 9 décembre 1846

Cher frère,

Voici enfin un cahier de plus. J'ai été en Irlande, en route, malade, toute sorte de choses. Ayant eu, par le retard de mon départ pour la France, quelques jours d'une tranquillité au moins comparative, j'en ai employé une partie à ce travail. J'hésitais un peu: 1° parce que ce sera probablement trop tard pour qu'on s'en serve; 2° parce que j'ai dû le faire avec moins de soin et de suite, que la gravité de ce service ne l'exigeait. Toutefois, étant soumis à d'autres, je l'envoie; on pourra peut-être encore corriger quelque chose sur les épreuves, si on le trouve bon, et comme la traduction, me semble-t-il, l'exige. Je n'avais pas même le peu de livres dont je puis, en général, disposer, mais enfin voici le travail tel qu'il est. Valeat quantum. — Que le Seigneur soit avec vous.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 154 – ME 1896 page 415

à Mr B.R.

Montpellier, 20 décembre 1848

Je fais quelques remarques à mesure qu'elles se présentent. Il y a d'autres interprétations qui, tout en n'étant pas les vôtres, ne rencontrent pas les difficultés que vous supposez.

En premier lieu, je ne doute pas que l'Assyrien, ou du moins une puissance qui n'est pas l'Antichrist, ne soit le désolateur (Daniel 9: 27). Je pense que c'est le «roi du Nord», mais cela n'implique pas votre explication de ce verset, lors même que ce serait l'Antichrist qui confirme l'alliance. Mais il y a tout simplement: «A cause de la protection des abominations, un désolateur», c'est-à-dire «il y aura un désolateur». L'Antichrist les ayant entraînés dans l'idolâtrie, le désolateur sera lâché contre eux (comparez Esaïe 28: 14-18).

En second lieu, je ne prétends rien affirmer sur la grammaire hébraïque, mais régulièrement 11: 31, serait: «les armes ou les forces se tiendront debout, surgiront de lui, et elles profaneront… et elles ôteront, etc.». Je ne sache pas qu'il y ait un exemple où le verbe s'accorde régulièrement avec le masculin pluriel déjà exprimé, auquel on a substitué «on».

Puis vous avez confondu l'idée de celui qui rétablit le sacrifice avec celui qui en est l'objet, ou plutôt auquel il est présenté, à la fonction duquel il se rattache.

Vous demandez qui ôte le sacrifice continuel (Daniel 8: 11). Il faut regarder au Keri (*) qui donne: «lui fut ôté». Le passage ne dit rien de plus. Il faut encore se souvenir qu'en Daniel Israël est toujours considéré comme le peuple de Dieu, remarque fort importante pour l'intelligence du livre et qui va à la racine de quelques-uns de vos raisonnements. Dieu parle en grâce et Jérusalem est traitée comme la sainte cité de Daniel. Or il me semble qu'on ne peut guère ne pas voir le Prince des princes dans le Prince de l'armée. Souvenez-vous aussi que c'est entre les mains de la petite corne du chapitre 7, que les saisons et les ordonnances juives sont livrées (7: 25). C'est celui-là qui les change et qui blasphème et s'élève. Quant à «jeter la vérité par terre» (8: 12), je pense bien que c'est la corne du chapitre 8, savoir non l'Antichrist, mais l'Assyrien ou le roi du Nord. Comme Chef de l'armée, Christ n'est pas vu comme accomplissant Hébreux 9 et 10, mais comme Chef des Juifs au dernier jour. Dans ce caractère, c'est à lui qu'appartiennent les sacrifices, comme, en tant que privilège, ils appartiennent aux Juifs. Beaucoup de Psaumes parlent de ces sacrifices de justice; ce ne sont pas même des sacrifices pour le péché; le «Thamid» était un holocauste; sans cela les Juifs n'avaient pas d'autel, pas de rapport public avec Dieu. La remarque que j'ai faite quant à la manière d'envisager les Juifs en Daniel, met de côté votre interprétation de 8: 10; quant à 8: 11, j'en ai déjà parlé. Vous dites que le «prince qui viendra» (9: 26) est le même que le désolateur (verset 27). Pourquoi? «Sur le faîte de l'abomination» (8: 27) ne me présente aucune idée. L'abomination est une idole, une chose profane et souillée aux yeux de Dieu. Que signifierait le faite d'une idole?

(*) Annotations données en marge du texte hébreu.

Votre continuateur de Titus, un désolateur qui suit le prince qui viendra (9: 26, 27), n'est rien; pour moi je ne crois pas qu'il y en ait un. L'Antichrist sera son continuateur dans un sens, comme étant chef, ou au moins corne principale de la Bête, tandis qu'effectivement c'est un autre, selon moi aussi bien que selon vous, qui agira comme Titus en attaquant la ville, quoique pas en la détruisant au même point. Titus «détruit» la ville (9: 26), le roi du Nord ou l'Assyrien «la renverse» (8: 11).

L'Antichrist n'est donc pas le désolateur. Là-dessus nous sommes d'accord. De l'autre côté, vous n'avez pas assez considéré qu'Israël est appelé (8: 24) le peuple des saints, et si Dieu ne peut pas l'appeler son peuple, il répond au coeur de Daniel, en reconnaissant sa foi prophétique, et l'appelle «ton peuple» (ainsi qu'il le fit à Moïse). C'est-à-dire qu'il en prend connaissance par l'intervention d'un médiateur. Or les versets 11, 12 sont au point de vue de Daniel (parlant, il va sans dire, par l'Esprit prophétique).

Quant à votre «Résumé», je l'accepte, moins les difficultés qui n'existent pas pour moi. Il me semble que ce n'est ni Jésus, ni l'Antichrist, qui rétabliront les sacrifices dans ce temps-là. Je pense que les Juifs eux-mêmes l'auront fait. Il est très possible que le roi du Nord ôte à l'Antichrist son faux culte (mais il prend Jérusalem). Mais pouvez-vous penser que «Thamid» soit appliqué à une chose pareille, ou que l'Esprit prophétique appelle ce qui entoure l'Antichrist, l'armée des lieux saints?

Bien cher frère, je vous envoie ces quelques pensées sur votre manuscrit. Vous verrez que je suis d'accord avec l'idée principale, savoir qu'il y a l'Antichrist à Jérusalem et un ennemi qui vient du dehors, mais vous avez tiré de cet état de choses plusieurs conséquences qui ne me paraissent pas justifiées. Ce genre de conclusions vous fera trouver plutôt des difficultés que des lumières. Mon idiosyncrasie m'épargne au moins bien des mécomptes dans mes conclusions. Je vois, en général, toutes les difficultés et j'attends la solution de toutes. J'ai été frappé de la manière dont Dieu donne des conclusions positives, justes pour la conscience, lorsque toutes les prémisses sont fautives, là du moins où il y a de la droiture. On me fait visite et il faut que je termine. Je vous ai donné ci-dessus le fond de ce qui s'est présenté à ma pensée dans un moment de loisir. Je me réjouis d'avoir des nouvelles de votre voyage et de savoir si les choses sont allées selon vos désirs. Quant à l'assemblée de V., allez doucement, cher frère, et pensez à tous. La discipline a été mal faite, peut-être, mais elle devait se faire. Oublions les personnes, si nous pouvons. J'ai trouvé notre cher frère C., peut-être le plus raide de tous, et bien que je l'aime et que je le connaisse depuis des années comme un frère sincère, je ne crois pas que son coeur soit complètement vidé devant le Seigneur. Il ne le sait pas; nous ne le savons jamais, en cas pareil, parce que nous ne sommes pas pleinement devant lui. Les choses se présentent d'une tout autre manière, lorsque sa présence se manifeste pleinement et de manière à cacher les hommes. Toutefois je ne doute nullement de la sincérité de C., en sorte que je suis au large avec lui, mais je crois qu'il y a encore une oeuvre à faire en lui pour le bien de son âme. Je regarde à Dieu, pour qu'il fasse cette oeuvre et qu'il rétablisse en plein les rapports d'amour et de confiance qui seuls laissent briller sa présence dans tout son éclat au milieu des frères. Il serait dommage que des frères qui ont vraiment été en témoignage manquassent à leur première charité et à ce témoignage même, mais Dieu est fidèle.

Votre affectionné frère en notre bon Maître.

Lettre de J.N.D. no 155 – ME 1896 page 439

à Mr B.R.

Janvier 1849

Cher frère,

Je vous renvoie votre écrit que j'avais, en effet, pris avec moi. Je craignais d'envoyer un aussi gros cahier par la poste. J'ajoute quelques lignes.

Le Keri veut dire: «lis». Les Masorites n'osaient pas changer le texte, lors même qu'il y aurait eu une faute évidente, mais ils écrivaient en marge: «lis ainsi». C'étaient donc des leçons ou variantes qui sont presque toujours meilleures que le texte. De Wette a donné le Keri dans ses «Anmerkungen». La traduction de de Wette ne me satisfait pas. La «consomption déterminée» est une expression employée en Esaïe 10: 23; 28: 22, pour signaler les afflictions d'Israël, à ce qu'il me semble, dans les jours qui précèdent le règne du Messie, soit qu'elles fondent sur Israël ou sur Jérusalem. L'emploi de ces mots en Daniel 9: 27, est très remarquable. Ceci m'a conduit à d'autres remarques. Le dernier mot de 9: 27, est, sauf dans ce passage, toujours traduit par «la désolée». Il y a de bons dictionnaires qui ne donnent que ce sens. Une fois ailleurs, tout au plus, une forme remarquable d'un infinitif verbal est employée dans un sens actif. «Désolée» n'est pas le même mot que «désolateur», dans le même verset. Or en 11: 31, c'est l'abomination du désolateur. 12: 11, c'est le dernier mot de 9: 27, c'est-à-dire peut-être de la désolée. Vous trouverez que l'examen des chapitres 10 et 28 d'Esaïe sur les deux points de l'indignation et de la consomption déterminée jettent un grand jour sur Daniel. L'Assyrien y est vu très clairement et le fléau débordant à cause de leur alliance avec le mal.

J'espère que le Seigneur ramènera notre cher frère C. à un état doux et aimant. J'espère qu'on agira avec un amour sincère et cordial à son égard. Les défauts dont vous parlez ne sont pas comme d'autres qui, peut-être, ennuient moins nos voisins, mais n'en sont pas moins mauvais aux yeux de notre Dieu.

Paix vous soit. Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 156 – ME 1896 page 451

 Mr B.R.

Montpellier, 15 janvier 1850

Bien cher frère,

Je vous remercie beaucoup de votre petite lettre et de l'affection dont elle était le témoignage, affection qui m'est bien précieuse. Je suis mieux, mais le principe de mon mal est toujours là. Dieu sait si cela se dissipera, ou si je le porterai jusqu'à la fin, avec ce pauvre corps de péché qui l'engendre. Quoiqu'il en soit, je suis heureux et me repose avec une douceur indicible sur l'oeuvre de Celui qui m'a aimé et qui m'aime d'un amour parfait et éternel.

Quant à notre cher Sp., je crois qu'il est un peu mystique, ou plutôt que le genre allemand va à la tendance de son caractère personnel qui penche à regarder toujours au dedans, à s'occuper de l'effet de la grâce, c'est-à-dire de soi, au lieu de l'objet de la foi et de la source de la grâce: de Dieu lui-même et du Sauveur qui nous a aimés. C'est un mal invétéré du coeur, parce qu'on en fait une fidélité, et, au fond, on aime à être occupé de soi, si l'on peut appeler cette occupation la piété. Satan s'en moque bien, et ceux qui en sont là, jugent les autres comme étant antinomiens et infidèles, comme prenant la chose à la légère, tandis que, de fait, ce sont eux-mêmes qui ont encore une trop bonne opinion d'eux-mêmes. En somme, tel que je suis, je suis nécessairement perdu; vu ce que Dieu dit, je devrais l'être; je reconnais que son jugement est nécessaire. Cependant, tout en faisant abstraction du mysticisme, je crois (vous en serez étonné) que Sp. a raison, non pas dans sa manière de l'envisager, mais dans le fait. Il y a, je le crois, une connaissance de soi-même devant Dieu, outre la conscience des péchés. La pauvre Cananéenne savait sa misère et cherchait le remède auprès de Jésus, mais le Seigneur la place sur ce terrain terrible pour le coeur, d'être en présence de la bénédiction, sachant qu'elle est là, et privée du droit d'y participer. Elle n'était pas précisément coupable de telle ou telle chose, mais à cause de ce qu'elle était et de ce qu'était la bénédiction, elle ne pouvait pas y avoir part.

L'amour de Dieu était la pleine réponse à cet état, et c'est ainsi seulement qu'on Le connaît dans sa propre pureté, dans sa gratuité, dans sa souveraine bonté, qu'on Le connaît tel qu'il est, pur et absolu, Dieu lui-même étant révélé dans cet amour, tel qu'il est. C'est pourquoi la foi de la pauvre femme est reconnue être grande, car, elle voit ce que Dieu est, à travers la conscience de ce qu'elle est elle-même. Les mystiques considèrent cela comme un état d'âme et, par conséquent, sont à le chercher dans un véritable esprit de propre justice. La foi en jouit comme d'une révélation de Dieu. C'est ce qui m'a donné, tout faible moralement que je sois, une joie et un bonheur indicibles pendant ma maladie et avant. Ce n'était pas le pardon des péchés; car, je n'en doute pas, et je reconnais la grâce infinie qui les a pardonnés gratuitement, la pure grâce envers moi, indigne pécheur, et cela par le précieux Sauveur, mais je pouvais me reposer en Celui qui avait fait ces choses, sans y penser directement. Or, pour cela, il faut se reconnaître un petit chien, et non pas seulement reconnaître ses péchés; et c'est ce qui rend la paix solide et permanente, parce qu'elle est en Dieu. Je crois que la plupart des chrétiens n'y sont pas. C'est ce qui fait (quoique ce ne soit pas la seule chose) que bien des chrétiens sincères ont un tel combat sur leur lit de mort. Ils n'ont pas été eux-mêmes devant Dieu. Ce n'est pas que la grâce n'ait pas agi, ce n'est pas qu'ils n'aient pas sincèrement reconnu leurs péchés, reconnu que le sang de Christ seul peut les laver mais ils n'ont pas vraiment été amenés à dire «Misérable homme que je suis, qui me délivrera?» dans les résultats, oui, et ils en sont restés là; mais, quant au fait d'être avec la source — c'est-à-dire soi-même devant Dieu en jugement — non. Voyez Job. La grâce avait agi en lui; aux yeux de Dieu lui-même, il n'avait pas son pareil sur la terre. Il n'avait jamais été réellement en la présence de Dieu, lui. Cela ne veut pas dire qu'un homme ne soit pas régénéré, ou qu'il ne soit pas justifié. On peut être tout cela et sentir la bonté de Dieu, mais, en rapport personnel avec Dieu, on n'a pas dit, se trouvant tel qu'on est devant lui: «Maintenant mon oeil t'a vu». Cette expérience peut se faire de diverses manières 1° au commencement, quand on est sous la loi; 2° après une longue vie chrétienne, avec de longues angoisses ou plus doucement. D'une manière ou de l'autre, elle se fait. Mais son véritable résultat n'est pas le mysticisme; elle en est réellement la destruction, lorsqu'elle est complète. Le mystique se contemple; et c'est son malheur. Il parle de lui-même, et un soi-même anéanti vaut beaucoup mieux pour le moi, qu'un Dieu qui nous fait nous oublier. Comment se rappeler, soi, en la présence de Dieu? Dieu peut me faire sentir ce que je suis pour m'amener en sa présence, il peut me nommer un petit chien, et je le reconnais, mais la foi n'y voit rien d'autre que tout ce que Dieu est, même pour un tel être. Madame de Krüdener, dont notre cher ami Eynard a publié la vie, n'en était là que sur son lit de mort, et alors elle jugeait toute sa vie précédente. Mais c'est Dieu seul qui sait faire cette oeuvre. Il faut, en confessant ses péchés, se rapporter en simplicité, à sa grâce qui nous pardonne, et marcher sous son oeil avec pleine confiance en lui. On ne peut pas se mettre dans cette lutte morale avec Dieu; on ne le doit pas; il est trop vrai que nous sommes de petits chiens, pour pouvoir le faire. Lorsque lui le fait, il sait soutenir l'âme, comme dans le cas de la Cananéenne, ou dans le cas de Jacob, quoique celui-ci s'arrêtât encore mystiquement à la bénédiction, comme cela arrive parfois pour un temps.

C'est un sujet sérieux et important, cher frère. Cependant tenons-nous-en toujours à la simplicité de la grâce de Dieu. Celui qui y a passé, tout en ayant, comme auparavant, ses combats avec lui-même et sa chair, est beaucoup plus dépouillé de lui-même, a plus de discernement de ce qui est de l'homme jugé en lui, et de Dieu; la vie de dehors, quelqu'active qu'elle soit, prend moins d'importance, Dieu est plus le tout de tout. Extérieurement, ce chrétien peut être à peu près de même, au fond il ne l'est pas; l'homme a pris sa vraie valeur à ses yeux. Il a plus de communion avec ses frères, mais en même temps il est plus isolé, c'est-à-dire plus avec Dieu. C'est ce que Christ était parfaitement, parce qu'il n'y avait rien à dépouiller en lui.

Paix vous soit, cher frère. Si vous avez encore quelques pensées là-dessus, écrivez-moi. Quant à la défection de notre frère E., je n'en suis pas étonné. Je ne peux pas dire non plus, sauf pour lui en charité, que cela me fasse de la peine. Il se connaît très peu, ou point. Dieu a permis qu'il fût en grande bénédiction, je le crois, à sa femme. Je la connais depuis de longues années, ainsi que sa famille.

J'ai une bonne lettre de notre cher N. à T., et je lui ai écrit. La joie de l'assemblée et la grâce que notre Seigneur lui fait sont ma joie, cher frère, et une grâce qu'il me fait à moi. Je suis avec eux en Esprit. Qu'Il les garde près de lui dans l'humilité et dans la joie de sa présence. Saluez beaucoup R., G., F. (j'ai reçu un billet de lui; j'ai été trop malade pour y répondre), E. et tous les frères. D. M. est, je suppose, toujours à V. Saluez-le aussi affectueusement, ainsi que C. C. et tous les autres que je ne puis nommer nom par nom. J'ai toujours la pensée d'entreprendre mon voyage en Suisse, si Dieu me le permet. Il est possible que mon état de faiblesse le renvoie à une saison un peu plus douce pour traverser le Jura, mais pas pour longtemps, je le pense. Sauf quelques visites, je ne crois pas trouver ici le champ de mon travail. Nîmes m'appellera probablement plus tard. Mais auparavant je pense — Dieu seul le sait — aller en Suisse.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 157 – ME 1896 page 457

 à Mr B.R.

Montpellier, 15 avril 1850

Bien cher frère,

Voici ce qu'il me semble, quant à votre second volume. Je pense que plusieurs, ayant le commencement, aimeraient avoir la suite. Lorsque vous l'aurez imprimé, vous pourrez signifier aux souscripteurs que vous ne le mettez pas en vente publique, à cause de la difficulté sentie par plusieurs frères, mais que le volume sera expédié à ceux qui le demanderont. Je ne vois pas pourquoi vous ne le vendriez pas à d'autres qui le chercheraient, sans toutefois le mettre en vente de commerce. Si les souscriptions ne sont pas encore payées, la chose en restera là; si elles ont déjà été reçues, vous trouverez, sans doute, un moyen de les rendre. Je dis cela comme déférence volontaire aux frères, chose qui ne fait jamais de mal quand la conscience n'est pas engagée. Si elle l'est, c'est une tout autre affaire. Pour ma part, je ne crains pas les divergences sur des questions d'intelligence. Quelquefois ces divergences tiennent à des principes; alors, de nouveau, c'est une tout autre affaire. Il y a bien des frères avec lesquels je ne suis pas d'accord sur divers points, et avec lesquels, cependant, je suis beaucoup plus lié qu'avec des personnes qui acceptent tout ce que je dis. Au reste, l'amour ne dépend pas de cela, quoique l'unité de sentiment soit un but désirable.

Je crois que Dieu, dans sa grâce, agit en bien dans son Eglise et spécialement au milieu des frères. Ici, il y a vraiment beaucoup de bien, partout des conversions, nombreuses même pour nos temps; les frères encouragés, ranimés et renouvelés pour ainsi dire, et cela avec, en même temps, un besoin plus senti de réaliser sa présence, comme une réalité au milieu des siens. Lorsque Dieu est là, les difficultés et même les misères s'évanouissent. Il y a aussi quelques nouveaux ouvriers qui sont bénis, et cela est un grand sujet de joie. On voit l'action de Dieu. Il y a également d'assez vastes champs ouverts, sans qu'il y ait des ouvriers pour les visiter. Ici, à Montpellier, où tout était assez mort, le Saint Esprit agit dans plusieurs âmes. J'ai été au Vigan, où le Seigneur a donné sa bénédiction. On doit reconnaître la bonne main de Dieu et chercher à conserver, autant que possible, cette grâce qu'il nous accorde.

J'ai une lettre de M. F., où il parle avec beaucoup d'affection de vous. Il a été heureux à V.; il dit seulement, sans insister là-dessus, que vous avez un «crotchet», un dada sur la nouvelle Jérusalem, mais il est toujours réservé et peut-être aimerait-il mieux ne pas discuter. Je crois que, tout en rejetant certaines vues, et en étant quelquefois fatigué du travail de tête, on a trouvé de très bonnes choses, spirituellement aussi, dans vos numéros sur l'Apocalypse.

J'espère vous voir tous bientôt, s'il plaît à Dieu. Je pense partir d'ici dans dix jours, et je passerai probablement dix à quinze jours pour arriver à Genève, en passant, en route, quelques jours avec des frères, mais je ne veux pas retarder ma réponse. Saluez affectueusement tous nos chers frères.

Votre tout affectionné.

 

Il ne faut pas prendre trop à l'avance des résolutions au sujet de votre marche après le second volume. Dieu sait ce qui vous conviendra. Je crois que plus d'occupation avec la grâce envers les âmes, et moins de travail de cabinet vous aurait mis plus en liberté, mais Dieu sait ce qu'il nous faut. Je dois vous dire que je n'ai aucune inquiétude au sujet de votre publication. Il est très probable que je ne suis pas d'accord avec vous sur tous les points, car c'est rare. Se tenir dans les limites de l'enseignement de Dieu, c'est ce que je cherche à faire, et, je l'espère, davantage tous les jours, mais je n'appelle pas du tout émettre des idées différentes, être agressif. Il y a des cas où il vaut mieux ne pas susciter, devant le monde ou devant les faibles dans la foi, des questions qu'ils ne peuvent pas résoudre.

Lettre de J.N.D. no 158 – ME 1896 page 474

à Mr B.R.

Hereford, 30 décembre 1853

Bien-aimé frère,

Je crois que la Bête foulera aux pieds d'autres pays que ceux qui forment son corps. Je ne crois pas que l'Irlande fasse partie du corps de la Bête. L'aveuglement positif qui pèsera et pèse sur l'Angleterre lui sera épargné, mais elle sera sans doute sous le jugement qui viendra sur ceux qui vivent dans l'insouciance dans «les îles». Je crois que Dieu s'en servira comme témoignage, que c'est la propre faute de l'Angleterre qu'elle soit aveuglée, et que l'Irlande sera jusqu'à un certain point un oasis, bien que le joug de l'Angleterre, qui favorise gouvernementalement le papisme, pèse sur elle. Elle sera un refuge, mais j'aime mieux me fier à Dieu, où que ce soit, qu'à l'Irlande ou aux Etats-Unis. Rien ne sera assez décidé, ni assez puissant, pour faire contrepoids à «la femme sur la Bête», car la Russie est en dehors et a son chemin à elle. Dieu suffira infailliblement à tous ceux qui se confient en lui. Il fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l'aiment.

A l'égard de C. et de H. à Lausanne, c'est triste, sans doute; et je crois que G. a de fait gêné les frères par sa manière d'agir. Les femmes se sont aperçues de cet esprit chez G. et le lui font sentir. Elles ont raison et tort à la fois. C. a, je l'admets, quelque chose à dire, et son silence tend à rétrécir les limites du bien qui se ferait à Lausanne. D'un autre côté, quant à ceux qui ont été exclus, je vous assure qu'on n'en a pas beaucoup de regret, sauf pour eux-mêmes. Ils sont membres de Christ, et Dieu me garde du péché de les mépriser, mais le mélange de spiritualité dans les formes, joint à l'effort de plaire au monde et à la conformité au monde, serait la ruine des frères et du témoignage. Il est bon que ce cher G. ait eu cette humiliation, car il est très entier et aime que les autres aillent comme il l'entend, mais à la longue, s'il apprenait ce que Dieu lui enseigne, Dieu le ferait sortir et les frères avec lui d'une condition où ils sont à l'étroit, pour les introduire dans un champ large de bénédiction. Le cher C., s'il avait eu un peu plus de foi, aurait pu être très utile. De fait, à Lausanne, personne n'a confiance en lui. Les coeurs qu'il gagne par son amabilité ne lui font que du mal. J'ai fait auprès de lui ce que j'ai pu, mais il le prenait d'un peu haut. S'il y avait toujours là quelqu'un qui exerçât un ministère indépendant, de sorte que ce ne fût pas toujours G. seul qui agit, la difficulté disparaîtrait, mais c'est Dieu seul qui peut envoyer cela. En attendant, les frères ont la conscience de leur intégrité, et la chair de G. n'est pas pleinement mortifiée, et par son caractère et sa décision, c'est lui qui mène plus ou moins. C. qui ne jouit pas de la confiance des frères, a le sentiment de ses torts, et il en a eu dans le sens qu'il a été froissé sans qu'on l'ait voulu. Le désir de servir le Seigneur avec intégrité se trouve chez les frères, mais ils l'ont sans que la chair, qui fait toujours du mal, soit assez mortifiée pour qu'elle ne devienne pas une pierre d'achoppement. J'espère qu'ils présenteront assez leur cas à Dieu pour que, après les avoir exercés et humiliés, il puisse les bénir malgré leur chair. Voilà où j'en étais quand j'ai quitté Lausanne.

G. n'était pas tout à fait content; j'ai remis la chose à Dieu. Il s'agissait de l'état de tous, non pas d'une décision à prendre, d'autant plus que je ne pouvais plus y rester. Les femmes, pensent que je ne juge pas les choses à fond; elles se trompent, mais je n'ai pas mes sentiments engagés comme elles; seulement je puis remettre les choses à Dieu, parce que je crois qu'au fond les frères cherchent la gloire de Dieu avec intégrité. Je supporte les mécontents plus que les frères n'aimeraient, peut-être, car en admettant les griefs des frères à leur égard, et il y en a beaucoup, je crois que leur chair a en partie donné occasion à ce mécontentement, et on ne peut jamais justifier la chair. Mais j'ai confiance en Dieu.

Quant au frère H., mes rapports avec lui sont bons, et j'en reste là. Je ne crois pas qu'il ait assez de foi pour être en témoignage sous certains rapports. Les anciens dissidents ont leur caractère à eux. Dans le chemin de la foi, ils ont été reconnus, comme Dieu le fait toujours. Le monde les a trompés (*).

(*) Nous transcrivons tous ces détails, non point pour leur intérêt spécial, mais comme modèle de jugement équitable dans les difficultés d'une assemblée. (Ed.)

Je suis incapable de marcher, m'étant foulé le pied droit, mais Dieu, dans sa grande bonté, m'a donné de profiter beaucoup de mon temps avec la Parole.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 159 – ME 1896 page 477

 à Mr B.R.

Date inconnue

Bien cher frère,

En réponse à votre question au sujet de 2 Corinthiens 5: 19, je crois que le bien-aimé Sauveur était «réconciliant», agissant dans ce but pendant sa vie. Il a été rejeté. Dieu savait que la rédemption par son sang était nécessaire pour réconcilier. De sorte qu'en résultat il a été fait péché pour qu'il pût commettre le ministère de la réconciliation aux apôtres. Et lorsqu'il est dit: «Dieu était en Christ, réconciliant», il ne s'agit pas de la base nécessaire pour que la chose s'effectuât (c'est ce qui est dit tout de suite après), mais des voies de Dieu à l'égard des hommes, par Christ, pendant sa vie. Si Christ avait été reçu sans la mort et une nouvelle création, le résultat aurait démontré que le mal était réparable. Maintenant nous savons qu'il en est tout autrement. Mais Dieu présentait la chose à la responsabilité de l'homme, avant de manifester cette impossibilité. Ceux qu'il appelait, il les appelait selon la connaissance qu'il avait lui-même de ce qu'il allait faire. «J'ai encore mon Fils; ils auront du respect pour mort Fils» — voilà ce qui est présenté à l'homme. L'objet de la foi est la personne de Christ. En y croyant, on jouit de l'efficace de sa mort, ceci était vrai pendant sa vie, mais l'âme le recevait dans l'ignorance, plus tard avec intelligence.

Il y a un pardon gouvernemental qui ne pouvait avoir lieu qu'en vertu de l'expiation, c'est vrai, mais qui cependant est autre chose. Au reste, le pardon était accordé en détail, en vue de l'offrande de Christ. Christ l'accordait pleinement pendant sa vie ici-bas, en vue des voies de Dieu en grâce. L'effet se montrait, le cas échéant, par une guérison comme preuve. Mais la grâce, en tout temps, a son application en vue de l'oeuvre de Christ (voyez Romains 3: 25, 26).

Votre affectionné.