Sur l'indépendance ecclésiastique

Cet écrit fait suite à celui qui est intitulé: «L'assemblée locale etc.».

Darby J.N.  -  ME 1897 page 446

 

Rien n'est plus funeste que la confusion entre le jugement individuel et la conscience. Nous en voyons le plein résultat dans l'état actuel du protestantisme, où l'on se sert du jugement privé pour autoriser le rejet de tout ce qu'individuellement on n'approuve pas.

La différence entre les deux est pourtant bien simple. Prenons un cas particulier. Nous admettons tous l'autorité paternelle. Cependant, s'il s'élève une question de conscience, si, par exemple, l'autorité de Christ et la confession de son nom sont en question, il va sans dire que l'autorité paternelle doit céder. Je suis tenu d'aimer Christ plus que père et que mère. Mais supposez que je rejette l'autorité de mon père dans tout ce en quoi mon jugement particulier diffère du sien quant à ce qui est juste, j'abolis ainsi toute autorité. Il peut se présenter, des cas où je sois appelé à rechercher anxieusement quel est mon devoir, et où le discernement spirituel seul peut arriver à un jugement juste. Cela a lieu dans tout le cours de la vie chrétienne. Il faut que nos sens deviennent exercés à discerner le bien et le mal; nous devons marcher, non comme étant dépourvus de sagesse, mais comme étant sages; ayant de l'intelligence pour comprendre quelle est la volonté du Seigneur (comparez Hébreux 5: 14, et Ephésiens 5: 15-17). Ces exercices sont utiles.

Mais confondre avec la conscience un jugement que je forme simplement quant à ce qui est juste, c'est en fait confondre la volonté avec l'obéissance. La vraie conscience est toujours obéissante à Dieu; mais si l'on estime suffisant ce que l'on voit soi-même, il s'introduit bientôt dans l'esprit une confusion d'un caractère mortel. Quelqu'un refusera-t-il de se soumettre à l'autorité du père, même dans une chose importante, à moins que celui-ci ne puisse apporter un texte de l'Ecriture à l'appui de tout ce qu'il demande? Ne serait-ce pas établir l'autorité du moi et de la volonté propre que d'admettre un tel principe?

Je vais plus loin, et voici le point que je désire mettre en lumière. Supposez qu'une personne ait été exclue d'une assemblée pour cause de péché. Chacun admet que, si elle est vraiment humiliée, elle doit être réintégrée. L'assemblée croit la personne en question vraiment humiliée; moi, au contraire, je pense qu'elle ne l'est pas. L'assemblée la reçoit. Que dois-je faire? Rompre avec l'assemblée ou refuser de me soumettre à son acte, parce que je crois qu'elle s'est trompée? Ou bien supposez (et c'est un cas beaucoup plus éprouvant pour le coeur) que je croie humiliée maintenant la personne retranchée, tandis que l'assemblée est persuadée du contraire. Que faire encore? Eh bien, dans l'un ou l'autre cas, je puis me soumettre à un jugement que je crois erroné et regarder au Seigneur pour qu'il le redresse. Il existe une humilité qui tient le moi à sa place, qui n'oppose pas sa propre opinion à celle des autres, alors même qu'on serait convaincu d'avoir raison.

Une autre question se rattache à celle-là — l'acte d'une assemblée liant une autre assemblée. Je n'admets pas des assemblées indépendantes, parce que l'Ecriture ne le fait pas. Il y a «le corps de Christ»; tous les chrétiens en sont membres, et l'Eglise de Dieu dans un endroit représente l'Eglise tout entière, et agit en son nom. Ainsi, dans la première épître aux Corinthiens, où ce sujet est traité, l'apôtre s'adresse à tous les chrétiens en même temps qu'à l'assemblée de Corinthe comme telle; toutefois cette assemblée est traitée comme le corps; elle est constituée localement responsable du maintien de la pureté de l'assemblée; le Seigneur Jésus est considéré comme y étant présent, et ce qui s'y faisait était fait «au nom du Seigneur Jésus Christ». On ignore complètement cela, lorsqu'on parle d'assemblées composées de tant ou tant de chrétiens capables et intelligents et d'un grand nombre de chrétiens ignorants. On met de côté la présence du Seigneur au milieu de l'assemblée. La chair, dit-on, agit souvent dans une assemblée. Pourquoi affirmer cela et oublier qu'elle peut agir dans une personne individuellement?

Puis, pourquoi dire que l'on obéira premièrement au Seigneur, et ensuite à l'Eglise? Si le Seigneur est dans l'Eglise, parler ainsi c'est tout simplement vouloir opposer un jugement particulier à celui d'une assemblée réunie au nom de Christ, avec sa promesse d'être au milieu d'elle (et si elle n'est pas réunie ainsi, je n'ai rien à faire avec elle); c'est dire: Je suis plus sage que ceux qui sont rassemblés ainsi.

Je rejette entièrement, comme antiscripturaire, le principe qui dit: «Christ premièrement, et ensuite l'Eglise». Si Christ n'est pas dans l'Eglise, je ne la reconnais pas du tout. Ce principe suppose que l'Eglise n'a pas Christ, faisant de Christ et de l'Eglise deux parties distinctes. Je puis raisonner avec une assemblée, si elle en est une, parce que je suis un membre de Christ, et ainsi, comme étant de cette assemblée, je puis la servir.

Mais si je la reconnais comme une assemblée de Dieu, je ne puis admettre que Christ n'y soit pas, car ce serait nier qu'elle est une assemblée de Dieu. La pensée de ce qu'est une assemblée de Dieu fait défaut chez plusieurs. Cela n'est pas surprenant, mais cela fausse le jugement sur le point en question. On confond: «Si la parole dit» avec: «Si moi je ne vois pas que la Parole dise». C'est simplement se confier en son propre jugement, en opposition à celui des autres et de l'Assemblée de Dieu.

Je ne pourrais, pour un seul instant, placer une question de blasphèmes contre Christ sur un pareil terrain. C'est une véritable perversité. Chercher à couvrir des blasphèmes contre Christ par des questions d'église, ou en mettant en avant la conscience individuelle, est une chose que j'ai en parfaite horreur (*).

(*) Allusion aux controverses avec Béthesda.

Pour parler de sujets moins importants, prenons la question sous une autre forme. Supposons, comme nous l'avons déjà fait plus haut, que je fasse partie d'une assemblée, et que je la croie dans l'erreur quant à son jugement sur une chose quelconque. Dois-je lui imposer ma manière de voir individuelle? Sinon, qu'ai-je à faire? Quitter l'assemblée de Dieu, si elle en est une (et si elle n'a pas droit à ce nom, je n'y vais pas)? Que faire, je le répète? Si je ne reste pas dans une assemblée par la raison qu'elle n'est pas d'accord avec moi en toute chose, je ne puis être d'aucune assemblée de Dieu dans ce monde. Tout cela est simplement nier la présence et les secours de l'Esprit de Dieu et la fidélité de Christ envers les siens. Je ne puis pas voir de sainte humilité en cela.

Si une assemblée a jugé, comme telle, dans un cas de discipline, en admettant toutes les communications et remontrances fraternelles, une autre assemblée est tenue d'accepter cet acte. Si le méchant est exclu à Corinthe, Ephèse doit-elle le recevoir? Où serait alors l'unité? Où serait le Seigneur au milieu de l'Eglise? Ce qui m'a fait sortir de l'église nationale, c'est la vérité de l'unité du corps. Là où cette vérité n'est pas reconnue et pratiquée, je ne dois pas aller. Et quant aux églises indépendantes, je les estime aussi mauvaises ou pires que les églises nationales. Mais si chaque assemblée agit pour elle-même indépendamment des autres, et reçoit de cette manière, l'unité du corps est rejetée, et il n'y a plus que des églises indépendantes: l'unité pratique du corps n'existe pas.

Mais on ne me fera jamais prendre à l'iniquité qui veut faire de l'acceptation de blasphémateurs une question ecclésiastique. Si quelqu'un veut marcher avec des blasphémateurs, ou bien contribuer à les faire recevoir ou supporter à la table du Seigneur, je ne m'associerai pas avec eux (*). D'autre part, les principes que plusieurs voudraient faire prévaloir, décèlent un manque évident d'humilité personnelle, et détruisent l'idée même de l'Eglise de Dieu. Mais je ne veux pas mêler les deux questions. Je n'accepte pas que l'on mette de côté ma liberté spirituelle: nous sommes un troupeau, non pas des gens parqués. Seulement, dans des questions de discipline, où aucun principe n'est nié, ni aucune vérité de Dieu mise de côté, je n'oppose pas mon jugement à celui de l'Assemblée de Dieu dans les choses que Dieu a confiées à ses soins. Ce serait me poser comme étant plus sage qu'elle, et négliger la parole de Dieu qui a assigné certains devoirs à une assemblée, qu'il honorera dans la position qu'il lui a faite.

(*) Voir la note plus haut.

J'ajoute qu'il existe une obéissance dans ce que nous connaissons, précédant toutes les questions qui peuvent surgir quant à la difficulté d'obéir dans les choses où nous aimerions être libres d'agir à notre guise. «A celui qui a, il sera ajouté». Obéir dans ce que l'on sait, est un grand moyen de savoir davantage.

On dit aussi que «le lien d'unité entre les églises, c'est la seigneurie de Christ». Mais l'Ecriture ne dit pas un mot «d'églises», quand il s'agit d'unité, ni de lien d'églises, et l'unité ne consiste pas dans une union d'églises. La seigneurie est essentiellement individuelle, et parler du Seigneur du corps (*) n'est pas scripturaire. Christ est Seigneur relativement aux personnes individuellement; il est Chef (ou Tête) sur toutes choses à l'assemblée qui est son corps. L'unité n'existe pas par la seigneurie. Il va sans dire que l'obéissance individuelle, de même que toute piété, contribuera à maintenir l'unité, mais l'unité est celle de l'Esprit, et dans le corps, non pas dans des corps. Les épîtres aux Ephésiens et aux Corinthiens nous enseignent clairement que l'unité est dans l'Esprit et par l'Esprit, et que, sous ce rapport, Christ occupe la place de Chef (ou Tête), non pas celle de Seigneur qui a trait aux chrétiens individuellement. L'erreur dont je viens de parler, si elle était mise en pratique, fausserait entièrement la position des réunions, en ferait de simples réunions dissidentes, et ne répondrait en aucune manière à la pensée de Christ.

(*) Du corps de Christ, «de l'Assemblée qui est son corps».

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Confondre l'autorité avec l'infaillibilité est un misérable sophisme facile à démêler. Dans cent cas différents, l'obéissance peut être obligatoire, sans qu'il y ait infaillibilité. S'il en était autrement, il n'y aurait pas d'ordre possible dans le monde. Il n'existe point d'infaillibilité dans le monde, mais beaucoup de volonté propre; et s'il ne doit point y avoir d'obéissance là où il n'y a point d'infaillibilité, point d'acquiescement à ce qui a été décidé, il n'y a pas de limites à la volonté propre et il n'y a plus d'ordre. Dans cette question d'autorité, il s'agit de compétence, non d'infaillibilité. La compétence est une chose, l'infaillibilité en est une autre. Un père n'est pas infaillible, mais il possède une autorité que Dieu lui a donnée, et se soumettre à cette autorité dans la sphère qui lui appartient, est un devoir. Un officier de police n'est pas infaillible, mais il possède une autorité compétente dans les cas soumis à sa juridiction.

Il peut y avoir des recours contre l'abus de l'autorité, ou, dans certains cas, un refus de se soumettre, lorsqu'une autorité supérieure nous y oblige, comme, par exemple, la conscience dirigée par la parole de Dieu, car nous devons obéir à Dieu plutôt qu'à l'homme; mais l'Ecriture ne donne jamais de liberté à la volonté humaine comme telle. Nous sommes sanctifiés pour l'obéissance de Christ (1 Pierre 1: 14). Ce principe — faire la volonté de Dieu dans l'obéissance, sans vouloir résoudre toutes les questions abstraites qui pourront s'élever — offre un chemin de paix négligé par bien des esprits qui se tiennent eux-mêmes pour plus sages; car c'est le chemin de la sagesse de Dieu.

Confondre l'autorité avec l'infaillibilité, affaiblir ainsi la première sous prétexte qu'elle n'est pas infaillible, n'est donc qu'un sophisme qui trahit le désir d'être libre de faire sa propre volonté, et la confiance que le jugement de telle ou telle personne est supérieur à tout ce qui a déjà été jugé. Il y a une autorité judiciaire dans l'Eglise de Dieu. S'il n'en était pas ainsi, elle serait la plus affreuse iniquité sur la terre, parce qu'elle mettrait sur toute iniquité la sanction du nom de Christ. Et c'est là ce qu'ont voulu et en faveur de quoi ont plaidé ceux chez qui les questions, auxquelles je réponds ici, ont pris leur origine; ceux qui ont osé affirmer que, quelle que soit l'iniquité ou le levain toléré dans une assemblée, l'assemblée n'en peut pas être souillée. Des affirmations comme celles-là ont fait du bien sous certains rapports, elles sont détestées et rejetées par tout coeur honnête, et par tous ceux qui ne cherchent pas à justifier le mal. Car c'est de cela qu'en réalité il s'agit, et de rien d'autre.

L'autorité judiciaire de l'Eglise est dans l'obéissance à la parole de Dieu. «Ne jugez-vous pas ceux de dedans? Mais ceux de dehors, Dieu les juge. Otez le méchant du milieu de vous-mêmes». Et je le répète, si l'on ne fait pas ce que l'Ecriture demande ici, l'Eglise de Dieu devient le soutien et l'appui de tout péché et de toute turpitude. J'affirme en même temps, de la manière la plus positive, que si dans une assemblée l'on obéit à cette écriture en mettant le méchant dehors, les autres chrétiens sont tenus de respecter cet acte. Pour réprimer l'action de la chair dans l'accomplissement de ce devoir, il y a des moyens dans la présence de l'Esprit de Dieu au milieu des saints, et dans l'autorité suprême du Seigneur Jésus Christ; mais le remède ne se trouve pas dans la prétention misérable et totalement antiscripturaire de ceux qui veulent établir la compétence de toute personne qui s'arroge le droit de juger pour elle-même indépendamment de ce que Dieu a institué. Envisagé sous son jour le plus favorable, ce système n'est pas proprement une prétention individuelle. Il est bien connu, depuis le temps de Cromwell, sous le nom de système indépendant: c'est la reconnaissance d'un corps de chrétiens indépendant de tout autre, comme association volontaire. Or c'est tout simplement la dénégation de l'unité du corps et de la présence et de l'action du Saint Esprit dans le corps.

Supposez que nous soyons un corps de francs-maçons, et qu'une personne ait été exclue de l'une des loges, d'après les règles de l'ordre. Qu'arriverait-il si, au lieu d'en appeler à la dite loge pour la révision de la cause, si l'on pense qu'elle a mal jugé, chacune des autres loges recevait ou repoussait la personne exclue d'après son autorité propre et indépendante? Il est clair que l'unité du système franc-maçonnique serait détruite. Chacune des loges serait un corps indépendant, agissant pour lui-même. En vain alléguerait-on qu'un tort a peut-être été fait et que la loge n'est pas infaillible; il n'en serait pas moins vrai que l'autorité compétente des loges et l'unité de l'ensemble seraient ainsi anéanties et le système maçonnique dissous. Il peut y avoir des remèdes pour des difficultés de ce genre. C'est très bien, s'ils sont nécessaires; mais le remède proposé ne sera qu'une prétention de supériorité de la part de la loge qui refuse de se conformer à la décision de l'autre, et une dissolution de la franc-maçonnerie.

Or je rejette de la manière la plus absolue la prétendue compétence d'une église ou assemblée d'en juger une autre. La tentative de ceux qui cherchent à établir ce principe n'est pas autre chose qu'une dénégation antiscripturaire de la structure tout entière de l'Eglise de Dieu. Ce que l'on veut, c'est l'indépendance, système que je connais depuis cinquante ans et auquel je ne voudrais jamais me joindre. Si quelqu'un aime ce système, qu'il s'y associe, car, quoi qu'on dise, ce que préconisent plusieurs n'est pas autre chose que cela. L'indépendance est simplement un système selon lequel chaque église juge pour elle-même indépendamment d'une autre, et c'est là ce qu'on demande. Je ne cherche pas querelle à ceux qui, aimant à juger par eux-mêmes, préfèrent ce système; seulement, je suis parfaitement convaincu que leur système est, à tous égards, entièrement antiscripturaire. L'Eglise n'est pas un système volontaire. Elle n'est pas formée (ou plutôt déformée) d'un nombre de corps indépendants, agissant chacun pour soi-même. Quel que fût le remède aux difficultés dont nous parlons, on n'a jamais songé qu'Antioche pût recevoir des gentils et Jérusalem les refuser, et qu'ensuite toutes choses continuassent à marcher selon l'ordre de l'Eglise de Dieu. Il n'y a pas trace, dans l'Ecriture, d'une indépendance et d'un désordre pareils. La parole de Dieu renferme toutes les preuves possibles, historiques et doctrinales, du fait qu'il y a sur la terre un corps qui a pour fondement de bénédiction l'unité dont le maintien est le devoir de tout chrétien. La volonté propre peut désirer qu'il en soit autrement; mais certainement, ni la grâce, ni l'obéissance à la parole de Dieu, ne pensent ainsi.

Il peut surgir des difficultés; je l'ai déjà dit. Nous n'avons pas de centre apostolique, comme il y en avait un à Jérusalem; c'est parfaitement vrai. Mais notre ressource, c'est l'action de l'Esprit dans l'unité du corps, l'action de la grâce qui guérit et celle des dons qui sont donnés «pour l'utilité», et la fidélité d'un Dieu miséricordieux qui a promis de ne jamais nous laisser ou nous abandonner. Ce qui s'est passé à Jérusalem, et qui nous est rapporté au 15e chapitre des Actes, est une preuve que l'Eglise scripturaire n'a jamais imaginé, ni accepté l'action indépendante sur laquelle on insiste. L'action du Saint Esprit s'exerçait dans l'unité du corps, et il en est toujours ainsi. L'acte exécuté à Corinthe sous la direction de l'apôtre (1 Corinthiens 5) (et qui nous lie comme étant la parole de Dieu), avait une portée qui s'étendait au corps tout entier, l'Eglise de Dieu; aussi tous ceux qui la composent sont-ils compris dans le commencement de l'épître, comme nous l'avons déjà fait remarquer (1 Corinthiens 1: 2). Quelqu'un prétendrait-il que si l'incestueux de Corinthe devait être judiciairement exclu de cette église, chaque église avait à juger pour elle-même et à décider si elle devait le recevoir, et que l'acte judiciaire devait passer comme non avenu ou comme valable seulement à Corinthe, tandis qu'Ephèse ou Cenchrée auraient pu agir ensuite comme bon leur aurait semblé? à quoi bon, alors, l'acte solennel et les directions de l'apôtre? Eh bien, cette autorité et ces directions sont la parole de Dieu pour nous maintenant.

Je sais qu'on dira: «Oui, mais vous ne pouvez vous y conformer comme il faut, attendu que la chair peut agir». Il y a, en effet, possibilité que la chair agisse. Mais je suis parfaitement sûr que ce qui nie l'unité de l'Eglise, ce qui s'érige pour son propre compte et dissout l'unité en corps indépendants, est la dissolution de l'Eglise de Dieu, est antiscripturaire, que c'est la chair et pas autre chose. Cette tendance, je commence par la juger avant d'aller plus loin. Sans doute, la chair peut agir, mais il existe un remède pour faire face à cette difficulté, un précieux remède; c'est, pour les esprits humbles, le secours de l'Esprit de Dieu agissant dans l'unité du corps, ce sont l'amour et les soins fidèles du Seigneur, comme je l'ai déjà dit; mais ce n'est pas la volonté prétentieuse qui s'affirme elle-même et renie l'Eglise de Dieu. Ma réponse est donc que ce qu'on allègue est un sophisme qui confond l'infaillibilité avec une autorité divinement établie, reconnue par des coeurs humbles où demeure la grâce; et que le système que l'on prône est l'esprit prétentieux de l'indépendance, le rejet de toute l'autorité de l'Ecriture dans son enseignement relatif à l'Eglise, et l'autorité de l'homme mise à la place de celle de Dieu.

Il est clair que si deux ou trois sont réunis, ils forment une assemblée, et que, s'ils sont réunis selon l'Ecriture, ils forment une assemblée de Dieu dans l'endroit où ils se trouvent. Sinon, que sont-ils? — Si cette assemblée est la seule qui se trouve dans la localité, elle y est l'assemblée de Dieu. Toutefois j'objecte pratiquement à ce qu'elle en prenne le titre, parce que l'assemblée de Dieu dans une localité quelconque embrasse proprement tous les saints qui sont là; et il y a un danger pratique pour les âmes à ce qu'une assemblée prenne le nom d'assemblée de Dieu, en ce qu'on perd ainsi de vue l'état de ruine de l'Eglise, et qu'on affiche la prétention d'être quelque chose, bien que, dans le cas considéré, ce ne fût pas une fausse prétention. S'il existe une assemblée ainsi réunie en présence d'une autre qui doive son existence à la volonté de l'homme, dans l'indépendance à l'égard de la première, celle-ci est seule moralement, devant Dieu, l'assemblée de Dieu, et l'autre ne l'est pas du tout, parce qu'elle est formée sur le principe de l'indépendance relativement à l'unité du corps.

Je rejette de la manière la plus complète et la plus positive tout le système «indépendant», comme antiscripturaire et comme un mal positif et radical. Maintenant que l'unité du corps a été mise en évidence et que la vérité scripturaire de cette unité est connue, ce «système indépendant» est simplement une oeuvre de Satan. L'ignorance de la vérité est une chose, elle est notre commune part de bien des manières; l'opposition à la vérité est une autre chose.

On allègue, je le sais, que l'Eglise est maintenant dans un état de ruine tel, que l'ordre scripturaire selon l'unité du corps ne peut être maintenu. Que ceux qui font ces objections avouent donc, en gens honnêtes, qu'ils cherchent un ordre non-scripturaire, ou plutôt le désordre. S'ils étaient dans le vrai, il serait impossible de se rencontrer pour rompre le pain, si ce n'est au mépris de la parole de Dieu, car elle dit que «nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain» (1 Corinthiens 10: 17). Nous professons être un seul corps, toutes les fois que nous rompons le pain. L'Ecriture ne connaît pas autre chose, et l'Ecriture est un lien trop fort et trop parfait pour être rompu par le raisonnement de l'homme.