Le choix de Lot

Genèse 19  -  ME 1896 page 65

 

Il est profitable et très instructif pour l'âme de retracer le contraste qui existe entre le caractère de Lot et celui d'Abram. Tous deux étaient des saints de Dieu, mais quelle différence n'y avait-il pas dans leur marche! Quelle différence aussi dans leurs expériences personnelles relativement à la paix, à la joie, et à la proximité de Dieu! Et cette différence se retrouve toujours entre un croyant dont l'esprit est mondain, et celui qui, par la grâce de Dieu, lui est dévoué de coeur. Dans le sens scripturaire du mot, un «juste», Lot, «tourmentait de jour en jour son âme juste»; Abram, lui, marchait devant Dieu.

Le Seigneur ne peut qu'être fidèle envers les siens; cependant il fait attention, dans leur sentier, à ce qui est de la foi, et à ce qui n'en est pas. Les épreuves de Lot sont la conséquence de son manque de foi. Il y a une chose que l'on remarque très distinctement dans toute sa carrière, c'est une grande incertitude et beaucoup d'obscurité quant au chemin qu'il doit suivre et quant au jugement de Dieu, parce qu'il ne réalise point cette sécurité en Dieu qui l'aurait rendu capable de marcher droit en avant; au contraire, il n'y a chez lui point d'hésitation dans les choses qui se rattachent au monde. Et il en est ainsi de nous, lorsque nous n'avons pas pris de coeur Christ pour notre portion. La vie d'Abram était une vie tout à fait heureuse. Il avait Dieu pour sa portion.

Lot nous apparaît dans la marche de la foi plutôt comme le compagnon de ceux qui ont la foi, que comme quelqu'un qui possède lui-même l'énergie de la foi et qui agit selon cette énergie. C'est ce qui, dès le commencement, caractérise son chemin, et c'est pourquoi on ne trouve chez lui que faiblesse, lorsqu'il est mis à l'épreuve. Combien souvent il nous arrive d'agir en plusieurs choses avec ceux qui ont la foi avant de la posséder nous-mêmes! Il en fut ainsi des disciples du Seigneur, et du moment qu'ils furent mis à l'épreuve, on vit en eux faiblesse et manquement. L'âme ne tiendra pas debout quand elle sera criblée, si elle marche dans la lumière d'un autre.

L'appel personnel de Dieu à Abram rencontra d'abord chez celui-ci une sorte de manque de foi qui rappelle beaucoup la réponse: «Seigneur, permets-moi d'aller premièrement ensevelir mon père». Abram part, mais il prend avec lui Térakh, son père, et va habiter à Charan. Il ne pouvait emmener Térakh dans le pays de Canaan, car Dieu n'avait pas appelé Térakh, mais Abram. Il laisse tout, excepté Térakh, et n'entre en possession de rien. Il avait essayé de prendre avec lui quelque chose qui n'était pas de Dieu, et il ne le put pas. Ce n'est qu'après la mort de Térakh qu'il va en Canaan, où Dieu l'avait appelé (comparez chapitre 12: 1, et Actes des Apôtres 7: 4). «Et Abram s'en alla, comme l'Eternel lui avait dit; et Lot s'en alla avec lui… et ils sortirent pour aller au pays de Canaan; et ils entrèrent au pays de Canaan».

Lot (bien qu'ayant la foi) va, comme compagnon d'Abram, dans le sentier qu'il suit. Quant à sa position effective, il est avec Abram. Il est réellement un saint de Dieu, bien qu'ensuite nous le voyions suivre le chemin tortu de la prudence du monde.

Dieu les bénit. Le pays ne peut les porter pour qu'ils habitent ensemble (chapitre 13). Ils ont des troupeaux, du gros et du menu bétail; n'y a pas de place pour eux deux; il faut qu'ils se séparent. Les circonstances, quelles qu'elles soient il n'importe (ici, ce sont les bénédictions de Dieu), révèlent cela.

Ils sont dans la position d'étrangers, cela est clair, car «le Cananéen et le Phérézien habitaient alors dans le pays». Ils ne possédaient rien du pays, «pas même où poser le pied»; tout reposait sur le prix qu'ils attachaient aux promesses (Hébreux 11: 9). Ils n'avaient que deux choses: leur autel et leur tente. Se transportant çà et là, ils étaient étrangers et pèlerins sur la terre. Abram confesse être tel; il déclare clairement qu'il cherche une patrie (*), «c'est pourquoi», nous est-il dit, «Dieu n'a pas honte d'être appelé son Dieu». Il n'est jamais appelé «le Dieu de Lot». C'est ce qui met son empreinte et ce qui agit sur l'esprit et le caractère tout entiers d'Abram.

(*) Au chapitre 12, nous voyons Abram descendre en Egypte. C'était évidemment une faute, car il revient au lieu où il avait premièrement bâti son autel. Il n'en avait point en Egypte.

Le pays ne peut les porter de sorte qu'ils habitent ensemble. Une querelle s'élève entre leurs bergers; ils doivent se séparer. Abram dit: «Tout le pays n'est-il pas devant toi? Prends ce que tu veux, et qu'il n'y ait pas de contestation entre nous. Si tu prends la gauche, j'irai à droite; et si tu prends la droite, j'irai à gauche»; la promesse est ma portion; je suis entièrement étranger ici; la cité de Dieu est ouverte devant moi en gloire. Son coeur s'attache aux promesses de Dieu, tout le reste n'est rien en comparaison. Il peut sembler que ce fût peu sage de laisser Lot choisir, d'abandonner à Lot un droit qui certainement était le sien; mais son coeur est autre part; sa foi est entièrement dégagée de la pensée d'un avantage terrestre quelconque.

Il n'en est point ainsi de Lot. Il lève les yeux (*), et voit la plaine du Jourdain, bien arrosée partout, comme le jardin de l'Eternel, et il la choisit. Il n'y avait rien de mauvais en soi dans le choix d'une plaine bien arrosée, mais cela prouvait distinctement que le coeur tout entier de Lot ne regardait pas aux promesses de Dieu. Il est ainsi mis à l'épreuve, et ainsi, selon l'accomplissement des desseins de Dieu, son caractère est manifesté. La conduite d'Abram a pour mobile la simplicité de la foi qui saisit les promesses de Dieu (Hébreux 11: 13), et ne veut rien d'autre. La foi peut laisser de côté quoi que ce soit; l'esprit charnel prend tout ce qu'il peut posséder. Lot agit d'après le sentiment actuel de ce qui est agréable et désirable; pourquoi ne le ferait-il pas? Quel mal y a-t-il dans les plaines du Jourdain? (**). Son coeur n'est pas attaché à la promesse. D'abord compagnon d'Abram, il est maintenant amené au niveau de sa propre foi.

(*) «Et l'Eternel dit à Abram, après que Lot se fut séparé de lui: Lève les yeux, et regarde, du lieu où tu es, vers le nord, et vers le midi, et vers l'orient, et vers l'occident; car tout le pays que tu vois, je te le donnerai, et à ta semence, pour toujours, etc.».

(**) Quelqu'un dira: «Quel mal y a-t-il dans les plaines bien arrosées du Jourdain? Ne sont-elles pas un don de la Providence?» Je réponds: «Le diable a planté Sodome au milieu d'elles».

Mais s'il choisit les rivières de la plaine, il devra aussi demeurer dans les villes de la plaine. Ce n'est pas son intention d'aller dans la ville, mais, peu à peu, il y sera amené. Il faut qu'il trouve le trouble dans le lieu où il a pris plaisir. Il n'y a point en lui la puissance de la foi pour le garder de la tentation. Là où manque la foi qui garde l'âme attachée aux promesses, là aussi la foi manque pour garder du péché. Ce n'est pas manque de sincérité, mais l'âme est dans cette condition, et Dieu le fait voir.

Le sentier d'Abram est tout du long caractérisé par l'intimité personnelle avec Dieu, par une constante communion avec lui. Dieu le visite, l'Eternel vient vers lui, et lui expose ses desseins, de sorte qu'il est appelé «ami de Dieu» (2 Chroniques 20: 7; Esaïe 41: 8; Jacques 2: 23), et cela non pas seulement pour ce qui le concerne en propre, mais Dieu lui dit ce qu'il va faire à Sodome, le jugement qu'il est sur le point d'exécuter sur cette ville, bien que personnellement Abram n'eût rien à faire avec elle, et que la promesse fût son espérance (chapitre 18). C'est ainsi que maintenant Dieu dit aux siens ce qu'il est sur le point de faire à l'égard du monde. Bien que leur espérance soit liée à ce qui les concerne, aux promesses et à la Canaan céleste, il les met dans la confidence de ce qui va arriver là où ils ne doivent pas être, et où ils ne seront pas.

Lot cependant tourmente son âme juste. Connaît-il quelque chose des desseins de Dieu? Absolument rien. Il est sauvé, mais comme à travers le feu; bien qu'il soit «une âme juste», il est une âme qui se tourmente, au lieu d'être une âme en communion avec Dieu. Il tourmentait son âme «de jour en jour»: il est d'un esprit droit jusque-là. Il se trouve dans cette disposition d'esprit avant que le jugement vienne: Une âme tourmentée; tandis que l'heureux Abraham est sur la montagne, conversant avec Dieu. Et quand arrive le jugement, comment trouve-t-il Lot? Avec son âme tourmentée, absolument point préparé, tout à fait pris à l'improviste, au lieu d'être en communion avec Dieu touchant le jugement.

«Le Seigneur sait délivrer de la tentation les hommes pieux», et il délivre «le juste Lot». Mais tandis qu'il «tourmentait son âme juste», à cause des «actions iniques» des hommes de Sodome, ceux-ci avaient le droit de lui dire: «Qu'avez-vous affaire ici? («Cet individu est venu pour séjourner ici, et il veut faire le juge!» 19: 9). Vous contestez avec le péché dans ce lieu de péché». Ils avaient parfaitement le droit de juger ainsi. Toute puissance de témoignage est perdue pour Lot à cause de son association avec le monde, alors qu'il aurait dû témoigner de son entière séparation d'avec lui. Il y a chez lui tourment d'esprit, mais point de puissance. Lorsqu'Abram fut descendu en Egypte, il n'eut rien d'autre à faire que de retourner tout droit au lieu où était l'autel qu'il avait bâti au commencement. Lot rend témoignage, mais il ne peut sortir de la place où il se trouve; l'énergie qui aurait dû l'en tirer est neutralisée et perdue par le fait qu'il y est entré: ses filles y sont mariées; il y a des liens qui l'attachent là où son manque de foi l'a conduit. Il est beaucoup plus difficile de remonter la pente que de la descendre.

La révélation des conseils de Dieu à la foi, produit l'esprit d'intercession. La parole de l'Eternel: «Engraisse le coeur de ce peuple», amène sur les lèvres du prophète celle-ci: «Jusques à quand, ô Eternel?» (Esaïe 6). Ainsi nous voyons Abraham plaider auprès de l'Eternel, afin qu'il épargne la ville. Mais il n'y avait pas dix justes, pas même un seul dans Sodome, sauf Lot. Quant à la position d'Abraham, il regarde d'en haut le lieu du jugement. Au matin, quand les cités coupables sont en flammes, il est là, dans le calme et la paix, à l'endroit où il s'était «tenu devant l'Eternel» (19: 27); point du tout là où le jugement est venu; rempli d'un sentiment solennel à la vue de la scène qui est devant lui, mais tranquille et heureux avec l'Eternel.

L'Eternel fait sortir Lot du milieu de la ruine qui fond sur Sodome. Des anges l'avertissent, et la foi le rend attentif à leur parole. Mais son coeur est encore là. Il a à Sodome des relations qui l'attachent à ce lieu; il voudrait volontiers les prendre avec lui. Mais on ne peut prendre avec soi pour Dieu quoi que ce soit hors de Sodome. Il faut tout laisser derrière soi. Le Seigneur met la douleur là où l'on trouvait du plaisir. «Et il tardait»; il hésite, il tarde, dans l'endroit que le jugement va atteindre et quand le jugement a été prononcé. Il aurait dû quitter ce lieu immédiatement; mais le lieu, et le sentier, et l'esprit d'incrédulité, énervent le coeur. «Les hommes saisirent sa main, et la main de sa femme, et la main de ses deux filles, l'Eternel ayant pitié de lui; et ils le firent sortir, et le laissèrent hors de la ville». Et maintenant vient la parole: «Sauve-toi pour ta vie, et ne regarde point derrière toi, et ne t'arrête pas dans toute la plaine; sauve-toi sur la montagne, de peur que tu ne périsses» (verset 17). Quant aux biens, aux troupeaux, et au nombreux bétail, il lui faut tout laisser. Si la fidélité de l'Eternel se montre en sauvant Lot, elle n'est pas moins manifeste en brisant les liens qui l'attachaient à Sodome. Son esprit est entièrement troublé; il dit: «Non, Seigneur, je te prie! Je ne puis me sauver vers la montagne, de peur que le mal ne m'atteigne, et que je ne meure». Il a perdu le sentiment de sécurité qui se trouve dans le sentier de la foi. Telle est toujours la conséquence d'un chemin en dehors de la foi chez un saint de Dieu: il estime que le chemin de la foi est le plus dangereux qui soit au monde. Lot s'est accoutumé à la plaine, et la montagne où Abraham jouit d'une paix et d'une sécurité parfaite, est pour Lot une montagne. L'Eternel, à sa requête, épargne Tsoar, et laisse Lot s'y réfugier; mais, effrayé à la vue du jugement, il fuit vers la montagne, forcé à la fin d'y chercher un refuge.

C'est un cas extrême; mais la même chose est vraie à différents degrés. Abraham, éprouvé, pouvait tout abandonner — le sacrifice appartient toujours à la foi — mais il y a des épreuves qui surviennent au croyant à cause de son manque de foi, — parce qu'il est un croyant, mais dans une mauvaise position. Lot était un «homme juste», mais lorsqu'il ne marche pas dans le sentier de la foi, il éprouve dans son âme le tourment et le trouble. C'est une âme juste, mais qui, comme telle, n'est pas où elle doit être. Remarquez l'incapacité où est Lot de suivre simplement le Seigneur; remarquez aussi l'incertitude où il est. Il en sera ainsi de nous, si nous marchons dans un chemin qui n'est pas celui de la foi; nous ressentirons ce trouble qui n'est pas notre portion propre, mais qui provient de ce que nous sommes dans une position mondaine, et par conséquent mauvaise. C'est l'épreuve qui atteint le manque de foi. Nous pouvons chercher à émouvoir la compassion de l'Eglise de Dieu, et cependant nous souffrons, comme Lot, uniquement du résultat de notre manque de foi, et parce que nous avons abandonné le sentier simple de la foi, n'ayant pas appris à estimer toutes choses comme une perte en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus Christ, notre Seigneur. Laisser tout est la position qui nous convient, simplement celle de sacrifice, dans la connaissance et la conscience actuelle que «toutes choses sont à nous». La promesse est que nous avons «cent fois autant en ce temps-ci»; or cela n'est pas le tourment d'esprit.