Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 171  -  ME 1898 page 16. 1

Lettre de J.N.D. no 172  -  ME 1898 page 199. 3

Lettre de J.N.D. no 173  -  ME 1898 page 212. 4

Lettre de J.N.D. no 174  -  ME 1898 page 232. 8

Lettre de J.N.D. no 175  -  ME 1898 page 257. 11

Lettre de J.N.D. no 176  -  ME 1898 page 269. 13

Lettre de J.N.D. no 177  -  ME 1898 page 295. 13

Lettre de J.N.D. no 178  -  ME 1898 page 300. 15

Lettre de J.N.D. no 179  -  ME 1898 page 313. 16

Lettre de J.N.D. no 180  -  ME 1898 page 333. 19

Lettre de J.N.D. no 181  -  ME 1898 page 357. 23

Lettre de J.N.D. no 182  -  ME 1898 page 373. 24

Lettre de J.N.D. no 183  -  ME 1898 page 377. 26

Lettre de J.N.D. no 184  -  ME 1898 page 395. 27

Lettre de J.N.D. no 185  -  ME 1898 page 396. 28

Lettre de J.N.D. no 186  -  ME 1898 page 411. 30

Lettre de J.N.D. no 187  -  ME 1898 page 414. 31

Lettre de J.N.D. no 188  -  ME 1898 page 438. 34

Lettre de J.N.D. no 189  -  ME 1898 page 439. 35

Lettre de J.N.D. no 190  -  ME 1898 page 440. 35

Lettre de J.N.D. no 191  -  ME 1898 page 456. 36

Lettre de J.N.D. no 192  -  ME 1898 page 457. 36

Lettre de J.N.D. no 193  -  ME 1898 page 475. 37

 

Lettre de J.N.D. no 171  -  ME 1898 page 16

à Mr F.

Toronto, 26 février 1863

Bien cher frère,

Je me fie au Seigneur pour mes bien-aimés frères de la Suisse. Il aime son Eglise et prend soin d'elle. Il ne peut y manquer. Aussi je suis en repos. Je ne sais pourquoi (si ce n'est sa bonté), mais j'éprouve une entière confiance en lui sur ce point. Quant à moi-même, comment, après avoir travaillé comme je l'ai fait en Suisse, les frères ne me seraient-ils pas singulièrement chers? Je ne crois pas que je perdrai leur affection. S'il en était ainsi, je ne cesserais pas de les aimer, quand même plus je les aimerais moins je serais aimé. Mais j'ai senti que ma part était de me tenir tranquille et d'avoir une entière confiance dans le Seigneur. L'accueil que nous avons reçu à Lausanne, quand nous avons transporté la conférence dans cette ville, pensant que les frères du midi du canton aimeraient prendre plus commodément part à nos études, était tout à fait inattendu, mais ne laisse aucun doute sur les dispositions de Mr G. et de ses amis. Naturellement je n'y étais pas insensible, mais c'était pour moi une chose à remettre au Seigneur, et je puis le faire. Lorsque je suis au clair quant à sa volonté, je suis tranquille.

Quant au fond de la question, nous éprouvons toujours combien une marche décidée nous a été en bénédiction. En Angleterre et dans ce pays-ci, nous en sommes à la question si l'on doit être chrétien ou non et si la vérité du christianisme a quelque valeur. Le parti neutre est nul dans la question. La vérité chrétienne elle-même est en jeu. Béthesda se lie aux ennemis de la vérité, personne ne pense à un parti neutre. Au reste, en général, ils ont pris la position des dissidents. Le témoignage des frères est plus net et plus important qu'il n'a jamais été. Vous serez surpris peut-être de ce que je parle ainsi, mais depuis deux ou trois ans les choses se sont développées rapidement en Angleterre. Premièrement, le nombre des frères a augmenté de manière à effrayer les vieux qui craignent que l'oeuvre ne soit pas solide. Il y a une multitude de réunions nouvelles et les anciennes ont doublé, triplé et même décuplé. Les publications des frères, traités d'appel ou d'édification, ont été disséminées partout. Il y a quatre dépôts à Londres. L'un formé par des frères pour des traités d'appel exclusivement, a une seule commande de deux millions de traités par an, et en vend en outre peut-être 80 000 par mois.

Le frère Stanley qui publie les siens pour son compte en vend davantage et Mr B., à Dublin, en a répandu plus que tous les autres. Je lui connais un seul envoi de 200,000. Tout ceci a donné, hélas! du chagrin à d'autres. Les ouvrages de Macintosh se disséminent aussi partout, même dans les Etats-Unis. Par contre, le parti de l'église libre qui appuie M. Newton, a publié des horreurs, disant que Christ était tellement envisagé comme un lépreux et banni de la présence de Dieu à cause de nous, que Dieu ne lui a pas permis de visiter les lieux saints ni de coucher en Jérusalem, mais qu'il devait se tenir dans la foule pour recevoir pour lui-même les bienfaits du jour des expiations. C'est la doctrine du plus renommé d'entre les ministres de l'église libre. Cela a été exposé; alors nationaux, libres et dissidents, ont attaqué les frères, Béthesda s'y prêtant, mais ils ont débité des doctrines tellement mauvaises, si contraires à l'Evangile, que la question s'est encore beaucoup aggravée. Les libres se sont montrés blasphémateurs, les nationaux ont enseigné et propagé ce qui niait l'Evangile.

Puis, au même moment, des ministres nationaux, voire un évêque, ont débité publiquement l'incrédulité. Tout ceci a placé le maintien de la vérité, et ainsi le témoignage des frères, sur un terrain où il n'a jamais été. C'est effrayant à quel point l'indifférence à la vérité est parvenue. Les attaques ont été violentes, les réponses complètes. En particulier, la question de ce qu'est la justice divine a été largement traitée. On ne peut avoir assez d'exemplaires de ce qui a été publié et les premiers articles ne se trouvent plus. Pour le moment, on n'écrit plus, parce qu'on a assez écrit. Mais la vérité de l'Evangile est pleinement discutée, et on s'en occupe partout. Sans doute, des âmes timides s'effraient et on fait naître des préventions, mais une masse d'âmes sincères sentent, et on l'a dit même ici, que l'Evangile comme les frères le présentent est autre que ce que l'on entend dans les prônes du clergé. En même temps, la question est placée devant tous: l'Eglise doit-elle confesser la vérité et est-elle fondée sur la vérité? Vous pouvez bien croire que je ne pense pas quitter ce terrain. Ce qui était au commencement un principe de conscience est devenu un témoignage public et les fruits en sont évidents. Je suis content de n'être rien. Je désire me cacher, me soumettre à tout, mais non pas abandonner le terrain de la fidélité, le terrain où le Seigneur m'a placé et où je suis plus sûr que jamais qu'il est avec moi. Quant aux détails, je les laisse au Seigneur. Je l'ai toujours trouvé fidèle et je me fie à lui. Ici, Dieu nous bénit. Tout avait été louche, et les âmes misérables, mais cela avait été corrigé avant mon arrivée; maintenant la bénédiction est évidente, le nombre des frères augmente partout. Le témoignage a pénétré au milieu des Indiens, et les portes s'entrouvrent dans les Etats-Unis. Le Seigneur a mis, dans sa grande grâce, le sceau de sa bénédiction sur ma visite.

Adieu, cher frère, cordiale et constante affection aux frères.

Votre bien affectionné en Christ.

P.-S. — Les frères les plus sobres et les plus expérimentés ont la même conviction que moi quant à la position des frères.

Lettre de J.N.D. no 172  -  ME 1898 page 199

à Mr P.S.

1847

Bien-aimé frère,

Je vous renvoie vos notes. Je n'ai rien reçu sur le publicain et le pharisien. Quant à la doctrine dont vous parlez, je la connais depuis bien des années. Le grand docteur wesleyen Adam Clarke en était imbu et d'autres choses aussi. Je suis peiné que le cher R. y soit tombé. Cela dessèche l'âme; ce cher frère est trop penseur avec la Parole; celle-ci me paraît, et elle l'est, parfaitement claire à ce sujet; non seulement en Hébreux 1 et Colossiens 1, que vous citez, mais il est dit encore que le Père a envoyé le Fils pour être le Sauveur du monde. Nous le connaissons dans l'incarnation, mais Celui que nous connaissons était avec le Père auparavant. «Je suis sorti d'auprès du Père, et je suis venu dans le monde» (Jean 16: 28). L'amour du Père, en donnant son Fils, change complètement de caractère, et il faut bien remarquer que, s'il n'y avait pas de Fils, il n'y avait pas de Père. Si le Père a envoyé le Fils pour être le Sauveur du monde, est-ce seulement depuis qu'il est incarné qu'il a été envoyé? Sans doute, ce qui est né de la Vierge, est Fils ici-bas, à cause de son engendrement par le Saint Esprit, et comme Fils dans son incarnation, il prend toujours la position de tout recevoir. Mais il n'en est pas moins vrai que le Père a envoyé le Fils; Dieu a donné son Fils. C'est le Fils qui est le Créateur. «Moi et le Père, nous sommes un» (Jean 10: 30); c'est bien dans sa nature divine qu'il l'a dit, et ne saurait l'être autrement. Jean 5 montre clairement que c'est dans sa divinité qu'il parle comme Fils. Jean 8: 38, et beaucoup d'autres passages le confirment; je ne les cite pas, parce qu'on pourrait chercher à en atténuer la force; mais Jean 16: 28, est clair. D'autant plus que la fin de la phrase détermine le sens du mot, «venu dans le monde». Pour moi, le commencement du 17e, est parfaitement clair, car c'est le Fils qui parle.

Que Dieu éclaire notre frère. Il est bon, cher frère, de passer par l'épreuve; mais Dieu arrange tout, comme il le trouve bon. — Saluez tous nos amis.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 173  -  ME 1898 page 212

à Mr P.S.

1847

Bien-aimé frère,

Je reprends la plume pour traiter un peu plus à tête reposée le sujet que vous m'avez proposé, sujet très délicat, parce qu'il touche au mode de l'union de la Divinité et de l'humanité en Jésus, vérité qui des deux côtés est d'un intérêt profond, d'une nécessité absolue pour nos âmes, mais qui dépasse et doit dépasser la sonde de notre intelligence, car personne ne connaît le Fils sinon le Père. Qu'il soit homme, est pour moi d'une nécessité absolue; être homme, s'il n'est pas Dieu, n'a aucune valeur, ne me met pas en rapport immédiat avec Dieu, et ne me le révèle pas. Or Dieu manifesté en chair, se vidant, pour ainsi dire, de lui-même (ecenwse eanton) et se manifestant lui-même en le faisant, ce que nul autre n'aurait pu faire, voilà ce que l'esprit de l'homme ne peut mesurer; or l'insondabilité de la personne du Fils est ce qui, pour nous, sauvegarde le mystère de sa divinité qui, pour nos coeurs faibles et présomptueux, aurait été compromis par son humiliation. Je ne présente pas des preuves d'une doctrine quelconque, remarquez-le bien; je ne fais que constater le sujet dont nous touchons le bord en examinant la tentation du Seigneur. D'un autre côté, la tentation est, d'après notre manière de penser, si essentiellement liée à la convoitise déjà subsistante en nous (et cela ne peut être autrement, parce que la convoitise existe en nous, et que la tentation ne fait que la réveiller) que nous avons bien de la peine à nous faire une idée de la tentation quand il n'y a pas de convoitise. Le mouvement de cette convoitise en nous est appelé tentation; un homme est tenté, dit Jacques, lorsqu'il est séduit, étant entraîné par ses propres convoitises. Or ceci n'était pas en Christ. Il n'a pas connu le péché. Il l'aurait connu, s'il y en avait eu en lui. Maintenant, tenter, c'est mettre à l'épreuve. Le péché en nous, nous met à l'épreuve, fait voir si nous avons la volonté de le suivre. Dieu qui ne tente personne (s'il s'agit de susciter une convoitise) a tenté Abraham. Eve qui n'avait pas de convoitise a été tentée et a succombé; la convoitise à laquelle elle n'a pas su fermer la porte, étant entrée par la tentation. C'est la faiblesse de la nature d'une créature en tant que créature; mais l'existence de la convoitise n'était pas nécessaire à la tentation. Si Eve avait résisté, la convoitise n'aurait pas pris naissance en elle, ce n'aurait pas été la volonté agissant à l'égard d'un objet; Dieu aurait été entre son âme et ce que l'Ennemi présentait, et la conséquence aurait été l'obéissance, non pas la convoitise. La chose présente à sa pensée comme objet de désir aurait été seulement de faire la volonté de Dieu. Christ a été tenté, c'est-à-dire son âme mise à l'épreuve, mais le seul désir qu'il a eu a été de faire la volonté de Dieu; de mauvaise convoitise il n'y en avait pas, car il aurait été déjà pécheur, et il n'a pas admis de désir autre que celui de faire la volonté de Dieu. Remarquez que, dans le cas d'Adam, la chose n'était mauvaise que parce qu'elle était défendue; c'était l'obéissance qui était en question, la volonté de faire autre chose que la volonté de Dieu. Christ, tenté par Satan, l'a été en rapport avec un besoin dans lequel il n'y avait pas de mal, mais par lequel le péché entrait si sa volonté ne s'attendait pas à celle de Dieu. Il avait faim, mais il vivait de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu; il attendait sa volonté comme motif d'action. C'est la vraie obéissance (se soumettre à une défense lorsque nous avons une volonté contraire ne l'est pas, quoique cela soit bon à sa place). Il était venu pour faire la volonté de Dieu; il est l'homme nouveau, le Seigneur obéissant. Le premier Adam n'en était pas là; il était, dans un certain sens, de par Dieu, maître dans sa sphère; il aurait cultivé son jardin comme il l'entendait. Quel motif Christ pourrait-il avoir pour se plaire, pour chercher à se plaire dans ce monde ou en quelque lieu que ce fût, hors de la volonté divine? L'amour était pour lui un motif, l'amour même de son Père, pour faire Sa volonté, quelle qu'elle fût. C'était son motif d'action, sa raison d'être morale ici-bas. La tentation pour lui, était l'effort de Satan pour le détourner de ce motif, pour l'empêcher (quant à l'état de sa volonté) de faire la volonté de Dieu et pour l'engager à en avoir une qui lui fût propre. Eût-il réussi, ne fût-ce qu'à le faire vouloir manger sans Dieu, la relation morale de l'âme du Seigneur avec Dieu était rompue; il n'était plus l'homme obéissant et rien d'autre. Pourquoi donc existerait-il sur la terre? Le Fils de Dieu ne pouvait avoir d'autre motif dans son humiliation: c'est là l'obéissance de Jésus Christ. L'effort de Satan avait pour but de le faire abandonner son origine, son premier état: les royaumes de la terre seront à toi. Satan cherche à le porter à les vouloir et à les prendre de cette manière. J'ai parlé de ces tentations, parce que tout le reste a un caractère clair et évident et autre dans sa forme, quoique le but fût toujours de l'arrêter dans l'accomplissement de la volonté de Dieu. Il a dû obéir à travers des difficultés toujours croissantes et ainsi apprendre l'obéissance par les choses qu'il a souffertes, c'est-à-dire que sa volonté n'a jamais dû agir, ni se soustraire aux contrariétés qui se trouvaient sur son chemin, ce chemin étant la volonté de Dieu. Contradiction des pécheurs, opprobre, abandon, trahison, insultes, mort, l'abandon même de Dieu, tout s'est trouvé sur son chemin. Qui aurait pu l'engager à se détourner, à avoir une volonté, ou à trouver dur ce que Dieu plaçait devant lui, même l'abandon? Sa parole est: «Toutefois tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d'Israël». Ainsi, non seulement ce qui pouvait l'attirer hors du chemin, mais aussi ce qui aurait pu l'en chasser par la peine qu'il a éprouvée, a été mis en jeu pour que sa parfaite obéissance fût mise à l'épreuve par le péché d'autrui et ses conséquences de la part de Dieu. Il a traversé tout cela, en en faisant une occasion d'obéir, et prenant l'abandon de Dieu même comme une coupe que son Père lui avait donnée à boire. Il a souffert dans la chair — sans qu'il y eût de volonté — et le péché n'y a pas trouvé place. C'est là mon sentier chrétien et de ne pas entrer dans la tentation, mais lorsque Satan veut traverser mon chemin pour me détourner, de n'y trouver que l'occasion de faire la volonté de Dieu. En Pierre, quand l'Ennemi est venu, la chair s'est ruée contre cette volonté. Pour Christ, c'était une coupe qui lui était donnée de son Père. Or c'est là que, comme chrétiens, nous sommes mis à l'épreuve. Je vis de la vie de Christ, Satan se tient avec des choses agréables à côté du chemin et avec des choses pénibles sur le chemin, pour me détourner de l'obéissance de Christ, du chemin de la vie en moi. Christ comprenait parfaitement tout cela; l'opprobre lui a brisé le coeur; l'incrédulité qui l'entourait refoulait son coeur dans l'abattement au dedans de lui; mais il était en relation avec Dieu dans ces choses et à l'égard de ces choses mêmes. Il sait par expérience comment la communion, la grâce qui rafraîchit et restaure, opèrent dans une âme d'homme abattue, en se rattachant à l'obéissance, et en y fortifiant le coeur par la communion avec Dieu. Il a le coeur du savant, il a appris comme homme cette précieuse leçon; il sait assaisonner sa parole à celui qui est accablé de maux, lui dont le coeur a été fondu comme de la cire au dedans de ses entrailles. Vous me direz: Mais il y a un autre genre de difficulté pour le chrétien, ses convoitises, et Christ n'en avait point. C'est vrai dans le sens de convoitises charnelles, mais quand on en a la conscience dans l'âme, le péché est déjà là. Je ne cherche pas la sympathie de Christ avec le péché, mais avec le désir du nouvel homme dans sa lutte sentie. Je désire tuer, mortifier, détruire ce péché; il est ma force pour cela, tandis que, dans les difficultés du chemin de la foi, j'ai sa pleine sympathie. Aussi est-il dit: «Il a été tenté en toutes choses semblable à ses frères, sauf le péché», cwriz amartiaz  et, je le répète, je ne cherche pas là la sympathie, je cherche l'énergie qui fait mourir, qui mortifie mes membres sur la terre. Dans les peines de la route, et elles sont réelles de la part de l'Ennemi, soit l'attrait du repos de la nature, soit les difficultés qu'elle subit, j'ai la parfaite sympathie de Jésus qui y a passé et a tout senti. Si le péché agit, c'est-à-dire si une convoitise se fait jour, j'ai le secours de la grâce, l'intercession de Christ, l'action de son Esprit sur ma conscience pour m'en délivrer et porter mes affections ailleurs. La convoitise étant là, je ne désire pas selon l'homme nouveau trouver une sympathie que mon coeur soit capable de sentir, mais je désire mortifier la convoitise. La sympathie s'adresse à un état qui subsiste: je sympathise avec mon ami qui souffre, ma sympathie s'adresse à lui pendant qu'il est dans cet état; mais la convoitise ne doit pas rester; il s'agit d'en sortir, d'être délivré d'une chose avec laquelle mon propre coeur n'a, selon l'Esprit, aucune sympathie. Par la grâce, sans miséricorde, je tue la convoitise. Les exercices d'un coeur humain par les souffrances du chemin de la foi, sont dignes de sympathie, et nous la recevons pleinement de sa part, à lui qui y a passé, non pas partiellement çà et là, mais d'un bout à l'autre, car il est le chef et le consommateur de la foi. Or tout ce qui se présente dans ce monde (et de fait, c'est tout ce qui s'y trouve pour nous détourner du chemin), fait souffrir le coeur. C'est ainsi que Christ a souffert étant tenté. Il était en contact avec ce qui n'était pas Dieu, avec ce qui cherchait à le détourner du chemin. C'est en souffrant qu'on est sans péché dans ce cas: p™pautai ƒmart°av. Ne pensez-vous pas qu'il y a eu une différence immense quand il avait affaire avec Satan dans le désert, qui cherchait à lui faire faire sa propre volonté, et quand, dans la communion de son Père, il accomplissait sa volonté comme la nourriture de son âme; quand Pierre cherchait à le détourner de la croix, et quand il a dit: Si c'est moi, laissez aller ceux-ci; quand le malheureux Judas le baisait à sa honte, et quand il disait au brigand: «Aujourd'hui tu seras avec moi en paradis»? Il a souffert étant tenté; tout lui était contraire, mais il ne faisait, il ne désirait faire que la volonté de son Père — jamais un instant il n'a eu un autre désir dans son coeur, mais cela le faisait souffrir comme homme, à l'égard de tout ce avec quoi il était en rapport ici-bas, sauf l'exercice de son amour envers ses disciples, et même envers le monde. Outre la souffrance de l'expiation qui avait aussi un autre aspect, je crois que toute la vie de Jésus était une vie de souffrance ici-bas, parce que, accomplissant la volonté de Dieu en sainteté et en amour au milieu du mal, y introduisant une nouvelle vie qui devait se manifester au milieu de ce mal, non pas l'innocence (l'ignorance du bien et du mal), mais l'obéissance avec la connaissance du bien et du mal. Tout ce qu'il rencontrait dans ce monde était souffrance, parce que s'il était entré de sa volonté dans ces choses, il aurait renié la vie dont il vivait, il se serait séparé de Dieu avec le monde. Grâce à Dieu, je n'ai pas besoin de le dire, il ne l'a jamais fait; sa vie était l'expression de la vie divine au milieu du mal. Or la sollicitation au mal fait souffrir dans la proportion de l'horreur qu'on en a, et Jésus savait quel était l'éloignement de Dieu dans lequel se trouvait le monde, dont toute la volonté était «sans Dieu» en toutes choses. De plus il souffrait dans ses sentiments et dans ses affections humaines l'opprobre, l'abandon, et tout ce qu'il éprouvait au milieu des hommes. Il a poursuivi son chemin selon Dieu.

Je dois m'arrêter; je vous écrirai un mot, Dieu voulant, sur les autres points: ils m'ont occupé aussi. Je crois que nous savons peu quelles étaient les souffrances de Christ, mais il y passait par la foi, comme nous devrions y passer selon la puissance de Dieu.

Votre affectionné frère.

 

P.S. — J'ai été souvent interrompu, mais j'espère avoir été intelligible.

Lettre de J.N.D. no 174  -  ME 1898 page 232

à Mr P.S.

1847

Bien cher frère,

Il reste encore deux questions que vous m'avez adressées dans votre lettre, et auxquelles je n'ai pas répondu.

«Verrons-nous le Père face à face?» et: Que veut dire «l'image de Dieu?» Il faut se souvenir que face ici est une figure renfermant une importante et précieuse vérité, mais une figure. Aussi, «face à face» est-il employé pour montrer une manière de connaître et non pas un fait matériel. Voici qui est très clair: au lieu de connaître Dieu par la foi, il y aura une révélation de lui, pleine et immédiate; et quand je dis de lui, je parle de lui-même, non pas à son sujet. Je dis immédiate, subjectivement, à l'égard de la manière de connaître; ce n'est pas par des communications intermédiaires. C'est lui, en plein, sans l'intervention d'un moyen, quelle que soit la manière de sa révélation de lui-même. Le coeur enseigné du Saint Esprit et participant à la nature divine, a besoin de cela. «Mon âme a soif de Dieu, pour voir ta puissance et ta gloire, ainsi que je les ai contemplées dans le sanctuaire». La connaissance qu'on a de Dieu imprime au coeur le besoin impérieux de le connaître immédiatement, d'être consciemment avec lui. Voyez Christ lui-même comme homme. «Celui qui est de Dieu, celui-là a vu le Père». «Le Fils de l'homme qui est dans le ciel». Appliquez-lui maintenant ce Psaume 63. Il devait comme présent dans ce monde désirer avec une ardeur absorbante voir Dieu, qu'il connaissait parfaitement, qu'il avait vu même dans son sanctuaire. Appliquez ce même Psaume à nous: on sent, de la manière la plus profonde et la plus intime, qu'on a vu Dieu en Christ. Le coeur est satisfait. Il n'y a pas à chercher autre chose. C'est Dieu qu'on cherche, qu'on désire, qu'on veut par la grâce, et parce qu'il s'est révélé; mais on l'a trouvé. C'est lui qu'on connaît; rien de plus profond que cette conviction. Elle domine la conscience de notre propre existence, chose merveilleuse, inintelligible pour celui qui ne le connaît pas, mais vraie, car la présence de Dieu nous saisit plus que la conscience de nous-mêmes; elle efface le moi en nous faisant l'oublier, quoiqu'on la connaisse pour soi, mais c'est une révélation réelle, et l'éclat et le bonheur de la connaissance de Dieu efface l'homme à ses propres yeux. On s'oublie en s'occupant de lui, et lui est révélé parfaitement, s'étant manifesté en Christ.

Il faut aussi distinguer ici le Père. Quand le Fils s'est fait homme et prend place comme Fils avec nous, c'est toujours le Père qu'il présente comme vrai Dieu, tout en disant aux incrédules; «Avant qu'Abraham fût, je suis», et à l'incrédulité de ses disciples: «Celui qui m'a vu a vu le Père». A l'homme, il présente Dieu; avec l'homme, il reconnaît Dieu et le Père comme tel. Il s'est anéanti lui-même, lui qui avait la gloire et était un avec le Père, comme nous avons le privilège de le faire nous qui avons la misère en partage. «Mon Père et votre Père», dit-il, «mon Dieu et votre Dieu». Souvenons-nous encore que quoique le Père, dans ce sens, tienne proprement et essentiellement la place de Dieu pour nos âmes, ce nom est un nom de relation, comme «Dieu» est un nom de nature. Quand on parle de le voir, il faut tenir compte de cela.

Examinons maintenant l'instruction que la Parole nous fournit sur le point qui nous occupe.

1°  Dans un certain sens, Dieu est invisible dans son essence: «l'image du Dieu invisible». «Il a été manifesté en chair, vu des anges». «Il demeure dans la lumière inaccessible». Donc, quant à son essence, on ne le voit pas. Quelques phrases dont on pourrait se servir pour contredire ce fait, me semblent ne pas parler d'une vue pour ainsi dire matérielle. Il est dit que Moïse a parlé avec Dieu «face à face», ou «bouche à bouche», mais c'était en contraste avec des songes et des visions. Dans son cas, ce n'était que la nuée qui était descendue, et Dieu parlait avec lui directement par des paroles, comme aussi dans le buisson il lui partait dans une flamme de feu. Quand il est dit: «Ses serviteurs le serviront et ils verront sa face», je ne doute nullement que cela ne présente l'idée d'être devant Dieu, mais je crois en même temps que c'est une image empruntée de la cour d'un roi (comparez 2 Chroniques 9: 7, et 1 Rois 10: 8; avec Esther 1: 14). De plus, personne ne peut aller en face de Dieu pour le connaître, indépendamment des choses dans lesquelles il se révèle. Il nous oeuvre de sa main et nous cache pendant qu'il passe, puis nous voyons ce qu'il est quand il a passé, mais nous ne voyons pas sa face (Exode 33: 21-23). Prenons la rédemption et l'amour de Dieu, la chose est évidente.

Ces quelques données de la Parole corrigent négativement l'idée que l'on voit Dieu. Mais, quand Dieu s'est fait voir aux hommes, cela a été, je n'en doute pas, par le Fils (comparez Esaïe 6 avec Jean 12: 40, 41; Sinaï avec Hébreux 12: 25, 26; Esaïe 2 et d'autres passages ne laissent aucun doute dans mon esprit). En sorte que nous verrons Dieu, Jéhovah, en Christ; c'est là que les anges le voient. C'est ainsi que, dans l'Apocalypse, le Il, Lui, au singulier, se rapporte à Dieu et à l'Agneau. Lorsqu'ils sont distingués (Apocalypse 21: 22, 23), on trouve «la gloire de Dieu», et «l'Agneau qui est sa lampe» est le porte-gloire, l'objet que l'on reconnaît dans la gloire, et en qui cette gloire se manifeste. Dans ce passage, c'est Dieu: «Le Seigneur, Dieu, le Tout-puissant, et l'Agneau, en sont le temple», mais ici même le caractère immédiat de cette manifestation est évident. Un temple entoure Dieu de gloire, de solennité, d'un appareil de gloire où il demeure, mais le cache lui. Or ici c'est Dieu lui-même, sa présence qui est le temple; il se manifeste, il se déploie lui-même pour être avec nous; c'est cette manifestation qui est le lieu de notre adoration, et qui la caractérise, au lieu qu'il se revête de ce qui est fait de main, pour attirer l'attention de l'homme, en se soustrayant lui-même à ses yeux. Dieu s'entourera de sa propre gloire comme temple, et sera l'objet propre de notre adoration en se révélant à nous — (voyez Jude 24, 25; Actes des Apôtres 7: 55) — comment matériellement, pour ainsi dire, je ne le sais pas. Je ne sais pas ce que sera un corps glorieux; je ne crois pas que ce soit seulement le Christ glorifié que nous verrons, quoique ce soit sûrement lui, parce que nous verrons aussi avec lui, premier-né entre plusieurs frères. Outre la gloire de Dieu, il y a la relation avec le Père, dont nous jouirons immédiatement. C'est Christ qui nous l'a révélé, de même qu'il a manifesté Dieu; mais nous allons vers notre Père comme vers notre Dieu. Le Père lui-même nous aime, nous serons dans sa maison. Christ viendra dans la gloire du Père (Luc 9: 26), comme dans la sienne propre, de même que le Père s'est manifesté moralement et en puissance en lui dans son humiliation. Mais cette gloire du Père est plutôt une relation que la gloire publique; nous serons dans la maison, dans le royaume du Père; nous y avons la place de fils. Le Père lui-même nous aime; nous le connaîtrons immédiatement comme tel; nous le connaissons déjà (Jean 17: 26); mais tout en étant comme ses enfants devant lui, la Parole nous parle davantage de son amour, de la communication de ses paroles, de sa maison, que de le voir, autant que, pour ma part, j'ai saisi, par grâce, les Ecritures sur ce sujet. Il est dit dans un endroit: «Non pas que quelqu'un ait vu le Père, sinon celui qui est de Dieu; celui-là a vu le Père» (Jean 6: 46). Celui qui est Père, nous voyons au moins sa gloire comme Dieu. Il nous communique une relation qui ne se voit pas, seulement nous sommes devant lui pour en jouir dans sa maison, comme fils. Nous ne nous asseyons pas sur son trône, Christ s'y assied (Apocalypse 3: 21), et nous, nous serons assis sur le trône de Christ.

Dans sa distinction personnelle, si l'on peut parler ainsi, je ne sache pas qu'il soit dit dans la Parole, que nous voyions le Père. Je ne le crois pas, mais je crois que nous serons immédiatement devant Dieu comme Père, le connaissant, parce que nous connaissons sa relation avec le Fils, et que nous sommes avec le Fils et par grâce dans cette relation. Dieu est connu par la révélation du Père dans le Fils. La prière fondée (Ephésiens 3) sur le titre de Père, confirme ce que je viens de dire. Connaissance de la relation la plus intime et la plus immédiate avec le Père et avec Christ, mais l'idée de le voir n'est pas présentée dans la Parole, sauf quant à Christ: et Celui qui ma vu a vu le Père», et je ne crois pas que cette prérogative soit communiquée ailleurs aux enfants. Je vois en Jean 14, 15, 16, 17, les relations les plus intimes, la connaissance la plus profonde du coeur, car il nous aime comme il aime Jésus, et lui demeure en nous pour que nous en jouissions, mais l'Esprit nous conduit, me semble-t-il, sur un autre terrain que celui de «voir»; tandis que, quel que soit le moyen de répondre en haut à la vision physique d'en bas, il est bien dit que nous verrons la face de Dieu. C'est avec Jésus que nous le verrons, et il est notre Père, et nous serons dans sa maison. Cette idée d'être dans sa présence est vérifiée par l'expression: Je le confesserai devant mon Père. Je crois que Matthieu 18: 10, est aussi une figure d'une cour royale.

2°  Quant à «l'image de Dieu», je ne sais si mes idées sont aussi claires que sur ce dont je viens de m'occuper, ou vous ne les trouverez peut-être guère telles. C'est que la Parole en dit très peu de chose: «Etre renouvelés dans l'esprit de votre entendement, et avoir revêtu le nouvel homme créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité» (Ephésiens 4: 23, 24), auquel répond le passage en Colossiens 3: 10: «Ayant revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance, selon l'image de Celui qui l'a créé». Mais ceci me semble une autre chose que l'homme créature, parce qu'ici la connaissance entre, et c'est moralement, en justice et en sainteté. C'est-à-dire, le bien selon la puissance de Dieu, lorsque la connaissance du bien et du mal est entrée. L'homme, avant sa chute, n'était pas juste et saint, il était innocent; il était saint dans le sens de l'absence du mal, ce qui est vrai de la nature de Dieu, mais n'ayant pas la connaissance du bien et du mal, il n'était pas séparé de coeur de ce mal, ainsi que l'est Dieu. Il n'y avait pas d'injustice non plus, mais le mal n'existait pas. Mais il me semble qu'il y avait un autre point capital dans sa ressemblance à Dieu, il était centre d'un immense système, créé tel, système qui dépendait de lui; les anges ne l'ont jamais été; il devait avoir les sentiments, la responsabilité, les affections qui découlent, qui sont pour ainsi dire le devoir, d'une telle position. Il y était au commencement seul; je ne parle pas ici de la domination sur ce que ce système renfermait, ce qui est ajouté à l'idée d'image, mais de ce que la position elle-même renfermait de moral pour l'homme quant à ses sentiments intérieurs. Eloigné de Dieu, il y a un effort continuel de la part de l'homme de se faire centre. Que de misères en découlent! c'est le désordre du principe de sa position sans Dieu. Il est l'image de Celui qui doit venir; sous ce rapport, Christ occupera cette place. Maintenant, ce sera le résultat de l'accomplissement de tout ce qui était nécessaire pour la gloire de Dieu, lorsque la connaissance du bien et du mal est entrée, et de la justice relative et de la sainteté qui s'y rapportent, et non seulement l'image en tant que le mal était intrinsèquement absent de la nature d'une manière positive. Je ne saurais dire en quoi d'autre l'homme a été créé à l'image de Dieu. C'était beaucoup de former la nature intrinsèque et la position nécessaire et centrale de Dieu lui-même. Le reste est contraste quand l'imperfection, le départ du bien est entré. L'homme ne devait pas être créé à cela, ce n'aurait pas été simplement bon. On peut ajouter peut-être l'idée de bonté positive envers tout ce avec quoi il était en relation comme centre et supérieur, mais ce que je dis renferme cette pensée: un ange, tout en étant bon comme serviteur quand il devait rendre service, n'était pas bon dans ce sens: il n'était pas placé comme centre et supérieur de ce qui l'entourait, à l'égard de quoi il devait se montrer bon. Vous trouverez mes explications, je le crois, un peu vagues, mais que voulez-vous; n'ayant rien de meilleur dans mon esprit, je vous le donne tel quel. Heureux sommes-nous d'avoir tout ce qui regarde ce que Dieu est pour nous, et notre nouvel état clairement révélé et défini.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 175  -  ME 1898 page 257

à Mr P.S.

Montpellier, 1er mars 1848

Je suis heureux, cher frère, de recevoir votre lettre au sujet des réunions des frères dont vous me parlez. Ce qui lie les coeurs est toujours bon et désirable, s'il y a seulement toute liberté spirituelle pour chacun de communiquer ce qu'il se sent dirigé par le Seigneur à communiquer.

J'espère que cela sera profitable. Au reste, je crois qu'on a plutôt manqué à cela, c'est-à-dire à intéresser les frères en général aux peines comme aux joies de ceux qui sont à l'oeuvre, ainsi qu'à l'oeuvre en général; mais, comme tout le reste, cela se fait mieux sous la direction de l'Esprit, car alors cela se fait de coeur.

Je désire cordialement (seulement que la discrétion spirituelle s'exerce comme un devoir), que les plus faibles des frères prennent part à ce qui intéresse l'Eglise. Souvent tel frère à peu près inconnu met plus d'intérêt, l'amour agit plus puissamment en lui, pour le faire prier, qu'en d'autres plus occupés et plus en évidence, et ces prières sont précieuses.

Je vous remercie aussi beaucoup des détails que vous me donnez de la part de V. et d'autres frères. Il est beau et encourageant de voir comment, par la fidélité du Seigneur, le bien se fait, et son Esprit agit au milieu de l'inquiétude de ce monde. Car on voit que son Esprit agit. Qu'on est heureux aussi de sentir que nous sommes sous la main de Dieu, qui compte les cheveux de notre Tête, et sans lequel pas un passereau ne tombe en terre, et que la toute-puissance de Jésus dans les cieux et sur la terre veille sur l'Evangile.

On peut être en paix où que ce soit; l'Esprit de Dieu veut aussi agir au milieu de tout le train qui se fait — et même s'en servir — aussi bien que parmi l'influence tranquille de l'Ennemi sur les âmes, bien que le chrétien aime la paix et s'attriste des passions des hommes et des jugements qui les accompagnent; mais il est en paix au milieu de tout cela. Au reste, ce qui arrive n'est que l'accomplissement de ce que nous attendons, et nous avons à bénir Dieu de nous avoir avertis à temps, et d'y voir l'accomplissement de ses desseins.

Ici, il y a certainement de la bénédiction, Dieu agit par son Esprit, et le témoignage des frères, là où il existe, se consolide en paix, je le pense. Il y a des difficultés et de l'opposition, et même on se donne beaucoup de peine pour s'opposer à nous; mais si nous pouvons manifester Jésus (et c'est beaucoup dire) d'une manière qui satisfasse plus ce qui est dans son coeur pour les siens, il nous frayera un chemin vers eux, et, c'est là ce que je lui demande de tout mon coeur. Je me sens faible, et très faible devant une telle pensée, mais il me rend heureux en m'appuyant sur lui.

J'espère aussi, quoique tout cela soit pénible pour les chrétiens, que les événements récemment arrivés dans ce pays, rendront les âmes plus sérieuses, et quel gain! Dans ce cas, j'en ai déjà même vu les fruits.

Peut-être notre temps arrivera, du reste il est déjà arrivé. Ici, les chrétiens sont passablement tranquilles, quoique naturellement un moment pareil mette la foi à l'épreuve, et cela fait voir aux âmes où est leur confiance, et où leur espérance.

Adieu, cher, frère, que notre Dieu vous accorde une paix profonde, une paix qui ne se fonde que sur Jésus, et vous remplisse de tranquillité dans son attente.

Que la parole de sa patience, et l'assurance de l'amour de notre Dieu, soient notre portion.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 176  -  ME 1898 page 269

à Mr P.S.

Plymouth? 6 mai 1848

… Probablement, si Dieu me le permet, je serai en Irlande la semaine prochaine, et je pense que j'aurai des nouvelles des amis.

En général, les frères d'Irlande sont très heureux et très unis, et ici aussi, il y a du bien, mais peut-être un certain manque d'énergie. Toutefois, la venue du Seigneur est beaucoup plus mise en avant, et les frères sont unis et heureux. La vraie doctrine de l'Eglise se fait jour aussi, me semble-t-il.

En effet, cher frère, nous sommes dans des temps sérieux, mais très heureux pour celui dont Christ est la portion et qui l'attend.

Cette révolution m'a fait beaucoup de bien; elle n'a changé aucun des principes que j'avais, mais j'ai réalisé puissamment que la marche du chrétien est indépendante du monde, et directement sous la main de Celui qui a toute puissance dans les cieux et sur la terre. Quel bonheur! Il me semble que, pour le moment, Dieu a arrêté le fleuve, au moins le débordement des principes des derniers jours, pour nous accorder, ou plutôt accorder au monde le temps pour que sa venue et le salut lui soient encore annoncés, et en même temps, particulièrement pour que les siens réalisent leur position comme Eglise, Epouse de Christ. Ceci est de toute importance. C'est une lumière qui éclaire, qui éclaire le chemin, et distinguera, j'en suis sûr, la marche de ceux qui jouissent de la lumière. On nous dira — Il s'agit de Christ, non de l'Eglise; c'est vrai, mais reconnaître les droits de Christ sur nous — reconnaître Christ comme l'Etoile brillante du matin, produit le sentiment, la conscience de notre relation qui fait que l'Esprit et l'Epouse disent: Viens!…

Que notre bon Dieu garde nos chers frères dans la simplicité et dans la force de cette unité. Je suis heureux de leur joie, et très heureux, cher frère, que votre chère femme retrouve ses forces. J'espère qu'elle se résigne avec douceur à la volonté de Dieu, bien qu'elle soit pénible à la chair.

Quelle délivrance pour nos frères du canton de Vaud d'être jugés indignes de servir leur patrie comme soldats!

Adieu, bien-aimé, saluez beaucoup nos chers frères. Je crois que notre bon Dieu, après nous avoir montré notre faiblesse, nous ramène un peu, mais il nous manque encore beaucoup d'énergie.

Votre très affectionné.

Lettre de J.N.D. no 177  -  ME 1898 page 295

à Mr P.S.

Plymouth, 8 juillet 1848

… Ici Dieu agit dans sa grâce en bien, depuis cinq semaines; il y a soixante-dix personnes, à peu près, qui avaient été égarées avec M. N., et qui sont rentrées au milieu de nous. Nous avons dû les voir; cela m'a donné beaucoup à faire. En général, elles viennent dans un bon état. Elles sont humiliées, et nous sommes heureux ensemble, car je n'ai pas vu trace d'un air de supériorité chez ceux qui les ont accueillies, mais de la joie à les revoir. Aussi Dieu y a ajouté sa bénédiction; ce n'est pas seulement autant de frères et de soeurs qu'il nous rend, et qui sont ainsi gagnés, mais il y a un sentiment d'ensemble et de restauration, le sentiment que Dieu y a mis sa main qui affermit et relève; et cela donne lieu à bien des actions de grâces.

Ils sont très heureux de revenir. Cela donne à faire; et il faut que j'y sois un peu pour renouer les relations et pour prendre la parole, car ils sont affamés; vraiment ils ont été comme privés de Christ. Ce n'est pas que nous soyons très riches, tant s'en faut, mais au moins, ils sont comme retrouvés par Christ qu'ils avaient perdu, et ils en ressentent naturellement de la joie.

Les réunions du voisinage qui étaient sous l'influence de ce parti, sont, à très peu de chose près, complètement et remarquablement tombées. La main de Dieu a été manifestée d'une manière extraordinaire. Le grand local qui pouvait recevoir onze cents personnes vient d'être fermé, sauf qu'on y tient une école du dimanche.

Dans le Yorkshire, il y a eu une oeuvre d'un très grand intérêt; je ne connais pas un endroit où l'action de l'Esprit ait été plus manifestée dernièrement, soit par des conversions, soit dans le rafraîchissement et le progrès des chrétiens affamés; il y a aussi des âmes ajoutées. J'en ai laissé de vingt à trente qui demandaient la cène, lorsque j'ai dû quitter pour mettre la main à l'oeuvre qui m'occupe ici. Il y a une certaine mesure de bénédiction ailleurs, de sorte que les frères ont été encouragés, mais c'est moins frappant comme oeuvre; toutefois la bénédiction est également réelle, et en général les frères sont en paix et cheminent, quoiqu'ils aient besoin d'être examinés et poussés à la séparation du monde.

Hélas! les événements (*) sont bien propres à attirer l'attention et à rendre bien précieuse la pensée que nous avons un royaume qui ne s'ébranle pas. Le pays a été comparativement tranquille, mais il y a un mouvement dans les esprits, qui donne l'éveil au monde. Toutes ces choses n'ont fait que fournir l'occasion au témoignage des fidèles, de ceux qui se trouvent assez près du Seigneur comme un refuge et un sanctuaire, pour s'introduire au milieu de tout cela, et qui ont la venue du Seigneur comme la clef ou plutôt la solution de tout ce qui se passe, et son amour, et ses sympathies, comme consolation et ressource au milieu de la détresse réelle qui pèse sur la classe ouvrière dans les districts manufacturiers, à l'occasion de tous ces événements.

(*) La révolution sur le Continent.

J'ai été très heureux, de pouvoir aussi présenter Christ, et trouver le chemin du cœur pour le Seigneur, au milieu de l'égoïsme affreux qui gouverne tout, ce système de fabriques en gros; on emploie le peuple comme des machines, et le peuple ne désire que profiter des maîtres tant qu'il peut, et les renverser si tout ne va pas à son gré; et puis, les incrédules, de vrais chevaliers d'industrie, viennent utiliser cet état des esprits dans un but infernal, comme instruments de l'ennemi.

Mais quel bonheur d'avoir, au milieu de tout cela, un Dieu qui est tout amour, un Christ qui en est l'expression parfaite pour le coeur et les besoins de l'homme. J'ai trouvé un bonheur infini au milieu de ces pauvres gens. Il y a une seule chose pour laquelle je désire vivre, pour laquelle je pourrais vivre dans ce monde, c'est pour être le témoin et l'expression de cet amour. Hélas! ce n'est pas de cet amour que je doute; ce que je désire, c'est de vivre assez près de Christ pour en être l'expression, pour m'approprier réellement tout ce qu'il est, pour qu'il soit reproduit dans ma vie, et dans toutes mes voies et mes paroles — tout, sauf lui-même, tend à nous en détourner; le succès d'une vie tant soit peu dévouée, l'influence qu'elle nous donne sans en avoir conscience, sauf dans les relations qu'elle produit avec les autres, tendent à nous faire sortir de la dépendance, à laisser libre cours à notre volonté. Si nous sommes près de lui, sa précieuse présence corrige tout.

J'ai profité considérablement, je l'espère, de ma lecture de 1 Samuel, en écrivant mon sommaire en français. La cessation de la sacrificature, l'établissement du prophète comme nouveau moyen de relations, et après cela le roi (David), m'ont ouvert l'enchaînement du livre, et lui ont donné un ensemble qu'il n'avait jamais eu auparavant, et une portée que je n'ai pas du tout encore saisie, mais dont le sommaire aura fourni, je l'espère, les éléments.

Je crains que, faute de diriger assez les pensées, peu de monde en profite. Si Dieu me fait la grâce de semer ce que d'autres moissonneront dans les âmes, je serai content.

Quant à La Chaux-de-Fonds, c'est un soulagement pour moi que Christ soit fils sur sa propre maison, — non pour que nous négligions cette assemblée, mais pour que nous ayons la consolation d'une main puissante, plus sûre que la nôtre, hélas! plus aimante, et qui fait contribuer toutes choses au plus grand bien de ceux qui aiment Dieu. Il supporte beaucoup en nous conduisant vers l'éternité; mais nous ne devrions pas, en fait de discipline, laisser passer le temps.

L'épreuve de la foi sera à louange, à honneur et à gloire, à l'apparition de Jésus Christ; voilà ce qui donne le but et le motif de l'épreuve. Le Seigneur nous soulage et nous rafraîchit souvent par des joies et des encouragements dans le chemin. Il est allé devant Israël lui chercher un repos dans le désert.

Qu'il soit avec nous, cher frère.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 178  -  ME 1898 page 300

à Mr P.S.

Montpellier? 20 février 1849

… Il se prépare une église libre en France, mais je ne crois pas qu'elle soit grand-chose, au moins si les frères sont fidèles, humbles, aimants, et de vrais porte-lumière, car Dieu voit qu'il y en a besoin dans ces jours-ci. Ce sont des jours de patience, mais où les pauvres âmes en ont tant besoin que cela fait du bien au coeur de leur fournir quelque chose de solide pour les soutenir dans ces derniers jours. Il me semble que, pour les fondements, l'église libre a mal débuté. Malgré cela ils ont dû suivre le mouvement, mais mal, et en y mêlant beaucoup de ce qui n'est pas de Dieu. Il y a pourtant de la foi personnelle, mais ils ne peuvent pas se défaire de l'idée de faire ici-bas quelque chose de grand et d'ecclésiastique. Dieu n'a pas besoin de tout cela maintenant. Les choses sont allées trop loin. Il faut des fondements et des vérités plus réelles, plus en Dieu, pour les jours qui viennent et qui sont. Au reste, ce sont heureusement des vérités précieuses et éternelles pour tous les temps. Voici ce qui fait la différence: ces messieurs parlent beaucoup de l'Eglise, car on en a parlé, mais point de l'Esprit ni de la Parole; de sorte que c'est une affaire arrangée sur la terre, même dans un pays où, au lieu d'être l'Epouse de Christ et de relever ainsi des vérités éternelles de son amour, on passe outre. La conséquence est que la Parole n'est pas d'une autorité réelle, n'est pas l'homme de bon conseil. Ils considèrent et voient les circonstances. Pourtant il y a de la foi personnelle, et Dieu les bénira en cela…

Lettre de J.N.D. no 179  -  ME 1898 page 313

à Mr P.S.

Montpellier, 10 juillet 1849

Je vous remercie, bien cher frère, de votre bonne lettre. J'ai eu du plaisir à la recevoir et à y trouver votre bon souvenir, et j'en bénis Dieu. Je réponds tout d'abord à vos dernières questions. Je dois vous dire que ces points ont été plutôt imposés à mon attention que recherchés par moi. Comme sauvegarde de bien des écarts, ils ont leur importance, mais ils ne sont pas le moyen de faire progresser ceux qui commencent à sentir, par des affections spirituelles, le besoin de marcher plus fidèlement avec le Seigneur. L'union des enfants de Dieu par la puissance du Saint Esprit descendu du ciel, en attendant le Seigneur Jésus, l'Epoux de l'Eglise; la séparation du monde qu'impliquait le fait d'être la fiancée de Jésus; le dévouement que réclamait chez les chrétiens le fait du dévouement de Jésus pour eux; le bonheur, au milieu de la confusion actuelle, de pouvoir se réunir, ne fût-ce que deux ou trois, en toute simplicité, avec l'assurance de trouver sa présence; voilà ce qui, en principe et en pratique, a influé sur mon coeur, une fois le salut connu, à l'entrée du chemin où Dieu, je n'en doute pas, m'a conduit. C'était de fait la même oeuvre de l'Esprit, pour la plupart de ces points, que celle qui me donnait la connaissance du salut. C'était un doux soulagement, en présence de ce que je me trouvais être d'un côté, et de ce que je trouvais être de l'autre le monde dit chrétien. J'avais le droit d'être heureux, et heureux avec Jésus, tout en étant faible. J'avais le droit de l'être avec d'autres chers amis et rachetés de Jésus, quel que fût d'ailleurs le jugement que les systèmes ecclésiastiques du jour portaient sur nous. Du reste, je ne pensais guère à ce jugement; j'étais content d'être heureux selon Dieu, et je ne pensais pas aller plus loin. D'autres s'y joignirent, et des vérités profondes quant à l'Eglise, et même le développement plus clair, de la doctrine du salut étaient réellement au fond de cette marche. Mais comme elle produisait une indépendance du clergé, basée sur des vérités fondamentales du Nouveau Testament, elle provoqua bientôt, à mon grand regret, des attaques de toute espèce. Je me plaignais, comme Jérémie, que ma mère m'eût «enfanté homme de débat;» mais la clarté et la force de la vérité, la fidélité au Seigneur Jésus, ne me permettaient point de reculer, étant convaincu, dès les premiers jours de mon affranchissement, qu'il y avait une Eglise une avec Christ, affranchie même par cette connaissance. Lorsque le clergé et les leurs suscitaient toutes ces questions, celle-ci se présentait. Où est-elle cette Eglise? Les dissidents avaient prétendu la rétablir; ils avaient totalement manqué de toute manière; avec des intentions très sincères, ils raisonnaient de la même manière que votre question le suppose sur l'état des églises primitives, disant que, puisque le Seigneur était avec les siens, l'Eglise était toujours en mesure de se réédifier. Voilà ce qui a donné lieu à toute cette discussion sur la ruine de l'Eglise, qui pour moi avait été jusqu'alors un fait moral, démontré à ma conscience par les chapitres 2 et 4 des Actes, plutôt qu'une doctrine. Celle-ci est un peu difficile à traiter dans l'espace d'une lettre, mais j'en dirai quelque chose.

Quant au mot «apostasie», on en a fait grand bruit sans trop de bonne foi. Voici ce qui en est: c'est le mot employé en grec, en 2 Thessaloniciens 2: 3. Or, les protestants, et en particulier ces mêmes personnes qui s'en plaignent maintenant, ont appliqué ce passage au système catholique romain, et ont tous enseigné l'accomplissement de l'apostasie en employant ce même mot et en déclarant que la révolte (l'apostasie) était arrivée et même consommée. J'ai employé le mot apostasie un peu comme tout le monde l'employait, seulement je ne limitais pas son étendue et ses conséquences au système romain. Si elle est arrivée, elle est arrivée pour tous comme avant-coureur du jugement. Je ne crois pas même que l'apostasie, dont il est question en 2 Thessaloniciens 2, ait publiquement éclaté, mais je crois que moralement elle a eu lieu; qu'en principe la chrétienté, quel que soit d'ailleurs l'état du résidu, a abandonné les fondements sur lesquels elle était établie, quoiqu'elle ne l'ait pas publiquement avoué. Je crois, en outre, que la parole de Dieu nous donne les instructions nécessaires pour un tel état de choses. Le chapitre 11 aux Romains nous fait voir que les chrétiens, comme les Israélites, ont été placés sous une responsabilité et que, s'ils y manquent, le retranchement en sera la conséquence, comme cela a eu lieu dans le cas des Juifs, — que, quelle que soit la patience de Dieu, ayant une fois manqué, le système ne se rétablit plus. La parabole de l'ivraie confirme pleinement cette doctrine. 2 Thessaloniciens 2, Jude, et une foule de passages montrent que le mal qui devait tout envahir, sauf un petit résidu aux derniers jours, agissait déjà du temps des apôtres. Les chrétiens ne sont qu'un résidu dispersé au milieu de ce qui, sous le nom de chrétienté, est l'objet des jugements de Dieu, et, quant au grand nombre, la demeure de la puissance de Satan. Il n'existe pas un corps tel que l'Eglise primitive. Il n'y a pas un corps, composé des personnes qui se reconnaissent comme faisant un ensemble à part du monde, et se réunissant en diverses localités comme tel. Jude se plaint de ce que certaines personnes s'étaient glissées parmi les chrétiens; il n'y a pas de lieu où se glisser maintenant; ce qui s'appelle chrétien, Eglise, c'est ce qu'on a à quitter si on a un peu de conscience. Ce n'est pas qu'il y ait un corps dans un mauvais état; il n'y a pas de corps, sauf ce qui est hostile à Christ ou indifférent; des gens qui sont tels que l'apôtre dit: «Détournez-vous de telles gens». Le Saint Esprit n'est pas reconnu comme source d'unité et d'union. Je crois que l'Eglise pourrait réaliser beaucoup plus qu'elle ne réalise actuellement, mais Dieu a prononcé le retranchement si elle ne persévérait pas. Il a dit le contraire quant à l'individu, et la raison en est évidente: dans ce dernier cas, il s'agit de salut; dans le premier, d'une économie et de la substitution du règne glorieux de Christ à l'Eglise déchue; et c'est ce qui entrait dans les desseins de Dieu aussi bien que le rétablissement d'Israël. Nous sortons de la corruption comme un résidu — le système est en chute et jugé.

Quant aux faibles, je trouve que ceux qui emploient cet argument, ne le font pas avec une entière bonne foi. Croyez-vous que Paul aurait imposé à tous les chrétiens tout le système judaïque, sous prétexte qu'il fallait penser aux faibles? Mais il a décidé le cas; il a agi de son chef dans l'intérêt de l'Evangile, mais aussitôt que la chose a été exigée (et c'est ce qu'ils font, car ils veulent que nous le fassions partout), il n'a pas voulu concéder la moindre chose, pas même pour une heure, afin que la vérité de l'Evangile demeurât. N'est-il pas évident que, si l'on devait faire tout pour plaire aux faibles qui exigent qu'on les suive, ce serait réduire la marche chrétienne universelle au plus bas degré de la faiblesse de foi, et que toute superstition quelconque pourrait être imposée à tous, et le christianisme dégradé au dernier point?

Je n'ai aucune preuve que l'imposition des mains (Hébreux 6) se rapporte au ministère. C'était le signe général de bénédiction. Ce chapitre propose ce qui pourrait être connu des principes que le christianisme reconnaissait, envisagé comme étant encore dans ses lisières judaïques, et tel qu'un Juif pieux l'aurait compris avant l'ascension et la Pentecôte. L'apôtre ne veut pas s'arrêter là.

Ephésiens 3: 6, je n'en doute nullement, veut dire que nous sommes héritiers, non pas héritage; nous avons l'héritage avec Christ (comparez Romains 8: 17). La première édition de Lausanne avait saisi le sens; la seconde a mal rendu le passage, comme les anciennes traductions françaises.

La ruine de l'oeuvre primitive faite sur la terre après la mort de Christ, est une chose formellement prédite dans la Parole. Lisez pour la pratique, Actes 2 et 4. Où est-ce que vous trouveriez maintenant un corps auquel une seule des épîtres de Paul pourrait être adressée, ou bien l'Eglise comme un tout répondant à Ephésiens 4 ou 1 Corinthiens 12? Je dis cela pour rendre la chose plus sensible, car l'état moral est pour moi beaucoup plus grave. La manière dont l'Eglise a totalement oublié l'idée qu'elle est l'Epouse de Christ, et s'est donnée au monde, la manière dont elle a introduit le judaïsme comme système de doctrine et de pratique, est pour moi incomparablement et infiniment plus grave que le côté extérieur. Il n'y a rien sur la terre, ni église locale, ni universelle, qui de fait agisse dans l'unité par ses jointures de fournissement comme un seul corps. Les chrétiens n'en ont pas l'idée. L'Eglise corps, s'étant corrompue peu à peu, était devenue le siège de la puissance de l'ennemi, et les fidèles, depuis des siècles, ont dû s'en séparer et marcher soit isolément, soit en de petites compagnies. La Réformation a relevé la doctrine de la justification, mais a totalement perdu et détruit l'idée de l'Eglise, en en faisant des masses attachées par districts politiques à l'état. Je vois souvent comme vous, dans la Bible, des églises remplies de misères, mais j'en vois qui sont reconnues de l'Esprit de Dieu comme telles, et je vois un corps, imparfait si vous voulez, mais où l'Esprit de Dieu faisait fonctionner les membres comme un tout, et qui, par l'intelligence du Saint Esprit, se reconnaissait uni à son Chef céleste comme tel. Aujourd'hui cela n'existe pas. Quoique des miracles soient des choses inférieures, on ne peut pas les laisser de côté, et voici pourquoi: c'étaient des preuves non seulement de la vérité qu'on prêchait, mais la puissance de Satan était jugée dans le monde par ce moyen. Satan était vaincu: l'Eglise, vase du Saint Esprit de la part de son Chef, en était témoin; elle le chassait et rendait témoignage à la victoire du Fils de l'homme. Elle a été infidèle, elle n'est plus une quant à sa responsabilité, et elle ne rend plus témoignage. Satan y gouverne en souverain dans ce qui se vante du nom d'Eglise et de l'unité. Ceux qui ne s'y soumettent pas sont des séparés.

Je vous écris à la hâte; je pars ce soir. J'avais eu la pensée de passer par le Béarn, mais je tiens à être de retour à Londres aussitôt que possible.

Votre affectionné frère.

 

Ecrivez-moi quant à la ruine de l'Eglise; la grande affaire, c'est d'être pénétré de ce que c'est que l'Eglise. Adressez: 14, Great Percy Street, Pentonville, Londres.

Lettre de J.N.D. no 180  -  ME 1898 page 333

à Mr P.S.

Nîmes, 18 septembre 1849

Cher frère,

Je craignais que ma lettre ne fût pas de grand profit, l'ayant écrite à la hâte avant mon départ. Je tâcherai de répondre à vos questions.

Quant à la controverse, je pense que les deux brochures m'ont ennuyé encore plus qu'elles n'ont pu vous peiner. Mais, cher frère, il faut quelquefois agir en ne tenant compte que de ce que Dieu veut. Vous ne connaissez pas toutes les circonstances. Quelle a été la patience qu'on a exercée, le mal que les brochures auxquelles j'ai pu répondre ont pu faire à d'autres qui étaient au fort de la bataille où vous n'étiez pas, les âmes troublées qui ont été mises au clair par ce moyen, et le but et la portée de bien des choses qui ont été dites à l'égard de Mr M. J'ai été le moyen par lequel il a quitté le nationalisme; je connaissais intimement toute sa famille qui a été pendant des années affligée du déclin spirituel de M. Depuis quatre ou cinq ans, je ne vais plus le voir (sauf quand son enfant a été malade). Il y avait de sa part un effort continuel contre la vérité, supporté par les frères avec une patience qui ne s'est jamais démentie dans des circonstances bien pénibles. Un frère bien doux m'accusait d'être sévère et me blâmait hautement, m'évitait même. Je le savais sincère et spirituel et je n'ai rien dit; après une année de rapports avec Mr M., il a été beaucoup plus décidé que moi à son égard. Je n'ai rien fait jusqu'à ce qu'il ait cherché à semer du trouble dans toutes les assemblées des chrétiens; et je ne crois pas avoir dit de lui des choses personnelles, malgré tous les titres affreux qu'il nous a donnés.

Quant à l'autre brochure, c'était encore plus désagréable, mais il s'agissait de grands principes mis en discussion. J'ai fait lire ma brochure à une personne longtemps en relation avec Mr D., ainsi qu'à une autre, afin que, en dehors des faits, il n'y eût rien de blessant. Vous ignorez la tendresse dont on a usé envers lui. Si vous lisez les Galates, vous trouverez que la sincérité n'est pas toujours un manque de charité, lorsqu'il faut garder des âmes contre des erreurs subtiles aimablement enseignées. Je comprends que vous ne sentiez pas ce que je sens; vous n'avez pas soigné et enseigné les âmes qu'on cherche à égarer. Mais épargner absolument un seul pour laisser détruire des centaines, n'est pas selon moi la charité.

Quant au but des auteurs, je suis en guerre franche, ouverte, constante, par la foi que j'ai dans la vérité de Dieu, non pas toujours par la controverse qui est extrêmement pénible, mais du fond de mon être. Je crois que la propagation de la vérité est, contre l'erreur, un bien meilleur moyen que la controverse. — Je puis me tromper quant à l'opportunité de cette dernière, mais si je tiens à la gloire de Dieu et au bien des siens, je suis nécessairement dans l'impossibilité d'être en paix avec leur système. Quant à leur personne, j'ai beaucoup d'affection pour Mr M., et j'espère être plein de charité envers Mr D. Je suis sûr de l'avoir excusé en bien des choses. Je suis fatigué des luttes; je dis quelquefois: «Malheur à moi de ce que ma mère m'a enfanté homme de débats;» mais aussi longtemps que Dieu m'en donne la force, je soutiendrai la vérité pour le bien de son Eglise. Il est facile à l'erreur d'être doucereuse, parce qu'elle est contente d'être admise sur un pied d'égalité. La vérité n'y consent jamais; en cela, elle a toujours l'air d'être dure et exclusive. Recevez tout ceci, je vous en prie, comme une preuve de ma confiance en vous. Je ne cherche pas à faire valoir autre chose que la vérité; je vous engage seulement à attendre et à remettre votre jugement.

J'en viens à vos questions. Il ne faut pas confondre la portion des Juifs selon l'administration sinaïtique, avec celle des individus fidèles de leur temps. Comme nation, leur portion est terrestre (toutefois, par la bonté de Dieu, pas d'une manière purement charnelle), mais je ne doute nullement que les individus ne jouissent de la gloire céleste par la résurrection. En même temps il ne faut pas confondre Abraham, Isaac, etc., avec l'ancienne alliance; celle-ci était établie au Sinaï, tandis que ceux-là vivaient de la promesse (voyez Galates 3); les David et les Samuel aussi. David, mon serviteur, le bien-aimé (Ezéchiel 34: 23, 24; 37: 24, 25, etc.), signifie, je n'en doute nullement, le Christ de la famille de David (je crois qu'il y aura aussi ici-bas, pendant le millénium, un prince issu de sa famille. Ezéchiel 45 et 46). Les mots «Tout Israël» sont employés pour l'ensemble, en contraste avec Juda ou les dix tribus. Ezéchiel 37: 11, prouve qu'il s'agit de la nation sur la terre; le verset 21 explique positivement le sens de la figure, figure employée ailleurs pour l'ensevelissement d'Israël parmi les nations. Il s'agit d'une figure, non pas d'un fait spirituel; comparez Esaïe 26: 19-21. Les méchants Israélites n'entreront certainement pas dans le pays. L'application de Ezéchiel 37 à Israël dispersé parmi les nations est hors de doute; les versets 11 et 16 présentent la même expression, toute la maison d'Israël.

Je crois que nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Christ qui a le droit de juger. Mais d'abord, nous sommes complètement justifiés et nous montons tous ensemble devant lui, étant parfaits en lui. Puis il y a une seconde chose: notre comparution n'a pas pour but de mettre en question notre acceptation qui est assurée par l'oeuvre de Christ, mais de reconnaître les services rendus par l'énergie de l'Esprit en nous, ou que nous ayons à subir, comme perte, la conséquence des défauts de ce service. A cet effet, étant montés, nous sommes devant son tribunal. L'effet de ce jugement paraîtra dans notre position, lorsque nous paraîtrons. Ces choses ne sont jamais confondues dans le Nouveau Testament.

Il ne faut pas confondre l'Eglise avec le système qui porte son nom, ni avec ce qui est dit en Romains 11. «Les portes du Hadès» ne prévalent pas contre l'Eglise, parce qu'elle est fondée sur la puissance du Fils du Dieu vivant. En employant le mot Eglise d'une manière vague, comme on le fait, Romains 11 s'y applique, mais c'est inexact. Israël n'est pas resté membre de l'Eglise, ni greffé de nouveau sur l'Eglise comme sur son propre olivier. L'olivier est le tronc des promesses sur la terre, dans la jouissance desquelles ceux qui font partie de l'économie actuelle sont entrés à la place des Juifs incrédules, comme aussi les Juifs devenus croyants remplaceront ceux-là. Mais ce n'est pas l'Eglise qui, comme telle, n'a ni prédécesseur, ni successeur. Elle avait été un mystère caché. La non persévérance a eu lieu, mais non pas encore le retranchement, à cause de la longue patience de Dieu. Il n'y a pas d'église rassemblée dans le monde telle qu'elle devrait l'être, selon la responsabilité de l'homme, mais elle ne saurait être perdue aux yeux de Dieu et de la foi. L'Ennemi ravit les brebis et les disperse, mais il ne les ravit pas des mains du bon Berger. Satan a réussi à disperser. Qui est-ce qui le niera? Mais Dieu garde les siens pour un rassemblement immanquable, et ils sont tous un aux yeux de Dieu. Le retranchement n'aura lieu que lorsque Dieu aura accompli ses desseins de grâce, et que le mal sera arrivé à un point que sa gloire ne pourra plus supporter. La menace est encore suspendue, non sur l'Eglise proprement dite, mais sur les gentils professant le christianisme, comme système ayant succédé aux Juifs ici-bas. Lorsque la menace sera mise à exécution, ce sera le plus beau jour qu'ait jamais eu l'Eglise. Au lieu du triomphe du hadès, elle montera une et triomphante vers son Epoux glorieux qui l'appelle. Jusqu'alors l'Eglise sera dans le monde, quelle que soit son infidélité.

Enfin, je crois que vous avez mal appliqué le mot rationalisme, qui veut dire l'autorité de la raison sur la Bible ou dans le domaine des choses dont la Bible traite. Mais la découverte des voies uniformes de Dieu dans la Bible, n'a rien de commun avec l'autorité de la raison. C'est se soumettre à ses instructions. Sans doute Dieu peut agir souverainement, mais il a mis ces choses expressément par écrit, pour que nous connaissions ses voies et que nous les apprenions telles qu'il nous les a révélées. Au reste, Romains 11: 22, est une autorité directe qui nous fait savoir qu'il agira à l'égard de cette économie de la même manière, et pour faire comprendre que le raisonnement est un raisonnement divin. Et même, j'ose vous dire que, quoiqu'on puisse être chrétien sincère, je ne crois pas qu'on puisse servir le Seigneur avec intelligence sans le comprendre et le croire. C'est la pierre de touche sur ces points-là.

Je dois aussi vous dire que les Notes sur les Hébreux sont de Sir R. O'Donnel, et pas de moi, afin que je n'aie pas une réputation aux frais d'autrui. Je ne vous en remercie tout de même pas moins, et je ne suis pas du tout moins réjoui que vous en ayez profité, car la vérité vient de bien plus haut que nous, ses pauvres, mais heureux instruments.

Vous avez été subitement plongé dans une foule de questions, qui se rapportent aux voies de Dieu, et qu'il est difficile d'embrasser toutes à la fois, mais notre Dieu est fidèle. Il y a toujours quelque danger, je l'éprouve moi-même, de se nourrir moins directement de Christ, lorsqu'on cherche à s'éclairer sur bien des points. Ceci nous arrive nécessairement au moment actuel. Je ne m'en plains pas, car c'est parce que Dieu agit dans son Eglise, mais je sens moi-même le danger, et il n'y a rien qui remplace les entretiens directs avec Jésus, et seuls ils peuvent même nous rendre capables de comprendre bien ce qui le regarde. Les affections, la mesure dans les affections, gouvernent le jugement beaucoup plus qu'on ne le pense, ou plutôt rendent le jugement juste, et alors tout le corps est plein de lumière. Le coeur, l'âme, voient tout à sa propre valeur; sans Christ cela ne se peut. C'est pourquoi il est dit: «Si ton oeil est net, tout ton corps sera plein de lumière». Combien le coeur est heureux lorsqu'il jouit de cette lumière pleine d'amour, de clarté et de bonheur éternel, dans l'affection d'un tel Sauveur. C'est lui-même, cher frère, qui est vie, et joie, et lumière, pour nos âmes; sans lui tout est ténèbres; avec lui, la joie est trop grande pour le coeur de l'homme. Que sa paix soit avec vous.

Je vous sais bon gré de m'avoir dit que mes brochures de controverse vous ont peiné. Je ne vous en ai pas recommandé la lecture; je n'ai pas la pensée de pouvoir vous satisfaire à leur égard, mais je garde mon jugement, sans dire que j'ai été parfait. Je dis seulement que vous devez savoir beaucoup plus que vous n'en savez pour pouvoir en juger. J'aurais préféré que vous m'eussiez dit sur-le-champ tout ce que vous en pensiez.

Vous ne vous plaindrez pas que je réponde brièvement à vos questions, car vous le voyez, je n'ai que juste la place pour le faire. Une question est plus vite faite qu'une réponse.

E. m'a un peu, mais très peu raconté de Pau. Cela m'intéresse beaucoup. Je serai très heureux de le visiter encore, si possible. J'attends la volonté de Dieu; je sens que son amour a des desseins de bonté à l'égard de cet endroit.

Vous ne savez pas que la seule mention qu'on ait publiée de la troisième brochure dont vous aimez l'esprit, était qu'ils l'avaient sous les yeux, et qu'ils étaient peinés que je pusse parler comme je le faisais des frères dans la détresse.

Je vous prie de saluer Mme S., et tous nos amis de Pau, et recevez, cher frère, les salutations bien affectueuses de votre frère dévoué.

Lettre de J.N.D. no 181  -  ME 1898 page 357

à Mr P.S.

Nîmes, 10 décembre 1849

Bien cher frère et ami,

Je profite du passage de notre frère F. pour vous accuser réception de votre bonne lettre. La plus grande joie que je puisse avoir des «Etudes sur la Parole», c'est qu'elles aient aidé des âmes à mieux apprécier notre précieux Sauveur, et que par elles la Parole soit devenue une révélation plus réelle de Lui au coeur. C'est tout ce que je désire. J'en ai profité ainsi en les écrivant moi-même, et je vous remercie de ce que vous exprimez le voeu qu'il en soit ainsi pour d'autres.

Je trouve que la connaissance de la plénitude de Jésus est une satisfaction toujours plus profonde, toujours plus sensiblement divine, en sorte qu'elle porte toujours davantage l'empreinte d'un bonheur éternel et dont on jouira avec le Père et avec le Fils. Nous savons que notre communion est avec eux. Quelle chose que d'avoir reçu l'Esprit Saint lui-même, pour que nous puissions être dans cette communion! On a par ce moyen une telle conscience d'être dans le salut, et on sait d'une telle manière ce que c'est que ce salut, que, tout en sentant sa faiblesse et sa misère, on comprend la parole du Seigneur: «Il n'aura jamais soif». On désire que tout passe, pour jouir pleinement de cette communion, mais on ne désire rien d'autre. Le calme que cela donne est profond, et en même temps il y a l'ardeur du désir de ce qu'on ne possède pas encore. Que notre Dieu est merveilleux et parfait en ses voies! Plus on avance et plus on est dans la lumière de son Esprit, plus aussi l'on voit que toutes ses voies sont parfaites en amour. Il emploie toute sorte de moyens pour nous, mais c'est lui-même qui est la confiance et la joie de la foi. On reconnaît la sagesse de ces moyens, leur bonté; — c'est ce qui nous convient, mais par eux on remonte à la source. Mais avec une joie parfaite et consolante, je ne suis pas satisfait: il y a cette Eglise si chère à Christ, qui devrait lui être comme une aide dans sa présence, pénétrée de son amour, et formée sous son oeil et selon son coeur. Hélas! je vois si peu de foi en cet amour, un coeur, hélas! qui compte si peu sur lui, qui se donne si peu à lui, que je me désole quelquefois à son égard, tout en étant joyeux. Comment être satisfait, si l'Epouse de Celui que nous aimons, lui seul, le déshonore malgré son amour? Je ne suis peut-être pas meilleur que cela, mais cela ne diminue pas l'affliction du coeur. Oui, je voudrais voir l'Eglise dans la foi, la confiance, l'énergie de l'amour de Jésus, car elle est aimée de lui. Je sens que quelquefois cela m'isole; mais j'aime mieux être isolé avec les affections de Jésus, que d'être dans une foule où ces affections sont obscurcies, sinon affaiblies. Du reste, je suis plein de confiance, car il aime son Eglise et il agit pour les derniers temps. Je ne doute pas que quelque incrédulité ne se mêle avec ce désir du bien des siens, sans cela on en réaliserait davantage; on verrait davantage la réalisation du désir du coeur: «la prospérité de ses élus». Je sais du moins que je le désire.

J'ai Pau assez sur le coeur, je le présente au Seigneur. Ici, nous sommes bien petits et dans une bonne position (quoique toutes les positions qui sont selon la volonté de Dieu soient bonnes), car tout le monde parle contre nous. Malgré cela, plusieurs âmes ont reçu du bien, mais quel peu de force pour les atteindre! Que Dieu bénisse tous les frères. J'aimerais bien visiter l'Ouest; Dieu sait quand il trouvera bon de m'en frayer le chemin. Je vous prie de me rappeler au bon souvenir de tous mes chers amis, en les remerciant d'avoir pensé à moi.

Votre affectionné frère en Celui qui nous aime.

Lettre de J.N.D. no 182  -  ME 1898 page 373

à Mr P.S.

Annonay? vers le 10 mai 1850

Bien cher frère,

Je vous remercie de votre lettre. Je pensais vous écrire pour avoir de vos nouvelles lorsque je l'ai reçue. J'étais en tournée dans les montagnes où, grâces à Dieu, il y a une bénédiction très sensible, et Dieu amène bien des âmes à la connaissance du Seigneur. Dans toutes ces contrées, il est évident que Dieu agit et de manière à réjouir le coeur en affermissant et ranimant la foi; c'est une occasion de bénir et de louer Dieu; j'en ai été fortifié. Lorsque Dieu se manifeste on se retrempe. Cela éclipse tant de choses qui autrement nous préoccupent, sans qu'il y ait par leur moyen de la communion avec Dieu. Je m'attendais à l'activité de ce pauvre Mr B. Il va sans dire que tous ceux qui sont dans cette position-là, s'ils ne rompent pas avec elle et ne la traitent pas comme un ennemi, sont entraînés et y perdent leur intégrité et leur conscience à l'égard des choses qui s'y rapportent. Je ne l'ai, du moins, jamais vu autrement. Plus je vois du clergé, plus je l'ai en horreur, tout en reconnaissant qu'il y a des enfants de Dieu dans son sein. Le système est de l'Ennemi. Je désire leur bien, mais je ne me fie en rien à ces pauvres amis. Quant à notre pauvre A., je ne suis pas étonné de sa démarche. Bien des choses m'ont fait voir qu'il ne savait pas où il en était, ou plutôt, qu'il ne cherchait plus sa direction immédiatement auprès du Seigneur. Je crains qu'il ne soit sur le chemin d'une chute ou d'un châtiment, mais Dieu est de long support. A. savait bien que ce qu'on faisait était mauvais; il se confiait aussi un peu trop à son jugement. J'espère que les frères marcheront dans une paix vraiment humble et pieuse, ne contestant nullement, et laissant à Dieu le soin de légitimer leur marche. C'est la vraie preuve qu'ils ont confiance en lui. S'ils ont la présence de Dieu, c'est tout ce qu'il faut. C'est la meilleure sanction et la meilleure preuve de son approbation.

Quant à la question si Sa présence peut être en deux endroits à la fois, je pense que, si une réunion absorbe sa présence si complètement, que l'autre en soit schismatique, la présence de Dieu ne sera pas dans cette dernière. Mais s'il y a deux réunions, par exemple l'une de baptistes et l'autre de pédobaptistes sincères et qui ne savent pas mieux, ne comprenant pas l'unité de l'Eglise, Dieu, qui est d'un long support, pourrait se trouver jusqu'à un certain point dans les deux. Si vous êtes réellement unis par la grâce, et que ce soit l'opposition à la vérité, des motifs charnels, qui retiennent les autres, la présence de Dieu ne sera pas avec eux. Si la chair s'est mêlée de votre séparation, Dieu peut vous châtier, vous exercer, vous priver de ceux qui tiennent à la bénédiction sensible plus qu'à lui, avant de vous bénir pleinement. Il pourrait laisser pendant un temps, comme moyen d'épreuve, ce qu'il n'approuverait pas. Même si la précipitation a laissé quelques âmes dans un milieu qu'il désapprouve, il pourrait encore bénir jusqu'à un certain point pour l'amour d'elles, tout en jugeant les autres après tout, car il gouverne parfaitement, et il aime les siens. Mais après vous avoir exercés il bénirait pleinement. Je présente tout cela comme principe, car je me blâme moi-même à l'égard de Pau, de ne pas y être resté l'année passée lorsque le rassemblement aurait été, en grâce, formé clairement à part. Mais, en vous attendant patiemment à Dieu, je ne doute nullement que vous ne soyez bénis, mais j'espère et je désire ardemment que la marche des frères soit paisible, jouissant du bien et laissant les autres de côté, au lieu de leur disputer le terrain; car le tort d'autrui ne suffit pas, il faut la grâce et le bien pour être béni et heureux. Si vous réalisez réellement la puissance de la présence de Dieu, cela même affermira les uns, et décidera la question de la part de Dieu.

Je bénis Dieu de ce qu'il a été donné à L. de reconnaître sa grâce; j'espère que, par cette même grâce, il persévérera jusqu'à la journée de Christ.

Vous continuez, je l'espère, votre grec.

… Saluez aussi affectueusement tous les frères. Ce n'est pas un mal qu'on soit exercé au commencement; mais, que la bénédiction de Dieu vous accompagne dans une marche fidèle, c'est ce dont je n'ai aucun doute. Au reste, Dieu, dans sa bonté, manifeste cela dans ce moment envers les frères. Recevez, cher frère, l'assurance de mon affection, et mes remerciements sincères pour votre accueil fraternel et hospitalier. J'en garde un souvenir bien doux.

Je ne sais si les W. partent pour la Suisse; s'il en est ainsi, j'espère les voir, car je pense, Dieu voulant, partir dans dix jours pour ce pays, et passer dix autres jours en route.

Je vous envoie un petit appendice aux remarques sur l'écrit de Mr Gaussen. J'ai à peu près fini la lecture de son premier volume en route. J'ai eu des compagnons désagréables jusqu'à Toulouse, et un jeune socialiste très intéressant depuis cette ville, à qui j'ai beaucoup parlé de l'Evangile, deux soeurs de charité nous écoutant. Son coeur était ouvert et candide.

Je suis assez bien, et j'ai fait jusqu'à 16 kilomètres de courses à pied pour prêcher, etc., de sorte que je ne puis pas m'occuper beaucoup de ma santé, grâces à Dieu. J'écris un peu à la hâte, étant surchargé de lettres arrivées pendant ma tournée dans les montagnes.

Paix vous soit, bien cher frère.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 183  -  ME 1898 page 377

à Mr P.S.

Neuchâtel, 4 juin 1850

J'ai vu notre cher ami E. Il a fait beaucoup de progrès, et il a tenu bon à Genève où le combat était assez fort pour lui. Mme qui craignait un peu l'opprobre est également allée à l'Ile (lieu de réunion) et elle y a été heureuse. L'oncle même est venu le soir entendre la prédication, ce qui m'a surpris.

Je suis ici le sac au dos, faisant mes dix à vingt kilomètres par jour pour les réunions, sauf quelques jours à Genève et à Lausanne où le bateau s'offre comme ressource pour visiter les villes et villages riverains.

Je suis peiné pour le pauvre A. Personne n'a parlé plus positivement, ni discerné plus clairement que lui le témoignage chrétien. On pense que c'est l'influence de sa femme dont la famille était très opposée. Il a dû se marier dans le temple; un pas qui descend vous précipite presque toujours beaucoup plus bas, car ce pas est l'abandon du Seigneur. Grâce à Dieu, lui peut nous ramener; je l'espère à l'égard d'A., mais je crains qu'il fasse bien des expériences, et je crois voir pourquoi. Dieu conduit les siens par la foi.

Il est triste, bien triste, de penser qu'un enfant de Dieu ne marche pas à la hauteur de sa vocation; et d'autant plus qu'on sent que la grâce et la force sont en Christ pour lui. Mais, pour le témoignage, Dieu veut ceux pour lesquels la volonté de Christ est tout. Cependant on sent le besoin de voir les enfants de Dieu «accomplis (dans le sens pratique) en Christ». J'ai été occupé dernièrement de cette pensée de l'apôtre: «Je travaille», dit-il, «afin de présenter tout homme parfait en Christ;» et ailleurs: «A la mesure de la stature de la plénitude de Christ». Il a devant ses yeux la perfection de la plénitude de Christ, homme dans la gloire, il veut que cela se réalise dans l'intelligence et dans le coeur, de sorte que le coeur soit formé et façonné selon cette plénitude, qu'il ait ses affections, ses pensées formées d'après ce modèle, que cette plénitude se transporte dans le coeur. Il sait que cela ne s'accomplira, de manière à nous rendre semblables à Christ, que lorsque nous serons dans la gloire avec lui, mais le coeur a vu et saisi cette gloire, la réalise en Christ, en jouit et se forme sur elle, en sorte qu'il est élevé moralement à cette hauteur. Sans doute il y a combat pour s'y maintenir, mais cela ne fait qu'augmenter notre connaissance du Christ, nous introduisant dans sa sainteté et dans les richesses de sa grâce. Or si nous sentons combien Jésus aime les siens, nous sentirons le besoin de les voir posséder Christ ainsi, être heureux et le glorifier selon son coeur. Nous y travaillerons selon ce qui nous est donné. Cela suppose un entier affranchissement dans nos relations avec le Seigneur. Il s'agit de le gagner et de le posséder, non pas de savoir s'il nous reçoit ou s'il veut nous condamner. Le chapitre 4 de l'épître aux Ephésiens, la liaison entre les versets 26, 27, du chapitre 5, Philippiens 3, Colossiens 1: 27-29, m'ont particulièrement amené à ce point et au besoin du coeur de voir les enfants de Dieu, ceux qui sont à Christ, être formés, réaliser cette perfection, et croître en lui selon la mesure de sa plénitude. Ce n'est pas ici une loi, mais la communication au coeur ici-bas de la plénitude de Celui auquel nous serons semblables, lorsque les desseins de notre Dieu seront accomplis à notre égard. Quelle immense grâce, et combien elle possède puissamment nos affections!

Cher frère, ma maladie m'a été certainement en grande bénédiction; je sens ma faiblesse, mais il n'en est pas moins vrai que l'amour de Dieu a un effet tout différent sur mon âme. Il ne s'agit pas d'une nouvelle vérité, ni de quelque chose de nouveau quant aux bases de mes relations avec Dieu, mais d'un repos beaucoup plus profond en lui, d'une paix plus constante, quoique auparavant j'eusse toujours la paix, mais d'une paix que je dois appeler d'affection. Elle me fait voir encore devant moi immensément à gagner dans la jouissance, dans la connaissance de cet amour, mais elle m'y place d'une manière qui fait demeurer en Dieu, comme l'apôtre dit, ou plutôt me fait savoir ce que c'est que d'y demeurer, comme je ne l'ai pas fait auparavant. Ce n'est pas que je sois meilleur, mais je suis changé dans ma position d'âme. Les mêmes combats, la même chair pour le fond, mais Dieu est autre chose pour moi; c'est ce qu'il est pour moi qui fait la différence, et non pas ce que je me trouve être pour lui. Je sens même que mon ministère est autre chose, quoique je prêche les mêmes vérités, mais il y a plus de Dieu lui-même; je le crois du moins.

J'espère bien en me rendant en Allemagne voir votre soeur; si Dieu m'ouvre la porte pour voir d'autres personnes, je m'en réjouirai.

Saluez affectueusement tous les frères. Je vous remercie beaucoup des nouvelles que vous m'en donnez, elles me sont précieuses. Que Dieu vous fortifie tous constamment en Christ.

J'ai été heureux dans mon ministère ici; il y a à faire. Le canton de Vaud va passablement, sauf dans un endroit; il y a une certaine langueur à quelques égards.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 184  -  ME 1898 page 395

à Mr P. S.

Lausanne, 20 août 1850

Bien-aimé frère,

Je suis inquiet à votre sujet, à la suite de diverses nouvelles que j'ai reçues soit d'E., soit de Pau. Si cela ne vous fatigue pas trop, faites-moi savoir comment va votre santé, et si votre faiblesse et votre maladie de poitrine ont en effet augmenté. Dieu est parfait dans ses voies, mais vous comprendrez que, quoique nous ne nous connaissions que depuis relativement peu de temps, et que mes occupations incessantes me privent du plaisir de beaucoup correspondre, les liens que Dieu, dans sa bonté, a formés entre nous, liens que le silence et la distance n'affaiblissent pas pour moi, produisent un grand désir de savoir comment vous allez. J'espère que la joie du Seigneur remplit votre coeur. Il y a déjà quelque temps que j'ai eu un grand désir de vous écrire, mais j'ai été en voyage jusqu'à Stuttgart. J'avais le projet de faire au retour une visite à votre soeur à G., mais tant de personnes à St-Gall étaient désireuses de me voir, que j'ai renoncé à mon projet de passer par l'Alsace, et me suis rendu à St-Gall; il est encore possible que je voie votre soeur, si je vais à Montbéliard;

… En général, il y a du bien en Suisse, sans rien de frappant, mais dans tous les pays l'Esprit de Dieu agit en dissolvant beaucoup de choses anciennes, en délivrant les âmes, en les amenant à la conversion, et en les rassemblant.

Paix vous soit, bien-aimé frère.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 185  -  ME 1898 page 396

à Mr P.S.

Nîmes, 16 janvier 1851

Bien-aimé frère,

J'ai été très heureux de recevoir quelques nouvelles de vous-même et de nos chers amis à Pau, bien que les vôtres ne soient pas bonnes après tout. Il est bon d'être dans les mains de Dieu, et quelquefois on le sent davantage dans la faiblesse que dans la force. Cependant mon coeur désire que votre corps prospère comme votre âme. Il est au Seigneur et le Seigneur est pour lui, mais il sait bien mieux que nous ce qu'il nous faut, ce qui est bon. J'ai été très réjoui d'apprendre que la chère assemblée de Pau est heureuse et même que quelques âmes ont été ajoutées. C'est toujours un signe que l'Esprit de Dieu agit, et il y a en cela une profonde consolation. C'est la présence, la proximité de Dieu et son activité en amour, qui relèvent, rafraîchissent le coeur, le mettent au-dessus des choses qui nous entourent et nous soustraient à leur influence.

Cette chère dame G.! J'avais reçu, cher frère, votre lettre qui m'annonçait sa mort, et je vous en remercie, mais c'était plusieurs mois après cet événement; or on m'en avait déjà communiqué la nouvelle et j'avais répondu. Cette soeur était mûre pour s'en aller vers le Seigneur, de sorte que la rupture n'a pas été grande. On sentait qu'elle appartenait plus au Seigneur qu'à d'autres. Cependant, quoique je ne l'aie connue que comparativement peu de temps, je n'ai guère vu d'âme à laquelle je me sois plus attaché. Elle aimait bien réellement le Seigneur. J'espère que sa chère fille Mme St. sera bien soutenue par Celui qui est notre force et qui nous aime, en sorte qu'elle puisse être en paix et se reposer sur Lui, comme si rien n'était changé, parce que Lui ne change pas. Cela donne une force que rien ne peut ôter; nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés; rien ne nous sépare de son amour. Que Dieu, si l'homme extérieur dépérit, la fortifie dans l'homme intérieur.

J'ai vu une jeune amie des dames E., dont j'oublie le nom, qui, convaincue que Christ était devant elle, l'a suivi en montrant beaucoup de fidélité dans des circonstances difficiles. Je parle d'une jeune soeur de Montbéliard. Je suppose qu'elles en auront entendu parler. Je bénis Dieu de ce qu'il a donné à ces dames la force pour marcher. J'espère que Mlle B. aussi est bien fondée dans la simplicité de l'Evangile.

J'ai toujours eu très à coeur l'oeuvre de Pau, parce que j'ai senti d'une manière positive que Dieu y agissait. Quand il le fait, tout va bien. J'ai encore l'espoir de m'y rendre pendant ma visite au midi de la France; mais je n'en sais pas précisément le moment, parce que notre frère V., qui travaillait de ces côtés, ayant perdu son beau-frère, s'est rendu vers sa soeur qui le demandait, et je ne puis guère abandonner l'oeuvre ici, mais je n'attends que le moment où Dieu me montrera mon chemin. Ce serait bien agréable et bien doux pour moi d'être chez vous, cher frère, seulement je désire ne pas trop encombrer votre maison qui compte maintenant plus d'habitants que lorsque j'étais chez vous. Il est possible et même probable que vous voyiez d'autres Anglais et Anglaises à Pau, dont plusieurs prendront la cène avec vous. Quatre ou cinq d'entre eux parlent le français. J'espère que Dieu me permettra de revoir encore Mme St. ici-bas. Nîmes exige de la persévérance dans l'oeuvre, mais si V. était ici, je serais libre. Au reste, la volonté de Dieu est toujours bonne.

G. est effectivement dans l'Ardèche, mais dans ce moment il est en tournée dans la Drôme.

Je vous conseille de vous procurer l'édition grecque du Nouveau Testament de Griesbach, si vous en voulez une bonne. J'avais une petite édition de Tischendorf très commode pour voyager, mais que je n'aime pas comme édition; il est décidément téméraire dans ses changements. Il existe une très jolie édition de Bagster, Londres, qui est une copie de l'édition de Scholz et beaucoup plus correcte quant à l'impression. Vous y trouvez en marge les variantes de Griesbach et autres. Le texte anglais se trouve sur la même page.

Saluez bien affectueusement tous nos chers frères et soeurs; j'espère les revoir par la bonté de Dieu, avant qu'il soit longtemps.

Paix vous soit, cher frère. Que le Seigneur nous garde tous deux bien près de lui, nous faisant vivre pour lui et pour lui seul. Pour quoi d'autre vivrions-nous? Qu'y a-t-il d'autre pour nous, si nous vivons? Aussi faut-il vivre de Lui, et quoi de plus doux, de plus glorieux?

Qu'il daigne nous garder.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 186  -  ME 1898 page 411

à Mr P.S.

Nîmes, après 10 mai 1851?

Bien cher frère,

J'avais commencé à vous écrire, et j'ai dû laisser ma lettre inachevée à Nîmes. Je vous remercie du soin que vous avez pris de mes lettres, et bien affectueusement, cher frère, de cet amour fraternel qui vous porte à vouloir de mes pauvres nouvelles. Je suis très bien arrivé, mais, comme vous pouvez le supposer, un peu fatigué, ayant passé trois nuits de suite en voiture, et la journée en visites à Toulouse, ainsi qu'à St-Amans-Soult où j'ai terminé, juste à temps pour prendre la voiture, une réunion dans laquelle j'ai été très heureux. Ce sont de bonnes gens, très simples…

A Nîmes, il y a accès auprès de quelques âmes, et ce seront plutôt les nouvelles, autant que l'homme en peut juger, qui rendront témoignage: il y a chez elles assez de fraîcheur et de vie, peu chez les anciens chrétiens. C'est, hélas! en grande partie un effort d'accommodation avec le monde, auquel l'alliance évangélique prête l'appui de ses formes, qui cachent souvent des choses assez peu satisfaisantes, et tout cela est appelé du nom de charité. Toutefois il est évident que l'Esprit de Dieu agit. J'ai passé hier soir à Vergèze, où la bénédiction de Dieu est très sensible. Le bruit qu'on fait au sujet de l'oeuvre de Dieu, et qui cache sous l'exagération humaine la profonde grâce qui y agit, m'est toujours très pénible, mais la grâce elle-même est de quel prix à travers tout! L'excitation et la publicité sont quelquefois terribles, comme on dit dans le Béarn, mais heureusement, l'oeuvre de Dieu demeure malgré le découragement qui fait suite à la surexcitation de plusieurs. Mais certainement l'Esprit de Dieu agit, et le progrès par lequel les chrétiens suivent le courant de la vérité à laquelle ils s'opposent, courant contre lequel ils luttent, est évident. Suis-je pour cela satisfait? Non, il s'en faut bien, mais je bénis Dieu. Mon beau idéal de l'Eglise, parce qu'il ne s'atteint pas, sert à rendre le ciel plus désirable; mais je crois que ceux qui ont les pensées de Dieu dans ce monde seront toujours tristes et toujours heureux, à part leurs propres fautes; heureux, parce qu'ils jouissent dans leurs pensées de la communion de leur Dieu; tristes, parce que ces pensées ne se réalisent pas autour d'eux; et à mesure qu'ils avancent, ils travailleront pour Dieu avec plus de patience, se contenteront davantage de lui-même, et ne lieront pas autant leur beau idéal avec l'homme. Il n'aura pas perdu son prix, loin de là; ils le voient plus dans sa source, moins dans sa réalisation, quoique rien ne soit changé à leurs idées. Cela vaut mieux; Dieu a une plus grande place. Le mal positif est moins le sujet de leur tristesse, car il a en partie disparu, mais il y a une tristesse plus calme. Ils comptent moins sur l'effet qui doit être produit dans les hommes: ce serait désolant, si Dieu n'en occupait pas la place. Avec quel autre sentiment Moïse a connu le peuple de Dieu à la fin du désert, que lorsqu'il a tué l'Egyptien! L'idée d'un peuple de Dieu captif lui serrait le coeur, — et un peuple de Dieu libre? Ne connaissait-il pas Dieu bien mieux? Et le lien qui unissait Dieu même à son peuple, sa fidélité et sa grâce, quelle leçon à apprendre! C'en était une pour l'éternité: un coeur content de l'état du peuple ne l'aurait guère apprise.

J'ai été frappé de la partie pratique du Psaume 63. «Ainsi que je t'ai vu dans le sanctuaire». Quand le coeur se tient là, il est impossible qu'on se contente dans la marche chrétienne d'une foule de choses qui peuvent satisfaire même la plupart des chrétiens; seulement, par le Saint Esprit, nous devrions savoir réaliser ce que nous y avons vu. Mais si le goût, la saveur, en restent dans l'âme, il est impossible au coeur d'accepter, comme étant ce qu'il cherche, des choses qui ne sont pas, en nature et principe, ce qu'il a vu. Christ ne pouvait pas descendre au-dessous de ce qu'il avait vu auprès de son Père: il disait ce qu'il savait, et rendait témoignage à ce qu'il avait vu; sa vie, ses relations, se formaient d'après ce qu'il avait vu et connu là. Il en était le témoin; quitter cela aurait été tout perdre, si la chose avait été possible. Or quelque imparfaits que nous soyons, ce principe est vrai pour nous, si nous avons vu ce que veut le coeur de Christ; on ne peut pas accepter comme christianisme ce qui n'est pas cela. Les hommes chrétiens peuvent avoir des projets, des plans, des systèmes; ils peuvent réussir et prospérer d'après leur manière de voir. Si ce n'est pas ainsi qu'on l'a vu dans le sanctuaire, on ne peut pas accepter cela comme sa marche; on serait infidèle à ce qu'est la valeur morale de Christ, le principe formateur de notre être.

Mais il faut que je vous dise adieu, cher frère. Que Dieu vous bénisse abondamment, ainsi que votre famille.

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 187  -  ME 1898 page 414

à Mr P.S.

Londres, 1852

Bien-aimé frère,

Voici bien des semaines que j'ai désiré répondre à votre bonne lettre et vous remercier de l'envoi des notes sur les Ephésiens. Dans cette immense ville les affaires surgissent constamment, et les communications qui ne tiennent qu'à la joie fraternelle font place à ce qui exige de l'attention comme affaire de devoir; mais votre lettre était là, devant mes yeux, pour solliciter une réponse, travail auquel je n'aurais été que trop heureux de vaquer. Je saisis un moment pour satisfaire au moins au désir de mon coeur, si je ne peux me satisfaire en disant tout ce que j'aimerais dire.

Je sympathise pleinement avec vous, cher frère, dans vos peines à l'égard de I. Ce sont des choses qui attristent le coeur. Quand on voit quelqu'un qu'on croit appartenir au Seigneur se laisser aller à sa propre volonté, c'est on ne peut plus pénible, mais Dieu se sert de nos actes pour nous guérir de ce qui les a produits. C'est pourquoi, tout en faisant sentir qu'on les désapprouve, on peut continuer à manifester de l'intérêt pour ceux qui les ont commis. Je ne comprends pas qu'elle n'ait pas eu dès le commencement la conscience de mal faire; peut-être était-elle étourdie et n'y pensait-elle pas du tout? Hélas! ce n'est pas étonnant! V. m'a écrit quelque chose de ses travaux à l'ouest de la France. Certainement notre bon Père agit dans ce pays en ces derniers jours. Pour moi, qui m'intéresse si fortement à l'oeuvre qui s'y accomplit, vous pouvez comprendre que, devant travailler ici dans ce moment, c'est une très grande joie de savoir que cette oeuvre y est bénie. Que le nom de Dieu en soit loué!

Grâce à Dieu, nous jouissons de sa bonté ici. Il y a des conversions et des âmes ajoutées au troupeau, et, en général, les frères sont heureux et marchent bien. B. m'a écrit aussi qu'il a trouvé la paix; j'espère qu'elle sera durable pour notre cher ami. Je crois qu'il y a en lui une oeuvre faite, qui ne l'avait jamais été auparavant et qu'il est tout autre. Mais après une telle agitation, l'ennemi peut chercher à le troubler encore, et, s'il ne se tient pas près du Seigneur, le troublera pour un moment. J'espère cependant qu'il y a un fond qui restera, et que sa paix sera permanente, mais tout le système moral se ressent en général d'une si longue lutte.

Quant à l'épître aux Hébreux, les avertissements contre la chute et les enseignements sur la grâce immuable ont la même source. Ils étaient en danger de la première de ces choses; l'autre était leur encouragement et leur ressource. Il faut se souvenir qu'il y avait des promesses faites à Israël comme nation, et que ceux qui avaient reçu le Messie entraient, jusqu'à un certain point, sous l'efficace du sang de la nouvelle alliance, comme sang d'alliance — et non seulement comme salut personnel. Il était très difficile de les empêcher d'y penser d'une manière charnelle. Or, dans ce moment, la ruine de la nation était proche — près d'éclater — et l'Esprit de Dieu avertit les croyants de ce peuple, en les exhortant à rompre avec tout l'ancien système et à sortir hors du camp. Il s'adresse à eux comme participants de l'appel céleste; c'est pourquoi aussi il leur parle d'être sanctifiés par le sang — vérités qui s'appliquent sans doute à nous, mais qui, par rapport à eux, ont une portée particulière. Or ils étaient particulièrement en danger de retourner en arrière vers le temple, les sacrifices et la sacrificature, qui subsistaient encore à Jérusalem. La perte de la spiritualité tendait à les entraîner dans une pareille marche et les induisait à se lier avec ce qui allait être détruit par le jugement de Dieu. De fait, cela est arrivé à plusieurs d'entre eux, et ils sont devenus une secte des plus fâcheuses, — les Ebionites, qui détestaient Paul et reniaient la vérité quant à Jésus, sur les points traités dans l'épître aux Hébreux. Cela fait comprendre pourquoi cette épître est remplie d'avertissements contre le retour en arrière, danger auquel les circonstances les exposaient d'une manière particulière. La gloire de la personne de Jésus, le caractère céleste de sa sacrificature, l'ordre nouveau auquel appartenait cette sacrificature intransmissible, le vrai tabernacle céleste, toutes ces choses ont une application évidente à leur position. La nécessité de la persévérance pour jouir du vrai repos qui attendait encore le peuple de Dieu. En même temps ils avaient besoin des encouragements dont vous parlez pour soutenir leur foi, quand ils voyaient tomber tout espoir d'un repos dont le peuple pouvait jouir ici-bas par le retour de son Messie. Ils avaient besoin que leur foi fût en même temps plus céleste dans ses objets et plus ferme en elle-même. Les avertissements tels que l'allusion à Esaïe 6: 4; 10: 26 et suivants, découlent de la même source. La nation avait vu Jésus, et elle l'avait rejeté, mais ceux-ci l'avaient reconnu après; ils l'avaient reconnu dans son caractère céleste. Ils faisaient partie d'une congrégation où la puissance du Saint Esprit se déployait, et ils avaient eu part à ce don. Ils avaient reconnu que le sang de la nouvelle alliance avait été répandu, et avaient été mis à part pour Dieu par son moyen. Or, s'ils rejetaient tout cela, ce n'était plus comme les Juifs qui, dans leur ignorance, l'avaient rejeté. Ils le rejetaient pour eux-mêmes, sciemment, ils se retiraient pour la perdition. Ils se retiraient d'une chose dont la puissance leur était connue, que ce fût par préférence pour le péché, ou par crainte de la persécution, ou bien, qu'entraînés vers leurs anciennes habitudes, ils retombassent dans le judaïsme charnel. Pour peu que leur spiritualité s'affaiblit, tout était là pour les recevoir selon leurs anciennes habitudes et les choses autrefois établies de Dieu. L'apôtre les appelle à regarder aux choses célestes, et place devant leurs yeux la gloire de la personne de Christ.

J'ai traité en principe, sinon en termes positifs, les autres passages: 3: 6 et 14. Dans un certain sens, la persévérance est une condition — celui qui renonce au Sauveur en qui il professe de croire, ne jouira pas de sa gloire. La parole de Dieu s'adresse à dessein à notre responsabilité, mais cela ne change ni la nature de la vie que nous avons reçue, ni la fidélité de Celui qui la soutient. Ce n'est pas seulement son intercession qui y pourvoit, mais le fait que la vie est en lui, et parce qu'il vit, nous vivrons. Mais Dieu veut que nous réalisions cette vie; il veut que nous le mangions et que nous vivions par lui. Nous sommes gardés par la puissance de Dieu, par la foi. Toute la vérité a ce double aspect; il nous vivifie souverainement par l'Esprit, mais il agit par la Parole, afin que ce soit une vie intelligente, morale, pure, et de communion. De la même manière il est notre vie, mais cette vie dont il est la source et la force immanquable, a lui-même aussi pour objet. La puissance de Dieu nous garde, mais elle nous garde par la foi. Elle nous fait persévérer dans la foi, et ainsi c'est la communion; sans cela, il n'y aurait pas de bonheur à être gardé. Même c'est ce que c'est que d'être gardé, car une vie sans Dieu et son Christ pour objet, que serait-elle? C'est pourquoi l'apôtre qui parle le plus de la vie communiquée dit que connaître le Père, seul vrai Dieu, et Jésus qu'il a envoyé, c'est la vie éternelle.

Il me semble que l'épître de Jacques a un caractère particulier, ainsi que la prophétie de Jonas. C'est le dernier appel adressé aux Juifs, ainsi que Jonas aux gentils, montrant aussi le rapport de Dieu avec ces deux classes de personnes, quelle que fût la relation spéciale qu'il avait formée avec les vases de son élection. Mais, tout en s'adressant à tout Israël, comme corps, mais pas encore jugé et rejeté finalement de Dieu, il s'adresse comme chrétien et apôtre à ce corps, en vue de la foi du vrai Messie, selon le principe des Psaumes qui s'appliquent aux derniers jours. Certainement Dieu est bon envers Israël, savoir ceux qui sont nets de coeur; or Dieu était bon pour Israël, mais cela ne s'appliquait qu'à ceux qui croyaient en Jésus, en un mot, aux chrétiens dans le corps. Les menaces s'appliquaient bien aux autres, comme à des objets du jugement qui les attendait, soit de Dieu, soit du Seigneur, et qui leur est de fait arrivé, comme nation, provisoirement dans la destruction de Jérusalem. David aurait pu — et il l'a fait — adresser des exhortations à Israël, objet des soins de Dieu, lorsqu'il n'y en avait que quelques-uns du peuple qui marchaient selon la volonté de Dieu; ainsi aussi Jonathan, seul avec celui qui portait ses armes, parle de la fidélité de Dieu envers Israël. Nous avons de la peine à nous placer au point de vue des voies de Dieu à l'égard de son peuple terrestre, maintenant qu'il n'existe plus. De même, en tant qu'adressées aux chrétiens qui faisaient encore partie de ce corps d'Israël non rejeté, les exhortations s'appliquent à tout chrétien, mais en le prenant sur le terrain le plus bas du christianisme. Je ne sais si je me fais comprendre.

Je crois que la foi comme don, est celle qui donne une force particulière pour accomplir des entreprises, pour résister à l'invasion de l'ennemi, pour remuer les montagnes, pour ne pas fléchir dans des temps particuliers, et elle peut être la portion de quelques-uns seulement, ou encore de personne, malgré la présence de chrétiens, si Dieu ne veut pas soutenir un témoignage. Cette foi s'attend à l'intervention de Dieu, selon les besoins du moment.

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre bien affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 188  -  ME 1898 page 438

à Mr P.S.

1852

Bien-aimé frère,

Il faut traverser les peines comme les joies, cher frère, dans l'Eglise de Dieu. Il s'agit toujours ici-bas de combattre le bon combat. Le repos sera ailleurs, mais en possédant Christ, le bonheur nous accompagne tout le long du chemin. Je sympathise avec vous dans vos peines à l'égard des jeunes filles. Ces difficultés ne m'étonnent pas: c'est un esprit qui se réveille à tel moment où l'ennemi entre; il est contagieux et la foi de toutes est mise à l'épreuve. Il n'y a que Christ qui dure et qui mette le coeur à l'abri des attaques de l'ennemi. On m'avait parlé d'E. M… Remets toutes choses à Dieu. Sa femme est toujours une difficulté; de plus, elle est soeur d'un missionnaire, ce qui est un piège. Dieu fait, souvenons-nous-en, contribuer toutes choses au bien de ceux qui l'aiment. Il gouverne son Eglise, et à la longue la marche à travers le désert, montre tout ce qui est dans nos coeurs. Tant mieux. Chez les autres cela nous désappointe quelquefois, mais si nous ne nous trouvons pas près du Seigneur le même principe nous égare aussi, et quelquefois cependant nous pensons être sages tout de même. Ce pauvre B.! sa volonté n'a jamais été brisée comme il faut. Vous avez bien fait de l'engager à se taire; Dieu le tient serré; tout cela date de loin. D'un autre côté, les frères devraient avoir une grande sympathie et beaucoup de compassion pour lui. C'est ce qui convient quand quelqu'un est sous la main de Dieu. Nous aurions pu y être nous-mêmes! Que Dieu le délivre, mais il faut pour cela une oeuvre profonde dans son coeur.

J'espère bien à la fin de l'hiver ou au commencement du printemps avoir la joie de vous voir. En attendant, je vous prie de saluer affectueusement les frères et de recevoir, ainsi que Mme et vos chers enfants, mes bien cordiales salutations.

Lettre de J.N.D. no 189  -  ME 1898 page 439

à Mr P.S.

Montpellier, 19 avril 1853

Cher frère,

Une réunion ayant lieu ici le mercredi soir, je ne peux guère partir avant jeudi, et selon les heures des diligences je n'arriverai que le dimanche matin à Pau; mais je serai, Dieu voulant, à temps pour la réunion.

Les frères ont été très heureux à la conférence. E. y était; plusieurs qui sont venus abattus, sont partis joyeux. Que Dieu leur conserve leur joie. Du reste, les portes sont ouvertes ici; presque partout le nombre des auditeurs augmente, et les réunions s'accroissent, belle réponse aux persécutions qu'on subit, qui après tout ne sont pas très graves, quoique pénibles quand on les subit.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 190  -  ME 1898 page 440

à Mr P.S.

Montpellier, 1ers jours d'août 1853

Bien cher frère,

Je vous envoie par le moyen de notre frère V. les trois premiers évangiles et quelques feuilles de celui de Jean, dans la pensée que vous les ferez imprimer à Pau. Je n'ai pas pu relire à temps la fin de Jean et les Actes. Je crains d'avoir très mal fait cette révision; la forme et la portée des évangiles s'y trouvent bien, mais je crains beaucoup que l'onction y manque. Ce n'était pas mon dessein de faire dans cet ouvrage des méditations et des applications, mais je jouis du moins beaucoup plus de celles-ci. D'un autre côté, je crois qu'on a le but des évangiles en fait d'exégèse, comme on ne l'a pas ailleurs, mais c'est trop en rapport avec les économies. C'est le meilleur genre de réponse aux rationalistes. On voit la raison morale, la raison d'une foule de passages dont ils ne connaissent entièrement ni le sens, ni la portée, faute d'avoir une vue d'ensemble.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 191  -  ME 1898 page 456

à Mr P.S.

Montpellier, 6 août 1858

Bien-aimé frère,

Je crois que Dieu a dirigé ma décision de rester dans les Cévennes, au lieu de repartir pour les Pyrénées, quoique j'eusse bien aimé vous revoir. J'ai été très heureux en parcourant ces montagnes; l'oeuvre est un peu pénible, à cause des chaleurs et des insectes; sur dix nuits, j'en ai passé six hors de mon lit, ce qui ne rafraîchit pas beaucoup; mais Dieu m'a fortifié. J'ai eu partout de bonnes réunions; j'ai senti Dieu avec moi, beaucoup du moins pour ma très petite mesure de foi. Les âmes recevaient, avec une attention produite par le Saint Esprit, la plénitude de la rédemption et de Christ, que Dieu, je le crois, me donnait plus particulièrement de mettre en avant. J'ai été frappé de l'expression suivante, comme celle de la conscience que l'apôtre avait de la puissance de la vie de Christ: «Que ce qui est mortel soit absorbé par la vie» (2 Corinthiens 5: 4). Tout ce qu'il dit de la mort dans cette portion de l'Ecriture est fort remarquable, à commencer par le chapitre 1er. Mort en Christ à ses propres pensées, il voit une telle énergie divine en Christ considéré comme sa vie, que l'état mortel dans lequel son corps existait de fait, serait selon son désir absorbé par cette vie et disparaîtrait. Quelle bénédiction et quel bonheur de la foi. La résurrection est une autre forme de cette puissance, mais on devrait la réaliser pour qu'elle soit intérieure, comme l'apôtre le fait, et ceci montre l'importance d'une attente constante de Christ, qui se lie à cette absorption de ce qui est mortel.

Votre bien affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 192  -  ME 1898 page 457

à Mr P.S.

Londres, novembre 1853

Bien cher frère,

Je vous remercie beaucoup de la peine que vous vous donnez pour arranger mes Etudes. Le renvoi des cahiers a été un peu retardé, parce que j'assistais à une conférence à Bath, où nous avons lu 1 Jean et les Actes, et où, grâces à Dieu, la présence de Dieu et sa bénédiction ont été très sensibles. Nous en avons beaucoup joui, mais je crois qu'il y a eu une grâce permanente accordée aux âmes en général; il me semble que les frères se retrempent et s'encouragent dans le Seigneur; les portes aussi tendent à s'ouvrir. Pendant la conférence, j'ai tenu une suite de trois réunions publiques à Bath, dans l'Hôtel de Ville; nous avons eu près de huit cents personnes extrêmement attentives et sérieuses. C'était sur la venue du Seigneur. En plusieurs endroits, des âmes sont ajoutées.

A l'égard de Romains 3: 22, voici, je crois, le sens: La justice selon la loi était une justice d'homme, aussi n'y avait-il que les Juifs qui auraient pu y avoir part. Mais de fait l'homme y a totalement manqué; une telle justice n'existe pas. Or la grâce a accompli et nous présente une autre justice, savoir la justice de Dieu. Cette justice de Dieu, en tant qu'étant de Lui, n'est pas plus celle du Juif que du gentil. C'est la justice de Dieu pour tous; pour les uns comme pour les autres. Elle est sur tous (appliquée à tous) ceux qui croient.

Quant au verset 21, voici, je crois, ce qui en est: Maintenant à part la loi, en dehors de la loi, une justice de Dieu est manifestée, etc., justice de Dieu, dis-je, par la foi en Jésus Christ pour tous, et sur tous ceux qui croient. Elle n'est pas de la loi, mais tout à fait en dehors; elle est de Dieu — mais de Dieu, par la foi de Jésus Christ pour tous — c'est le moyen et l'étendue de son adresse, n'étant pas par la loi pour des Juifs, ni absolue en Dieu, mais par la foi en Jésus Christ pour les gentils, comme pour les Juifs; car tous ont péché, Juifs aussi bien que gentils, et ne sauraient présenter une justice d'homme à Dieu. Tous n'ont pas cette justice de Dieu, elle est sur ceux qui croient, puisqu'elle est par la foi en Jésus Christ. Je pense comme vous que c'est par la foi en son sang.

Quant à l'autre question, je n'ai aucun doute sur la vérité de ce que vous dites. La mort de Christ, tout en étant la mort d'un véritable homme, n'aurait eu aucune valeur s'il n'avait pas été Dieu; et en Hébreux 1: 3, la purification de nos péchés est présentée comme une partie de sa gloire divine, tout en étant accomplie dans son humanité.

Je ne doute pas qu'on ne puisse et ne doive présenter Christ comme Sauveur à tout homme. La parole de Dieu me semble parfaitement claire sur ce point. Mais je pense que fouler aux pieds le sang de l'alliance, se rapporte à une autre chose, savoir à ceux qui, d'entre les Juifs, étaient venus au milieu des chrétiens, s'étaient joints à eux comme chrétiens, et puis s'en étaient retournés au milieu des Juifs, en reniant le Christ après l'avoir reconnu.

Vous trouverez les deux principes juxtaposés en Jean 6: 39, 40; et aussi en Jean 5: 21 et 40, où il parle de tous les témoignages qu'il a présentés aux Juifs.

Il faut que je m'arrête. Recevez, bien-aimé frère, l'assurance de mon affection cordiale et du doux souvenir que je conserve de vous et de votre bienveillance.

J'ai de bonnes nouvelles de Saint-Jean-du-Gard. Je crois que la petite échauffourée que j'ai eue là avec la police, malgré moi, a été utile, et à moi-même, et à l'oeuvre, mais en réalité, sauf que cela dessinait les choses en témoignage, ce n'était rien.

Saluez affectueusement les frères et toute votre famille.

Votre tout affectionné

Lettre de J.N.D. no 193  -  ME 1898 page 475

à Mr P.S.

Londres, 11 mars 1854

Bien cher frère,

Au fond vous avez parfaitement raison quant à l'épître aux Hébreux; je n'ai que quelques remarques à faire. Dans cette épître, il est clair que l'Eglise n'est pas vue dans son unité comme corps de Christ; la tête est vue à part, Christ comme intercesseur pour les saints qui sont envisagés individuellement. Il est précieux pour nous de connaître Jésus dans ce caractère. En lui nous sommes parfaits devant Dieu, mais notre faiblesse, nos difficultés, même nos chutes, nous font connaître le Seigneur dans l'intérêt qu'il nous porte. Le sentiment de son intercession maintient en nous un esprit de dépendance, de confiance, et des affections tendres et reconnaissantes. Ce n'est pas que nous allions vers lui pour qu'il intercède, mais il intercède pour nous, de sorte que nos besoins et nos faiblesses deviennent l'occasion de l'exercice de la grâce. La justice n'est jamais mise en question. Il est notre justice et il ne change pas, mais chaque jour apporte des mouvements du coeur qui se rapportent à la grâce et aux soins tendres et patients de Dieu, sans toucher à son immuable sainteté. L'intercession de Jésus concilie la faiblesse actuelle où nous nous trouvons, avec la perfection absolue de la position dans laquelle nous sommes devant Dieu en vertu de la rédemption; elle nourrit la dépendance et la confiance, les entretiens de l'âme avec Dieu au sujet de ses fautes, de ses besoins et de ses faiblesses. Rien de plus précieux! Si nous n'étions parfaits quant à la justice, nous ne pourrions le faire.

Quant à l'alliance, on comprend bien qu'il s'en occupe avec les Hébreux. C'était leur affaire, et son but était de les détacher de la loi et de tout l'ancien système qui allait être mis de côté. Ils devaient sortir hors du camp où Pierre même les avait laissés. Ainsi il montre que l'ancienne alliance, tout en ayant été ordonnée de Dieu, devait être, selon le témoignage de Dieu, mise de côté pour faire place à une autre. Il ne parle guère de cette seconde, sauf pour montrer que la première ne saurait être perpétuelle, puisqu'il devait y en avoir une autre. Seulement Christ est ministre d'une meilleure alliance. Le point où nous sommes arrivés à cet égard est celui-ci: Dieu a fait ce qui était nécessaire pour l'établir le sang de l'alliance a été versé pour la rémission des péchés. Les Juifs, comme nation, l'ont rejetée, et son établissement avec la nation est, comme vous le dites, renvoyé; mais Dieu, en ayant posé les fondements, nous jouissons de l'effet de la grâce qui s'y trouve. Seulement d'autres révélations nous ont placés sur un terrain bien plus élevé et nous ont fait connaître des privilèges encore plus excellents. Mais, devant expliquer aux Hébreux (durs d'oreille moralement et qui avaient encore besoin des éléments, car les privilèges religieux sur un pied inférieur, sont une grande entrave), que le système devait être changé, il a dû les prendre (puisque Dieu avait établi le premier système) sur le terrain où ils avaient été placés par Dieu lui-même. Ainsi nous avons, nous aussi, toute l'instruction nécessaire pour nous faire comprendre le développement des voies de Dieu. Aussi la personne de Christ, soit comme apôtre, soit comme sacrificateur, Dieu et homme, en relation avec les communications entre Dieu et l'homme, est placée devant nos yeux d'une manière pour laquelle la perfection de l'Eglise en Christ ne fournit pas l'occasion.

Dieu agit si sensiblement dans ce moment en Angleterre, que l'oeuvre réclame des ouvriers. Ce n'est pas qu'il y ait grand éclat, mais les portes sont ouvertes à Londres; on ne peut pas recevoir la foule qui vient, et il y a eu peut-être une trentaine de personnes ajoutées pendant le mois qui vient de s'écouler. Des circonstances qui ne se répéteront probablement pas de sitôt en ont été la cause, mais ces circonstances sont un cas frappant de l'oeuvre de Dieu. A la campagne aussi, Dieu ranime et encourage les frères; on sent que, dans sa grande grâce, sa bénédiction repose sur eux, aussi les chrétiens du dehors s'occupent davantage de la vérité et de la venue du Sauveur. Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait pas de difficultés ni de combats, vous le comprenez bien, mais Dieu agit. La crise par laquelle nous avons passé à l'occasion de Béthesda, nous a purifiés de bien des éléments hétérogènes et funestes, et Dieu nous ayant humiliés de ce que nous avons été assez négligents ou ignorants pour les admettre, nous fait croître maintenant d'une manière plus pure et plus selon lui. Qu'il nous garde dans une profonde et continuelle humilité, c'est ce qu'il nous faut toujours et en particulier dans ces temps-ci.

J'ai reçu de très bonnes nouvelles de Marseille depuis que j'ai commencé cette lettre. Notre cher frère B. y est béni dans l'oeuvre.

Saluez cordialement Mlle M. J'espère qu'elle jouit de la communion du Seigneur et qu'elle est heureuse dans cette jouissance: la rédemption et la victoire de la vie en Christ sont parfaites et nous introduisent dès à présent dans un bonheur ineffable; toutefois ce n'est que l'avant-goût de ce que nous posséderons plus tard.

Le fait que la vie nous est présentée objectivement en 1 Jean 1, et comme introduction aussi (puisqu'elle est dans le Fils), dans la communion du Père et du Fils, a été dernièrement une très grande source de bénédiction pour moi, ainsi que la perfection de la rédemption.

Paix vous soit, et que Dieu vous garde près de lui, bien-aimé frère.

Votre bien affectionné.