Travail et repos

«En travaillant paisiblement» (2 Thessaloniciens 3: 12)

ME 1897 page 405

 

Le sujet que je me propose de traiter a certainement une grande importance pour tout enfant de Dieu, puisque travailler est la part de tous les hommes. Mais comme les uns font du travail l'élément dominant de leur vie, et y absorbent leurs facultés et leur temps, comme si la vie n'avait point d'autre but; comme pour d'autres, au contraire, le travail est une charge pénible, un pesant fardeau, dont ils aimeraient à se débarrasser pour se livrer à l'oisiveté, il est nécessaire d'examiner de quelle manière la parole de Dieu nous fait envisager le travail.

L'homme n'a pas été créé pour être oisif. Il est doué de facultés, soit intellectuelles, soit physiques, qui demandent à se développer, par un exercice actif dans l'un ou l'autre domaine, et cela c'est le travail. Aussi voyons-nous que, même avant la chute, l'homme avait à s'occuper. Etabli roi de la création, il devait, non seulement multiplier sur la terre et la remplir, mais l'assujettir, et dominer sur tout être vivant qui s'y trouve (Genèse 1: 28). Or cela suppose nécessairement le travail, l'exercice de ses facultés et de ses forces. Plus loin (chapitre 2: 5), nous lisons: «Il n'y avait pas d'homme pour travailler le sol», et aussitôt après se trouve décrite la formation de l'homme qui devait travailler le sol puis, comme confirmation de ce fait, il est dit «Et l'Eternel Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder» (chapitre 2: 15).

L'homme, tel que Dieu l'avait créé, avait donc à travailler, mais le travail n'était point accompagné de peine. Il en fut autrement après que le péché fut entré dans le monde par la désobéissance. La sentence divine portée contre le coupable renfermait deux choses: la souffrance, puis la mort. Eve eut pour sa part les douleurs dans le travail de l'enfantement; Adam dut travailler péniblement un sol maudit à cause de lui, et manger son pain à la sueur de son visage, jusqu'à ce qu'il retournât au sol d'où il avait été pris (quant à son corps). Telle est la loi divine à laquelle nul ne peut se soustraire, et qui doit rappeler à l'homme qu'il est un pécheur. D'un autre côté, on peut voir dans la nécessité du travail imposée à l'homme, une preuve de la bonté et de la sagesse de Dieu, qui a mis ainsi une entrave au développement des mauvais penchants de l'homme, et une sauvegarde contre une multitude de pièges et de dangers semés sur ses pas.

La grâce venue par Jésus Christ ne délivre pas le croyant des conséquences extérieures du péché. Il est donc exposé à la souffrance dans son corps mortel et sujet à la corruption. Il a donc aussi à travailler, et à rencontrer dans le travail, le labeur souvent pénible et amenant toujours avec soi la fatigue, et par suite la souffrance. Mais la grâce introduit en lui une puissance divine. Il a Christ comme vie et comme modèle de cette vie, de sorte que, même ce qui est en partie une conséquence de la désobéissance de nos premiers parents, devient une occasion pour que cette grâce produise en nous des fruits excellents à la gloire et à la satisfaction de Celui qui nous a achetés à prix. Considérons le travail sous ce point de vue.

Ouvrons la première épître aux Thessaloniciens. Au temps où l'apôtre leur écrivait cette lettre, les croyants de Thessalonique étaient encore jeunes dans la foi, mais dans un bon état d'âme. Leur christianisme était réel, vivant et plein de fraîcheur, et à cause de cela portait des fruits magnifiques. C'est ce qui ressort clairement de plusieurs passages de l'épître. «Nous souvenant sans cesse», dit l'apôtre, «de votre oeuvre de foi, de votre travail d'amour, et de votre patience d'espérance de notre Seigneur Jésus Christ, devant notre Dieu et Père, sachant, frères aimés de Dieu, votre élection» (chapitre 1: 3, 4). La foi, l'amour et l'espérance, ces trois principales sources de tout vrai christianisme, existaient chez eux et jaillissaient avec une telle abondance et avec tant de fraîcheur, que l'apôtre n'avait pas le moindre doute quant à leur élection. Les Thessaloniciens étaient ainsi devenus des modèles pour tous les fidèles de la Macédoine et de l'Achaïe, «car», leur dit Paul, «la parole du Seigneur a retenti de chez vous, non seulement dans la Macédoine et dans l'Achaïe, mais, en tous lieux, votre foi envers Dieu s'est répandue, de sorte que nous n'avons pas besoin d'en rien dire» (versets 7, 8). Dans le second chapitre, nous trouvons ce beau témoignage: «Car quelle est notre espérance, ou notre joie, ou la couronne dont nous nous glorifions? N'est-ce pas bien vous devant notre Seigneur Jésus, à sa venue? Car vous, vous êtes notre couronne et notre joie» (versets 19, 20). Et, au chapitre 4, nous lisons: «Or, quant à l'amour fraternel, vous n'avez pas besoin que je vous en écrive; car vous-mêmes, vous êtes enseignés de Dieu à vous aimer l'un l'autre; car aussi c'est ce que vous faites à l'égard de tous les frères qui sont dans toute la Macédoine» (versets 9, 10).

Le lecteur trouvera aisément d'autres passages qui font ressortir le christianisme vivant de cette jeune assemblée, se manifestant chez elle sous diverses formes. Malgré cela, l'apôtre exhorte encore les Thessaloniciens, leur disant d'«abonder de plus en plus» dans cet amour fraternel qu'il a reconnu en eux (chapitre 4: 10). C'est qu'en effet, il ne saurait y avoir d'état stationnaire dans la vie chrétienne. Ne pas avancer, c'est rétrograder. Un chrétien peut avoir atteint un haut degré de vie spirituelle, il faut néanmoins qu'il y «abonde de plus en plus», sans quoi il recule et le niveau de sa vie intérieure s'abaisse.

On peut être frappé de voir l'apôtre poursuivre son exhortation par les paroles suivantes: «Et à vous appliquer à vivre paisiblement, à faire vos propres affaires, et à travailler de vos propres mains, ainsi que nous vous l'avons ordonné, afin que vous marchiez honorablement envers ceux de dehors, et que vous n'ayez besoin de personne». Ces paroles nous font voir, d'un côté, combien il est nécessaire de rappeler, même au chrétien spirituel, les plus simples exigences morales. Notre coeur est pervers et insensé, toujours prêt à égarer les autres et à se laisser égarer lui-même. N'est-il pas arrivé plus d'une fois qu'un chrétien ait montré beaucoup de zèle dans le service du Seigneur, en prêchant l'évangile, en faisant des visites, et, en même temps, négligeant ses justes obligations à l'égard de sa famille, ainsi que ses propres affaires? Cela n'est pas bon, et ne glorifie pas le Seigneur; bien au contraire, cela jette un opprobre sur son saint Nom de la part de ceux de dehors. Existait-il quelque chose de ce genre chez les Thessaloniciens? On pourrait le penser (comparez 2 Thessaloniciens 3: 11, 12); en tout cas, il était nécessaire de leur rappeler qu'un chrétien doit «s'appliquer à vivre paisiblement, à faire ses propres affaires et à travailler de ses propres mains».

D'un autre côté, ce passage nous montre aussi le prix que le Seigneur attache au paisible et fidèle exercice d'une vocation terrestre, à quel haut degré est placé dans l'ordre et l'appréciation de Dieu une obscure occupation manuelle. Le monde a sans doute à cet égard d'autres pensées. Un travail manuel n'est pas placé bien haut dans son estime. Etre forgeron ou charpentier, cordonnier ou tailleur, agriculteur ou vigneron, femme de ménage on blanchisseuse, n'a pas grande apparence dans le monde. Parfois même une sorte de dédain s'attache à ces humbles occupations, accomplies dans des vêtements simples et souvent malpropres. Et cependant la bénédiction de Dieu est du côté de ces humbles travaux. Son Fils bien-aimé, devenu un homme sur la terre, ne fut-il pas élevé sous les soins du pauvre charpentier Joseph? La question importante pour Dieu n'est pas ce que quelqu'un fait (pourvu que ce soit bon) (Ephésiens 4: 18), mais bien comment il le fait. Il importe peu qu'un chrétien soit un artisan, un domestique, un fabricant ou un commerçant, pourvu que, dans la vocation où il se trouve, il s'applique à être fidèle, et à faire consciencieusement «ses propres affaires». Dans ce cas, la bénédiction de Dieu ne lui fera pas défaut, dût-il être associé aux personnes et aux choses les plus humbles, à celles qui ont le moins d'apparence aux yeux du monde (voyez Romains 12: 16).

On prétend souvent que les travaux manuels appesantissent et tuent l'esprit. Je mets en doute que ce soit le cas pour l'enfant du monde, mais pour le chrétien, certainement pas. Je dirais plutôt le contraire, car ces travaux simples laissent l'esprit presque entièrement libre, de sorte que, tout en travaillant, on peut s'occuper d'autres choses plus élevées. Un simple enfant de Dieu, dont le coeur est rempli de Christ, saura employer ces heures dans la communion avec son Seigneur; et qu'y a-t-il de plus vivifiant pour l'esprit que cette communion?

Encore un point. L'apôtre nous présente un but particulier à atteindre par l'accomplissement fidèle et consciencieux d'une vocation terrestre. «Afin», dit-il, «que vous marchiez honorablement envers ceux de dehors, et que vous n'ayez besoin de personne». Quand on voit, de nos jours, tant de personnes qui, d'une manière ou polie ou grossière, avec ou sans honte, exploitent leur prochain ou lui sont à charge, combien il est bon pour le coeur et édifiant pour l'âme de rencontrer un ouvrier fidèle et laborieux, qui mange son propre pain, qui pourvoit aux besoins de sa femme et de ses enfants par le travail de ses mains, et qui voit, sans lui porter envie, son prochain prospérer à côté de lui. De tels sentiments et une telle conduite sont dignes d'être reconnus et hautement appréciés, particulièrement en nos jours où la jalousie et le mécontentement des uns à l'égard des autres se manifestent d'une manière toujours plus effrayante.

Il est encore plus beau de voir cette indépendance qui résulte d'un travail manuel accompli sous le regard de Dieu, lorsqu'elle se trouve chez un serviteur du Seigneur employé dans son oeuvre. L'apôtre Paul a donné à cet égard un brillant exemple. Bien qu'il ne laissât pas amoindrir son «droit dans l'Evangile» et qu'il en usât librement, il pouvait faire appel aux anciens d'Ephèse et dire: «Je n'ai convoité ni l'argent, ni l'or, ni la robe de personne. Vous savez vous-mêmes que ces mains ont été employées pour mes besoins, et pour les personnes qui étaient avec moi. Je vous ai montré en toutes choses, qu'en travaillant ainsi, il nous faut secourir les faibles, et nous souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui lui-même a dit: Il est plus heureux de donner que de recevoir» (Actes des Apôtres 20: 33-35; comparez 1 Thessaloniciens 2: 9).

Il ne faudrait cependant pas conclure de ce qui précède, qu'un frère qui aurait reçu du Seigneur un ministère reconnu dans les assemblées, ne puisse jouir du droit que lui confère la parole du Seigneur: «De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l'évangile, de vivre de l'évangile». C'est une affaire de foi et d'obéissance entre le Seigneur et celui qu'il appelle.

L'exemple de Paul nous enseigne aussi que le travail ne doit pas seulement avoir pour but de pourvoir aux besoins de nous-mêmes et de ceux qui nous appartiennent, mais que nous devoirs encore penser aux faibles et aux nécessiteux. Le Seigneur avait dit: «Vous aurez toujours des pauvres avec vous» (Matthieu 26: 11; Jean 12: 8). Il est frappant de voir que, dans l'épître aux Ephésiens, où la position céleste des croyants en Christ est présentée en rapport avec les conseils de Dieu, le chrétien est exhorté à travailler: «Que celui qui dérobait, ne dérobe plus», y est-il dit, «mais plutôt qu'il travaille en faisant de ses propres mains ce qui est bon, afin qu'il ait de quoi donner à celui qui est dans le besoin». La grandeur et la hauteur des privilèges n'exclut pas l'humble mais sainte nécessité du travail, en vue de l'amour. Quelle chose bénie n'est donc pas le travail pour le chrétien!

Mais le travail doit avoir sa mesure et ses limites. Nous pouvons voir que déjà, au commencement de la création, Dieu lui a posé des bornes par l'institution du sabbat. Il est vrai que, comme chrétiens, nous ne sommes pas sous la loi et n'avons point à observer le sabbat. Toutefois, dans l'établissement de ce jour de repos, nous pouvons apercevoir l'intention de la bonté de Dieu envers les enfants des hommes, de limiter le travail, en empêchant sa continuité, en l'interrompant à des intervalles fixes, mesurés par sa sagesse. Naturellement je n'ai point à parler ici de la signification plus élevée du dimanche ou «jour dominical» pour les croyants; je désire seulement attirer l'attention sur la grâce divine qui nous a donné un jour sur sept, durant lequel nous pouvons nous reposer de l'agitation et de la fatigue causées par les occupations de la semaine. Et nous pouvons certainement aussi considérer comme une grâce que les lois aient posé à la cupidité des hommes des bornes quant à la durée du travail.

Mais malgré toutes ces miséricordieuses dispositions de la grâce divine, le danger est là de se livrer tellement au travail, que le corps et l'âme en souffrent un dommage. Bien des hommes, même des chrétiens, par suite d'un travail sans mesure, acquièrent une humeur irritable et ne peuvent rien supporter sans une impatience pénible. Il y a des familles où le travail est tellement devenu l'élément dominant, qu'il n'est plus question de rapports affectueux entre ses membres, ni de vie de famille dans le vrai sens de la Parole, ni d'une vraie éducation régulière des enfants. Je n'ai presque pas besoin de dire que toute négligence à cet égard fait perdre, sinon tout, au moins une grande partie du bien que le travail apporte. Et, de plus, il y a là une perte irréparable pour les parents et les enfants. Puissent ces lignes aider mes lecteurs à reconnaître la juste mesure et les vraies limites du travail, afin qu'il reste du temps pour d'autres choses aussi et même plus importantes, et qu'ainsi le travail ne soit pas privé de la bénédiction qui y est attachée.

Lorsque j'étais encore jeune, on me disait: «L'homme a été créé pour le travail». J'acceptai, sans y réfléchir, ces paroles comme une vérité, mais, plus tard, je dus reconnaître que, prises comme règle de la vie, elles feraient de nous des bêtes de somme plutôt que des hommes heureux. Plus tard encore j'appris, par la grâce de Dieu, que l'homme est créé pour Christ. En effet, quand un chrétien a jugé ceci «que si un (Christ) est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu'il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité» (2 Corinthiens 5: 14, 15), alors sa vie entière est changée, non seulement extérieurement, mais intérieurement. Il a de nouveaux mobiles, des affections et un but différents. Tout se rapporte dès lors à Christ et à sa gloire. Etre créé pour Christ est une précieuse vérité fondamentale qui, saisie dans le coeur, transforme entièrement la vie du croyant. Elle lui apprendra certainement aussi, relativement au travail, comment il doit s'y appliquer pour l'accomplir fidèlement, et la juste mesure de temps qu'il doit y consacrer.

Nous lisons en Colossiens 3: 23, 24, ces paroles: «Quoi que vous fassiez, faites-le de coeur, comme pour le Seigneur, et non pour les hommes, sachant que du Seigneur vous recevrez la récompense de l'héritage: vous servez le Seigneur Christ». Celui qui aime le Seigneur Jésus et qui accomplit son travail pour lui, ne sera pas «paresseux quant à l'activité», comme il est dit en Romains 12: 11. Son grand désir quant à son travail sera de le faire de manière à plaire au Seigneur; il évitera toute négligence et tout ce qui nuirait à la bonne exécution de ce qu'il a à faire, parce que le Seigneur n'en serait pas satisfait; il accomplira toute son oeuvre avec ponctualité et d'une manière consciencieuse, qu'il se sache ou non vu des hommes; il agira en tout par amour pour son Maître céleste, duquel il sait que les yeux sont toujours sur lui; il emploiera toute l'attention et le zèle possibles, afin que, quoi que ce soit qu'il fasse, il l'exécute le mieux qu'il le pourra et à la gloire de son Seigneur.

La conscience de cette sainte relation avec Christ dans laquelle nous sommes, nous gardera à la fois de toute précipitation excessive dans l'accomplissement de notre travail, en même temps que de toute agitation d'esprit, car, si ces choses existent, le coeur cesse de battre pour Christ. L'inquiétude, le trouble et l'abattement prennent alors la place du repos paisible en Dieu et de la fraîcheur d'une vie spirituelle qui reste eu communion avec sa source. Les difficultés et les désagréments que l'on rencontre dans tout travail, produisent l'irritation et le dégoût, au lieu de conduire à prier et à regarder à Jésus. Si l'on en est arrivé là, c'est le moment de s'arrêter dans le travail, de rester tranquille et de se retirer dans son cabinet pour y retrouver la communion avec Jésus (*).

(*) Il est évident que nos occupations ne dépendent souvent pas de nous seuls; par exemple, un ouvrier est tenu de donner tout le temps convenu à celui qui l'emploie; mais au milieu du travail, le coeur peut toujours se retremper près de Christ. Il n'est pas nécessaire de quitter son occupation pour élever son âme vers Lui et trouver là le secours et le repos.

L'histoire de Marthe et de Marie, que l'on cite si souvent et qui parle toujours avec sérieux à nos coeurs, nous fournit aussi de précieux enseignements quant au sujet qui nous occupe. Au chapitre 10 de l'évangile de Luc, nous voyons en Marthe une personne occupée exclusivement de son travail. Elle aimait sincèrement le Seigneur, mais elle nous apparaît ici sous un jour qui mérite le blâme. Combien peu convenable est la plainte qu'elle porte contre sa soeur et même contre le Seigneur Jésus! «Seigneur, ne te soucies-tu pas que ma soeur me laisse toute seule à servir?» Et que dirons-nous de cette sommation irrespectueuse qu'elle adresse à Celui qui daignait être son hôte: «Dis-lui donc qu'elle m'aide» (verset 40).

Le Seigneur ne s'irrita point contre elle; au contraire, il la reprit avec amour et lui donna un enseignement aussi précieux que profond. «Marthe, Marthe», lui dit-il, «tu es en souci et tu te tourmentes de beaucoup de choses, mais il n'est besoin que d'une seule; et Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée». Jésus aida ainsi la pauvre Marthe à sortir de toutes ces choses, nombreuses et diverses, qui la remplissaient de soucis et de tourments, et il lui apprit à diriger toutes ses pensées sur la seule chose nécessaire, la bonne part que Marie avait choisie. Et en quoi consistait-elle? «Marie était assise aux pieds de Jésus, écoutant sa parole». Le Seigneur était sa part.

Cet enseignement de Jésus ne fut pas perdu pour Marthe. Ce qui nous est rapporté d'elle, en Jean 11, fut certes le fruit de cette leçon, de cette heure bénie, à laquelle Marie n'assistait pas seulement comme écolière, mais aussi comme modèle. Il lui revient ainsi une part du fruit produit chez Marthe: elle avait plus fait par son saint repos que Marthe par tout son service.

Ces heures d'un recueillement semblable à celui de Marie pourront donner à notre activité dans le travail ses justes limites. Elles ne seront pas caractérisées uniquement par un repos extérieur, mais principalement par le fait que notre coeur sera occupé du Seigneur, de telle sorte que pour lui nous laisserons volontiers le travail à la dernière place. Notre recueillement sera non une affaire de forme, mais du coeur, ainsi que nous le chantons quelquefois:

 «Etre à tes pieds comme Marie,

Laissant les heures s'écouler

Dans un silence qui s'oublie,

Jésus, pour te laisser parler».

Sans doute que le dimanche est le jour particulièrement réservé à ces moments de recueillement; mais celui qui, le dimanche, aura goûté vraiment le prix et la richesse des bénédictions qu'ils apportent, s'efforcera aussi chaque jour d'avoir quelques instants pour se recueillir. Et inversement, comment celui qui, la semaine, aura été si entièrement absorbé par le travail qu'il n'aura pas eu un moment pour se recueillir auprès de Jésus et goûter le prix de ce repos, sera-t-il en état de le faire le dimanche? Combien il serait à désirer pour le bien de nos âmes, que nos lectures de famille de chaque jour revêtissent ce caractère!

Peut-être la lecture de ces pages tirera-t-elle un soupir du fond du coeur de plus d'un d'entre mes chers frères et soeurs en Christ, parce que les circonstances dans lesquelles ils se trouvent leur laissent si peu de temps pour se recueillir ainsi. A ceux qui sont dans ce cas, je voudrais conseiller de la manière la plus pressante de saisir tous les instants libres qu'ils peuvent avoir, pour cultiver une intime communion avec le Seigneur. Ces heures silencieuses des nuits d'insomnie, que connaissent si bien les personnes très occupées et tourmentées par des soucis divers, ne seraient-elles pas bien propres à être employées à élever l'âme vers Celui près de qui se trouve le repos? Le psalmiste semble l'avoir goûté, quand il dit: «Quand je me souviens de toi sur mon lit, je médite de toi durant les veilles de la nuit» (Psaumes 63: 6), et encore: «De nuit, son cantique sera avec moi» (Psaumes 42: 8). On peut aussi utiliser, de cette manière, pour le profit de l'âme, ces minutes durant lesquelles, dans le commerce de la vie, on a à attendre pour une cause ou une autre. Les gens du monde ou les chrétiens superficiels considèrent ces moments comme perdus; mais si on sait les employer à lire quelques passages du livre saint dont on ne devrait jamais se séparer, ou bien à élever son coeur en haut par la prière et les actions de grâces en pensant au Seigneur, loin d'être perdus, ces moments seront un gain plus précieux que l'or. Rien ne doit être perdu dans la vie d'un chrétien. On sera ainsi gardé en même temps de l'ennui, de l'impatience et de bien des tentations qui, dans l'inoccupation, montent si aisément dans le coeur. Et je crois pouvoir affirmer que, si une fois un chrétien a commencé à bien employer, de cette manière le peu de temps qu'il a, le Seigneur lui donnera davantage, et il trouvera bientôt le juste équilibre de travail et de repos dans sa vie. Il jouira de ce calme d'esprit si précieux dans les circonstances diverses de notre passage ici-bas, calme qui se trouve dans la réalisation de la présence de Dieu et dans la communion, et il sera étonné et humilié d'avoir laissé passer autrefois tant de moments inoccupés sans en tirer le moindre profit pour son âme.

Que le Seigneur nous donne à tous que la vie de travail, si importante et qui est la part de chacun, trouve sa vraie base dans la vie de prière bien plus importante encore, et que celle-ci règle celle-là, «afin qu'en toutes choses nous ornions l'enseignement de notre Dieu Sauveur». «Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père» (Colossiens 3: 17).