Introduction au Cantique des Cantiques

 ME 1898 page 78

 

«Dieu habiterait-il vraiment avec l'homme sur la terre? Voilà, les cieux, et les cieux des cieux ne peuvent le contenir». Telle était la pieuse exclamation du roi d'Israël, de celui qui écrivit ce livre dont, avec la grâce du Seigneur, nous nous proposons de nous occuper un moment; telles étaient ses paroles quand la gloire de l'Eternel fut venue remplir la maison qu'il avait édifiée.

Mais il en est vraiment ainsi. Le Fils de Dieu, le compagnon de Jéhovah (Zacharie 13: 7), Celui qui était «auprès de Dieu» et qui «était Dieu», a été manifesté en chair, et a conversé avec nous ici-bas. Il a habité avec les hommes sur la terre; il a dressé sa tente parmi nous; il fut Jésus, et tel nous l'avons connu. Il fut un homme, un ami et un frère, un Maître et un compagnon. Il réclamait la confiance; il recherchait la sympathie et l'éprouvait aussi. Et actuellement, nous le connaissons encore comme homme; aussi véritablement homme au milieu des splendeurs et des gloires du ciel, qu'il l'était autrefois parmi les ruines et les douleurs de la terre; aussi capable de comprendre maintenant, par sympathie, les souffrances de ses saints, que lorsqu'il parcourait ici-bas les villes et les villages, prenant sur lui nos langueurs et portant nos maladies.

Et que sera-t-il dans les âges de l'éternité? Toujours Jésus, Jésus uniquement. La domination sur toutes choses lui appartiendra comme homme, puis la scène changera une seconde fois: de même qu'autrefois elle fut transportée des cités et des villages d'ici-bas au temple actuel dans le ciel, elle passera de ce temple au royaume de gloire; mais c'est toujours «l'Homme Christ Jésus» qui passe d'une scène sur l'autre. Précieux mystère! L'humanité qu'il a prise une fois, il ne la laissera plus jamais. Ainsi, dans cette humanité, un temple a été fondé pour que la gloire y habite, un vase a été formé pour contenir et répandre la bénédiction, une Personne est venue pour manifester Dieu, et un instrument a été préparé pour l'exercice du pouvoir et du gouvernement; le tout approprié aux conseils de la divine sagesse et aux desseins de la divine bonté.

Combien ces choses sont merveilleuses! Qu'elles sont consolantes et propres à encourager l'âme, si seulement nous avons assez de délicatesse de coeur pour le sentir! «Voici, l'habitation de Dieu est avec les hommes, et il habitera avec eux».

 * * *

Dès le commencement, et durant tout le cours de ses voies, Dieu a manifesté avec évidence son dessein d'amener très près de lui l'homme, sa créature. Il l'a exprimé de différentes manières, mais l'a poursuivi constamment.

Aux jours des patriarches, l'intimité était personnelle. Dieu marchait au milieu de la famille humaine, apparaissant en personne a ses élus; n'employant pas, en général, le ministère des prophètes ou des anges, mais agissant lui-même.

Au temps d'Israël, il ne se montre pas autant sous une apparence humaine, mais plutôt sous une forme mystique. Toutefois il était près de son peuple. L'Eternel dans le buisson en feu, la gloire dans la nuée, le chef de l'armée près de Jéricho, en sont le témoignage. Le Dieu d'Israël vu sur son trône de saphir, la gloire remplissant les parvis du temple ou reposant entre les chérubins, disent la même chose. Et les promesses: «Je mettrai mon tabernacle au milieu de vous… et je marcherai au milieu de vous», et «mes yeux et mon coeur seront toujours là» (Lévitique 26: 11, 12; 2 Chroniques 7: 16), témoignent aussi de cette communion que Dieu désirait et qu'il s'était proposé d'avoir.

Dans la suite des âges, le fait que le Fils de Dieu revêt l'humanité parle par lui-même, et les voies ici-bas de Celui qui est «Dieu manifesté en chair», s'accordent avec cette pensée et cette intention divines. Jésus vint «mangeant et buvant», et nous le voyons le même, lorsqu'il est l'homme ressuscité. Il est vrai qu'il n'avait plus, dans cet état, un même logis et une même table avec ses disciples, et qu'il n'allait et ne venait pas parmi eux, comme auparavant. Ils ne devaient plus le connaître «selon la chair», comme dans les jours précédents. Mais il y avait cependant entre lui et les siens une complète intimité. Il est vrai aussi qu'en plus d'une chose, il montre l'autorité dont il est revêtu. Il en parle comme lui appartenant dans le ciel et sur la terre d'une manière suprême. Il ouvre l'intelligence de ses disciples. Il leur donne la paix, paix établie sur des fondements nouveaux et inébranlables, et, comme chef de la nouvelle création, il leur communique l'Esprit Saint (Jean 20). Sacrificateur, et seul sacrificateur du temple, il les bénit. Il accomplit toutes ces choses, dans la conscience de sa puissance comme ressuscité d'entre les morts; mais, en même temps, il conserve avec eux ses rapports d'intimité, intimité d'amour, personnelle, aussi grande, aussi étroite et précieuse qu'auparavant, sinon plus. De même qu'autrefois, il boit et mange avec eux. Il les appelle «frères», ce qu'il n'avait point fait dans les jours de sa chair. Il a avec eux un même Dieu et Père, ce qu'il n'avait pas dit avant sa résurrection. Bien que ce soit selon toute son autorité qu'il les envoie dans leur champ de travail, cependant il coopère encore avec eux (Marc 16; Luc 24; Jean 20). Et quoique, dans cette période de quarante jours, il ne les visitât qu'occasionnellement, se faisant voir à eux comme il lui plaisait (Actes des Apôtres 1: 3), il leur donne à entendre, dans une scène simple et touchante, que bientôt cette distance où ils seraient de lui et leur séparation d'avec lui prendraient fin, et que, ressuscités et glorifiés avec lui, ils le suivraient dans le lieu où il allait (Jean 21: 19-23).

Tout cela n'est-il pas, de la part de Celui qui nous aime «d'un amour éternel», de l'intimité, une intimité qu'il désire et dont il jouit? Et dans la dispensation présente, il a été pourvu à ce qu'elle fût maintenue, bien que d'une manière différente. L'Esprit Saint est venu; l'Esprit de vérité est en nous. Nos corps sont ses temples vivants où il fait sa demeure, tandis que le Fils nous a, mystiquement, portés au ciel en lui et avec lui-même. Assurément, aucune des formes de communion que nous avons considérées n'est plus profonde, ni plus intime que celle-là. Si l'Eternel Dieu venait en personne auprès des patriarches et acceptait le chevreau et le gâteau que l'amour de ses hôtes lui offrait; si, à la vue de la congrégation d'Israël tout entière, la gloire venait remplir le temple, témoignant de la joie de l'Eternel d'entrer dans son habitation nouvellement fondée; si, dans l'Homme Christ Jésus, le Seigneur Dieu a voulu marcher avec nous, et partager nos temps de repos, de labeur et de rafraîchissement, s'asseyant sur le bord d'un puits auprès d'une pécheresse élue, ou permettant à un disciple de se pencher sur son sein pendant le souper et de lui demander les secrets qui y étaient renfermés, au jour présent, il nous a pris, selon les pensées et les affections de son propre coeur, et nous a placés dans le ciel avec lui-même, et l'Esprit Saint est avec nous ici-bas, au milieu des pensées et des affections de nos coeurs.

Cette intimité est-elle d'une nature moins étroite? Est-ce Dieu rentrant dans ses propres perfections et dans cette plénitude où il se suffit à lui-même, ou se retirant au milieu des gloires et des principautés des anges? Y aurait-il là de la réserve, comme s'expriment les hommes? Serait-ce qu'il se repente et ne veuille plus de sa première intimité avec l'homme, comme s'il eût été désappointé et blessé? Aux premiers jours, après que l'homme eut péché, l'Eternel Dieu fait entendre sa voix: «Adam, où es-tu?» La fuite d'Adam loin de lui, a-t-elle rebuté l'Eternel? Non; ce Témoin unique, ce Témoin que nous avons en nos jours, l'Esprit qui habite en nous, nous mettant en relation avec le Seigneur, nous le dit clairement. Toutes ses voies actuelles ne sont qu'une plus riche continuation de ce dessein qui commençait à se montrer, sous une forme naissante, aux jours de la Genèse.

Que dirons-nous de cette intimité dans les âges à venir? Les hommes rachetés prennent la place la plus rapprochée du trône, celle des chérubins. Les animaux et les anciens sont là; les anges, dans un cercle plus éloigné, entourent et eux et le trône (Apocalypse 5: 11). La femme de l'Agneau, la sainte Jérusalem, porte la gloire dans son sein (Apocalypse 21: 22, 23). Le tabernacle de Dieu est avec les hommes, et il habitera avec eux (Apocalypse 21: 3).


Mais s'il en est ainsi, comme il l'est assurément, une sainte question se pose: Comment avons-nous à recevoir ce qui se rapporte à cette intimité? Comment et dans quel esprit avons-nous à agir à l'égard de la réalité de ce dessein de grâce qu'a formé notre Dieu? Nous avons à l'admettre et à le croire avec la même simplicité qu'il nous est révélé. C'est là notre premier devoir. Sous aucun prétexte, nous ne devons repousser, ni affaiblir la pensée de cette proximité divine. Jean aurait-il refusé de se pencher sur le sein de Jésus, ou bien se serait-il excusé de le faire? Non; et nous, nous ne devons pas, par une humilité mal entendue, mettre en question si nous avons bien interprété les divers passages des Ecritures qui affirment cette vérité. Nous avons à jouir des privilèges qu'elle nous confère.

Mais en même temps, nous avons à reconnaître et à honorer ses droits. Car cette proximité de Dieu est un élément de pureté aussi bien que de joie. Autrefois, admis dans la présence divine, il fallait ôter les souliers de ses pieds, pour exprimer que l'on avait, de sa sainteté, le sentiment qui convenait. Mais c'était tout. Ni Moïse, ni Josué n'étaient invités à se retirer, mais seulement à s'approcher, avec vénération. Ils étaient bienvenus et encouragés, tout en apprenant la sainteté d'une telle intimité.

Il en est ainsi dans le Cantique de Salomon. L'âme se glorifie de l'amour de son Seigneur. Elle ne se refuse pas à en écouter les plus tendres expressions, ni à dire que le désir manifeste du bien-aimé tend vers elle, mais, en même temps, elle sent et reconnaît sa propre indignité. On trouve là le souffle des pensées les plus pures et les plus intimes, une affection qui ressent promptement le fait d'avoir passé trop légèrement sur les merveilleuses condescendances de l'amour divin, et la diligence à nourrir dans l'âme la réponse qui leur est due. Et c'est ainsi que ce livre, dans sa brièveté, rend un témoignage très clair à la vérité de l'intimité dans laquelle Dieu veut être avec l'homme, et à la manière dont nous devrions la recevoir. En le faisant, il nous introduit dans un grand et divin mystère, qui, lui aussi, trouve dès les premiers temps et d'une manière constante, des exemples dans le livre de Dieu — mystère qui arrêtera maintenant un moment nos pensées. Je veux dire celui de l'Epoux et de l'Epouse.

L'Eglise est appelée «la femme de l'Agneau». Mais ce titre a sa signification. «L'Agneau» est une figure sous laquelle le Fils de Dieu est présenté, et qui nous parle des souffrances qu'il a endurées pour nous. L'âme comprend bien cela, et, par conséquent, cette désignation: «la femme de l'Agneau», nous dit que c'est par ses souffrances que le Seigneur l'a faite sienne; qu'il l'a estimée à un si haut prix que, pour elle, il a tout laissé. Et dès le commencement, il a publié cette précieuse vérité de l'Evangile.

Avant qu'Adam reçût Eve, l'Eternel avait fait tomber sur lui un profond sommeil, durant lequel il prit une de ses côtes, et en forma celle qui ensuite lui fut présentée comme sa femme. Cela rend témoignage au mystère que j'ai mentionné. Adam fut humilié et souffrit (je veux dire, en figure) avant de recevoir Eve; nous voyons en cela une ombre de l'humiliation et de la souffrance que subit le vrai Adam, afin d'acquérir pour lui-même son Eve, l'Eglise.

Il en fut ainsi plus tard de Jacob. Il eut à supporter le fardeau et la chaleur brûlante d'un long et pénible jour, avant de posséder Rachel. Les coutumes du pays, de même que les dures exigences de l'avide Laban, lui avaient imposé ces conditions. Il dut endurer l'ardeur consumante du soleil de jour, les gelées de la nuit, un travail incessant, et la prolongation de son exil, ou bien partir sans avoir sa Rachel. Joseph, avant qu'Asnath lui fût donnée pour épouse, fut séparé de ses frères.

Nous voyons la même chose chez Moïse. Il dut aussi fuir loin de son peuple, et de plus, il mérita d'obtenir Séphora par l'aide qu'il lui donna contre les bergers de Madian, puis en ouvrant le puits pour abreuver son troupeau, et alors le père de Séphora reconnut son droit à la main de sa fille. Il en fut de même avec sa seconde femme. Il la prit aux dépens de sa bonne réputation vis-à-vis de sa parenté. Elle était une noire Ethiopienne; elle ne convenait pas aux pensées d'Aaron et de Marie; mais il supporta l'opprobre et épousa celle qu'il avait choisie.

Dans chacun de ces mariages (typiques, aussi bien que réels), nous est présenté le caractère de l'Epoux. En type, nous y contemplons le Seigneur Jésus Christ acquérant son Epouse, aux dépens de quelque chose de personnel: souffrance et humiliation, comme en Adam; labeur, fatigue et lutte, comme dans le cas de Jacob; séparation et douloureuse solitude, comme chez Joseph, ou simplement l'opprobre, comme faisant une chose indigne de lui, ainsi qu'on le voit pour Moïse; en principe, c'est toujours l'époux souffrant.

Je pourrais encore citer Booz, autre type du Seigneur. C'était un homme riche et puissant, mais il prend en main la cause d'une pauvre glaneuse dans ses champs; il lui permet d'approcher de lui et accueille sa requête, puis il la prend pour épouse. Il n'a pas honte de faire d'une étrangère, destituée de tout, et qui, la veille, dépendait de sa libéralité, sa compagne, celle qui partagera ses richesses et ses honneurs, qui édifiera sa maison et perpétuera son nom parmi les tribus d'Israël. Le mariage de Booz nous enseigne donc le même mystère; il nous dit que l'Epoux de l'Eglise s'est d'abord abaissé pour la racheter et la faire sienne.

 * * *

Mais cette grande vérité n'est pas montrée seulement en types et en exemples; elle l'est aussi par l'enseignement clair et positif de l'Ecriture. «Christ a aimé l'Eglise», est-il dit; «il s'est livré lui-même pour elle», afin de la sanctifier par le lavage d'eau, par la parole. Et tout cela, il l'a fait pour se la présenter comme son Epouse, sans tache, ni ride, digne de lui-même (Ephésiens 5). Dans ce passage, comme doctrine clairement enseignée, nous voyons l'Agneau comme Epoux, car, avant de prendre l'Eglise pour son Epouse, il se livre lui-même pour elle. Il prend pour Epouse celle qu'il a d'abord achetée par son sang.

Dans les Ecritures de l'Ancien Testament se trouve le même enseignement quant à la relation entre l'Eternel et Jérusalem. Elle est, en principe, la même qu'entre Christ et l'Eglise. Ainsi il est dit à Jérusalem: «Celui qui t'a faite est ton mari; son nom est l'Eternel des armées, et ton Rédempteur» (Esaïe 54: 5). Tout le passage montre Jérusalem relevée de son état d'abaissement par la tendre bonté et l'amour gratuit de l'Eternel, qui reconnaît pour sienne celle qui, de même que l'Ethiopienne ou Ruth, pouvait être un opprobre pour lui (Esaïe 54). Jérémie aussi représente l'Eternel agissant avec la même grâce, et reprenant à lui Jérusalem, même après qu'elle se fut montrée infidèle, et qu'elle eut été judiciairement et légalement rejetée (Jérémie 3). La même figure se retrouve dans les ordres que l'Eternel donne au prophète Osée (chapitres 1-3). Il achète sa femme (3: 2), il la lave et la purifie, et il porte aussi l'opprobre d'une union avec une femme perdue et indigne. Ainsi encore, dans la description frappante que trace Ezéchiel, Jérusalem est vue dans l'état de dégradation le plus repoussant; mais alors que nul ne jette sur elle un regard de pitié, l'Eternel non seulement a compassion d'elle, mais il la vivifie, la lave, la revêt, la pare, l'oint, l'embellit et la comble de dons; sa bonté ne s'arrête qu'après l'avoir prise pour lui-même: «Tu fus à moi», dit-il (Ezéchiel 16).

Il en est ainsi dans les enseignements ou les oracles des prophètes, comme dans les types ou les ombres des temps plus reculés; tous proclament ce grand mystère que l'Agneau — Celui qui souffre — est l'Epoux, que Celui qui à la fin fait asseoir près de lui l'Eglise comme sa compagne, associée à sa gloire, est le même qui d'abord l'avait rachetée par son sang, l'avait lavée et purifiée par sa parole et son Esprit, avait souffert l'opprobre pour l'amour d'elle (Luc 19: 7), et était descendu vers elle, lorsqu'elle était dans son état de ruine et de misère, avant de pouvoir l'élever jusqu'à lui dans la gloire.

Tel est le mystère du divin Epoux. Tous les récits, toutes les fables inventées par l'esprit de l'homme, quelque vive et ardente que soit l'imagination qui les a tissées, restent bien au-dessous de cette réalité. C'est le mystère d'un amour qui surpasse toute connaissance: l'amour de Christ pour l'Eglise, et de l'Eglise pour Christ. Elle l'aime à cause de tout ce qu'il a fait pour elle, à cause du douloureux service auquel il s'est assujetti pour l'acquérir; lui l'aime à cause du prix auquel il l'a évaluée, et auquel il l'a acquise. Elle sera pour toujours près de Celui qui l'a aimée jusqu'à donner sa propre vie pour elle; il verra à ses côtés celle qui l'a captivé, au point qu'il a volontiers tout traversé dans l'amour qu'il lui porte, dût cet amour lui faire renoncer à tout ce dont il était digne (Matthieu 13: 45, 46). Il ne peut l'apprécier que d'une manière suprême, et il en est de même pour elle, à cette différence près, que Christ a montré et prouvé son amour avant que l'Eglise fût sienne; car il avait auparavant évalué le prix auquel son amour pouvait l'acquérir. L'amour de l'Epouse vient plus tard et n'occupe que la seconde place. Il commence seulement lorsqu'elle a connu tout l'amour de l'Epoux pour elle: «Nous, nous l'aimons, parce que lui nous a aimés le premier» (1 Jean 4: 19). Ainsi Christ, comme Epoux, de même qu'en toute autre chose, soit en grâce, soit en gloire (Colossiens 1: 18), doit avoir «la première place». Dans le caractère de son amour, il éclipse entièrement celui de l'Epouse, qui n'est plus, pour ainsi dire, de l'amour, en comparaison de l'amour de Christ.

Après avoir ainsi considéré l'Epoux, arrêtons quelques instants nos regards sur l'Epouse. Mais je dois me borner, et je la montrerai seulement dans les figures que nous présente d'elle le livre de la Genèse.

Eve est naturellement le premier type que nous rencontrons. En elle, nous voyons les qualités personnelles de l'épouse. Elle est formée par l'Eternel pour Adam. Le bonheur de celui-ci de posséder une compagne et une aide, était le but que l'Eternel se proposait, en la lui donnant. Il avait égard, dans cette oeuvre, à ce qui manquait à Adam pour la joie de son coeur. Et lorsqu'Adam reçoit Eve de la main de l'Eternel, ses paroles expriment la satisfaction qu'il trouve en elle, et rendent témoignage que l'Eternel avait accompli d'une manière parfaite le dessein que son amour avait formé. Eve était appropriée à Adam; en cela consistait la perfection de sa beauté personnelle. Il la reconnaît comme os de ses os et chair de sa chair. Tout en elle était un attrait pour lui. Elle répondait entièrement à l'attente et satisfaisait le coeur de celui pour qui elle avait été formée. Il la prit et s'attacha à elle (Genèse 2: 24), et cela, nous le savons, c'est Christ et l'Eglise (Ephésiens 5: 29-33).

La seconde femme remarquable dans la Genèse est Sara. En elle aussi, nous avons une figure; mais elle ne représente pas l'Epouse, c'est plutôt la mère. C'est pourquoi je ne m'arrêterai pas sur ce qui la concerne. Car si «Abraham est le père de tous ceux qui croient», Sara est «la femme libre», ou, en allégorie, «la mère de nous tous» (Galates 4). Elle est donc liée à la famille de Dieu dans la position de mère, plutôt qu'au Seigneur comme Epouse.

Rebecca vient ensuite dans cette sainte lignée en elle, nous avons de nouveau l'épouse. De grandes et précieuses vérités relatives à l'Epouse nous sont montrées en Rebecca. Elle est d'abord loin d'Isaac; elle ne l'a jamais vu. Mais Rebecca est l'objet du choix du père, et des soins d'Eliézer jusqu'à ce qu'Isaac la reçoive. Isaac la désire et soupire après elle. Ne pouvons-nous pas voir, en effet, chez lui quelque sentiment douloureux de sa solitude, dans le fait qu'il sort aux champs, vers le soir, pour méditer? A part cela, nous ne voyons pas Isaac accomplissant ou souffrant quelque chose pour elle. Le conseil touchant la femme qui lui convient, se tient entre Abraham et Eliézer. Ce sont eux qui forment tout le plan. Et Eliézer, dans un service de renoncement plein de beauté, va, à travers la peine et la fatigue, chercher cette épouse choisie et l'assurer à Isaac. Il la prépare pour lui. Non seulement il la sépare de sa parenté et de la maison de son père, mais il la conduit à travers le désert, lui faisant, sans doute, en chemin plus d'un récit touchant celui à qui elle allait bientôt appartenir jusqu'à ce qu'enfin il la remette saine et sauve entre les mains d'Isaac qui, de même qu'Adam, trouve en elle sa consolation.

L'Epouse nous apparaît ici dans une lumière d'une merveilleuse beauté. Objet du choix du Père et des soins du Serviteur, elle est amenée d'une contrée éloignée dans la maison de son Seigneur. C'est un mystère, et dans ce mystère nous voyons le Seigneur recevant son Epouse — l'Eglise — de la main du Père et du Saint Esprit, Epouse choisie pour lui et qui lui est donnée, lui n'ayant rien à faire que de la prendre et de trouver en elle, comme Isaac en Rebecca, le soulagement de sa solitude, l'habitante de sa tente avec lui, sa compagne dans toutes ses joies.

Rachel se montre ensuite à nous. En elle, nous avons encore l'épouse, mais sous un caractère différent. Celui qui devait la posséder, et trouver sa joie en elle, endure pour elle les travaux et les peines. Et cela est aussi vrai, en type, que dans le cas précédent. Car, dans un sens, Christ n'a qu'à recevoir son Epouse de la main du Père et du Saint Esprit, don de l'un et fruit du travail de l'autre; mais, d'un autre côté, il est allé lui-même dans une contrée éloignée, et (comme je l'ai déjà fait remarquer en parlant de l'Epoux) il a travaillé et a souffert pour elle l'opprobre et l'injustice. En tout cela, Jacob représente le véritable Epoux. Le Seigneur Jésus a personnellement supporté tout à fait seul la chaleur du jour. Comme Jacob, exilé de la maison de son Père et du lieu de son héritage, il n'avait pas où reposer sa tête, souffrant injustice sur injustice dans un monde qui, de même que Laban et sa maison, cherche toujours ses propres intérêts. Et il a tout enduré volontairement, par amour pour celle sur laquelle ses yeux s'étaient arrêtés, de même que les sept années de service ne semblèrent à Jacob que peu de jours, à cause de son amour pour Rachel.

Nous avons là une image frappante de la vérité que nous avons déjà considérée: le même mystère de l'Epouse nous est encore annoncé, bien que sous un point de vue distinct; en Eve, nous avons vu l'Epouse pleinement appropriée à son Seigneur dans ses qualités personnelles; — chez Rebecca, nous l'avons comme l'objet de l'élection du Père et des soins de l'Esprit, pour être donnée à Christ; — Rachel nous la montre comme la récompense que le Seigneur a devant les yeux, et pour laquelle il se livre lui-même et souffre l'exil, le labeur et l'injustice. Comme figuré par Isaac, il n'a rien à faire pour l'acquérir; figuré par Jacob, il a tout à faire pour la posséder.

Asnath clôt ces types merveilleux. Elle est la femme de la quatrième génération des patriarches. A son tour, elle dit la même histoire mystique, mais à un point de vue encore différent. Elle est de race gentile, et tandis que les autres avaient avec leur époux un lien de parenté selon la chair, elle n'en a aucun avec Joseph. L'inimitié de ses frères a jeté celui-ci au milieu du peuple d'Asnath. Là, il monte au faîte des honneurs, et, en même temps que cette position qui lui est donnée par des étrangers et des gentils, il trouve une épouse et une famille gentiles. Au sein de cette joie inattendue, il est prêt à oublier, pour un temps, la maison de son père, et, bien qu'au milieu des étrangers, il s'estime comme ayant fructifié et étant heureux.

Ce type, considéré à sa place, a une aussi grande signification que ceux que nous avons déjà vus concernant l'Epouse. Elle nous apparaît ici comme tirée des nations et dans son caractère céleste. Ici, nous est révélé un grand secret: c'est que celle-là même dont nous avons vu en Eve la beauté et la perfection personnelles, qui, en Rebecca, nous a été présentée comme élue par le Père et conduite par l'Esprit, et en Rachel comme acquise pour Christ lui-même, au prix de ses labeurs et de ses peines, celle-là est une gentile, une étrangère, unie au Seigneur, après que les siens selon la chair l'ont rejeté.

Toutes ces choses parlent clairement à l'oreille du scribe bien instruit pour le royaume des cieux: toutes lui retracent le mystère de l'Epouse, et il écoute Eve, Rebecca, Rachel et Asnath, lui en dire les différents traits. Quel témoignage nous avons aussi en cela des délices que Christ prend dans ses saints! Ce n'est pas seulement qu'il les a sauvés par son sang, mais ils sont sa couronne et sa joie, sa gloire et son plaisir. Son amour et son ouvrage se sont déployés en nous plus grandement que dans aucune autre scène de sa puissance. Chacun des exemples que nous avons considérés, exprime cette joie de Christ dans ses saints. Nous l'aimons à cause des douleurs qu'il a souffertes, et lui nous aime, parce que nous sommes le prix de ces douleurs. Si nous ne comprenons pas ces affections qui existent, entre Christ et le saint, si nous n'admettons pas, sans réserve, cette satisfaction mutuelle que l'un trouve dans l'autre, nos âmes n'entreront guère dans cette communion à laquelle les Ecritures nous appellent. Nous ne comprendrons pas le Cantique, si nous n'admettons et n'entretenons pas la pensée des délices que Christ prend dans les siens, avec la même certitude que nous recevons la pensée qu'il les a rachetés et sanctifiés par son sang.

Mais cette communion doit jaillir de l'intelligence que l'âme aura acquise, sans quoi ce ne serait que simple ferveur naturelle. Si Ruth vint se coucher aux pieds de Boaz et n'alla plus glaner dans ses champs, c'est que Naomi lui avait fait connaître davantage ce qu'était Boaz. Les paroles de Naomi avaient été une lumière dans l'âme de Ruth, et enseignée par elles, Ruth désire avoir avec Boaz une communion plus intime que celle dont elle avait déjà joui. C'est lui-même qu'elle cherche. Elle abandonne le champ où elle avait glané, où elle avait été moindre qu'une des servantes de Boaz, et elle prend la place de celle qui aspire à lui-même. Elle ne peut plus se dire «moindre qu'une de ses servantes». Elle cherche l'amour de quelqu'un qui lui tient de près, car elle sait, en effet, qu'il lui est proche (voyez Hébreux 3: 14; 2: 11). Et c'est vraiment une chose précieuse pour l'âme de savoir que nous sommes si près du coeur de Christ.

L'amour, ce sentiment de désir vers un autre, prend différentes formes dans le coeur. Il y a l'amour de compassion, l'amour de gratitude, et l'amour de complaisance, je veux dire qui se complaît dans son objet. L'amour de compassion regarde comme étant en quelque sorte au-dessous de lui, et il est plein de tendresse. L'amour de gratitude, au contraire, voit son objet au-dessus de lui, et il est rempli d'humilité. L'amour de complaisance ne regarde pas nécessairement ni au-dessus, ni au-dessous, mais il contemple simplement son objet, et il est rempli d'admiration. Il y a, en outre, l'amour de famille. Il a son fondement dans la nature, aussi lui donne-t-on le nom d'affection naturelle. Et cet amour a une gloire qui lui est particulière. Il autorise les intimités les plus profondes. Il n'y a point d'arrangement à faire par l'un pour être avec l'autre, point d'étiquette à garder. On est entièrement à l'aise l'un vis-à-vis de l'autre. On entre et l'on sort librement. Les expressions d'amour ne sont pas estimées importunes, au contraire, elles sont sanctionnées comme étant dues et à leur place. Le coeur connaît son droit à s'abandonner à son objet, sans obstacle et sans fausse honte. C'est la gloire de cette affection. L'amour de compassion, de gratitude ou de complaisance, doivent agir avec décorum, si j'ose dire ainsi, chacun de la manière qui lui est propre. Mais l'amour de famille, l'amour mutuel de ceux qui habitent une même maison, et que la nature ou la main de Dieu a liés ensemble, cet amour sent son droit à se satisfaire lui-même, sans crainte d'être rebuté. Voyez, par exemple, ce qui est dit au chapitre 8, verset 2 du Cantique. C'est ce dont cette affection se glorifie, elle seule peut l'admettre. Dans un sens complet et profond, c'est l'affection personnelle.

Parents et enfants, frères et soeurs, maris et femmes — et je puis ajouter les amis — connaissent les privilèges d'un tel amour. Ils savent leur droit à s'abandonner — sans craindre d'être méprisés ou rebutés — aux plus chaudes expressions de leur affection mutuelle, et c'est pour le coeur le plus riche festin. L'amour de compassion, de même que l'amour de gratitude et de complaisance, a ses jouissances, mais ils n'autorisent pas, seuls ou en eux-mêmes, ces sentiments de ferveur personnels. Personnellement, leurs objets peuvent être au-dessous, au-dessus ou à distance d'eux, et il faut qu'ils approchent avec le respect dû à tous leurs droits. Il n'en est point ainsi dans les liens de famille, parce que ce sont les personnes, et non leurs qualités ou leur condition, qui attirent notre amour. Nous pouvons en user avec elles sans excuses ni réserve. C'est la personne même que le coeur embrasse, et non ses douleurs, ses faveurs, ou son excellence; c'est elle-même, dont notre affection s'occupe, et avec qui elle converse.

Nous pouvons recevoir un bienfait d'une personne et être assurés d'un cordial accueil auprès d'elle, et cependant nous sentir mal à l'aise en sa présence. Rien n'est plus commun. Une gratitude profonde se trouve dans notre coeur, et néanmoins nous sentons de la réserve et de la gêne. Etre à l'aise en présence d'un bienfaiteur, demande quelque chose de plus que l'assurance que nous avons de sa bonne volonté et de son entière bienveillance, lorsqu'il nous rend service. Ce qu'il faut de plus, c'est, je pense, de découvrir qu'il prend intérêt à nous, tout comme nous avons confiance en sa capacité de nous servir.

C'est là l'expérience de la pauvre femme malade d'une perte de sang (Marc 5). Elle connaissait la puissance du Seigneur pour la guérir de son mal, elle savait qu'elle serait bienvenue à en profiter, et elle vient sans réserve et trouve en lui la vertu qui la guérit. Mais elle vient par derrière. Cela exprime son état d'âme. Elle sait qu'elle est la bienvenue à profiter du service du Seigneur, mais rien de plus. Le Seigneur alors exerce son coeur, afin qu'elle ait davantage. Il lui fait connaître qu'il y a un intérêt pour elle dans sa Personne même, aussi bien que dans sa puissance pour la soulager. Il lui dit «ma fille», et reconnaît ainsi qu'il a une relation avec elle. C'est là ce qui seul pouvait écarter ses craintes. Tout riche et puissant que fût Celui qui la guérit, il lui apprend dans quelle relation intime il est avec elle. C'est ce que son coeur avait besoin de savoir, ce sans quoi, dans la disposition d'esprit où elle était, elle serait encore restée derrière lui. Maintenant elle est à l'aise. «Va en paix», lui est-il dit, en même temps que: «Sois guérie de ta maladie». Toute réserve peut maintenant être bannie, car Christ n'agit point envers elle comme un protecteur et un bienfaiteur (Luc 22: 25). Elle trouve dans le coeur de Christ un intérêt pour elle, de même qu'elle y a trouvé une puissance pour sa bénédiction. Il en est de même dans le Cantique. Le souffle qu'on y respire est celui de l'amour qui autorise l'intimité personnelle, et qui découle des relations les plus étroites et les plus chères. Le moment de l'union n'est pas encore arrivé, mais c'est le temps des fiançailles, et nous sommes les délices de Christ. Oui, et il en était ainsi avant que le monde fût. Ainsi que quelqu'un l'a dit à peu près dans ces termes: «Dans le miroir de ses décrets éternels, le Père montra l'Eglise à Christ, et à cette vue, Christ fut tellement ravi, qu'il abandonna tout pour elle».

Croyons-nous cela, et en sommes-nous heureux? Toute offre de nous rendre heureux en Dieu, rencontre chez nous un doute, parce que notre sens moral, notre conscience naturelle, nous dit que nous avons perdu tout droit même à ses bénédictions les plus ordinaires. Le simple sens moral sera donc prompt à résister, à mettre en question toute ouverture de paix de la part du ciel, et sera prêt à se défier de leur réalité. Alors vient la vigueur de l'intelligence ou l'énergie de la foi qui contredit ces conclusions de la nature. Il y a des temps où l'intelligence spirituelle ou la foi refusent de penser selon le sens moral naturel, de même que parfois elles refusent d'agir selon les droits des relations naturelles. Prises à leur place, les prescriptions du sens moral et les droits de la nature sont sacrés; ainsi nous lisons: «La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas que, si un homme porte une longue chevelure, c'est une honte pour lui?» Mais ces prescriptions et ces droits ne sont pas suprêmes. Si Dieu met en avant son droit, ou donne sa révélation, les relations et le sens moral naturels doivent abdiquer leur autorité: «Celui qui aime père ou mère plus que moi n'est pas digne de moi». Et dans la révélation de Dieu, la foi lit le titre suprême que nous avons à être près de lui et heureux avec lui, bien que notre conscience naturelle et le sentiment de la convenance des choses, puissent parler autrement. La foi trouve sa nourriture là où les sentiments naturels trouveraient présomptueux de poser même le pied.

Acceptons-nous sans réserve ni arrière-pensée l'existence d'un tel amour envers nous dans le coeur de Jésus, de cet amour que ce livre nous présente? Nous rend-il heureux? Nous devons à Dieu, notre Père, l'amour d'enfants; à Dieu, notre Sauveur, l'amour de rachetés, et l'amour de disciples à Jésus, notre Maître et Seigneur. Mais quel amour devons-nous avoir pour ce qu'il a dans son coeur pour nous? Comment y répondrons-nous d'une manière qui en soit digne? Le Cantique nous l'enseigne; mais cela introduit l'âme dans le sanctuaire, et quelle douleur, quelle honte, quel trouble de coeur, s'élèvent en nous, lorsque nous réfléchissons au fait que nous y demeurons si peu! Que de choses cela dit contre nous!

Le Cantique ne nous présente pas les caractères de l'amour filial, ni de l'amour dû à un bienfaiteur. Nous y trouvons plutôt l'expression de l'amour des épousailles, dans le coeur de Christ et dans le nôtre. La joie d'entendre la voix de l'Epoux est accomplie ici dans le coeur du saint, comme elle l'était dans l'âme de Jean le Baptiseur. Quels sont donc les caractères d'une affection dominante telle que celle-ci, et quelle en sera la puissance lorsqu'elle règne en nous?

Quant au service, elle le rend agréable. Dire que le service pour l'objet de cette affection est «parfaite liberté», est de beaucoup trop froid. Elle rend le service infiniment agréable, même lorsqu'il appelle à la peine et au renoncement, et elle le fait accomplir sans le souci qu'aucun oeil le voie ou qu'aucun coeur l'approuve, si ce n'est l'oeil et le coeur de Celui qui est son objet. Cette affection ne prend point garde si d'autres sont ou non capables d'apprécier ses voies. Elle a tout le fruit qu'elle ambitionne pour son service, si son objet l'approuve, et lui accorde à la fin la joie de sa présence.

Quant à la société, cette affection n'en désire d'autre que celle de son objet. S'il n'y a point de lassitude ressentie dans le service, il n'y a pas non plus d'ennui dans la solitude. Tout ce que l'âme désire, c'est la présence de Celui qui domine dans le coeur. Le sentiment de solitude n'existe point, lorsque lui seul est présent; et il n'y a pas de sentiment de satiété bien qu'il soit toujours présent.

Quant à l'autorité de son objet sur l'âme, elle maintient sa place, ai-je besoin de le dire, sans y souffrir de rival. Son objet est l'homme de son coeur. Elle brise les liens et coupe les cordes des autres désirs. Elle nous fait déprécier toutes choses, sauf une seule. Elle peut s'occuper d'autres choses, mais ce n'est qu'en passant. Elle a son regard toujours arrêté vers son propre objet, même si d'autres sont, pour un moment, au premier plan. Elle regarde vers lui à travers les treillis (chapitre 2: 9), et elle n'estime les autres choses qu'en raison de leur relation avec lui. Cette sainte affection réprimera les mauvaises tendances du coeur et cultivera celles qui sont droites, car en la retenant, nous ne tiendrons pas compte de ce qui blesserait la vanité, et ne ferons pas attention à ce qui satisferait l'orgueil; mais elle ouvrira la voie et fortifiera le coeur et la main pour les choses grandes et généreuses.

Quelle intensité d'amour et, en même temps, quelle pureté! L'âme est rafraîchie par la pensée que nous avons été créés susceptibles de semblables affections. Mais souvenons-nous que partout où une semblable ardeur de sentiment se montre, elle fait injure à Dieu et à elle-même, si elle n'est pas consacrée à Dieu. La noblesse même d'un tel sentiment, est le titre que Dieu a sur lui. Il ne faut pas chercher à l'anéantir, mais à le transfigurer. «Je ne voudrais pas», a dit quelqu'un, «qu'il fût englouti par la mort, ce destin commun à toutes les affections terrestres, mais qu'il fût ennobli par un sort semblable à celui de Hénoc et d'Elie, qui, ayant cessé de converser avec les mortels, ne moururent pas, mais furent transportés au ciel».

Prêtons l'oreille à ces paroles. Notre coeur a été fait profondément capable d'amour, et Christ est l'objet qui lui est présenté. Il se propose lui-même à nos affections, et réclame dans nos coeurs la place suprême. «Celui qui aime père et mère plus que moi», dit-il, «n'est pas digne de moi». Quelque sentiment d'affection qui existe dans l'âme, c'est le droit de Dieu qu'il se porte au plus haut degré vers lui. Agir autrement serait ne pas reconnaître Dieu comme tel. Si chacun des désirs de notre coeur ne se tourne pas vers lui et ne tend pas à lui apporter les plus riches et les plus abondantes offrandes, ce n'est pas de l'adoration.

C'est là ce dont nous pouvons aisément convenir, mais nous avons besoin d'un accroissement de grâce pour être de tels adorateurs. De même que, chez les Israélites, il y avait des parfums de drogues odoriférantes qu'il n'était pas défendu d'employer pour soi et ses amis, mais qu'il y en avait un plus précieux et d'une composition particulière, que Dieu avait réservé pour son service, et qu'il eût été sacrilège d'employer pour un autre usage, de même il y a certains degrés d'affection que nous pouvons accorder à d'autres, mais il existe une force d'amour, une amplitude d'affection qui n'appartient qu'à Dieu (Exode 30: 34-38). C'est une idolâtrie, si cet amour est donné à une créature; c'est de l'adoration quand Dieu en est l'objet.

Vérité solennelle, mais vérité bienfaisante! N'est-ce pas chose précieuse de savoir que notre Seigneur réclame nos coeurs et nos affections? Quelqu'un de nous, bien-aimés, a-t-il lu «le premier et grand commandement», sans se réjouir, au moins quelquefois, de la grâce qui veut bien demander cela de nous? (Marc 12: 30). N'est-ce rien pour nous que Dieu lui-même apprécie notre amour au point de nous dire: «Mon fils, donne-moi ton coeur»? Cette vérité faisait les délices des vierges sages. Plusieurs étaient sortis avec elles, professant la même attente: les vierges folles avaient des lampes et avaient pris leur place dans la même et commune profession. Mais les vierges sages avaient compris ce qu'il fallait durant l'absence de l'Epoux et pendant l'espérance de son retour. Elles s'étaient dit: «Que le délai soit long ou court, il faut attendre, car rien d'autre que sa présence ne peut nous satisfaire». Que la nuit de son absence dût durer plus ou moins longtemps, elles l'ignoraient. Ce pouvait être, quant à la durée, une nuit d'été ou une nuit d'hiver; mais leur coeur sentait profondément que rien ne la terminerait, que rien ne changerait l'ombre de la mort en radieux matin, sinon la présence de l'Epoux. Sur ce point, leurs âmes étaient fixées, et, en conséquence, elles avaient pris, non seulement leurs lampes, mais aussi de l'huile dans leurs vaisseaux. Elles s'étaient préparées pour une attente nocturne, elles comptaient sur un temps de ténèbres, jusqu'à ce que Jésus revînt. L'attente de leur coeur était dirigée sur lui avec une telle intensité, que sa présence seule pouvait changer leur espérance en jouissance. Jusqu'à ce moment, elles devaient attendre, attendre et attendre encore. «Espérez parfaitement», c'est ce qu'elles se proposaient de faire, «dans la grâce qui vous sera apportée à la révélation de Jésus Christ». Elles espéraient en adorant.

La première fraîcheur s'est fanée, sans doute. Cela peut, en quelque sorte, nous soutenir, nous qui connaissons la stupidité et la pesanteur de nos coeurs. L'éclat de ce moment où la lampe fut d'abord allumée, s'est obscurci. «Comme l'époux tardait, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent». Mais la réalité du suprême délice en Christ et du désir de l'âme après lui, n'était point évanoui. Les vaisseaux avec l'huile étaient toujours à côté des vierges endormies. Il n'était pas besoin d'aller acheter l'huile, il fallait seulement s'en servir de nouveau.

Combien tout, dans cette parabole, nous montre ce qu'est le coeur qui s'attache à Jésus! Et le Cantique de Salomon exprime le même amour:

O Jésus! ton amour remplit toute mon âme;

Toi, ma seule espérance, objet de mes désirs,

Bien-aimé que mon coeur à chaque instant réclame,

        En Toi sont mes plaisirs!

 

Mes chants montent vers Toi; des célestes phalanges

Les choeurs harmonieux se joignent à ma voix,

Pour dire et célébrer tes divines louanges,

        Comme aux jours d'autrefois.

 

Ils acclamaient ravis, en extase profonde,

Le dessein de ton coeur, ce mystère nouveau,

Lorsque tu venais prendre, ô Créateur du monde,

        La crèche pour berceau.

 

Amour, divin amour, tu parus sur la terre,

Tu marchas ici-bas en butte à la douleur,

Et tu laissas ta vie à la croix du Calvaire

        Pour acquérir mon coeur.

 

O Jésus! Toi ma vie, et ma paix et ma joie,

Il est à Toi ce coeur, à Toi seul pour toujours;

Lumière de mon âme en sa terrestre voie,

        Ma force et mon secours!

L'Eglise accueille ces soupirs comme ne dépassant pas la mesure des affections de l'âme, et nous en avons besoin pour nous rendre heureux et pour affranchir nos coeurs. C'est ainsi que Dieu nous délivre de la tyrannie des désirs charnels et mondains; c'est le moyen par lequel l'Esprit dépouille de leurs attraits et de leur puissance les choses qui séduisent et remplissent le coeur; c'est par là qu'il élève l'âme au-dessus des agitations produites par des craintes serviles. Voyez la puissance irrésistible d'une semblable affection chez la pauvre pécheresse de Luc 7. Le coeur rempli de son objet, elle reste sourde aux opprobres, et son regard ne s'arrête pas sur le luxe de la demeure du pharisien et la richesse de son festin. Une seule personne l'attire; tout le reste, le maître de la maison et ses hôtes, n'existent pas pour elle. Voilà la puissance de l'amour en elle. Et quelle en était la valeur pour Christ? Rien de ce que dicte ou produit cette affection ne passe inaperçu de lui. Il apparaît d'abord silencieux et recevant passivement les offrandes de la pécheresse; mais il a pris garde à tout ce qu'elle a fait. Les larmes et les baisers, l'onction versée sur ses pieds, et ses pieds essuyés avec ses cheveux, tout a été inscrit dans le livre de sa mémoire, et c'est là que tout se retrouve quand le moment d'ouvrir le livre est arrivé.

Remarquez la même chose en Marie de Magdala au sépulcre. Elle voit les deux anges. Ils étaient éblouissants de lumière et d'une beauté céleste, merveilleux à contempler pour des regards mortels. Mais que lui importait toute cette splendeur? Le corps mort de son Seigneur était son objet, l'image chérie qu'elle avait dans son coeur, et son désir de le trouver éclipsait à ses yeux les splendeurs mêmes du ciel. Tel fut David autrefois, lorsque son âme était remplie de joie dans le Seigneur. Il danse devant l'arche et s'abaisse ainsi au dernier point, selon le jugement de l'homme. Il saute et danse de toute sa force devant l'Eternel, et s'il y a de la honte en cela, il se rendra «encore plus vil» (2 Samuel 6: 14, 16, 22). Zachée n'était pas un roi comme David, mais un simple citoyen de Jéricho, mais l'Esprit unit dans une même affection le riche et le pauvre, le puissant et l'homme de bas étage, l'intelligent et le simple, et nous voyons Zachée qui, ne pouvant percer la foule, n'arrête point sa pensée sur l'étrangeté de son action, et monte sur un sycomore pour satisfaire l'ardent désir qui commande à son coeur.

Ah! bien-aimés, plût à Dieu que ces sentiments de ferveur remplissent davantage nos coeurs! Combien il serait à désirer que nous accueillions Christ dans nos âmes avec toute la vivacité de cet amour qui garde soigneusement et embaume, pour ainsi dire, son objet dans le coeur. Quel ciel ce sera, s'il est à nous de cette manière, nourrissant ce feu dans nos âmes, et nous faisant connaître en lui-même et dans ses beautés cet amour céleste, toujours fervent et qui dure à jamais!

Puissent nos coeurs soupirer après lui! C'est là le souffle qui se fait sentir dans le Cantique. Ce n'est pas l'amour filial, ni l'amour de gratitude qui enverra jamais un message tel que celui-ci: «Dites-lui que je suis malade d'amour» (chapitre 5: 8). C'est plus que cela. Tel n'est pas le langage des affections dont nous venons de parler, mais tel est celui du Cantique. Ainsi ce livre exprime, d'une manière mystique, les épanchements de Christ et d'une âme vivante et qui lui est fiancée — le tout jaillissant de la foi qui donne à l'âme l'heureuse, assurance de son acceptation et de la faveur de Dieu par Jésus, tout pauvres que nous sommes.

Quant à la structure du livre, il est aisé d'y voir alternativement les paroles de l'épouse ou la bien-aimée, et celles de l'Epoux, le bien-aimé. D'autres interlocuteurs s'y font parfois entendre. Les sens spirituels des saints doivent être exercés à discerner le commencement et la fin des différentes parties qui se rapportent à chacun de ceux qui parlent, et à interpréter les saints mystères qu'ils expriment. On y trouvera assurément bien des lumières et bien des jouissances. Mais que l'ensemble soit une allégorie, personne n'en doutera. La figure dont se sert l'auteur est celle des relations de deux fiancés; l'amour du Christ et de l'âme fidèle est le sens mystique (*). Les pensées suivantes qu'exprime un autre sur ce sujet, me semblent justes: «Il y a des manifestations de l'amour du Seigneur, et des affections du coeur envers lui, le Fils de Dieu, qui peuvent bien emprunter le langage de la plus tendre et de la plus puissante des affections qui existent parmi les hommes». Ainsi nous lisons: «De la joie que le fiancé a de sa fiancée, ton Dieu se réjouira de toi» (Esaïe 62: 5). «L'Eternel ton Dieu, au milieu de toi, est puissant; il sauvera; il se réjouira avec joie à ton sujet; il se reposera dans son amour, il s'égayera en toi avec chant de triomphe» (Sophonie 3: 17). «Et le roi désirera ta beauté» (Psaumes 45: 11). «Maris, aimez vos femmes, comme aussi le Christ a aimé l'assemblée» (Ephésiens 5: 25). Ces passages et d'autres semblables, ainsi que plusieurs types historiques dans l'Ecriture et quelques ordonnances de la loi, justifient cette pensée, comme le fait aussi le caractère du travail que l'Esprit opère parfois dans l'âme des saints.

(*) Bien qu'en premier lieu il s'agisse des relations de Christ et du résidu. (Note du traducteur)

* * *

La divine autorité de ce livre n'a jamais été mise en question d'une manière digne de la moindre attention de la part de ceux qui marchent simplement dans la lumière de Dieu, et qui récusent l'homme et ses pensées et sa sagesse. «Où est le sage? où est le scribe? où est le disputeur de ce siècle?» Ce livre a toujours été reçu et honoré par les Juifs comme étant une partie des «oracles de Dieu» qui leur ont été confiés (Romains 3: 2), et comme tel il a reçu la sanction de Christ et du Saint Esprit dans les apôtres. Personne ne peut hésiter un moment à admettre sa valeur pour l'âme du fidèle. Quelqu'un a dit avec justesse: «Nous ne pouvons que deviner plusieurs de ses beautés, mais dans les mains d'un chrétien, il brille d'un éclat bien plus grand que ne pouvaient le discerner ceux qui le lisaient aux jours de Salomon. Car si, par rapport aux figures employées dans l'allégorie, quelques-unes de leurs beautés peuvent être perdues pour nous, le sens mystique qui y est caché est mis plus en lumière, et est manifesté avec plus de certitude au croyant sous la dispensation évangélique». — «Car je vous dis que plusieurs prophètes et rois ont désiré de voir les choses que vous voyez, et ils ne les ont pas vues» (Luc 10: 24).


Il n'y a, dans le Cantique, rien qui se rapporte au fait, au fondement ou à la nature de notre acceptation devant Dieu. Ce sont choses déjà réglées. Comme je l'ai fait remarquer auparavant, c'est sur leur existence que la communion est basée: on sait que l'on est accepté de Dieu. Ce que nous avons ici, c'est l'âme ayant ses délices en Christ, c'est l'âme occupée de lui. Ce n'est pas le fait que l'on trouve Christ, ni la confession des péchés. Assurément la communion est celle d'un pécheur, mais d'un pécheur qui se sait pardonné, accepté et aimé. Et s'il y a quelque douleur ou repentance sentie ou reconnue, ce n'est pas à cause de quelque souillure ou de quelque transgression manifeste, mais à cause de quelque négligence, de quelque froideur momentanée, de quelque faiblesse, à maintenir ou à cultiver la juste ferveur de l'âme. Cela doit être soigneusement noté. Rien de grossier, ni même de manifeste dans la conduite, rien d'établi comme habitude ne se découvre ici, rien de ce qu'aurait pu craindre une âme qui n'aurait pas été déjà dans une communion simple et sérieuse avec Jésus. C'est seulement une paresse de coeur actuelle et momentanée qui se découvre parfois. La repentance même et la confession y sont d'une nature qui fait comprendre la délicatesse de l'âme qui peut les sentir et les exprimer. La touche en est si tendre que la perception même que l'on en a, montre combien est délicat l'organe qui la ressent.

Dans quel élément nous nous trouvons ici! Oh! bien-aimés, combien nos sentiments sont grossiers en comparaison! Nos pauvres âmes sont rarement dans cette atmosphère. Elles sont souvent engagées à faire de nouveau les premières oeuvres, à s'attrister à cause de l'avantage que les convoitises ont pris sur nous, ou parce que nous nous sommes laissés surprendre et entraîner par l'ardeur d'un mauvais caractère, et à cause d'autres choses semblables. Mais tout ce travail de l'âme nous tient au-dessous de ce pur et spirituel délice que l'on trouve en Christ, de cet ardent amour, de ce souffle embaumé que l'on respire sur la montagne de la myrrhe et la colline de l'encens, de la culture et de la garde du jardin des aromates, toutes choses qui nous sont présentées ici d'une manière si précieuse. Assurément nous les connaissons bien peu. Dieu est-il notre suprême joie? Est-ce dans les chambres du roi, dans des pensées de gloire, que nous marchons? Notre nard exhale-t-il son parfum pour saluer notre Seigneur, et notre âme est-elle en état de l'appeler de ce doux nom «mon bien-aimé», au-dessus de tout? Il serait bon que de telles affections remplissent nos coeurs et les dominent. Alors nous serions armés de manière à rencontrer nos ennemis et à remporter sur eux une entière et sûre victoire; nous serions forts pour dompter les désirs importuns et chasser les pensées qui nous souillent si souvent, et nous pourrions, dans le langage figuré d'un autre, dire: «De même que, par une belle matinée, le soleil levant vient nous visiter et fait disparaître les brillantes étoiles qui ornaient notre hémisphère, et dissipe en même temps les ombres épaisses de la nuit», ainsi s'évanouit tout ce qui obscurcit l'horizon de nos âmes. Les convoitises n'ont aucune puissance sur une âme qui est ainsi occupée de Christ, et «la joie de l'Eternel» est alors en réalité «notre force» (Néhémie 8: 10). Quelle demeure s'ouvre ici pour la foi afin que nous y entrions! Quelle salle de festin pour l'âme! Combien distantes des craintes et des troubles de la conscience sont ces régions de paix! C'est le pays où se fait entendre la voix de la tourterelle, où le figuier embaume, où les vignes en fleur exhalent leur parfum; c'est le jardin du bien-aimé, avec ses fruits exquis!

Mais où est-elle la foi précieuse qui nous fait entrer et marcher dans ces choses? Combien nous avons besoin de crier à Dieu pour que nos coeurs soient élargis dans les entrailles du Christ Jésus! Etre occupé de ces affections célestes a son influence sur l'âme entière. Elle est ainsi fortifiée et sanctifiée, car toute question relative à notre position est déjà réglée, notre énergie pour rencontrer la tentation est accrue, et ainsi la liberté et la pureté de l'âme sont assurées. En effet, comment la pensée de la condamnation ou comment la tentation à la souillure trouveront-elles place, si le croyant cherche à arriver toujours plus haut dans la lumière et la joie d'une semblable communion avec Jésus? Cela ne le conduira-t-il pas plus loin que la simple délivrance de l'esprit de servitude ou du mal pratique? N'est-ce pas la méthode divine pour le rendre plus que vainqueur?

Comme exprimant cette communion, le Cantique des Cantiques convient à chaque fidèle. Je ne veux pas dire que nous ayons tous nécessairement à suivre un même chemin d'expérience, à y aller de la même manière d'un degré à l'autre. Mais à mesure que s'accroît dans l'âme la connaissance de Jésus, à mesure s'accroît aussi l'expérience que l'âme fait de lui. Et, en cela, il faut qu'il y ait progrès, comme nous lisons: «Croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ» (2 Pierre 3: 18). A mesure que les diverses relations dans lesquelles le Seigneur est avec nous seront saisies et embrassées par l'âme, des expériences correspondantes se produiront, car c'est par l'expérience que nous entrons dans la puissance de ces relations. Et je pense que, dans le Cantique, nous trouvons les diverses expressions des sentiments de l'âme aux différents points de son voyage, depuis le premier réveil jusqu'à la pleine et entière jouissance. Ce n'est pas l'expérience de Rebecca, lorsque s'éveille d'abord en elle la pensée de quitter la Mésopotamie, ni celle de Ruth, lorsqu'étant encore en Moab, elle est prête à prendre le Dieu de Naomi pour son Dieu, ni lorsque, plus tard, elle glane dans le champ de Boaz; mais c'est l'exercice de coeur de Rebecca lorsqu'elle est en chemin pour aller trouver Isaac, écoutant les récits pleins de sagesse et de grâce de celui qui la conduit à travers le désert; c'est le sentiment de Ruth, lorsqu'aux pieds de Boaz, elle réclame son nom et sa main.

Tel est le sens caché de ce livre. Et nous pouvons d'autant plus admirer la perfection de l'Esprit en renfermant des choses aussi précieuses dans un si petit volume. C'était d'un caractère trop intime pour être longuement développé. Sa valeur est intérieure; ce sont les retraites cachées du temple. Les Juifs le nommaient «le saint des saints;» et le saint des saints était, dans le tabernacle, la partie la plus petite et la plus retirée. Il exprimait le plus profond et le plus intime caractère de communion avec Dieu. Il y avait une communion à l'autel d'airain et à la cuve d'airain dans le parvis; il y en avait une autre dans le lieu saint, à la table des pains de proposition, au chandelier et à l'autel d'or; puis une autre encore, en la présence de l'Eternel lui-même, dans le lieu très-saint, et c'est ce dernier caractère de communion qu'exprime le Cantique. Il se peut que l'âme n'ait pas la capacité d'y entrer en tous temps. Ruth n'aurait pas été disposée à se coucher aux pieds de Boaz, lorsqu'elle vint comme glaneuse dans son champ. Elle avait besoin d'être instruite par Naomi avant d'entrer dans l'aire où l'on battait le blé.

Le livre, dont nous nous occupons, s'ouvre en montrant l'âme exprimant ce que nous venons de dire. Elle commence par un puissant et fervent désir vers lui, s'efforçant de le saisir d'une manière plus intime qu'elle ne l'avait encore fait. C'est comme si le fidèle avait la conscience d'être dans une condition inférieure à celle qui devrait le satisfaire. Parfois l'âme se repose simplement sur le ferme fondement des doctrines, comme, par exemple, sur cette parole: «Le sang de Jésus Christ nous purifie de tout péché». C'est la puissance simple et certaine d'une telle vérité qui seule répond quelquefois aux besoins de l'âme. Mais, d'autres fois, le terrain sur lequel nous sommes établis comme pécheurs sauvés, est bien compris, on y repose entièrement, et c'est alors le Seigneur lui-même que l'âme désire. Telle est la condition décrite par ces paroles: «Qu'il me baise des baisers de sa bouche». Elle avait gardé les vignes, elle s'était occupée de choses étrangères, et maintenant elle apprend que sa propre vigne a été négligée, «je ne l'ai point gardée», dit-elle. Alors elle soupire après les choses plus profondes d'une communion personnelle. Le fidèle, laissant la place de Marthe et prenant celle de Marie, désire paître sous les yeux de Celui qu'aime son âme, et être nourri de sa propre main, et non de celle d'un autre. Et à la fin, l'âme apparaît comme connaissant qu'elle est gardienne de sa propre vigne (chapitre 8: 12). Au commencement, nous l'entendons se plaindre qu'elle a dû garder les vignes d'autrui et qu'elle n'a point gardé la sienne (chapitre 1: 6); mais maintenant, elle a la conscience d'être davantage chez elle, de s'occuper plus de sa propre vigne. Elle n'est plus, comme Marthe, occupée et embarrassée de beaucoup de choses, mais, ainsi que Marie, elle est aux pieds de Jésus, dans une communion personnelle avec lui.

Voilà le progrès, l'heureux progrès dont l'âme a conscience, et qu'elle fait en passant par ces différents exercices. Elle a atteint un ordre de communion plus élevé avec le Seigneur, et elle désire y continuer jusqu'à ce que Jésus vienne.

Le style même de l'ouvrage est aussi celui qui convient au coeur placé sous l'empire d'une affection dominante. «Qu'il me baise des baisers de sa bouche;» c'est comme Marie de Magdala s'adressant à celui qu'elle croit être le jardinier: «Si tu l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis». Toutes deux parlent de Christ, mais ni l'une ni l'autre ne le nomment. Car le coeur avait auparavant été occupé des pensées qui concernent Christ; elles précédaient ce qui se présente à lui maintenant. C'est de lui que le coeur était rempli. Or ceux qui sont eux-mêmes remplis de Christ sont disposés à penser que les autres le sont de même. Tel est aussi le langage de l'apôtre qui parle du jour de la gloire et du royaume, sans le nommer autrement que par ces mots: «ce jour». «Je sais qui j'ai cru, et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder ce que je lui ai confié, jusqu'à ce jour-là», et encore: «Désormais m'est réservée la couronne de justice que le Seigneur, juste juge, me donnera dans ce jour-là» (2 Timothée 1: 12; 4: 8).

Ce sont bien là et le style et les paroles de l'esprit renouvelé qui contemple à la fois le Seigneur et la gloire. Combien ces affections sont précieuses! La vérité ou la doctrine de l'Evangile n'est pas un froid et rigide système, et nos âmes doivent le savoir. Elle est parfois présentée, il est vrai, sous forme de propositions et d'arguments, tirant des conclusions de prémisses adéquates et bien établies; mais cependant l'Evangile fait appel aux plus chaudes affections, et y pourvoit abondamment. Le Cantique des Cantiques lui-même ne va jamais au delà des limites strictes de l'Evangile — il ne dépasse jamais la mesure que prescrivent les plus exactes règles de la vérité évangélique. C'est pourquoi nous devons l'interpréter à la lumière des Ecritures doctrinales, et celles-ci, à leur tour, seront lues d'une manière profitable en y introduisant la chaleur d'affection que respire le Cantique. L'apôtre dit: «Je vous ai fiancés à un seul mari, pour vous présenter au Christ comme une vierge chaste» (2 Corinthiens 11: 2). Cela suppose tout ce qui est dans le Cantique; et de même l'Evangile, dans sa plus stricte acception, expliquera tout ce qui est dans le Cantique de Salomon. Celui-ci décrit les affections qui conviennent aux vérités et aux révélations que l'Evangile enseigne ou expose. Mais ce point étant d'une grande importance, je désire en donner quelques exemples.

Dans le Cantique, le Seigneur envisage le saint comme tout à fait digne d'amour. Tel est, en effet, le croyant à ses yeux. Celui-ci n'est en lui-même qu'un pauvre pécheur, mais, par la foi, il a revêtu la beauté de Christ. Il est «en lui». Il est «justice de Dieu en lui;» il est «agréé dans le Bien-aimé». La foi seule lui donne toute cette beauté. Il a été baptisé pour Christ et a revêtu Christ. Telle est la beauté du croyant, et il est digne d'amour aux yeux de Christ, ainsi que l'exprime à maintes reprises le Cantique.

Et dans cette forme de beauté, il n'y a en réalité aucune tache, car c'est de Christ lui-même que le croyant est revêtu. «La plus belle robe» du Père est sur lui. Il brille donc d'une beauté toute pure. C'est ce que nous enseigne la doctrine de l'Evangile, et, dans le Cantique, Christ exprime les délices qu'il trouve dans la beauté du croyant. Telles sont les harmonies entre les évangiles et le Cantique.

Mais allons plus loin. Dans le mystère de Christ et du croyant, Christ a une montagne de la myrrhe vers laquelle il invite ici le croyant à tourner ses pas, et Paul nous exhorte ainsi: «Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu». Le croyant monte avec Jésus sur ces hauteurs célestes, comme il y est invité ici et comme l'Evangile l'y exhorte. Sa conversation est dans le ciel. En Christ et avec Christ, il est assis dans les lieux célestes, et il savoure la myrrhe et l'encens pur qui s'y trouvent.

De plus, le Seigneur prend ses délices dans les grâces qu'il trouve dans le saint. Il demeure, avec un amour auquel il se complaît, dans le croyant qui marche dans l'Esprit devant lui (Jean 15: 10). L'âme est alors, à ses yeux, un jardin clos, une source fermée, une fontaine scellée (Cantique des Cantiques 4: 12). C'est ainsi qu'il est dit que l'Esprit, dans le croyant, est une fontaine d'eau jaillissant en vie éternelle (Jean 4). Il a, en lui-même, la bonne odeur des aromates et la source abondante d'eau vive, dont le parfum et la fraîcheur réjouissent son Seigneur. Tel est l'enseignement de l'Evangile et tel est le langage de Christ dans le Cantique. Il prend son plaisir dans ce qui est produit en nous par l'Esprit, aussi bien que dans ce dont nous sommes revêtus par la foi. Il a sa joie dans la communion de ses élus ici-bas, comme dans le ciel où il est monté.

Toutes ces choses nous sont amplement enseignées dans l'Ecriture. «Ecoute, fille! et vois, et incline ton oreille; et oublie ton peuple et la maison de ton père; et le roi désirera ta beauté, car il est ton seigneur: adore-le» (Psaumes 45: 10, 11). Il y a ici quelque chose de plus que la beauté imputée. Nous voyons en elle une grâce qui attire son Seigneur. Elle a oublié son peuple et la maison de son père, de sorte que le Roi la désire; et elle le reconnaît comme son Seigneur et se prosterne devant lui. Elle lui donne son coeur et lui rend hommage. Toute cette grâce si pleine d'attraits et si bien appropriée se trouve en Rebecca. Elle quitte tout pour Isaac. Elle oublie son peuple et la maison de son père, et s'en va à travers un désert inconnu, en compagnie d'un étranger, dans la simplicité et le dévouement d'un coeur qui s'est donné sans partage. Et lorsqu'elle arrive auprès de celui pour qui elle a consenti à tout abandonner, elle descend de sa monture et se couvre de son voile. Elle revêt l'ornement d'un esprit doux et paisible; elle se présente parée de timidité et de modestie. Elle aime et cependant s'incline; et Isaac met son affection en elle. C'est ainsi que l'Eglise est soumise à Christ, et cependant l'aime d'un amour virginal1 (Ephésiens 5: 24; 2 Corinthiens 11: 2).

(*) L'affection engendre la confiance. Rebecca se remet entre les mains d'Eliézer, sans demander ni son père, ni son frère, pour l'escorter. Ainsi, plus notre amour pour Jésus est simple, plus notre âme s'abandonne à lui et à ses soins avec confiance, sans nous appuyer sur la chair, ni sur aucune autre chose.

Dans le Cantique, nous trouvons l'Esprit de Christ invitant le fidèle à jouir de la liberté de la dispensation actuelle, et à respirer l'atmosphère d'une demeure où l'on entend le cri de l'adoption. La saison froide et sombre est passée, le temps de cette dispensation qui gardait l'âme dans la servitude et dans la crainte, n'est plus. La voix de la tourterelle se fait entendre, la voix de cet amour qui chasse la crainte. «Les ténèbres s'en vont, et la vraie lumière luit déjà» (1 Jean 2: 8), dit Jean, comme s'il avait eu le Cantique dans sa pensée. Le fidèle devrait maintenant se lever, ainsi que le dit le bien-aimé: «Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens!» et prendre sa place comme tel, dans la pleine conscience de la pureté et de la beauté personnelles qu'il possède par grâce, et dans l'entière assurance de la parfaite faveur et du bon plaisir de son Seigneur. Il doit mettre de côté «l'esprit de crainte», et être rempli de «l'esprit de puissance, et d'amour, et de conseil», car tout dans cette dispensation n'est que joie. Les fleurs paraissent sur la terre, et les chants des oiseaux se font entendre. Tout est promesse, et gage, et sceau, et onction (2 Corinthiens 1: 20-22). Et si la fiancée du cantique dit: «Pendant que le roi est à table, mon nard exhale son odeur», la femme disciple, dans l'évangile, oint les pieds de Jésus d'un «parfum de nard pur de grand prix» (Jean 12: 3).

Remarquons, en accord avec ce qui précède, combien les simples récits des évangiles justifient plusieurs des plus tendres épanchements du Cantique. Si le bien-aimé veille sur l'âme restaurée avec le soin le plus exquis, ne permettant pas que des pieds indiscrets viennent troubler le repos de la bien-aimée (chapitre 2: 7), que fait Jésus dans l'heureuse maison de Béthanie? Ne réprime-t-il pas l'agitation de Marthe? (Luc 10: 41).

Les grands principes moraux de la vérité se trouvent aussi pleinement et exactement présentés ici, bien que sous des traits délicats et spirituels. L'apôtre Jacques dit: «Vous demandez, et vous ne recevez pas; parce que vous demandez mal, afin de le dépenser pour vos voluptés» (Jacques 4: 3); et dans notre livre, nous lisons: «Sur mon lit, durant les nuits, j'ai cherché celui qu'aime mon âme, je l'ai cherché, mais je ne l'ai pas trouvé» (chapitre 3: 1). Le grand principe moral qu'il y a une recherche qui n'aboutit pas, se trouve dans l'un et l'autre passage, mais le second l'expose d'une manière beaucoup plus sensible et délicate que l'autre. «Sur mon lit» implique une certaine insouciance ou nonchalance d'esprit. Le lit peut être un lieu de méditation (Psaumes 63: 6), mais non de recherche, car la recherche demande l'action. Ainsi, celui qui cherche le Seigneur «sur son lit», dans l'insouciance ou la pesanteur d'esprit, ne le trouvera certainement point. Il faut, auparavant, qu'il ait passé sous la discipline décrite ici (chapitre 3: 1-4).

Si Christ exprime à maintes reprises dans ce livre la satisfaction profonde que son coeur trouve dans l'âme fidèle, avons-nous moins dans l'enseignement direct des Ecritures? Ne lisons-nous pas qu'au commencement «ses délices étaient dans les fils des hommes»? et qu'à la fin, lorsqu'il «verra du fruit du travail de son âme», il sera «satisfait»? (Proverbes 8; Esaïe 53). Si le pauvre pécheur trouve en lui sa satisfaction, lui trouve la sienne dans le pauvre pécheur. La femme, au puits de Sichar, oublia sa cruche pour lui, mais lui oublia sa soif pour elle, et cela est plus grand. Et ensuite, dans la même jouissance de son coeur, il dit à ses disciples: «J'ai à manger d'une viande que vous ne connaissez pas» (Jean 4: 32).

Le pouvoir que nous avons de rafraîchir l'esprit de notre Seigneur, du premier jusqu'au dernier moment de notre course chrétienne, est pleinement reconnu dans l'Ecriture. Notre première confiance en lui comme pécheurs le fait, pour ainsi dire, asseoir à un festin (comme nous venons de le voir en Jean 4: 32); en Luc 15: 6, «il se réjouit avec ses amis», car il y a de la joie parmi les anges à cause de la brebis retrouvée, et le retour d'un égaré le remplit de la même joie. Lisez l'expression de l'amour divin à l'égard d'Ephraïm repentant, en Jérémie 31: 20: «Ephraïm m'est-il un fils précieux, un enfant de prédilection? Car depuis que j'ai parlé contre lui, je me souviens de lui encore constamment; c'est pourquoi mes entrailles se sont émues pour lui; certainement j'aurai compassion de lui, dit l'Eternel!» Et que ne vaut pas à l'oeil du Seigneur et pour son coeur, la marche fidèle des saints et leurs allées et venues dans le sanctuaire! «Un esprit doux et paisible» n'est-il pas d'un grand prix devant Dieu? La conduite pure du croyant ne lui plaît-elle point? ne communique-t-elle point du plaisir et des délices au coeur de Dieu? (1 Thessaloniciens 4: 1). La promesse du Seigneur qu'il se manifestera à nous et fera sa demeure chez nous, rend témoignage à ce bon plaisir qu'il trouve en nous (Jean 14: 21, 23).

Tout cela vient à l'appui de ce que nous suggère le Cantique des Cantiques. Dans les évangiles, aussi bien que dans ce livre, ne voyons-nous pas Christ porté sur les chars d'Hamminadab, les chars de son peuple de franche volonté? (chapitre 6: 12). Où est-il transporté par le rapport que lui font les soixante-dix disciples en revenant près de lui? Où le désir que les Grecs ont de le voir élève-t-il son âme? (Luc 10: 17, 18; Jean 12: 21-23). Et la foi d'un centurion d'entre les gentils, après avoir tenu pour un moment son esprit dans les délices et l'admiration, le transporte bien au delà, dans la gloire, quand de l'orient et de l'occident, il en viendra plusieurs qui s'assiéront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux (Matthieu 8: 8-11).

Mais l'affection qui peut être ainsi satisfaite, peut aussi être blessée. C'est une des choses propres à l'amour. Ou peut attrister le coeur aimant aussi bien que le rafraîchir. C'est ce que nous trouvons à l'égard de l'amour du Seigneur, soit dans le Cantique, soit dans les évangiles, de même que nous lisons aussi dans les épîtres: «N'attristez pas le Saint Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption» (Ephésiens 4: 30). De plus, la fiancée, dans le Cantique, sait que les cieux (symbolisés ici par les montagnes et les collines) ont reçu son bien-aimé. Mais elle sait aussi que, bien qu'il soit là chez lui, comme une gazelle ou un faon de biche sur ses collines natales, il prend cependant son plaisir, à être en communion avec elle, et la visite, regardant avec amour à travers les treillis (chapitre 2: 8, 9). Elle sait aussi que son devoir est de veiller pour que rien d'étranger ne vienne la distraire et la troubler, de même que les gardiens des vignes veillent pour empêcher les petits renards d'y entrer et de les ravager. Toute cette vérité, cette jouissance, et cette énergie pratique, ne sont-elles pas souvent reconnues et affirmées avec force par l'enseignement de l'Evangile? Nous savons que les cieux ont reçu Jésus jusqu'au temps du rafraîchissement et du rétablissement de toutes choses (Actes des Apôtres 3: 21); nous savons aussi qu'il fait à présent sa demeure dans le fidèle et se manifeste à lui et non pas au monde (Jean 14: 19-23), et nous savons qu'il doit y avoir en nous de l'énergie et de la vigilance, afin que nous marchions «selon l'Esprit», et non «selon la chair», si nous voulons goûter ces manifestations de lui-même à nos coeurs et en jouir.

Il y a un jardin où soufflent le vent du nord et celui du midi, afin qu'il rende ses fruits et exhale ses aromates, pour que le bien-aimé y vienne et en jouisse (chapitre 4: 16). Dans le style plus austère du Nouveau Testament, nous trouvons aussi cette pensée. Le Père lui-même est le cultivateur d'une vigne qu'il soigne; le fidèle, de son côté, est comme une terre qui boit la pluie du ciel, afin de produire des herbes utiles à celui par qui elle a été labourée (Jean 15; Hébreux 6).

Dans les images que nous présente le Cantique, Christ est représenté comme un amant à la porte de celle qu'il aime, lui demandant de le laisser entrer pour s'abriter contre «la rosée et les gouttes de la nuit» (chapitre 5: 2); et dans le Nouveau Testament, nous le voyons se tenant à la porte et frappant pour obtenir l'entrée du coeur rebelle, désirant être accueilli pour le faire revivre, et une vraie affection le lui accordera sûrement (Apocalypse 3: 20). Et il serait bon pour nous, bien-aimés, que notre tiédeur laodicéenne disparût, comme l'assoupissement et l'indifférence de la bien-aimée dans notre chant mystique (chapitre 5: 2-16).

Et je ne sache pas que la fiancée, en se félicitant constamment elle-même de l'amour du bien-aimé, soit en rien au-dessus de Paul, exprimant le même sentiment. Elle peut parler toujours de son bien-aimé comme étant à elle, et dit de plus: «Je suis à mon bien-aimé, et son désir se porte vers moi» (chapitres 2: 16; 6: 3; 7: 9). Mais Paul — quels que soient les labeurs et les peines de la vie — peut aussi toujours chanter en esprit: «Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé, et qui s'est livré lui-même pour moi» (Galates 2: 20). Tel est le langage de l'apôtre, heureux dans l'assurance de l'amour dévoué de Christ pour lui (*).

(*) On explique ordinairement les paroles de l'apôtre comme si elles exprimaient son dévouement pour son Maître. Mais c'est ôter à ce verset sa beauté exquise. Paul y parle plutôt de la joie qu'éprouve son âme dans la connaissance d'un amour tel que celui de Christ pour lui.

Si, dans le langage mystique du Cantique, la bien-aimée dit: «J'ai pris plaisir à son ombre, et je m'y suis assise; et son fruit est doux à mon palais» (chapitre 2: 3), le style plus simple d'une épître n'a pas moins de ferveur: «Lequel, quoique vous ne l'ayez pas vu, vous aimez; et, croyant en lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse» (1 Pierre 1: 8). Certainement nous voyons dans l'un et l'autre cas, le coeur en possession d'un objet qu'il sait capable de répondre à tous ses désirs.

Nous trouvons aussi, dans les différentes scènes de notre livre, les âmes à différents degrés d'élévation. Il y a la fiancée et «les filles de Jérusalem» (chapitres 1: 5; 2: 7; 3: 5, etc.). Combien cela est connu parmi nous, et peut se voir dans les exemples et les enseignements du Nouveau Testament! Tous les saints ne sont pas pleinement formés, tous ne sont pas arrivés à leur entière stature, comme nous le voyons en figure, au chapitre 8, verset 8. Tous ne sont pas parvenus à la pleine liberté qui appartient à cette dispensation. Ceux-là réveillent la sympathie du fidèle qui est bien établi dans la grâce de Dieu, et pour eux, comme nous le dit ce verset, le coeur éprouve de la sollicitude et se sent appelé à donner des soins, à faire monter des prières vers le Seigneur, et à presser de telles âmes à le rechercher.

Je ne sais en vérité rien qui soit plus dans les harmonies de l'Esprit, dans les diverses et ardentes lumières de l'évangile, que la voix de la fiancée dans ces quelques lignes (chapitre 8: 8-10). L'activité de l'âme envers les autres et à l'égard du Seigneur est l'oeuvre la plus douce et la plus exquise de l'Esprit. Elle a égard «aux infirmités des faibles», désirant pour eux qu'ils soient fortifiés et édifiés selon la pleine mesure de Christ, tout en les reconnaissant en tout temps comme étant un en lui et frères en lui, tandis qu'elle se réjouit dans l'entière et heureuse assurance qu'elle possède, et dans la plénitude de sa propre croissance; et, à cause de cela, elle connaît la faveur du Seigneur et le délice qu'il prend en elle: «Je fus alors à ses yeux comme celle qui a trouvé la paix» (verset 10). Et nous pouvons être assurés que tel est, purement et richement, le chemin d'une âme croyante et renouvelée. Pleine adoption des faibles, avec le désir pour eux d'une plus grande liberté et de plus d'assurance, et en même temps, certitude d'une position personnelle dans la joie la plus exempte de nuages que donne une entière assurance, avec la parfaite persuasion que toute cette liberté et cette confiance sont tout à fait selon le coeur et la pensée de Jésus.

Il n'est rien de plus parfait que ces choses, je pense, lorsque nous les contemplons selon les harmonies et les lumières d'un coeur spirituel, suivant le sens le plus strict de la vérité évangélique. Dans les récits des évangiles, nous voyons que rien ne conduit davantage Jésus à oublier ses peines que la foi d'un pauvre pécheur. Il trouve là, comme nous l'avons déjà remarqué, un rafraîchissement pour son coeur. Il y a pour lui un oubli passager de ses douleurs près de la femme samaritaine et de ses concitoyens, chez Zachée, avec le centurion, et dans le parfum de nard pur et la communion de Marie. Dans le Cantique, nous le voyons rechercher la même chose. Il vient vers la fiancée afin de trouver, en communion avec elle, autre chose, un objet tout différent que ce qu'il a toujours rencontré dans le monde, c'est-à-dire le rejet de sa Personne et le refus de le recevoir (chapitre 5: 2). N'en est-il pas ainsi? Si le fidèle a été indolent et insouciant, l'amour constant de Christ ne viendra-t-il pas aider à la discipline? Si Jésus dit avec un doux reproche: «Ne pouvez-vous veiller une heure avec moi?» Paul dira: «Soyez hommes, affermissez-vous». Il en est ainsi dans notre livre. Jésus laisse un mémorial de la négligence de l'âme sur «le guichet», afin que la conscience s'éveille, et les gardes de la ville, et les gardes des murailles ôtent le voile de la face de la fiancée (chapitre 5: 3-8).

En toutes ces choses, en comparant ce que nous dit ce livre avec ce que nous lisons dans le Nouveau Testament, nous voyons les harmonies du «seul Esprit». Ainsi, nous discernons dans le Cantique la voie du Seigneur envers une âme repentante et restaurée (chapitre 6: 4-13). Elle avait refusé de lui ouvrir sa porte, mais par la discipline elle a été ramenée à une fervente communion avec lui (5: 2; 6: 3). Et maintenant l'oeil et le coeur du bien-aimé sont de nouveau remplis d'elle. Il la voit plus belle que jamais (6: 4, 5). Elle est «sa parfaite», et rien de moins; nul reproche ne sort de la bouche du bien-aimé. Lorsqu'elle s'avance vers lui, il la trouve agréable et pleine de grâce (6: 10), et il lui fait savoir que sa repentance a été pour lui un merveilleux rafraîchissement (verset 11). Dès qu'elle a été de franche volonté (Psaumes 110: 3), il est monté sur un char pour être porté rapidement et joyeusement vers elle (verset 12). Elle peut se regarder elle-même comme un monstre, comme un objet tout à fait indigne d'aucune mention: «Que verriez-vous dans la Sulamithe» (verset 13)? mais le Seigneur et les anges se réjouissent à son sujet. Comme nous le savons, dans les évangiles, les quatre-vingt-dix-neuf justes sont laissés pour un seul prodigue; les anges au ciel se réjouissent lorsqu'il revient, et la maison retentit des accents de la fête; les amis du bien-aimé exultent du retour de la Sulamithe. Elle est semblable à Jacob revenant au pays de Canaan; les «Mahanaïm», les armées de Dieu, saluent l'une et l'autre; les attendent au seuil du pays ou de la maison pour accomplir envers eux le bon plaisir de leur Seigneur, leur exprimer de sa part la bienvenue et tout l'intérêt qu'il leur porte (*) (Genèse 32: 1; Cantique des Cantiques 6: 13).

(*) Dans le Cantique, le Bien-aimé exprime directement à la bien-aimée ce qu'il voit en elle; la fiancée ne le fait jamais à l'égard du Bien-aimé; mais elle raconte à d'autres les beautés qu'elle trouve en lui. Il y a en cela une grande convenance morale; quelque chose qui s'accorde tout à fait avec ce que dicte une affection délicate.

Quelle est ici l'aspiration de l'âme, sinon que le jour se lève? (chapitre 7: 11, 12). Et quel est le désir de la même âme exprimé dans les paroles de l'évangile? «Viens, Seigneur Jésus, viens!» C'est avec cette largeur et cette exactitude que les enseignements et les aspirations du Nouveau Testament, ici, et dans des cas analogues, sont la mesure des affections du coeur exprimés dans ce petit livre. Christ habite dans le coeur par la foi (Ephésiens 3: 17); cela ne répond-il pas à ce que nous lisons dans le Cantique? (chapitre 1: 13). Le fidèle n'a-t-il pas son coeur à l'unisson avec celui de Jésus, de manière à employer un langage semblable?

Tels sont quelques-uns des sceaux mis sur cette précieuse partie de la parole de Dieu par la pensée spirituelle du croyant, et aussi par les vérités qui s'y rattachent et par les principes que l'on trouve dans d'autres portions des Ecritures. On a dit avec justesse que «s'il n'est pas fait expressément allusion à ce livre dans le Nouveau Testament, la même allégorie représentant la même vérité, paraît d'une manière évidente avoir été familière à l'esprit de ses auteurs, de même qu'au peuple auquel ils s'adressaient. Par exemple, lorsque Jean le Baptiseur montre en Jésus «l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde», comme étant un caractère du Messie que tous devaient connaître et comprendre, il ne le fait pas plus abruptement que lorsqu'il désigne la même adorable Personne sous le caractère d'Epoux: «Celui qui a l'épouse est l'Epoux».

N'est-il pas à propos, bien-aimés, dans ces jours d'incrédulité, d'irréligion et de mondanité, de nous exhorter l'un l'autre à garder nos esprits dans la pureté et la simplicité qui sont en Christ? Dans l'époque de préparation où nous sommes, et que le Cantique considère, Eve est formée par la main de Dieu pour Adam, et pour Adam seul. Adam tomba dans un profond sommeil pour qu'Eve fût tirée de lui, et Eve fut faite pour Adam. Il en est ainsi de Christ et de l'Eglise. Christ dormit pour nous du sommeil de la mort, et l'Esprit Saint nous prépare pour lui. «Je vous ai fiancés», dit Paul, «à un seul mari, pour vous présenter au Christ comme une vierge chaste». Et dans un autre endroit: «Mes enfants, pour l'enfantement desquels je travaille de nouveau jusqu'à ce que Christ ait été formé en vous» (Galates 4: 19). Christ et Christ seul, dans sa précieuse et infinie suffisance pour un pécheur, c'est ce que veut l'apôtre en réponse à la pensée des Galates touchant la valeur «des jours, et des mois, des temps, et des années», cet «Evangile différent qui n'en est pas un autre» (Galates 1).

Mais la vérité dont nous venons de parler, a été attaquée par Satan. L'Evangile, réclamant du pécheur une confiance sans partage en Christ, a été proclamé par des milliers de témoins, pour la joie de milliers d'âmes. L'ennemi veillait et haïssait cette oeuvre. Agissant sur la scène où «il court çà et là, et se promène» (Job 1: 7), il s'occupe à détourner les coeurs de cet Evangile. Et ses succès ne dépassent-ils pas de beaucoup tout ce que l'on aurait pu craindre? A cette heure, la religion d'une confiance charnelle et des ordonnances ne prend-elle pas une grande extension? Elle admet la mondanité, et la mondanité, en ce temps-ci, fleurit à ses côtés, associée avec elle. On érige des temples pour le culte, et des palais pour les adorateurs. On apporte le plus grand soin à observer les formes dues au sanctuaire, et en même temps on déploie une habileté et une énergie incomparables, et un esprit d'entreprise sans égal pour le perfectionnement de tout ce qui peut contribuer aux aises et à l'élégance de la vie humaine, de manière à faire du monde un lieu désirable et cependant sûr pour y vivre — un lieu où la religion est observée et honorée!

Tout cela détourne du principe de la foi, et entraîne l'esprit loin de la simplicité qui est en Christ. L'Evangile s'adresse à l'homme, non seulement comme à une créature coupable, mais comme à une créature religieuse. Il trouve l'homme sous la puissance de la superstition ou de la religiosité, aussi bien que sous celle du péché. Il est tout autant dans la nature de l'homme de refuser «d'entrer au prétoire, afin de ne pas être souillé» (Jean 18: 28), que de crier avec une haine positive contre Dieu: «Crucifie, crucifie-le!» (Jean 19: 6). Ainsi l'Evangile rencontre un refus aussi péremptoire de la part de l'homme religieux, que de l'homme adonné à ses passions. Comme l'a dit le divin Maître, les prostituées devancent les pharisiens dans le royaume des cieux (Matthieu 21: 31).

Ainsi, les vanités religieuses ont actuellement une puissante influence et cherchent à séduire les âmes. Quelle réponse, bien-aimés, vous et moi, leur donnons-nous? Jésus nous est-il précieux au point que nulle chose hors de lui n'a de puissance pour nous attirer? La pureté virginale de l'esprit, la conservons-nous encore, et restons-nous fiancés, comme une vierge chaste, à Christ seul? Comme Eve, alors qu'elle venait d'être formée, sommes-nous encore tels qu'au jour où, pour la première fois, nous fûmes présentés à notre Seigneur, ou bien, nous étant écartés de lui, avons-nous prêté l'oreille à la voix du serpent?

Le royaume des cieux est comme un souper, un festin royal et joyeux, préparé pour les pécheurs, afin qu'ils puissent goûter et voir, que le Seigneur est bon, et que bienheureux est l'homme qui se confie en lui. Là Dieu n'est pas présenté comme celui qui reçoit, à qui l'homme apporte ce qui lui est dû mais Dieu prend la place de donateur, et l'homme est invité à apprécier ses bénédictions. Mais la question est: «Qui est-ce qui écoute, avec un coeur désireux, l'invitation qui lui est faite? Qui a revêtu la robe de noces? Qui est-ce qui apprécie Christ? Qui est-ce qui triomphe dans son salut? Qui soupire après le jour des noces de l'Agneau?» Ce vêtement de noces, Jean le portait, quand il disait: «L'ami de l'époux est tout réjoui à cause de la voix de l'époux; cette joie donc, qui est la mienne, est accomplie» (Jean 3: 29). Il flottait librement sur les épaules de Marie, lorsqu'assise aux pieds de Jésus, elle écoutait sa parole. Paul le tenait serré autour de lui, quand il disait: «Qu'il ne m'arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ» (Galates 6: 14). L'eunuque, officier de la reine Candace, venait de le revêtir, lorsqu'il poursuivit son chemin plein de joie (Actes des Apôtres 8: 39), dans la foi au nom de Jésus. Tout pauvre pécheur s'orne de cette précieuse robe, du moment que son coeur apprécie Christ comme son Sauveur et l'objet de ses affections. Et quelle joie pour nous de savoir qu'en ayant ainsi revêtu Christ, ce n'est point «d'un sac» de deuil et de tristesse que nous nous sommes couverts, ni «qu'un esprit abattu» soit notre partage», mais «qu'une robe de noces», et «un vêtement de louange» (Esaïe 61: 3) est notre parure.

Est-ce ainsi que nous avons appris le royaume des cieux? Y sommes-nous entrés en esprit, comme dans une salle de banquet où la gloire et la joie nous souhaitent la bienvenue? Sommes-nous, d'une manière consciente, des hôtes aux noces du Fils du Roi? Avons-nous appris les mystères de la foi? Les avons-nous contemplés? En les méditant, un feu s'est-il allumé dans nos coeurs pour y consumer la balle des rudiments du monde? Paul l'avait dans son âme, tandis qu'il parcourait la Grèce. Et quel effet avait l'ardeur de ces mystères sur les «princes de ce monde»? Elle les consumait tous. «Où est le scribe, où est le sage, où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas fait de la sagesse du monde une folie?» (1 Corinthiens 1: 20; 2: 6). Précieuse ferveur de l'Esprit! Quel bûcher, allumé dans ces cités renommées des savants et des sages, bûcher où furent jetées et consumées comme des ordures toutes les pensées de l'homme!

Et comment Paul traite-t-il les éléments du monde religieux? Il apporte là avec lui le même sentiment de ferveur pour Christ, pour éprouver ce qui n'est que chaume et fumier. Il en trouve beaucoup chez les Galates, mais n'en épargne rien. Qu'un ange du ciel recueillît de tels rebuts, que Pierre lui-même aidât à cette oeuvre, que les Galates, qui, autrefois, se seraient arrachés les yeux pour lui, se laissassent séduire, rien ne pouvait tenir devant l'ardeur brillante de l'Esprit qui était en lui. «O Galates insensés, qui vous a ensorcelés?» s'écrie-t-il. «Vous observez des jours, et des mois, et des temps, et des années… Je suis en perplexité à votre sujet» (Galates 3: 1; 4: 10, 20). Pouvait-il faire moins? Pouvait-il porter Jésus dans son coeur, et rester à comparer et à mesurer calmement la lumière qu'il possédait avec les lumières de la Grèce, ou la grande ordonnance de Dieu avec les traditions des hommes?

Ce dont nous avons besoin, bien-aimés, c'est de faire plus de cas de Christ, de Christ lui-même et de ses glorieux exploits en faveur de pauvres pécheurs. Nous manquons de simplicité, dans le sens du mot: qu'il n'y ait en nous que les aspirations d'une âme satisfaite de Christ, et la paix d'une conscience pour toujours en repos dans sa pleine et entière suffisance. «Que vous semble-t-il du Christ?» est la pierre de touche, ainsi que l'exprime ce qui suit:

«Plusieurs dans leurs discours l'appellent leur Sauveur, mais mêlent leurs oeuvres à la sienne, et espèrent qu'il leur accordera son aide, lorsqu'ils auront fait tout ce qu'ils peuvent. Si leurs mérites semblent peser trop peu (car ils reconnaissent qu'en quelque chose ils peuvent manquer), ils comptent compléter le poids en mettant son Nom dans la balance.

»Quelques-uns l'appellent la perle de grand prix, et disent qu'il est la source de joie; et cependant ils se plaisent dans la folie et le péché, et s'attachent au monde et à ses vanités. N'y a-t-il pas en eux quelque chose de Judas qui trahit son Maître par un baiser? Tandis qu'ils professent le vénérer, ils le trahissent. A quoi servira une profession telle que la leur, au jour redoutable à venir?

Si l'on me demande ce que mon âme pense de Jésus — bien que toutes mes meilleures pensées ne soient que pauvreté — je répondrai: «Il est ma nourriture et mon breuvage; ma vie, ma force et ma ressource; il est mon Berger, mon Epoux, mon Ami; Celui qui me sauve du péché et de l'esclavage; il est mon espérance ici et dans l'éternité, mon partage, mon Seigneur, et mon tout».

Puissent ces pensées et ces affections être les nôtres! Elles sont le doux témoignage «d'une seule foi, un seul Seigneur, un seul Esprit» (Ephésiens 4), car elles expriment la pensée dominante du Cantique des Cantiques. Là aussi l'âme, dans une affection semblable, n'a qu'un objet, mais cet objet suffit. Elle est satisfaite, et ne cherche rien d'autre. C'est le «bien-aimé;» il est tout pour elle. Si elle se plaint, c'est d'avoir si peu de capacité pour jouir de lui. Elle ne cherche que Jésus, désirant seulement être plus entièrement et plus constamment remplie de lui, en vivant près de lui. Telle est l'expérience que nous avons à rechercher — trouver dans le Seigneur un objet qui nous ait satisfait, un remède à l'inconstance et aux désirs vagabonds de notre pauvre coeur, qui, jusqu'à ce qu'il se soit arrêté sur lui, cherche et demande: «Qui nous fera voir du bien?» — «Le travail des sots les lasse, parce qu'ils ne savent pas aller à la ville» (Ecclésiaste 10: 15).

Ce manque de satisfaction que laissent après elles les jouissances passagères, et que les hommes déplorent comme un malheur de leur nature, en est en réalité un privilège. Car cette soif que le monde ne peut apaiser, cette dépense de «labeur pour ce qui ne rassasie pas» (Esaïe 55), rejette le coeur sur Jésus. Il en a toujours été ainsi. Bâtir des palais, planter des vignes, avoir des chanteurs et des chanteuses et les délices des fils des hommes, tous ces efforts et ce travail du coeur, occupent encore aujourd'hui les âmes, et ce n'est que vanité et poursuite du vent (Ecclésiaste 2). Mais Jésus révélé au coeur, comme le fait ce petit livre, domine ces pensées et ces desseins, et les chasse bien loin. Il parle le langage même de notre précieux Seigneur, et l'expérience qui y est faite, est celle de la pauvre femme samaritaine qui laisse sa cruche auprès du puits: elle avait trouvé Jésus. «Celui qui boira de cette eau aura encore soif», dit le Sauveur; «mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, moi, n'aura plus soif à jamais, mais l'eau que je lui donnerai sera en lui une source d'eau jaillissant en vie éternelle».


 «Je suis la racine et la postérité de David, l'étoile brillante du matin. — Oui, viens, Seigneur Jésus!»