L'abaissement de Christ

 ME 1896 page 361

 

L'abaissement de Christ se présente à mon esprit sous un caractère très complet et extrêmement précieux. La Déité, dans son être essentiel, l'Absolu, comme disent les hommes, ne peut pas changer, cela est évident, et quel que soit son abaissement, toute la plénitude de la Déité (*) demeure en lui corporellement (Colossiens 2: 9). Son anéantissement (2*) s'applique à la forme (3*)   «en forme de Dieu» (Philippiens 2). Il était dans le statu, la condition de Déité, dont le caractère propre et essentiel, pour ne pas parler de la gloire extérieure, était de vouloir et d'agir par soi-même (bien qu'il soit un avec le Père, comme on le voit en Jean 5). Mais le parfait et constant dessein de sa volonté en libre dévouement, était de renoncer à sa propre volonté, selon les conseils éternels (voyez Psaumes 40).

(*) qeothtoz — (2*) ecenwse — (3*) morjh

Ce n'était pas un être infime, pour qui c'eût été un mal que d'avoir de lui-même une volonté, et qui n'en avait pas — cela n'eût été rien; le néant est la place qui convient au néant. Mais Celui qui, dans son essence, pouvait avoir une volonté, renonce à sa place, ou à sa condition comme tel, et dit: «Voici, je viens pour faire ta volonté». C'était un acte divin, — il en était toujours ainsi, mais un acte divin d'anéantissement (*). Il était ainsi en relation avec le Père, non seulement comme Fils, mais comme serviteur — vérité d'une portée immense! Il renonça, non pas à la Déité, — cela ne se pouvait pas, — mais au status et à la position de Déité, et vint pour faire non point sa volonté, mais la volonté de Celui qui l'avait envoyé.

 (*) De cenwsiz

L'homme devait répondre à cette place, selon les conseils et la gloire de Dieu, de même que les anges, administrateurs obéissants de la puissance divine, témoins d'une création soutenue par cette puissance; mais celui qui avait été fait à l'image de Dieu et qui était tombé, se trouvait dans une condition propre à être la sphère où se déploierait toute la gloire morale de Dieu, la miséricorde, la grâce, la justice, et par-dessus tout l'amour, car Dieu est amour; en un mot, propre à être l'objet de la rédemption. Christ a pris la place d'homme. Et, parfait comme tel, il n'a point de volonté, non pas même celle d'homme, non pas même de manger quand il a faim: il vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Il s'abaisse lui-même, et est obéissant jusqu'à la mort, la mort même de la croix, sans résistance, sans chercher à échapper, bien que des légions d'anges fussent prêtes à répondre à son appel. Il persévère à se soumettre à tout; son obéissance est éprouvée, même jusqu'à la mort. Ce n'est pas simplement une obéissance dans la paix, comme aurait pu l'être celle d'Adam innocent, ou celle d'un ange (bien que, sans doute, ils dussent sentir la ruine), mais une obéissance mise à l'épreuve par un abandon et un renoncement constant de soi-même, et cela au milieu du mal.

Celui qui, dans sa nature, est l'Absolu, devient le Relatif en prenant la place de serviteur, et «personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père», mais cela est révélé, et, dans ce caractère, Christ est exalté maintenant comme Seigneur au-dessus de tout. Nous l'adorons comme Dieu; nous le voyons, comme homme, descendre dans la mort, cependant en s'anéantissant (*) lui-même, en s'abaissant lui-même, en laissant sa propre vie, toujours divin en tout. Maintenant il est le centre de la sphère où se déploie toute la gloire divine, et de tout ce en quoi elle se déploie; mais cela est une conséquence extérieure (Philippiens 2). Mais il ne laissera jamais la place d'Homme et de Serviteur: vérité merveilleuse! Seulement il règne sur toute la sphère de son abaissement; les cieux et la terre lui sont assujettis comme Homme, aussi longtemps que cet assujettissement doit durer; il règne jusqu'à ce que toutes choses aient été mises sous ses pieds.

(*) cenvn

Mais dans sa place personnelle, dans laquelle il est en relation avec nous, ou plutôt nous avec lui, il n'abandonne jamais sa place de service; il la prend maintenant en nous lavant les pieds, comme cela est figuré en Jean 13; en Luc 12, nous la lui voyons prendre dans la gloire, dans la félicité céleste on rapport avec nous qui sommes ceux que le Père lui a donnés. Et finalement, lorsque le temps du règne et de l'assujettissement est complet — quand toutes choses lui auront été assujetties — il prendra la simple place de sujétion comme Homme dans l'éternelle félicité de Dieu — mais cependant «Dieu sur toutes choses, béni éternellement», Un avec le Père — mais dans sa place de sujétion comme Homme parfait, et nous avec lui. Merveilleuse vérité! Il est le premier-né entre plusieurs frères qui sont ses compagnons, metncoi, remarquez-le, et non pas coinwnoi, «ayant une part commune», ce que nous ne pourrions pas être (comparez Hébreux 2: 14 avec 11).

Quand le royaume médiatorial et sa puissance auront pris fin, et que Dieu sera tout en tous, l'anéantissement de Christ n'aura pas plus cessé d'être que sa Déité. Il a toujours été et est toujours le Fils auprès du Père; il a toujours été et est toujours Dieu; et maintenant il est et sera, toujours Homme, c™nwtavantèn (celui qui s'est anéanti lui-même); cela a été, et est toujours, son propre acte divin, seulement, dans ce caractère, il a un royaume temporaire selon les conseils éternels de Dieu, un royaume qu'il remettra à Dieu, le Père. L'apôtre Jean entre largement dans ce sujet — la divinité de Celui qui, comme Homme, a marché sur la terre, qui s'est anéanti, son Evangile en est l'expression, mais la même chose ressort ailleurs en relation avec les noms donnés à Dieu, savoir Lumière et Amour — noms essentiels tous deux, toutefois avec une certaine différence, car l'expression Lumière comporte en soi quelque chose d'une qualité qui appartient à une personne, tandis que Amour est plus absolument personnel, exprime plus absolument ce que Dieu est personnellement. Dieu est lumière, pureté parfaite qui manifeste toutes choses. Or nous sommes lumière dans le Seigneur; comme participants de la nature divine (2 Pierre 1: 4), nous participons de cette qualité. Mais nous ne sommes pas amour, car l'amour est la souveraine bonté, ce que nous ne pouvons pas être. Nous aimons, comme étant participants de la nature divine (*), mais nous ne pouvons pas être la souveraine bonté.

(*) Voyez 1 Jean 4: 7, 8.

Mais dans l'anéantissement de Christ et dans le cours de son abaissement qui est allé jusqu'à la mort, nous voyons l'exercice de cet amour, l'expression de l'amour divin. En lui nous avons vu le Père, l'amour qui vient vers les besoins de l'homme, l'amour actif: «Par ceci nous avons connu l'amour, c'est que lui a laissé sa vie pour nous». De sorte que la révélation de Dieu, ce en quoi son Etre agit selon ce qu'il est en lui-même, se montrait ainsi dans l'anéantissement et l'abaissement volontaire de Christ. Toutefois nous ajoutons: «Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique», lorsque nous en parlons historiquement, dans son action externe. Et Christ, étant ainsi l'expression de l'amour, c'est-à-dire de Dieu, dans le monde, Dieu manifesté en chair, était aussi nécessairement Lumière dans le monde — la pureté qui manifestait ce que chaque chose était, mais montrant au monde ainsi manifesté la souveraine bonté.

D'une manière effective, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Il était dans le monde l'amour de Dieu et la lumière. Les ténèbres ne l'ont pas compris. Mais c'était dans l'Homme, et ainsi a pu être communiqué; c'était la Parole de la vie et: «Celui qui a le Fils a la vie»; ceux qui l'ont reçu étant nés de Dieu, et étant purifiés, le Saint Esprit a pu demeurer en eux comme puissance de réalisation. C'est ainsi que l'apôtre demande pour les Ephésiens qu'ils soient «fortifiés en puissance par son Esprit, quant à l'homme intérieur; de sorte que le Christ habite, par la foi, dans leurs coeurs», non pas simplement qu'il soit leur vie et leur justice, mais qu'il habite là dans la puissance d'une foi qui le réalise, lui qui est l'expression et la révélation de l'amour, afin que nous y soyons enracinés et fondés. Nous demeurons dans l'amour et en Dieu, ou plutôt ici c'est lui en nous, et ainsi nous sommes au centre du déploiement de la gloire, déploiement plus extérieur et fini, pour autant qu'il se manifeste dans ce qui est créé, mais déploiement de la gloire de Dieu en cela, bien que ce ne soit pas sans l'amour comme sa source et comme ce qui nous soutient, car c'est dans la rédemption. Ainsi Christ embrasse tout, lui qui est descendu et ensuite monté au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses; mais les saints, et c'est leur merveilleuse place, lui sont ici associés personnellement, «afin que vous soyez capables de comprendre avec tous les saints», est-il dit; car ils sont en réalité ses «compagnons» (metncoi), aimés comme il est aimé, bien que personnellement il soit infiniment au-dessus d'eux.

Christ a pris cette place de renoncement et d'abaissement dans ce même amour parfait et divin, afin de pouvoir nous mettre dans la même place que lui, avec lui — nous que le Père lui a donnés; et maintenant déjà, à ceux qui sont ainsi à lui, sont donnés sa paix, sa joie, les paroles du Père, l'amour du Père et la gloire (*). Il est monté vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu, pour que nous soyons avec lui là où il est; car s'il s'est anéanti lui-même et s'il est devenu un homme, c'était pour nous associer à lui dans la même place, nous les cohéritiers, bien qu'il reste toujours premier-né entre plusieurs frères. C'est pourquoi l'apôtre ajoute: «Et pour connaître l'amour de Christ», mais non pas d'une manière abstraite, car nous sommes «enracinés et fondés dans l'amour», mais «connaître l'amour de Christ» par son habitation dans nos coeurs, lui qui est la divine plénitude de cet amour, et qui est maintenant entré dans les conseils de la gloire effective, largeur et longueur, hauteur et profondeur. C'est l'amour de Christ, l'amour manifesté effectivement, l'amour en activité, mais toujours divin: il «surpasse toute connaissance». L'apôtre demande que nous soyons rendus capables de connaître cet amour, afin que nous soyons ainsi remplis jusqu'à la plénitude de Dieu, qui, de fait, habite en lui corporellement (comparez 1 Jean 5: 20).

(*) Voyez Jean 14 à 17

L'épître aux Colossiens n'entre pas sur ce terrain; elle ne fait que le toucher dans ces paroles: «Christ en vous, l'espérance de la gloire». Qu'il est précieux de voir comment ce qu'il y a de plus élevé dans l'Etre de Dieu s'exerce en grâce envers tout pauvre pécheur! C'est là qu'est l'amour, bien qu'ensuite il soit consommé en nous (comparez 1 Jean 4: 11, 12). En recherchant ce qui se rapporte à l'anéantissement de Christ, nous sommes amenés à la contre-partie, savoir que, «comme il est, lui, nous sommes, nous aussi», parce que c'est ainsi que nous entrons dans cette vérité et que nous la comprenons. «Nous sommes dans le Véritable, savoir dans son Fils Jésus Christ: lui est le Dieu véritable et la vie éternelle».

Mais c'est surtout l'évangile de Jean qui entre largement dans les détails sur l'abaissement de Christ. Sa Déité brille à chaque page de tous les évangiles, mais Jean, comme on le sait, présente d'une manière particulière la Personne de Christ, la Parole devenue chair. J'ai fait remarquer ailleurs comment il est montré partout: un avec le Père, et cependant recevant tout de lui. Mais cela est l'expression directe de la vérité que nous considérons. Il est Dieu, il est un avec le Père, il est «Je suis»; partout il parle à son Père sur le pied divin de l'unité: «Je t'ai glorifié, maintenant glorifie-moi», dit-il. Mais il a pris la forme de serviteur, et jamais il ne dit: «Maintenant je me glorifierai moi-même»; mais «mon Père est plus grand que moi», «la gloire que tu m'as donnée», et cependant c'était une gloire qu'il avait «auprès du Père, avant que le monde fût». «Tu lui as donné pouvoir sur toute chair»; «je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi, car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé». Il a achevé l'oeuvre que le Père lui a donné à faire; c'est le Père qui l'a envoyé, comme il le dit au chapitre 8: 26. Mais c'est dans ce même chapitre qu'il dit: «Avant qu'Abraham fût, Je suis», parole que les Juifs comprenaient bien.

En un mot, son sentier était caractérisé par ces paroles: «Afin que le monde connaisse que j'aime le Père; et selon que le Père m'a commandé, ainsi je fais». Sa nature divine et sa Déité brillent partout, mais il reçoit tout, il est envoyé; il a pris ainsi la place de sujétion. Jean 5 a, sous ce rapport, un caractère particulier qui d'abord a présenté à mon esprit quelque difficulté. Il y est dit: «Comme le Père réveille les morts et les vivifie, de même aussi le Fils vivifie ceux qu'il veut»; «mon Père travaille jusqu'à maintenant, et moi je travaille»; comme l'apôtre le remarque, les Juifs comprennent qu'il se fait égal à Dieu. Mais au verset 19, il prend immédiatement la position dans laquelle il était venu se placer: «Le Fils ne peut rien faire de lui-même, à moins qu'il ne voie faire une chose au Père, car quelque chose que celui-ci fasse, cela, le Fils aussi de même le fait». Vivifier vient comme faisant partie de ceci: «Le Père aime le Fils, et lui montre toutes les choses qu'il fait lui-même». Mais bien qu'il agisse avec la même puissance divine que le Père, tout lui est montré, il ne fait rien de lui-même, et au verset 26, le Père a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, c'est-à-dire au Fils sous la forme de serviteur ici-bas, et il lui a aussi donné l'autorité de juger, parce qu'il est Fils de l'homme. Ainsi nous savons que c'est dans cet état d'abaissement que cela s'applique.

Nous avons ainsi la plus claire exposition de cette vérité ineffable, le résultat de ce que, étant en forme de Dieu, il s'est anéanti lui-même; c'est son acte propre — mais restant toujours divin en tout et à chaque instant. Combien il reste vrai que «personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père», mais nous l'adorons. Il n'a pas honte de nous nommer ses frères, car maintenant nous sommes tous d'un (Hébreux 2: 11).

Mais le point où ma pensée s'arrête est l'anéantissement (cenwsiz) de lui-même; le reste n'en est que la conséquence, quoique bien précieuse (voyez Psaumes 45; Hébreux 1: 8, 9). Christ s'est anéanti lui-même et a pris la forme d'esclave. Notre plus grand délice sera d'être caché derrière lui et de le voir posséder toute la gloire. Il est intéressant de considérer que, quelle que soit la profondeur que donne à cela la Personne de Christ, la bénédiction elle-même, qui tire son vrai caractère de son adaptation à notre état, est goûtée par la foi la plus simple, et plus elle est simple, plus elle en jouit. Christ habitant dans nos coeurs par la foi, c'est ce dont jouit celui en qui il habite, et non celui qui peut l'expliquer, bien qu'il soit vrai qu'on doit en jouir pour pouvoir l'expliquer.

Le fait que Christ s'est abaissé lui-même est la manifestation de l'amour divin, de l'amour actif; par cet abaissement, nous connaissons Dieu. C'est lui-même en activité, se donnant de cette manière ineffable. Dans le Père, il reste dans la Déité essentielle; dans le Fils, un avec lui, nous voyons l'activité de l'amour, venant ici-bas pour servir, Christ, l'objet dans lequel nous connaissons Dieu et nous voyons le Père. Dieu est objectivement devant nous dans la puissance de l'Esprit, puissance qui opère en nous, afin que nous soyons capables de saisir et d'avoir l'amour versé dans nos coeurs, de sorte que nous demeurions en Dieu et Dieu en nous.