Réflexions sur la vie et les temps d'Ezéchias

2 Chroniques 29 à 32 ; Esaïe 36 à 39

ME 1898 page 281

 

Il y a deux choses contre lesquelles le chrétien doit particulièrement être en garde: d'un côté, l'oisiveté, et de l'autre, un service en temps inopportun. L'oisiveté est tout à fait incompatible avec le caractère chrétien. La même grâce qui nous rend honteux de la pauvreté de notre petit service, nous fait poursuivre notre chemin avec un sérieux désir d'être toujours plus largement employés pour le Seigneur. Avoir besoin d'être exhorté à ne pas être paresseux est une chose vraiment lamentable. Le chrétien devrait trouver qu'il lui est aussi naturel d'agir pour Dieu, qu'il l'est à l'homme naturel d'accomplir les fonctions de la vie qu'il possède comme tel; par conséquent, si l'on ne voit pas le chrétien agir, on a beaucoup de raison de douter de la réalité de sa vie. Il y a une telle chose que d'avoir «le nom de vivre», mais non pas d'avoir «le nom d'agir», c'est-à-dire d'agir pour Dieu.

D'un autre côté, il faut toujours se souvenir que Dieu ne veut pas être débiteur de l'homme, «lui qui donne à tous la vie et la respiration et toutes choses» (Actes des Apôtres 17: 25). L'effort constant de l'homme est de faire de Dieu son débiteur; mais c'est un vain effort, et celui qui y persiste, se trouvera en opposition avec Dieu. La question entre Dieu et l'homme ne peut être réglée que si l'homme prend la place de débiteur, de celui qui a à recevoir; jusqu'alors l'homme reste éloigné de Dieu.

Mais c'est plutôt du second point mentionné ci-dessus, que je désire m'occuper dans ces pages. Un service défectueux ou hors de saison, parce qu'il n'est pas le résultat direct de la communion avec Dieu, tel sera mon thème. La vie et les temps d'Ezéchias me le fourniront spécialement.

Il y a trois rois de Juda dont le Saint Esprit a réuni les règnes dans trois des prophètes. Esaïe, Osée et Michée, ont prononcé leurs oracles prophétiques, «aux jours de Jotham, d'Achaz et d'Ezéchias, rois de Juda». Entre ces trois règnes existe donc, à mon sens, une relation morale importante, relation que nous sommes naturellement conduits à considérer du point de vue du fait que nous venons de constater.

Le temple de Jérusalem était le grand centre de rassemblement de l'Israël d'autrefois. Les affections de tout vrai Juif étaient liées à cet édifice sacré, et, quant aux rois de Juda, on peut remarquer que leur manière d'agir à l'égard du temple, fournit une sûre pierre de touche pour juger de leur vrai caractère personnel et officiel. Ceux d'entre ces rois desquels est rendu ce beau témoignage: «Il fit ce qui est droit aux yeux de l'Eternel», eurent en général leurs coeurs exercés à l'égard du temple et du culte du Dieu d'Israël; tandis que ceux qui firent «ce qui est mauvais aux yeux de l'Eternel», furent aussi ceux qui abandonnèrent la maison de l'Eternel et qui s'adonnèrent à l'idolâtrie.

Jotham, roi de Juda, semble occuper une position intermédiaire entre ces deux classes; il n'était pas idolâtre, cependant la maison de Dieu n'occupait pas dans ses pensées la place qui lui était due. On peut dire de lui qu'il commença son oeuvre en dehors du sanctuaire. Il bâtit des villes dans les montagnes avant d'aller adorer; il fut sur les champs de bataille avant d'être devant l'autel; il s'adressa aux maçons et aux hommes de guerre avant de s'adresser aux sacrificateurs, ministres du sanctuaire. C'est pourquoi, tout fut défectueux. Il fit beaucoup, il est vrai, car il bâtit «des châteaux et des tours», et même la porte supérieure de la maison de l'Eternel; et plus encore, «il régla ses voies devant l'Eternel, son Dieu». Mais avec tout cela, il y a un «seulement»: «Seulement les hauts lieux ne furent pas ôtés; le peuple sacrifiait encore et faisait fumer de l'encens sur les hauts lieux» (comparez 2 Rois 15: 35; 2 Chroniques 27: 2). Il y a là pour nous une leçon salutaire. Nous avons à veiller avec soin sur l'état de nos coeurs, par crainte que notre service même — notre service vrai et raisonnable — ne vienne se placer entre nos âmes et la personne de Christ. Nous devrions fréquemment aller à l'écart, dans le but d'examiner nos motifs d'action, soit que nous prêchions, que nous écrivions ou correspondions, soit que nous fassions des visites ou quelque autre chose; il faudrait nous asseoir calmement et nous juger nous-mêmes quant au but secret que nous poursuivons en toutes ces choses. Lorsque le Seigneur viendra, ce sont «les conseils des coeurs», et non les oeuvres extérieures seulement, «qu'il manifestera». C'est une pensée très sérieuse. Plus d'un acte éclatant de service, plus d'une prédication éloquente, plus d'un livre bien écrit, plus d'une visite qui aura eu du retentissement, tomberont dans l'oubli, ou, s'ils sont rappelés, tendront seulement à frapper la conscience ou à aggraver le jugement de l'âme aveuglée qui, pour ainsi dire, se sera mise à l'ouvrage sans connaître expérimentalement cette loi fondamentale de la maison de Dieu, savoir, que l'homme doit être un mendiant; et qui, en d'autres termes, n'aura jamais eu, en toute parole ou action, d'objet plus élevé que le «moi».

Nous n'avons pas grand-chose à dire d'Achaz. Il fut un adversaire déclaré de Dieu et de sa vérité. Il négligea le temple; il en ferma les portes, en éteignit les lampes, mit en pièces les ustensiles de la maison de Dieu, et éleva des autels idolâtres dans tous les coins de Jérusalem. En outre, il alla à Damas à la rencontre du roi d'Assyrie, et vit là un autel dont il envoya à Urie, le sacrificateur, la forme et le modèle, afin qu'il en fit un semblable à Jérusalem. Ensuite, il déplaça le vrai autel pour le mettre à côté du sien, et ainsi renversa tout l'ordre du culte. C'était «lui, le roi Achaz». De quelque manière que nous envisagions ce misérable homme, son histoire est remplie pour nous de sérieux avertissements; mais surtout quand nous le considérons comme venant après Jotham. Toutes les fois que nos coeurs ne sont pas d'abord et entièrement dévoués au service du sanctuaire, que nous n'apprécions et ne cultivons pas une communion secrète avec Dieu, que l'oeuvre au dedans ne marche pas de pair avec l'oeuvre au dehors, que nous lisons et enseignons plus que nous ne prions, et qu'enfin notre travail est plus pour les yeux de l'homme que pour ceux de Dieu, nous pouvons être sûrs que bientôt nous serons tout à fait abattus. La seule chose qui puisse nous maintenir dans un service vrai et effectif, est la communion; là où elle manque, tout doit aller mal. Ainsi, en regardant ces deux règnes comme étant moralement liés l'un à l'autre, l'apostasie déclarée d'Achaz est bien ce que nous pouvions attendre après le service défectueux de Jotham. Si nous sommes occupés «à bâtir sur les montagnes», tandis que le temple est comparativement négligé, nous tournerons bientôt le dos au vrai culte de Dieu, et nous tomberons dans l'idolâtrie. A quoi servent «les châteaux et les tours», tandis que les portes de la maison de l'Eternel sont fermées? Qu'importent les victoires sur les Ammonites, si les lampes de Dieu ne brillent pas dans le lieu saint? Toutes ces choses ne sont d'aucune utilité et ne dureront pas longtemps, telles qu'elles sont, mais céderont bientôt la place aux actes plus décidés d'un Achaz qui ne veut pas avoir une position équivoque.

Des réflexions qui précèdent, nous pouvons tirer la leçon suivante dont nous avons grand besoin: c'est que la communion avec Dieu doit toujours tenir une place plus élevée que le service pour Dieu; la communion secrète avec Dieu ne doit jamais être négligée, même pour un service public dans les choses qui tiennent à la piété. Plusieurs seraient assez prêts à accomplir en apparence pour Dieu des actes de service brillants aux yeux du monde, sans un grand désir d'une communion intime avec Lui. Rappelons-nous donc que, si Dieu ne reçoit pas l'entier hommage du coeur, ce que nous accomplirons de nos mains dans un service extérieur, ou avec notre intelligence en vue de la doctrine, n'importe en rien; notre fondement est indubitablement défectueux, et tout ce que nous aurons édifié tombera bientôt sur nous et nous ensevelira sous ses ruines. En outre, plus l'édifice aura été élevé, plus apparent il aura été aux yeux, plus grande sera sa chute, plus triste sa désolation. Je sens combien ces choses sont dignes qu'on leur prête attention dans un temps d'activité extérieure tel que celui-ci, mais où il y a dans l'âme si peu de la puissance intérieure de la vie divine, tant de prédications et d'écrits et si peu de réalité vivante, beaucoup dans l'intelligence et beaucoup d'oeuvres, mais si peu du coeur et des affections, beaucoup pour les yeux des hommes et si peu pour les regards de Dieu. Notre prière incessante devrait être pour demander à Dieu plus de réalité intérieure et de puissance spirituelle; sans cela, tout est vanité.


Occupons-nous maintenant d'Ezéchias, dont l'histoire nous apportera plus d'encouragement que celle de ses deux prédécesseurs sur le trône de Juda. Il est écrit de lui que, «la première année de son règne, il ouvrit les portes de la maison de l'Eternel et les répara». C'était un heureux commencement, un gage encourageant de ce que devait être la suite de sa carrière. La course commencée avec Dieu, dans son long parcours, sera triomphante. Il pourra y avoir manquements, difficultés, tentations, douleurs, nuages et obscurité; mais à la fin, il sera rendu manifeste que celui qui a commencé sa course dans le sanctuaire la terminera dans la gloire. «Ceux qui sont plantés dans la maison de l'Eternel, fleuriront dans les parvis de notre Dieu» (Psaumes 92: 13). Ezéchias semble l'avoir senti, car nous le voyons commencer immédiatement sa course au point où il le fallait. Il ne va pas dans les montagnes pour y bâtir, mais débute directement dans l'oeuvre d'une entière réformation. Il envoie les lévites dans la partie la plus reculée de la maison de l'Eternel, dans le sanctuaire, pour le purifier. Il met ainsi Dieu à la place qui lui est due, persuadé que, si ce point capital est garanti, tout le reste suivra naturellement. Leçon bien salutaire que nous enseigne en cela Ezéchias. Dans l'expérience et la vie d'un chrétien, tout dépend de la place que Dieu occupe dans son coeur; en d'autres termes, il y a un puissant lien moral entre l'estime que nous faisons de Dieu et notre conduite. Si les pensées que nous nous formons de Dieu sont peu élevées, peu élevée aussi sera la mesure de notre marche chrétienne; si, au contraire, nous avons de Dieu les pensées élevées qui conviennent à ce qu'il est en réalité, le résultat dans notre vie y sera conforme. Ainsi, lorsque les Israélites, au pied du mont Horeb, «changèrent leur gloire en la ressemblance d'un boeuf qui mange l'herbe», les paroles de l'Eternel à Moïse furent: «Ton peuple s'est corrompu». Remarquez ces paroles: «s'est corrompu». Ils ne pouvaient autrement que se corrompre, en abaissant leur pensée de la dignité et de la majesté de Dieu au point d'imaginer pour un moment, qu'il était semblable à «un boeuf qui mange l'herbe». Tel est aussi l'enseignement que nous trouvons en Romains 1. L'apôtre, dans ce chapitre, nous montre que toutes les abominations dont se rendaient coupables les nations païennes venaient du fait que, «ayant connu Dieu, elles ne le glorifièrent point comme Dieu», et ainsi se corrompirent. C'est un principe d'une grande importance pratique et dont l'influence s'étend loin. Si nous abaissons Dieu dans nos pensées, nous nous abaissons nous-mêmes. Nous sommes en cela placés bien au-dessus de toute vue simplement systématique de la vérité; ce n'est pas du tout une question de doctrine. Non; nous sommes amenés par là dans les plus secrètes profondeurs de l'âme pour peser, comme sous l'oeil scrutateur de Dieu, la pensée que, jour par jour et heure par heure, nous nous formons de lui. Nous ne saurions nous refuser à appliquer sérieusement notre esprit à examiner ce point important de la vérité. Notre négligence à cet égard nous dirait beaucoup du secret de notre marche languissante et de notre lamentable froideur spirituelle. Dieu n'est pas suffisamment exalté dans nos pensées; il n'a pas la place suprême dans nos affections; nous ne vivons pas assez dans l'atmosphère de sa bienveillance et de sa fidélité divines. Notre état d'esprit, notre expérience, notre service, nos luttes, nos peines, nos infirmités, viennent, en grande mesure, se placer entre nos âmes et Dieu, et obscurcissent la brillante lumière de sa face. Or, toutes les fois que nos propres intérêts et nos propres sentiments agissent sur nous de manière à empêcher la jouissance de ce repos calme et assuré du coeur et de la conscience dans l'amour rédempteur et l'éternelle efficacité de l'oeuvre expiatoire, nous glissons certainement dans une simple religiosité et dans le légalisme, ou bien dans la mondanité et le mal moral. La suite de ces pensées nous a été suggérée par le premier acte du roi Ezéchias. Il avait posé un bon fondement et agi selon le précepte donné plus tard par le Seigneur Jésus à ses disciples: «Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus». Il sentait que les fortifications et les constructions devaient toutes céder la place à la maison de Dieu; il ne pensait pas à habiter dans une maison lambrissée (voyez Aggée 1), tandis que le temple de l'Eternel était négligé. En conséquence, il entra, pour ainsi dire, tout droit dans la partie intérieure du sanctuaire, et ce fut, pour ainsi dire, dans son oeuvre, le grand point de départ.

Arrêtons-nous ici un moment pour contempler le contraste entre l'ordre divin et l'ordre humain du service. L'homme dit: Il faut commencer au dehors, puis agir au dedans; l'Ecriture dit que vous devez commencer au dedans, puis agir au dehors. L'homme dit qu'il faut sortir et aller dans les montagnes bâtir des châteaux et des tours, et ensuite venir dans le sanctuaire en vertu de ce que l'on a fait, et là mettre les choses en ordre. L'Ecriture dit qu'il faut d'abord entrer dans le secret du sanctuaire, et de là agir, pas à pas, jusqu'à ce que l'on soit dans une condition qui vous rende propre à bâtir des fortifications, s'il en est besoin. En un mot, l'homme dit qu'il faut travailler pour avoir la vie; l'Ecriture dit qu'il faut travailler, parce qu'on a la vie; l'homme dit: «Fais et vis», Dieu dit: «Vis et fais». Heureux contraste pour le pécheur impuissant qui sent que le chemin de Dieu seul répond à son cas.

Mais revenons à Ezéchias. Nous pouvons voir dans tous les actes de sa vie un ordre divin, au moins pour ce qui concerne les réformes qu'il entreprit. Non seulement il commença bien, mais il continua de même. On peut dire de lui que, sauf dans l'affaire de l'ambassade que les chefs de Babylone lui envoyèrent, toutes ses oeuvres commencèrent, continuèrent et finirent en Dieu. Il résolut de célébrer la Pâque à l'Eternel, et, en le faisant, d'agir selon la largeur du principe de Dieu en y conviant tout Israël. Il ne voulait pas avec égoïsme restreindre cette grande fête fondamentale et l'efficacité purifiante du sang, aux étroites limites de Juda ou de Jérusalem, mais il avait commandé justement «que l'holocauste et le sacrifice pour le péché seraient pour tout Israël» (2 Chroniques 29: 24). Il est vrai qu'Israël avait apostasié et était tombé dans une grossière idolâtrie, mais quoi? Le sang qui pouvait purifier Juda, avait la même vertu pour Israël, et ils en avaient tous deux également besoin. Et ne pouvons-nous pas dire que, partout où une âme est enseignée de Dieu, elle aura toujours ces pensées de largeur touchant toute la famille de Dieu? Il n'y a nulle section du corps de Christ; il est un tout ou il n'est rien. Toute vérité dans sa plénitude doit être envisagée comme se rapportant au corps tout entier. Que ce soit la rédemption dans laquelle nous avons notre position, le ministère qui nous soutient, ou l'espérance qui nous anime, tout doit être vu en rapport avec le corps tout entier. «Dans ton livre mes membres étaient tous écrits» (Psaumes 139); «il garde tous ses os, pas un d'eux n'est cassé» (Psaumes 34).

C'est cette largeur de coeur et de vues par rapport à Israël qui conduisit le roi Ezéchias à envoyer par tout Israël ce message touchant: «Fils d'Israël, retournez à l'Eternel, le Dieu d'Abraham, d'Isaac, et d'Israël, et il reviendra au reste d'entre vous qui est échappé à la main des rois d'Assyrie» (chapitre 30: 6). Ce message dénote beaucoup de puissance morale et d'intelligence spirituelle. C'est un message vraiment issu du sanctuaire, le message de quelqu'un qui, en quelque mesure, est entré dans la largeur de la pensée divine. C'est le dessein de Dieu qu'Israël et Juda foulent ensemble les parvis terrestres, et se trouvent sous l'efficacité du même sacrifice. Josaphat avait fait alliance avec Achab, roi d'Israël, dans un but militaire (2 Chroniques 18). Cette alliance, nous le savons, était mauvaise. Il est vrai que l'objet était bon; c'était de reprendre Ramoth de Galaad de la main du roi de Syrie. Or cette ville était une des cités de refuge, et la reprendre à l'ennemi doit avoir paru à Josaphat une chose très désirable et une bonne raison pour s'allier avec Achab. Et cependant, c'était tout à fait mal. La base de leur alliance était mauvaise; elle n'était pas fondée sur «le sang de l'agneau»; c'est pourquoi, bien que ce fût pour un but religieux et bon en soi-même, Dieu ne pouvait pas l'approuver, et ce fut pour Josaphat une source de beaucoup de douleurs de coeur.

Tel ne fut pas le cas pour le roi Ezéchias. Il chercha à réunir Israël et Juda non pour reprendre une ville, ni même dans un but religieux; non, il voulut réunir leurs tribus dispersées autour du seul vrai autel à Jérusalem, «là où montent les tribus, les tribus de l'Eternel» (Psaumes 122: 4). Il y avait là un centre d'unité autour duquel tout Israélite pouvait se rallier, parce qu'il était Israélite, mais qui n'exerçait nulle attraction sur ceux dont les coeurs étaient incirconcis. Il est pour nous très important de voir ce qui mit Ezéchias à même d'envoyer cette invitation à ceux d'Israël. Si Ezéchias avait marché dans le froid et desséchant exclusivisme de la chair, il aurait laissé les fils d'Israël à leurs idoles, et n'aurait pensé qu'à sa propre jouissance, et à celle de ceux qui étaient en relation immédiate avec lui. Mais il n'en était pas ainsi: son coeur avait été touché et ses affections élargies en la présence de Dieu; il avait senti la douceur et l'efficacité expiatoire du sang; il voyait son pouvoir pour répondre au besoin d'Israël idolâtre; il savait que l'agneau immolé sur l'autel était la base divine de l'union de tous, et, par conséquent, il cherchait, par la puissance attractive de la grâce, à rassembler «les enfants de Dieu dispersés». N'y a-t-il pas là pour nous une profonde instruction? N'avons-nous pas à nous demander pourquoi nous possédons si peu de cette force d'attraction? Pourquoi n'attirons-nous pas ensemble les enfants de Dieu? Je pense que cela vient de ce que nous ne marchons pas en manifestant d'une manière pratique la grâce du Seigneur Jésus qui a dit: «Et moi, si je suis élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi» (Jean 12: 32). Nous n'agissons pas d'après le grand principe qu'Ezéchias mettait en pratique, savoir que «l'holocauste et le sacrifice pour le péché étaient pour tout Israël». La table du Seigneur est pour tous ceux qui lui appartiennent, et non pas seulement pour ceux qui maintiennent telles ou telles opinions. Combien l'état de choses serait différent, si tous ceux qui aiment vraiment le nom de Jésus, agissaient comme Ezéchias! Au lieu d'établir des liens d'union tels qu'ils admettent les incirconcis en excluant l'Israël de Dieu, il y aurait un lien unique, «le sang de l'agneau», et ainsi un seul centre, une seule table, un seul objet. Il y aurait un témoignage décidé, en parole et en action, contre tout ce qui, même au plus faible degré, gênerait l'unité du corps. Et si l'on demande: Que devons-nous établir? la réponse est: Rien d'autre comme lien d'union que le nom de Jésus, en séparation de tout ce qui exclurait ceux qui appartiennent à Jésus, ou qui admettrait ceux qui ne sont pas à lui et ne l'aiment pas. C'est le moyen de maintenir, autant qu'il est en nous, le principe de l'unité du corps de Christ. La question n'est pas si nous devons nous attendre à une union de tous les chrétiens avant que le Seigneur vienne. Si nous avions à agir d'après cela ou d'après d'autres questions semblables, nous ne ferions rien du tout. Si nous formons des sectes, ou si nous appuyons et soutenons leur formation et leur continuation, parce que nous n'attendons pas d'être unis avant que le Seigneur vienne, nous pourrions tout aussi bien dire que, parce que nous ne serons pas affranchis de la présence de la chair en nous aussi longtemps que nous restons dans le corps, il est inutile de chercher à la dompter. Non; notre affaire, comme individus, est de faire tout ce qui est en notre pouvoir à l'égard de l'unité du corps en désapprouvant tout ce qui tend à le diviser. Ezéchias ne pensait nullement s'enquérir si le temps était venu de réunir les deux maisons de Juda et d'Israël; il savait que c'était le dessein de Dieu, et il cherchait, autant qu'il était en lui, à en assurer l'objet. L'Esprit nous conduira à regarder au dessein divin, et à agir sur un principe divin pour l'exécuter. Si le dessein de Dieu est que ses enfants soient «rassemblés en un», ce sera toujours une chose opposée à son dessein de les voir «dispersés». Nous pouvons donc être sûrs que, quand nous nous efforçons de défendre l'unité du corps, nous travaillons en vue d'un objet divin, et notre unique préoccupation devrait être d'agir selon un principe divin (*).

 (*) Je crois que, comme d'anciens principes continuent à agir, et que de nouveaux commencent à se montrer, les chrétiens sentiront davantage l'importance d'être bien instruits dans les principes simples de la vérité, touchant la base divine d'union et de communion. Je rappellerai au lecteur chrétien deux passages qui présentent une ligne de conduite claire et simple relativement à l'union du chrétien. Le premier est celui-ci: «Afin qu'il rassemblât en un les enfants de Dieu qui étaient dispersés» (Jean 11: 52); et le second: «Moi, si je suis élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi» (Jean 12: 32). Ici, Christ est présenté comme le grand centre autour duquel tous ses membres doivent graviter, comme les planètes autour du soleil. Si donc Christ est le centre, n'est-ce pas un grand péché d'établir un autre centre, même si c'était un point de vérité? Ce fut le péché de Jéroboam de briser l'unité du peuple de Dieu en mettant les veaux d'or à Béthel et à Dan, alors que Jérusalem était le grand centre d'unité. Je crois qu'établir un centre autre que Christ, produit des conséquences aussi désastreuses quant au témoignage dans le monde, que celles amenées par ce que fit Jéroboam. Remarquez en effet les conséquences de cet acte. Au lieu d'un seul centre, il y en eut trois, Jérusalem, Béthel et Dan, de sorte que les Israélites, se rendant vers ces divers centres, s'éloignaient les uns des autres. Au contraire, eussent-ils maintenu le seul centre divinement désigné, cela aurait effectivement assuré le rassemblement des enfants d'Israël, car tous seraient venus à Jérusalem, du nord, du sud, de l'orient et de l'occident, et ne seraient pas allés à Dan ni à Béthel, qui n'étaient pas établis selon l'ordre divin, mais par la volonté de l'homme. Ezéchias était tellement assuré que Jérusalem était le centre autour duquel tout Israël devait être rassemblé, que dans son message il dit: « Retournez à l'Eternel, le Dieu de vos pères ». Ces paroles n'eussent eu aucune portée, si Jérusalem n'avait point été le centre établi de Dieu.

Pour nous, ce n'est pas Jérusalem, ni aucun lieu spécial qui constitue le centre et le lien d'unité; c'est le nom de Jésus, et si l'on ajoute au nom de Jésus quelque chose comme étant nécessaire à notre union, on porte atteinte à l'unité et l'on forme une secte. Et le nom de Jésus n'est-il pas suffisant? Si les croyants sont introduits dans le lieu très saint par le sang de Jésus; si, par grâce, ils sont là ensemble; si leurs noms sont écrits ensemble dans le livre de vie de l'Agneau; s'ils sont ressuscités ensemble et assis maintenant ensemble en Christ dans les lieux célestes en Esprit et par la foi, et s'ils seront bientôt en fait, enlevés ensemble dans l'air, pourquoi ne seraient-ils pas ensemble ici-bas? Aux yeux de Dieu nous sommes ensemble, et de plus, nous allons dans ce lieu où nous serons un à la vue de toutes les intelligences créées; devons-nous donc, en attendant, nous renfermer dans nos petits enclos et de là nous regarder l'un l'autre d'un air hargneux? Non, mais que tous ceux qui voient et reconnaissent ce précieux principe de l'union des enfants de Dieu, agissent selon ce principe, et Dieu par là sera certainement glorifié.

Je désire ajouter que, de même que le nom de Jésus est le seul lien d'union pour les chrétiens, de même le Saint Esprit est la seule puissance du ministère chrétien. Que ces deux principes soient reçus dans toute leur portée, et l'on verra à quoi ils conduisent.

Je ferai remarquer ici qu'il faut prendre garde qu'en cherchant à conduire les enfants de Dieu dans la liberté et l'unité de l'Esprit, on ne perde de vue la ruine irréparable et sans espoir de l'église professante, envisagée dans son témoignage comme corps sur la terre. A ce propos, les paroles suivantes d'un serviteur de Dieu sont de saison: «Si nous cherchons un témoignage, nous irons à la ruine; mais si nous cherchons à marcher avec Dieu, nous subsisterons». J'ai eu la pensée que tout effort en vue du rassemblement des saints maintenant participe au caractère du cri de minuit de Matthieu 25. On a fait observer avec justesse que le temps arrivé de la venue de l'Epoux, toutes les vierges sages se trouvent ensemble. La parabole nous le montre. Celles qui avaient de l'huile étaient tout à fait prêtes et ensemble, mais celles qui n'avaient point d'huile — les folles — ceux qui ne sont que de simples professants, se dispersent pour chercher de l'huile. Cela devrait exciter, dans l'esprit de tous les vrais croyants, le désir d'être trouvés ensemble.

Mais remarquez le double effet produit par le message d'Ezéchias: «Les courriers passaient de ville en ville… et on se riait et on se raillait d'eux. Toutefois des hommes d'Aser, et de Manassé, et de Zabulon, s'humilièrent» (chapitre 30: 10, 11). Cela est très instructif. L'invitation fut reçue d'une manière très différente par les uns et par les autres, mais cela prouvait que le message était de Dieu, qu'il venait du sanctuaire. La grâce doit ou humilier le coeur, ou bien appeler l'opprobre et le mépris; «aux uns odeur de mort pour la mort, aux autres odeur de vie pour la vie». Ezéchias pouvait supporter l'opprobre et la raillerie, parce qu'il avait l'intelligence de la valeur du sang qui avait été versé, et en voyant que plusieurs s'étaient humiliés, il se sentait amplement récompensé de la peine qu'il s'était donnée en envoyant le message. Si nous marchions dans l'énergie de la grâce divine, nous verrions les mêmes résultats; quelques-uns, sans nul doute, se moqueraient, mais plusieurs «s'humilieraient». Mais comme les choses vont, nous ne voyons ni l'un ni l'autre, au moins pas dans la mesure où cela devrait être vu; au contraire, le «statu quo» semble de tous côtés être à l'ordre du jour, démonstration claire que tout n'est pas comme il devrait être. Les saints ne sont pas attirés pour être ensemble, et le monde n'a pas le coeur percé par le tranchant d'un saint témoignage; une pénible tiédeur, une misérable neutralité est gardée A l'égard des choses divines, tandis que les choses du monde sont saisies avec une ardeur et une pénétration qui ne démontrent que trop clairement où gisent nos affections. S'il n'y a pas une réaction contre un semblable état de choses, tout parmi nous s'en va à la ruine. Nous ne pouvons rester neutres. Il faut ou assembler avec Christ ou disperser. (Matthieu 12: 30). Si nous ne sommes pas pour Christ, nous sommes contre lui; ne rien faire pour Christ, c'est faire quelque chose pour Satan.

Mais, comme on l'a fait remarquer, il y avait un ordre divin dans la manière d'agir d'Ezéchias. On le voit à chaque pas de sa carrière. Le fait de l'idolâtrie d'Israël n'arrêtait pas l'effusion de son amour envers le reste de ce peuple, ni ses efforts pour les conduire à la vraie place de bénédiction. Il cherchait à les amener autour du centre commun — l'autel à Jérusalem — il voulait rassembler les tribus d'Israël autour de l'agneau pascal, sans regarder aux fautes passées; il désirait agir d'après la parole de l'Eternel «Consolez, consolez mon peuple» (Esaïe 40: 1). En tout cela, Ezéchias agissait en accord avec quelques-uns des plus beaux principes de la vérité. Pour tirer l'âme du mal et l'en éloigner, Dieu lui présente quelque chose de bon. C'est toujours ainsi qu'il procède. Ezéchias n'aurait pas suivi cette manière divine d'agir si, avec la maison de Juda, il eût d'abord célébré la fête, puis fût allé dans les cités d'Israël prêcher contre l'idolâtrie. Il n'aurait eu ainsi aucune puissance. Un des grands maux de l'idolâtrie était de briser l'unité du peuple de Dieu: comment donc Ezéchias aurait-il pu rendre témoignage contre le schisme en Israël, si lui-même n'avait pas commencé à agir sur le principe de l'unité? Il aurait été tout aussi sectaire de renfermer la fête dans les limites de Juda, que d'élever un autre autel, ou centre d'unité. Le vrai moyen pour délivrer les chrétiens des sectes est de leur faire goûter la douceur de l'unité.

C'est ainsi que pensait et qu'agit Ezéchias. «Et les fils d'Israël qui se trouvèrent à Jérusalem célébrèrent la fête des pains sans levain pendant sept jours, avec une grande joie; et les lévites et les sacrificateurs louaient l'Eternel, jour après jour, avec les instruments de la louange de l'Eternel. Et Ezéchias parla au coeur de tous les lévites qui étaient entendus dans la bonne connaissance à l'égard de l'Eternel; et ils mangèrent pendant les sept jours les offrandes de la fête, sacrifiant des sacrifices de prospérités et exaltant l'Eternel, le Dieu de leurs pères. Et toute la congrégation résolut de célébrer encore sept jours; et ils célébrèrent les sept jours avec joie» (chapitre 30: 21-23). C'était là le vrai moyen d'enseigner à Israël le mal de l'idolâtrie. Jamais les fils d'Israël n'avaient passé d'aussi heureux jours autour du veau d'or à Dan. Ils n'avaient jamais goûté de joies semblables, tandis qu'ils étaient sous l'influence du système politique religieux de Jéroboam. Rien ne pouvait toucher le coeur d'un vrai Israélite comme les sons des instruments des sacrificateurs et des lévites divinement établis; rien ne pouvait réjouir son âme comme le sacrifice ordonné de Dieu. N'est-ce pas une chose heureuse que nous puissions juger de la valeur et de l'accord avec la vérité d'un système ou d'une institution, par son effet sur l'âme? Tout ce qui est vraiment de Dieu rendra l'âme réellement heureuse, et au contraire, ce qui n'est pas de Dieu aura un effet opposé. Ainsi, dans la scène intéressante qui nous est présentée ici, en voyant la joie de la très grande congrégation, nous pouvons conclure avec certitude que Dieu était là, et, de plus, qu'une très puissante influence procéderait d'une semblable assemblée. L'esprit qui y prévalait était tel, qu'il ne pouvait manquer d'agir puissamment contre tout le système d'idolâtrie et de schisme qui répandait sa pernicieuse et desséchante influence dans les cités d'Israël. Une forte action morale allait s'exercer depuis Jérusalem, et emporter comme un torrent les autels et les idoles du pays d'Israël; se fût-elle étendue plus loin, elle aurait renversé pour toujours le grand siège de l'idolâtrie et du sectarisme.

La leçon morale que tout cela nous enseigne est très claire et très importante. Le vrai principe qui doit présider à toute réformation n'est pas tant d'abattre ce qui est faux, que d'édifier ce qui est vrai. Ezéchias sentait que, s'il pouvait seulement rassembler Israël autour du véritable autel, et l'amener à goûter le vrai culte du Dieu de ses pères, les autels des faux dieux tomberaient bientôt en poussière. Il ne fut pas désappointé, car «lorsque tout cela fut terminé, tous ceux d'Israël qui se trouvèrent là, s'en allèrent par les villes de Juda, et brisèrent les statues et abattirent les ashères, et démolirent les hauts lieux et les autels dans tout Juda et Benjamin, et en Ephraïm et Manassé, jusqu'à ce qu'ils eussent tout détruit; et tous les fils d'Israël retournèrent dans leurs villes, chacun dans sa possession» (chapitre 31: 1). Tel est le service qui découle d'un culte rendu avec joie, la seule vraie source d'où le service puisse surgir pour la gloire de Dieu. On aurait pu naturellement penser que ces autels eussent dû attirer l'attention et exciter l'indignation des fils d'Israël, alors qu'ils se rendaient à Jérusalem; mais tel ne fut pas le cas. Non; il leur fallait d'abord expérimenter dans leur âme la puissance et le bonheur de la vérité; ils avaient tout premièrement besoin de boire, pour ainsi dire, à la source même; ils devaient venir au sanctuaire à Jérusalem, là où se trouvait le vrai sacrificateur, offrant le vrai sacrifice, et ayant reçu force et joie en la présence de Dieu et au milieu de son peuple d'adorateurs, ils étaient capables d'aller rendre témoignage au dehors. En fait, nous pouvons voir la même ligne de conduite suivie par Israël et par Ezéchias. Celui-ci commença avec Dieu dans le sanctuaire, il en fut de même du premier. Ezéchias, avant de mettre la main sur les autels des idoles, commença par ouvrir les portes de la maison de l'Eternel. Israël trouva, auprès de l'autel de Dieu, la force pour renverser les autels de Satan. Mais comme il était aussi certain, dans le cas d'Ezéchias, qu'ayant ouvert les portes du temple de l'Eternel il détruirait les autels de l'idolâtrie, ainsi, dans le cas des fils d'Israël, il n'était pas moins certain que, Dieu les ayant fortifiés, ils auraient de cette force pour abattre le mal. Il ne leur était pas possible de détruire l'idolâtrie en venant de Dan à Jérusalem. Ils faisaient ce voyage afin d'acquérir de la force, de sorte que, revenant de Jérusalem, ils rendissent témoignage pour Dieu contre le mal. Dans tous les cas où l'on s'est détourné de la position où Dieu nous avait placés, le vrai chemin à suivre est de ne pas rester enlacés dans la faute commise, mais de retourner immédiatement, par l'humiliation et la confession, à la position qui nous appartient. Par ce moyen, nous acquerrons une vue plus exacte de la faute et un vrai pouvoir sur elle. Les fils d'Israël, durant leurs quatorze jours de joie, obtinrent une connaissance plus profonde de la laideur de l'idolâtrie et du schisme, et en même temps la puissance d'exécuter le jugement sur les idoles. Ils n'auraient jamais eu ce pouvoir à Dan. Ce n'est que lorsque nous nous sommes échappés d'un édifice chancelant que nous pouvons réellement apercevoir combien il est près de sa ruine finale.

Nous voyons donc que c'était juste autant en harmonie avec le principe divin que les fils d'Israël, avant de mettre la main sur un seul autel idolâtre, montassent à Jérusalem, «la cité de leurs assemblées solennelles», qu'il l'était pour Ezéchias d'ouvrir les portes de la maison de l'Eternel et de les réparer, avant de faire un seul pas dans le service de Dieu, en dehors de cette maison. Ezéchias et les fils d'Israël agissaient selon le même principe divin. Lorsque les fils d'Israël eurent une fois senti la puissance de leur ancien culte, ils purent avoir quelque idée de la distance dont ils s'en étaient éloignés; de même, quand Ezéchias eut goûté quelque chose du bonheur d'avoir le vrai Dieu mis à la place qui lui était propre, entre les chérubins, il fut mieux préparé à voir le mal, le mal abominable commis en élevant des autels idolâtres dans les rues de Jérusalem. N'en sera-t-il pas de même de nous? Ayant une fois connu la douceur du culte rendu en esprit et en vérité avec ceux qui sont réunis au nom de Jésus, ne serons-nous pas plus aptes à juger tout ce qui s'en est écarté?

Avant de terminer cette partie de notre sujet, je voudrais dire un mot pour la consolation du lecteur qui sentirait qu'il s'est, en quelque mesure, éloigné de Dieu. Si vous avez réellement conscience d'avoir manqué et d'être dans un état de déclin spirituel; si vous avez péché en quelque manière et qu'ainsi vous ayez attristé l'Esprit; si vous avez manqué à régler vos pensées et vos voies, de sorte que Satan en a pris avantage pour vous affaiblir et vous troubler; si vous êtes troublé à cause de quelque manquement dans le service ou dans le culte; en un mot, s'il y a une chose quelconque qui pèse sur votre coeur et soit comme un nuage sur votre esprit, ce que vous avez à faire n'est pas de rester assis et de vous attarder à contempler le mal, mais comme les fils d'Israël, allez immédiatement à l'autel de Dieu; arrêtez vos yeux sur le sang, regardez droit à Jésus et voyez en lui la mesure de votre acceptation devant «le trône de Dieu», et soyez sûr que votre esprit sera restauré et fortifié pour la lutte contre le mal même qui vous abat dans la poussière et vous fait vous lamenter tout le jour. La vraie restauration n'est pas le combat pour se dégager des labyrinthes du mal et de la corruption dans lesquels nous sommes enlacés, mais c'est d'entrer dans une absolue confiance de foi dans le témoignage divin quant à notre acceptation dans le Bien-aimé. Nous nous trouvons ainsi immédiatement sous la pleine lumière de l'amour rédempteur de Dieu, et nous foulons sous nos pieds, dans le saint triomphe de la foi, les doutes et les perplexités que le mal engendre. «Grâces à Dieu qui nous donne la victoire».


On ne peut pas s'attendre à ce que l'ennemi reste longtemps tranquille spectateur d'une scène aussi heureuse. Il y avait trop de gloire rendue à Dieu, et trop de jouissance pour le peuple pour qu'il ne cherchât pas à troubler ce bonheur. C'est pourquoi nous lisons: «Après ces choses et cette fidélité, Sankhérib, roi d'Assyrie, vint et entra en Judée, et campa contre les villes fortes, et il pensait en forcer l'entrée» (chapitre 32: 1). Nous ne pouvons espérer d'aller en avant sans rencontrer les tempêtes. Nous avons à lutter contre un ennemi rusé et puissant. On trouve rarement sur la terre une scène heureuse où le soleil brille, sans qu'un nuage ne vienne l'obscurcir. Ainsi Ezéchias et son heureuse suite d'adorateurs de l'Eternel sont interrompus dans leur paisible service par Sankhérib et ses rudes guerriers. Mais, béni soit Dieu, le sanctuaire et ses saintes occupations ne peuvent nous rendre impropres pour un service actif. Au contraire, nous ne pouvons servir d'une manière effective que si nous avons été dans le sanctuaire. C'est quand nous avons été sacrificateurs au dedans, que nous sommes préparés à agir comme lévites ou hommes de guerre au dehors; mais nous devons avoir soin de ne jamais renverser l'ordre divinement établi. Ezéchias était prêt pour l'action, quand le temps de l'action fut arrivé. Il est vrai qu'il préférait de beaucoup la tranquillité solennelle du sanctuaire au bruit des champs de bataille, et les aimables autels du Dieu Fort aux châteaux et aux tours élevés par l'art militaire; néanmoins, lorsque ce fut nécessaire, Ezéchias usa de la sagesse acquise en secret pour amener publiquement la ruine de ses ennemis.

Il y a une différence marquée entre la manière dont les actions d'Ezéchias sont rapportées en 2 Chroniques 32, et celle dont Esaïe les présente (Esaïe 37). Dans les Chroniques, nous avons plutôt la narration des faits; dans Esaïe, ils sont envisagés plutôt, à un point de vue moral comme ayant pour objet les destinées futures d'Israël. Les Chroniques nous rapportent les opérations militaires d'Ezéchias; elles sont entièrement passées sous silence dans le livre du prophète. Nous jetterons donc un coup d'oeil sur les dernières scènes de la vie si pleine d'intérêt d'Ezéchias, comme l'Esprit les place devant nous dans Esaïe.

J'ai déjà fait remarquer qu'Ezéchias préférait la tranquillité du sanctuaire au tumulte des champs de bataille. Cela apparaît dans toute sa carrière, mais nous le voyons surtout en Esaïe. Il passait sinon tout son temps, du moins la plus grande partie, aux services rattachés au sanctuaire. La place de Dieu «entre les chérubins» l'occupait plus que sa propre place sur le trône de David. Il pousse si loin son attachement à la maison de l'Eternel que, quand le temps vient où nous nous attendrions à le voir sortir pour aller sur le champ de bataille, nous le trouvons faisant du sanctuaire même son champ de bataille. Il y a là un enseignement particulièrement instructif. L'orgueilleux roi d'Assyrie était aux portes de Jérusalem avec une puissante armée conquérante, et l'on se serait naturellement attendu à trouver Ezéchias au milieu de ses hommes de guerre, endossant son armure, ceignant son épée et montant sur son char; mais non, Ezéchias différait de la plupart des rois et des capitaines. Il avait trouvé une forteresse et une source de force inconnues à Sankhérib; il avait découvert un champ de bataille où il vaincrait sans frapper un seul coup. Et remarquez de quelle armure il se revêt: «Et il arriva, quand le roi Ezéchias eut entendu ces choses, qu'il déchira ses vêtements, et se couvrit d'un sac, et entra dans la maison de l'Eternel» (Esaïe 37: 1). Telle était l'armure sous laquelle le roi de Juda allait lutter avec le roi d'Assyrie. Etrange armure! Mais c'était l'armure du sanctuaire. Qu'aurait dit Sankhérib s'il avait vu cela? Jamais auparavant il n'avait rencontré semblable antagoniste; jamais il n'était venu en contact avec un homme qui, au lieu d'une cotte de mailles, s'était revêtu d'un sac, et qui, au lieu de se précipiter sur le champ de bataille monté sur son char, se jetait à genoux dans le temple. Cela aurait été aux yeux du roi d'Assyrie une nouvelle et singulière manière de combattre. Il avait rencontré les rois de Hamath, d'Arpad et d'autres; il les avait combattus à sa manière, mais il n'avait jamais trouvé un adversaire tel qu'Ezéchias. Ce qui donnait à celui-ci une puissance si extraordinaire dans cette lutte était le sentiment que lui n'était rien; que «le bras de la chair» ne servait de rien, en un mot, que c'était Jéhovah ou rien. On le voit surtout dans le fait «Ezéchias déploie la lettre de Sankhérib devant l'Eternel. La foi d'Ezéchias le rendait capable de se retirer de la scène, et de faire de toute la chose une question entre Jéhovah et le roi d'Assyrie. Ce n'était pas Sankhérib et Ezéchias, mais Sankhérib et Jéhovah. Nous avons ainsi la signification du sac dont Ezéchias se couvre. Il se sentait absolument impuissant, et il prenait la place qui convenait à son impuissance. Il dit à l'Eternel que c'est Lui que le roi d'Assyrie a outragé; il s'adresse à lui pour qu'il venge l'opprobre jeté sur son glorieux nom; Ezéchias se sent ainsi assuré que l'Eternel délivrera son peuple. Remarquez cette scène merveilleuse. Approchez-vous du sanctuaire, et là voyez un pauvre homme faible et solitaire, sur ses genoux, répandant son âme devant Celui qui habite entre les chérubins; il n'y a ni préparatifs militaires, ni revues de troupes, mais des anciens d'entre les sacrificateurs, «couverts de sacs», qui vont et viennent d'Ezéchias au prophète Esaïe. Tout en apparence n'est que faiblesse. D'un autre côté, voilà un puissant conquérant à la tête d'une nombreuse armée enflée par ses victoires et ardente au butin. Assurément, au point de vue humain, on dirait: «C'en est fait d'Ezéchias et de Jérusalem; Sankhérib et son orgueilleuse armée vont engloutir en un instant cette faible bande d'hommes sans défense!»

Remarquez aussi le terrain sur lequel Sankhérib se place en tout cela. Il dit: «Quelle est cette confiance que tu as? Tu dis (ce ne sont que paroles des lèvres): Le conseil et la force sont là pour la guerre. Maintenant, en qui te confies-tu, que tu te révoltes contre moi? Voici, tu te confies en ce bâton de roseau cassé, en l'Egypte, lequel, si quelqu'un s'appuie dessus, lui entre dans la main et la perce. Tel est le Pharaon, roi d'Egypte, pour tous ceux qui se confient en lui. Que si tu me dis: Nous nous confions en l'Eternel, notre Dieu,… n'est ce pas lui dont Ezéchias a ôté les hauts lieux et les autels, en disant à Juda et à Jérusalem: Vous vous prosternerez devant cet autel-ci?» (Esaïe 36: 4-7). Sankhérib fait de la réforme même opérée par Ezéchias un sujet de reproche, ne lui laissant ainsi, comme il le pensait, aucun fondement pour sa confiance. Puis il dit: «Maintenant, suis-je monté sans l'Eternel contre ce pays pour le détruire? L'Eternel m'a dit: Monte contre ce pays, et détruis-le» (verset 10). C'était vraiment mettre la foi d'Ezéchias à l'épreuve. La foi doit passer par la fournaise. Ce n'est rien de dire que nous nous confions dans le Seigneur; il faut le prouver, et cela même lorsque tout en apparence est contre nous. Comment donc Ezéchias répond-il à toutes ces paroles hautaines? Par la dignité silencieuse de la foi: «C'était là le commandement du roi, disant: Vous ne lui répondrez pas» (verset 21). Telle était la conduite du roi aux yeux du peuple; telle est toujours la manière d'agir de la foi calme, se possédant elle-même, et digne en la présence de l'homme; tandis qu'en même temps elle est prête à se prosterner dans la poussière en présence de Dieu. L'homme de foi peut dire à ses compagnons: «Tenez-vous tranquilles, et voyez la délivrance de l'Eternel», et au même instant pousser vers Dieu le cri de la faiblesse dont il a conscience (Exode 14: 13-15). Il en était ainsi du roi de Juda à cette heure de crise suprême. Ecoutez-le, tandis que, dans le secret du sanctuaire, seul avec Dieu, il verse les anxiétés de son âme devant Celui dont l'oreille est ouverte pour entendre, et qui est puissant pour secourir: «Eternel des armées, Dieu d'Israël, qui es assis entre les chérubins, toi, le Même, toi seul tu es le Dieu de tous les royaumes de la terre; toi, tu as fait les cieux et la terre. Eternel! incline ton oreille et écoute. Eternel! ouvre tes yeux, et vois; et écoute toutes les paroles de Sankhérib, qui a envoyé pour outrager le Dieu vivant. Il est vrai, Eternel! les rois d'Assyrie ont dévasté tous les pays et leurs terres, et ont jeté au feu leurs dieux; car ce n'étaient pas des dieux, mais l'ouvrage de mains d'homme, — du bois, et de la pierre; et ils les ont détruits. Et maintenant, Eternel, notre Dieu! sauve-nous de sa main, afin que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul tu es l'Eternel» (Esaïe 37: 15-20). Ezéchias remet l'affaire entièrement entre les mains de Dieu, et s'en retire lui-même. Il ne cherche pas à amoindrir la difficulté; il admet que «les rois d'Assyrie ont dévasté tous les pays et leurs terres», mais pourquoi ont-ils eu ce pouvoir? C'est que les dieux de ces pays n'étaient pas semblables à Jéhovah; c'est que leurs habitants ne savaient pas ce que c'est que de remettre sa cause entre les mains du Dieu vivant qui a fait les cieux et la terre. Là était le secret de leur ruine. Quelle foi triomphante nous voyons en Ezéchias, quel plaidoyer hardi et plein de confiance! En l'entendant, nous pouvons dire: «Quelle est la difficulté qu'une telle foi ne puisse surmonter?» La foi qui a affaire avec Celui qui a fait les cieux et la terre, tiendra peu de compte d'une armée, si nombreuse fût-elle. La foi contemple les myriades d'anges et les montagnes couvertes de chariots de feu pour défendre celui qui se confie en Jéhovah.

Voyons maintenant comment la prière d'Ezéchias fut reçue et quelle réponse lui fut faite par Celui qui est assis entre les chérubins. Le Seigneur ne refuse jamais d'entrer dans nos difficultés, si seulement nous le laissons agir, et ne le privons pas de la gloire qui lui appartient. Ecoutons la réponse qu'il donna dans cette occasion: «Ainsi dit l'Eternel, le Dieu d'Israël: Quant a la prière que tu m'as faite au sujet de Sankhérib, roi d'Assyrie, c'est ici la parole que l'Eternel a prononcée contre lui: La vierge, fille de Sion, te méprise, elle se moque de toi; la fille de Jérusalem secoue la tête après toi. Qui as-tu outragé et blasphémé? Et contre qui as-tu élevé la voix? C'est contre le Saint d'Israël que tu as levé tes yeux en haut» (chapitre 37: 21-23). Nous avons fait observer qu'Ezéchias avait été rendu capable, par grâce, de se retirer entièrement de la difficulté. Par l'acte même de se couvrir d'un sac, au lieu d'endosser son armure, il avait déclaré son impuissance à lutter avec le roi d'Assyrie. Son attitude dans la maison de l'Eternel disait: «Dieu ou rien». La foi de cet homme humble et qui s'abaissait lui-même, avait amené l'Eternel, le Dieu d'Israël, en contact direct avec le roi d'Assyrie, et le même Dieu d'Israël conduit, dans sa bonté pleine de grâce, l'homme revêtu d'un sac à profiter des riches dépouilles de l'ennemi vaincu. Ezéchias avait dit: «Il a outragé le Dieu vivant», et l'Eternel répond: «C'est le Saint d'Israël» que tu as outragé. Or Sankhérib n'avait jamais pensé qu'il rencontrerait un semblable adversaire, ni que sa lettre serait scrutée par les yeux du Dieu vivant. Il s'attendait à rencontrer la chair et le sang, l'épée et le javelot, comme il y était accoutumé, mais voici! un homme de foi prie, Dieu entend, et un ange de l'Eternel sort, et, en un moment, couche à terre «cent quatre-vingt-cinq mille hommes; et quand on se leva le matin, voici, c'étaient tous des corps morts» (verset 36).

Nous voyons ainsi quelque chose des vastes ressources d'Ezéchias. Il savait combien il est précieux d'être seul avec Dieu; il éprouvait plus de consolation et de réelle puissance dans le secret de la présence de Dieu, qu'entouré par une armée de vaillants guerriers; il expérimentait quelque chose de la réalité des paroles que prononçait longtemps après lui l'apôtre: «Quand je suis faible, c'est alors que je suis fort». Et nous pouvons dire que l'armée de Sankhérib eût-elle compté des millions, au lieu de milliers d'hommes, l'ange de l'Eternel les aurait tout aussi bien balayés en un moment de dessus la surface de la terre, car lorsque Jéhovah a résolu d'agir en faveur de son peuple et en réponse à ses prières, il ne tient pas plus compte d'une chose que d'une autre. «Il a précipité le Pharaon et son armée dans la mer Rouge, car sa bonté demeure à toujours» (Psaumes 136: 15). Et il n'en est pas autrement aujourd'hui. Que seulement la foi s'adresse à lui, et les plus merveilleux résultats s'ensuivront. «Si vous demandez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai» (Jean 14: 14). Et encore: «Je vous dis que si deux d'entre vous sont d'accord sur la terre pour une chose quelconque, quelle que soit la chose qu'ils demanderont, elle sera faite pour eux par mon Père qui est dans les cieux» (Matthieu 18: 19). Ah! nous avons peu l'idée de ce que notre Dieu ferait pour nous, si seulement nous l'honorions. Nous sommes trop limités dans nos pensées et trop formalistes dans nos prières. Nous ressemblons souvent à ce roi d'Israël qui «frappa la terre trois fois, et s'arrêta», alors qu'il aurait dû «frapper cinq ou six fois». Il ne semble pas avoir connu la signification ou la valeur de cet acte de frapper, et l'on peut dire de nous la même chose en rapport avec la prière. C'est souvent comme si nous ne connaissions pas la valeur et l'efficacité de la prière. C'est pourquoi, honorons le Seigneur en l'introduisant dans toutes nos difficultés, et nous pouvons avoir la confiance qu'il nous donnera la jouissance de les surmonter pleinement, qu'elles soient petites ou grandes: sa puissance est à la hauteur des plus grandes; son amour descendra jusqu'aux moindres. «Ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces; et la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus» (Philippiens 4: 6, 7). Quel bel exemple de cela nous voyons en Ezéchias! L'ordre qu'il donna au peuple était: «Vous ne lui répondrez pas». Et pourquoi? Parce qu'il savait que Jéhovah se chargerait de la réponse. Et Jéhovah le fit, béni soit son saint Nom! Il le fit de manière à prouver à Ezéchias qu'il n'avait rien perdu en se dévouant aux intérêts de la maison de l'Eternel. Il ne voulait pas qu'il fût dit du roi de Juda qu'il avait travaillé pour le temple et qu'il y avait adoré lorsqu'il aurait dû fortifier son royaume contre l'invasion de l'ennemi. Si Ezéchias avait mis son coeur à retenir Jéhovah à la place qu'il occupait entre les chérubins, Jéhovah voulait lui montrer que, même à un point de vue politique, il n'avait point fait d'erreur, car lui, l'Eternel, avait accompli, en une seule nuit, ce que les plus grands préparatifs militaires n'auraient pu faire. «Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice», nous dit le Seigneur, «et toutes ces choses vous seront données par-dessus». Dieu ne veut être débiteur de personne; seulement jetons-nous de toute notre âme dans son oeuvre, et la fin montrera jusqu'où nous avons agi d'après des principes saints. «Eprouvez-moi par ce moyen, dit l'Eternel des armées, si je ne vous ouvre pas les écluses des cieux, et ne verse pas sur vous la bénédiction, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus assez de place» (Malachie 3: 10).

Je ne doute pas que plusieurs d'entre nous ne se sentent honteux, et cela justement, de l'importance excessive que nous attachons à nos propres affaires, tandis que notre attention est si peu engagée dans les intérêts de la maison de Dieu, qui est l'Assemblée du Dieu vivant. Le Seigneur nous enseigne souvent combien nous restons au-dessous de ce qui devrait être à cet égard, en nous faisant voir qu'avec tous nos efforts pour ce qui concerne le moi, nous n'arrivons pas au but que nous nous proposions. «Vous vous attendiez à beaucoup, et voici, ce n'a été que peu; et vous l'avez apporté à la maison, et j'ai soufflé dessus. Pourquoi? dit l'Eternel des armées. A cause de ma maison, qui est dévastée, — et vous courez chacun à sa maison. C'est pourquoi au-dessus de vous les cieux ont retenu la rosée, et la terre a retenu son produit» (Aggée 1: 9, 10). Le Seigneur agit envers son peuple selon un principe de justice rétributive, comme le montrent ces paroles: «Ce qu'un homme aura semé, il le moissonnera aussi» (Galates 6: 7). Cette manière d'agir ne porte pas le moins du monde atteinte à la parfaite acceptation de la personne du croyant devant Dieu, ni à sa position en grâce. Non; ce sont, béni soit Dieu, des points bien établis, que rien ne peut ébranler; cependant l'apôtre, par l'Esprit, nous enseigne que «celui qui sème chichement, moissonnera aussi chichement». Or cela est un principe d'une très large application. Il n'importe que nous l'appliquions à une manière de semer ou à une autre; si nous ne trouvons pas le moyen de semer libéralement pour le Seigneur, il ne nous fera pas avoir une moisson abondante. Si nous ne laissons pas nos coeurs et nos pensées s'occuper de l'Eglise, des brebis et des agneaux du troupeau de Christ, nous étonnerons-nous si nos propres âmes sont dans un état de sécheresse et sans profit? Si notre esprit est tourné uniquement vers nos propres affaires, les circonstances où nous nous trouvons, nos difficultés, nos peines, nos combats, serons-nous surpris si, dans un cas donné, ces choses viennent entièrement absorber chacune de nos pensées? Si Ezéchias avait eu seulement dans l'esprit de bâtir «des châteaux et des tours», s'il s'était uniquement appliqué à fortifier son royaume et à établir et consolider son trône, comment aurait-il eu la liberté d'aller dans la maison de l'Eternel chercher son aide au temps du besoin? N'aurait-il pas dû s'attendre, dans de telles circonstances, à entendre, au lieu de la réponse glorieuse que nous avons citée, des paroles comme celles-ci: «Va à tes châteaux et à tes tours; qu'ils te délivrent au temps de la tribulation».

Mais il n'en avait pas été ainsi. Ezéchias avait pris soin de la maison de l'Eternel, et l'Eternel avait pris soin du royaume d'Ezéchias, car «Dieu n'est pas injuste pour oublier votre oeuvre et le travail de l'amour». Et il en sera toujours ainsi. Que personne ne s'imagine que son âme prospérera, s'il ne se dévoue pas lui-même aux intérêts de la maison de Dieu. Si nous voulons voir l'orgueilleux Assyrien abattu dans la poussière, il nous faut vivre davantage dans le secret de la présence divine; il nous faut être davantage devant le Seigneur, et davantage pour lui. Non pas, assurément, dans la pensée de quelque profit, mais par une pure et entière consécration de nous-mêmes à Celui qui nous a tout donné, et qui, par l'exercice de sa souveraine grâce, nous a fait tout ce que nous sommes et tout ce que nous serons à jamais.

Tel avait donc été jusqu'ici le bon roi Ezéchias. Nous l'avons vu comme sacrificateur dans le sanctuaire, comme Lévite parmi ses frères, et comme homme de guerre contre l'ennemi de dehors. En toutes ces choses, nous avons trouvé en lui le même caractère aimable et la même attraction morale. Il nous a fourni un exemple remarquable du bonheur d'un homme qui commence, continue et achève son oeuvre avec Dieu. Il semble avoir éprouvé ce que dit cette prière:

«Que mon esprit lassé repose

O Dieu, sur l'éternel amour;

Qu'oubliant toute humaine chose

J'écoute ravi, chaque jour,

Ta voix me disant: Sois sans crainte;

Reste dans ma retraite sainte».

Il remporte sur l'ennemi une glorieuse victoire, mais sans quitter la douce retraite du sanctuaire. Il fait du temple sa salle de conseil et dispose a genoux ses arrangements militaires. C'est ainsi que sans bruit il est vainqueur. Le roi de Juda était sur ses genoux, tandis que le roi d'Assyrie était renvoyé dans son pays, avec un anneau à son nez et un frein entre ses lèvres, comme une bête sauvage, exemple frappant de ces paroles: l'orgueil conduit à la ruine. Et sa course ne se termine pas là. Honteux et humilié, comme devait l'être un aussi fier et hautain conquérant de se voir obligé de retourner dans son pays, vaincu par il ne savait quoi — un homme couvert d'un sac — il devait rencontrer un sort pire encore. Il aurait naturellement pu espérer être en sécurité dans le temple de son dieu. Mais non; il ne savait pas ce que c'était que d'être couvert d'un sac en la présence de Celui qui habite entre les chérubins; de là le traitement qu'il subit devant l'autel même de l'objet de son culte. «Et il arriva, comme il se prosternait dans la maison de Nisroc, son dieu, qu'Adrammélec et Sharétser, ses fils, le frappèrent avec l'épée» (Esaïe 37: 38). Telle sera la fin de tous ceux qui s'élèvent contre l'Eternel et contre son peuple.

J'ai déjà fait remarquer que le prophète Esaïe traite l'histoire si frappante d'Ezéchias à un point de vue plutôt moral, et comme se rattachant aux destinées futures de la maison d'Israël. Considérée ainsi, nous pouvons voir en Sankhérib un type du roi volontaire, qui s'élèvera au-dessus de tout ce que l'on appelle Dieu et tout objet de vénération et fera «selon son bon plaisir». «Il s'exaltera, et s'élèvera contre tout dieu, et proférera des choses impies contre le Dieu des dieux; et il prospérera jusqu'à ce que l'indignation soit accomplie» (2 Thessaloniciens 2; comparez avec Daniel 11: 36-45). Ezéchias revêtu d'un sac, représente de son côté le résidu juste aux derniers jours, criant pour être délivré de la main du puissant oppresseur, lorsque l'Eternel accomplira cette parole: «Voici, moi, je l'attirerai, et je la mènerai au désert, et je lui parlerai au coeur»; et lorsque «la vierge, fille de Sion, secouera la tête» après celui qui faisait trembler la terre, et qui ébranlait les royaumes. Alors, «ce qui est réchappé et demeuré de reste de la maison de Juda poussera encore des racines en bas et produira du fruit en haut. Car de Jérusalem sortira un résidu, et de la montagne de Sion ce qui est réchappé. La jalousie de l'Eternel des armées fera cela» (Esaïe 37: 31, 32).

Envisagée sous ce point de vue, l'histoire d'Ezéchias acquiert pour nous une grande valeur dans ces derniers jours; car non seulement elle nous offre de profonds principes moraux pour notre conduite journalière, mais elle présente aussi une importante esquisse prophétique des derniers temps de l'histoire d'Israël. Que notre Père céleste nous fasse la grâce d'apprécier de plus en plus ses témoignages, et cela d'autant plus que nous voyons la misérable incertitude de tous les événements et de toutes les opinions humaines. «Toute chair est de l'herbe, et toute sa beauté comme la fleur des champs. L'herbe est desséchée, la fleur est fanée; car le souffle de l'Eternel a soufflé dessus. Certes, le peuple est comme l'herbe. L'herbe est desséchée, la fleur est fanée, mais la parole de notre Dieu demeure à toujours» (Esaïe 40: 6-8).

Le chapitre 38 nous montre le roi Ezéchias amené bien bas — jusqu'aux portes du tombeau — et cela, non pas dans les circonstances et dans la condition de son royaume, mais dans sa personne. Il sent le souffle desséchant du roi des terreurs, de même qu'auparavant il avait senti les hautaines menaces du roi d'Assyrie. Il éprouve qu'il doit chercher un refuge auprès de Dieu, non seulement pour ce qui concerne son royaume, mais aussi sa personne. Ce fut pour lui un temps d'épreuve, mais aussi un temps salutaire. Dans cette scène solennelle, on peut aisément voir la main d'un fidèle ami. Ezéchias avait passé par beaucoup de circonstances, dont l'ennemi aurait pu se servir pour l'enfler d'orgueil. Une longue carrière de dévouement au service de Dieu, la glorieuse réforme effectuée par son moyen, l'influence exercée sur les sacrificateurs et les Lévites, sur les hommes de Juda et d'Israël, et en dernier lieu, la magnifique délivrance que lui avait accordée l'Eternel des armées en abattant un formidable ennemi; toutes ces choses étaient bien propres à agir sur l'orgueil de son coeur, et la suite de son histoire montre qu'Ezéchias n'était pas sans connaître ce que c'est que l'orgueil. Combien nous devons admirer la fidélité de notre Dieu, lorsqu'après avoir jeté un regard sur les scènes brillantes de la vie de cet homme de bien, nous entendons les paroles solennelles par lesquelles ce chapitre s'ouvre: «Ainsi dit l'Eternel: Donne des ordres pour ta maison, car tu vas mourir et tu ne vivras point». C'était maintenant une question personnelle: «ta maison». Il s'était beaucoup occupé, et avec bonheur, de la maison de l'Eternel — il avait été profondément exercé touchant la condition du royaume, et c'était juste. Il aurait été indigne du trône de David, s'il eût agi autrement — mais il y avait quelque chose de bien plus profond. L'Eternel voulait avoir affaire de plus près avec son serviteur, et c'était touchant sa maison. «Donne des ordres pour ta maison». C'était une parole propre à le sonder. Plus d'un secret ressort du coeur, négligé au milieu du mouvement d'un service actif, devait vibrer, étant touché par cette parole; plus d'une chambre cachée de l'âme, fermée, pour ainsi dire, par un grand commerce avec les hommes, devait s'ouvrir alors. On sent comme un air profondément solennel auprès du lit de maladie d'Ezéchias; et cela est d'autant plus frappant que la transition est si soudaine. A un moment, nous le voyons dans les bras de la victoire et du triomphe, et l'instant d'après il est «aux portes du shéol» tantôt Ezéchias est vu dans le sanctuaire «la tête élevée par-dessus ses ennemis qui sont à l'entour de lui» (Psaumes 27: 6), et maintenant nous le contemplons gisant et abattu par la maladie, et l'ange de la mort prêt à frapper le dernier coup. Mais dans l'un comme dans l'autre cas, nous pouvons reconnaître l'action du même Dieu. Il est vrai que, dans le premier cas, c'est Dieu agissant en grâce et en miséricorde, tandis que, dans le second, c'est Dieu dans sa sagesse et sa fidélité. Mais c'est toujours Dieu, et l'on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, de la grâce qui fait adresser à Sankhérib ces paroles: «La fille de Sion t'a méprisé», ou de la fidélité divine qui dit à Ezéchias: «Donne des ordres pour ta maison». Les premières paroles nous montrent Dieu délivrant son serviteur de ses ennemis; les autres nous le font voir le délivrant de lui-même.

Que fera Ezéchias à cette heure de son pressant besoin? Il ne peut pas monter à la maison de l'Eternel, mais il peut aller à l'Eternel lui-même, et c'est ce qu'il fait. «Et Ezéchias tourna sa face contre la muraille et pria l'Eternel». C'était là, comme toujours, sa ressource: «Mon âme, repose-toi paisiblement sur Dieu; car mon attente est en lui». L'Eternel voulait produire dans l'âme de son cher serviteur, le sentiment de sa réelle condition de dépendance; il voulait lui montrer que la même main qui venait d'arracher son royaume à la gueule de l'ennemi, devait l'arracher lui-même aux étreintes de la mort. En d'autres mots, Dieu voulait lui faire connaître que, jusqu'à ce que lui et son royaume fussent établis dans la puissance de la résurrection, il ne pouvait y avoir, ni pour l'un ni pour l'autre, de position permanente. Quelle harmonie divine il y a entre ces paroles: «Donne des ordres pour ta maison», et «Ezéchias tourna sa face vers la muraille!» C'était sa réponse. Ainsi que le disait David: «Quoique ma maison ne soit pas ainsi avec Dieu, cependant il a établi avec moi une alliance éternelle, à tous égards bien ordonnée et assurée, car c'est là tout mon salut et tout mon plaisir, quoiqu'il ne la fasse pas germer» (2 Samuel 23: 5). Ezéchias se place maintenant lui-même, comme auparavant il l'avait fait de son royaume, dans les mains de Jéhovah, le seul lieu de vraie sécurité. Et remarquez comment l'Eternel, dans sa réponse à son serviteur, lie la délivrance du royaume avec le rétablissement de la santé du roi: «Voici, j'ajouterai quinze années à tes jours, et je te délivrerai, toi et cette ville, de la main du roi d'Assyrie, et je protégerai cette ville». Nous apprenons ici de la manière la plus claire que, et Juda et son roi, devaient passer par la mort et la résurrection. C'est quelque chose de tout à fait en dehors des voies de la nature, et pour cette raison, le cours même de la nature est renversé: «le soleil retourna sur le cadran de dix degrés, dont il était descendu». Quel magnifique déploiement de la puissance de Dieu qui, agissant en grâce, va directement contre les lois de la nature! Chaque scène de la vie d'Ezéchias présente quelque chose de remarquable. Sa délivrance de la main des Assyriens était remarquable, sa délivrance de la puissance de la mort l'était encore plus. Il lui fut donné d'introduire Dieu dans toutes les difficultés qui surgissaient pour lui, d'une manière telle que ses délivrances ne pouvaient que manifester à un haut degré l'action remarquable de Dieu; et, comme nous le savons, Dieu ne se laissera arrêter par rien lorsqu'il agit en faveur de son peuple. Non seulement il suspendra le cours du soleil, comme dans le cas de Josué, mais il le fera retourner en arrière, alors qu'il déploie les divines énergies de sa grâce et de son pouvoir pour la délivrance de ceux qui s'attendent à lui pour être secourus. En fait, nous pouvons dire que lorsque la foi fait appel à la toute-puissance, il n'y a rien de trop grand pour elle.

Cependant l'Eternel, en délivrant son serviteur de la mort, ne voulait pas le moins du monde l'empêcher de profiter de la leçon divine qu'il avait voulu lui enseigner. Nous pouvons le voir en lisant soigneusement «l'écrit d'Ezéchias, roi de Juda, quand, ayant été malade, il fut rétabli de sa maladie». L'expérience que respire cet écrit n'aurait jamais pu être acquise au milieu de la congrégation, ni sur le champ de bataille, ni nulle part autre que là où Dieu l'avait placé, c'est-à-dire sur son lit de maladie. Nul n'enseigne comme Dieu.

Si maintenant l'on demande quelle leçon spéciale Ezéchias a apprise durant son temps de maladie, le verset 15 nous le dira: «Que dirai-je? Il m'a parlé, et lui l'a fait. J'irai doucement, toutes mes années, dans l'amertume de mon âme». En un mot, il a appris le besoin de marcher doucement. Et cette visitation était certainement destinée à lui enseigner cette précieuse leçon, quelque rapidement qu'il ait pu l'oublier. Mais il y avait plus que cela. Ezéchias apprit quelque chose touchant Dieu aussi bien que touchant lui-même, et cela a pour nous de la valeur. Il ne serait pas profitable de découvrir seulement quelques secrets ressorts dans nos coeurs, si en même temps nous ne découvrions pas des ressorts secrets dans le coeur de Dieu. Si quelqu'un apprend qu'il y a en lui des péchés cachés et des principes de mal dont il ne savait rien auparavant, cette découverte seule ne peut que le plonger dans un misérable état d'abattement. Ce n'est pas apprendre selon l'enseignement divin. Mais si, en même temps que son péché lui est dévoilé, il voit aussi la grâce de Dieu qui ôte son péché, cela est divin — c'est apprendre à la fois à connaître Dieu et soi-même. Or c'est seulement quand on apprend ainsi à connaître Dieu et soi-même en relation l'un avec l'autre, que l'on est réellement humilié. La grâce, en ôtant nos péchés, conduit l'âme, à cause d'eux, à une profonde humiliation. Il en était ainsi d'Ezéchias. Il fut instruit à marcher doucement par la grâce qui avait réglé pour toujours la question de ses péchés. «Seigneur», dit-il, «par ces choses on vit, et en toutes ces choses est la vie de mon esprit. Et tu m'as rendu la santé, et tu m'as fait vivre. Voici, au lieu de la paix, j'avais amertume sur amertume; mais toi, tu as aimé mon âme, la retirant de la fosse de destruction, car tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos» (versets 16, 17). Quelle précieuse découverte il fait en Dieu! Ce n'est pas simplement: «Tu as délivré le royaume de la main du roi d'Assyrie», mais «tu m'as retiré de la fosse de destruction, car tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos». Ainsi Ezéchias en a fini avec lui-même, ses péchés sont ôtés, il est retiré de la fosse, et il prend son heureuse place parmi «les vivants» qui seuls peuvent louer et célébrer le nom de l'Eternel. Contemplons donc à quelle position bénie est amenée l'âme de cet homme de bien par toutes les voies solennelles de Dieu qui nous sont présentées dans ce chapitre. Il commence par ces paroles: «Donne des ordres pour ta maison, car tu vas mourir», et, comme nous l'avons fait observer, elles découvrent à sa vue plusieurs choses propres à l'humilier; mais alors il apprend à connaître davantage l'amour rédempteur du Dieu qui rend la vie, de sorte qu'il est rendu capable de répondre à la sommation du prophète: «Donne des ordres pour ta maison», par cette déclaration triomphante: «Tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos». Quant à sa maison, il savait qu'elle «n'était pas ainsi avec Dieu», mais il pouvait se reposer sur l'alliance divine «à tous égards bien ordonnée et assurée». «L'Eternel a voulu me sauver!» dit-il. «Et nous jouerons de mes instruments à cordes tous les jours de notre vie, dans la maison de l'Eternel».

Jusqu'ici il a été très instructif de voir le service du temple rétabli, Juda délivré de la main de l'oppresseur, et le roi de Juda retiré de la fosse de destruction; on est disposé à penser que maintenant la gloire peut se montrer. Mais, hélas! il n'en peut être ainsi. Ce ne sont que des ombres, si belles soient-elles, de ce qui doit encore être révélé, quand le vrai roi de Juda prendra sa place sur le trône de David, son père, et tiendra le sceptre d'un royaume qui ne sera jamais ébranlé.

Nous arrivons à la scène finale de la vie d'Ezéchias, et elle démontre clairement ce que nous disions plus haut que la gloire ne pouvait encore se montrer. Nous n'aurons pas besoin de nous arrêter longuement sur cette partie de notre sujet. L'Esprit lui-même ne le fait pas; car il nous en donne le récit en deux versets, et le commentaire en un seul. Et c'est ainsi que nous trouvons toujours que le divin écrivain prend un beaucoup plus grand plaisir à retracer ce qu'il y a de bien, plutôt que ce qui a manqué, chez ceux dont il rapporte l'histoire. On peut surtout le remarquer dans ce qui nous est dit d'Ezéchias. Le récit de ce qu'il a fait de bien occupe quatre longs chapitres dans le second livre des Chroniques, tandis que, par rapport à son manquement, nous n'avons que ce peu de mots: «Cependant, lors de l'ambassade que les chefs de Babylone envoyèrent vers lui pour s'informer du miracle qui avait été opéré dans le pays, Dieu l'abandonna pour l'éprouver, afin qu'il connût TOUT ce qui était dans son coeur» (2 Chroniques 32: 31). Ce ne sont que quelques paroles, mais elles sont d'une grande portée. Pour qu'un homme connaisse «TOUT ce qui est dans son coeur», il faut qu'il y ait chez lui une mesure non petite de la connaissance de l'amour rédempteur de Dieu. Cela demandait tout ce qu'Ezéchias avait appris de Dieu dans son histoire passée pour le rendre capable de pénétrer dans les replis profonds de son coeur, et y contempler TOUT ce qui s'y trouvait. Oh! que ne renferme-t-il pas ce petit mot TOUT; qui pourrait le supporter, sauf celui qui a appris à dire: «Tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos»? Nul autre, assurément. C'est seulement lorsque nous avons appris que le Seigneur a pardonné toutes nos iniquités et a guéri toutes nos infirmités, lorsque nous avons été rendus capables de voir, par la foi, Celui qui a été désigné de Dieu pour emporter loin avec lui, dans le pays de l'oubli «toutes nos iniquités et toutes nos transgressions, et tous nos péchés» (Lévitique 16: 21), que nous pouvons regarder dans nos coeurs et voir tout l'affreux mal qui s'y trouve. S'il nous était présenté d'abord, avant d'avoir connu le divin remède, nous serions écrasés par cette terrible découverte, mais lorsque nous avons contemplé Dieu devant la croix, plus nous apprendrons de notre profonde dépravation, plus nous approcherons de ce que comprend ce mot tout, et plus nous apprécierons hautement la grâce de notre Dieu, et l'efficacité purifiante du sang de notre Seigneur Jésus Christ.

Mais il est profitable de remarquer comment, à chacune des périodes successives de l'histoire intéressante d'Ezéchias, l'Eternel le serre pour ainsi dire de plus près. «Tout sarment qui porte du fruit, il le nettoie» (Jean 15: 2). Plus un homme est dévoué au Seigneur, plus sa marche est à un niveau élevé, et plus aussi le Seigneur veillera sur lui avec un soin jaloux, afin qu'il y ait des preuves plus grandes et plus précieuses de son dévouement; ou bien peut-être, afin de manifester et de juger, quelque mal caché qui, jusqu'alors, serait resté comme endormi au fond du coeur. Ce dernier cas était son dessein sage et fidèle à l'égard d'Ezéchias.

Pour ce qui concerne le royaume, on ne peut douter que les circonstances récentes, et surtout la défaite de Sankhérib, n'eussent produit un grand effet parmi les nations environnantes. Il y avait un témoignage évident que tout était bien ordonné dans le royaume. De plus, la joie des fils d'Israël, lorsqu'ils retournaient dans leurs demeures, avait prouvé d'une manière décisive que le service du temple était rétabli dans son ordre. Ezéchias avait ainsi le témoignage du monde au dehors, et celui de ses frères au dedans, quant à la pureté et à la droiture de ses voies, et cela était de toute importance. Il est heureux pour nous quand nous ne donnons pas au monde une occasion de parler mal de nous, ni à nos frères de parler de nous en nous soupçonnant. Nous devrions au moins connaître ce bonheur; mais il y a beaucoup plus que cela. Dieu scrute nos voies bien plus profondément que le monde ou l'assemblée. Il n'est pas satisfait par un royaume bien ordonné, ni même par une maison bien réglée, mais, plaçant une mesure plus élevée, il veut un coeur où tout soit en règle. Lorsque Ezéchias commença sa carrière publique, il eut d'abord à diriger son attention sur le désordre dans lequel se trouvait son royaume; la seconde chose fut le désordre de sa maison; et enfin, ce qui était le plus éprouvant de tout, le désordre de son coeur. Or, dans le fait même qu'il fut appelé à subir cette dernière épreuve, nous voyons combien Ezéchias avait surpassé des hommes même des plus remarquables. Jotham, par exemple, n'eut jamais à passer par une épreuve semblable, et pourquoi? Parce qu'au début même de sa course, il fut en défaut. Il y eut un «seulement» dans ce qui concerne l'affaire de son royaume, «seulement… le peuple se corrompait encore», sans parler de sa maison et de son coeur. Il n'en fut pas ainsi d'Ezéchias, sauf dans l'affaire des ambassadeurs de Babylone; là, Dieu eut à régler une question avec lui quant à l'état de son coeur. Et ne pouvons-nous pas dire qu'il n'y en eut qu'un seul qui ait pu tenir devant cette triple pierre de touche dont nous avons parlé plus haut, savoir Celui qui a dit: «Je marcherai dans l'intégrité de mon coeur au milieu de ma maison» (Psaumes 101: 2).

D'où venait donc, pouvons-nous demander, l'ennemi qui vainquit l'homme que nous avons vu précédemment marcher d'un pas si ferme dans les voies de Dieu? De Babylone. Oui, de Babylone, l'ancienne source du mal, dont un ruisseau empoisonna le camp d'Israël aux jours de Josué. «En ce temps-là, Merodac-Baladan, fils de Baladan, roi de Babylone, envoya une lettre et un présent à Ezéchias» (Esaïe 39). Nous avons ici un autre roi qui attaque Ezéchias; non point le roi d'Assyrie avec une nombreuse armée; ni le roi des terreurs avec sa sommation solennelle; mais le roi de Babylone avec un présent. Et, chose qui peut sembler étrange, le présent du roi de Babylone fut un adversaire trop puissant pour le coeur d'Ezéchias. Lorsque le roi d'Assyrie lui envoya une lettre, «il monta à la maison de l'Eternel, et la déploya devant l'Eternel». C'est ainsi qu'il vainquit. Lorsqu'il fut sommé de se préparer à mourir, «il tourna sa face contre la muraille, et pria l'Eternel». Et il fut relevé de son lit de maladie et de mort. Mais quand les ambassadeurs du roi de Babylone vinrent vers lui, «il leur montra la maison où étaient renfermés ses objets précieux», et ainsi il tomba. Avertissement bien solennel! Ezéchias n'était pas sur ses gardes. Il ne prie pas; il ne recherche pas l'Eternel; il n'y a chez lui aucune perception spirituelle qui lui fasse voir l'hameçon caché sous l'appât doré. Fût-il allé déployer la lettre de Mérodac devant l'Eternel, il eût été élevé au-dessus de l'influence qu'exercent les attentions polies du monde, comme il avait été précédemment élevé au-dessus de ses menaces hautaines. Il aurait trouvé dans le sanctuaire un refuge aussi sûr contre la ruse du serpent, qu'il l'avait été contre le rugissement du lion. Mais nous voyons ensuite la cause secrète de sa chute, dans le commentaire divin qui nous en est donné: «Mais cependant, lors de l'ambassade que les chefs de Babylone envoyèrent vers lui… Dieu l'abandonna pour l'éprouver, afin qu'il connût tout ce qui était dans son coeur». Lorsque Dieu laisse un homme à ses propres forces, un brin de paille suffit pour le renverser.

Mais nous pouvons tirer une leçon salutaire de cette faute d'Ezéchias. Elle peut nous apprendre que les sourires du monde auront le dessus sur nous, tandis que, peut-être, ses menaces nous pousseront à nous attacher plus fortement à la croix. Il est beaucoup moins facile d'agir fidèlement avec un Gabaonite qui présente des raisons plausibles, ou avec un Agag poli et gracieux, qu'avec les rudes fils d'Anak, ennemis manifestes de Dieu. Et il est aussi extrêmement difficile d'agir fidèlement avec les gens du monde, et en même temps de recevoir d'eux quelques politesses. Il ne faut pas une petite mesure de puissance spirituelle pour s'asseoir à la table et recevoir l'hospitalité d'un homme du monde, et en même temps lui parler sérieusement touchant son âme: «Le présent aveugle ceux qui voient clair, et pervertit les paroles des justes» (Exode 23: 8). Le chrétien doit donc être, et indépendant, et séparé du monde. Il vaut mieux, si nous manquons de puissance spirituelle, rester autant que possible à part des gens du monde, au lieu de nous mêler avec eux, et de déshonorer le Seigneur. Abraham ne voulut rien recevoir ni du roi de Sodome, ni des fils de Heth; il ne voulait pas être débiteur à des incirconcis; et ainsi séparé d'eux, il pouvait être un témoin vivant contre eux.

Nous pouvons aisément concevoir combien Ezéchias aurait trouvé difficile d'introduire le sujet de la vérité à ces nobles étrangers. Il n'aurait pas aimé entrer avec eux dans de telles considérations. Le temps, le lieu ou les circonstances, ne lui auraient pas semblé s'y prêter exactement. Plusieurs pensées semblables pouvaient surgir dans son esprit, et l'empêcher d'agir fidèlement envers ses hôtes. Et ni le monde, ni peut-être même ses frères, les fils de Juda, n'auraient été capables de découvrir aucun mal dans le fait qu'il montre aux envoyés de Babylone la maison de ses objets précieux. Mais la pensée secrète était mauvaise. L'orgueil était caché dans les coins reculés de son coeur. Au lieu de leur parler de Celui qui est assis entre les chérubins, de la merveilleuse délivrance de la main du roi d'Assyrie, des sérieuses et profondes leçons apprises aux portes du shéol, et de l'amour miséricordieux de Dieu qui avait jeté tous ses péchés derrière son dos, au lieu de présenter ces choses aux ambassadeurs de Babylone, «il leur montra la maison où étaient renfermés ses objets précieux, l'argent et l'or, et les aromates et l'huile fine, et tout son arsenal (qui n'avait pu le défendre contre le roi d'Assyrie), et tout ce qui se trouvait dans ses trésors; il n'y eut rien qu'Ezéchias ne leur montrât dans sa maison et dans tous ses domaines». Ainsi tout était touchant lui-même et il n'y avait rien touchant Dieu. Etrange et inconcevable oubli! Tel est l'homme, même un homme de Dieu, lorsqu'il est laissé à lui-même.

Mais maintenant que le mal a été pleinement manifesté, non seulement aux yeux de Dieu, mais aux siens, il est digne de remarque de voir que l'Eternel, par son prophète, cherche à conduire son serviteur droit en avant vers la fin non seulement de son royaume ou de sa maison, mais vers la fin de lui-même: «Voici», dit le prophète, «des jours viennent où tout ce qui est dans ta maison, et ce que tes pères ont amassé jusqu'à ce jour, sera porté à Babylone; il n'en restera rien, dit l'Eternel. Et on prendra de tes fils, qui sortiront de toi, que tu auras engendrés, et ils seront eunuques dans le palais du roi de Babylone». Ezéchias, dis-je, fut ainsi amené à voir la fin de son royaume, de sa maison, et de lui-même. Tout devait aller à cette Babylone dont les ambassadeurs l'avaient pris dans leurs pièges. Toutes les choses dont son pauvre coeur s'était vanté devant les hommes de ce monde, devaient aller à la ruine. Il avait étalé aux yeux du monde ses trésors, et ces trésors, le monde était près de les enlever. Mais «la paix et la vérité», c'est-à-dire le trésor qu'il avait en Dieu, le monde ne pouvait ni le lui donner, ni le lui ôter. C'étaient «des biens meilleurs et permanents», car ils étaient «dans le ciel».

Nous sommes ainsi arrivés à la fin de cette histoire pleine d'instruction. «Les actes d'Ezéchias, les premiers et les derniers», ont passé devant nous; nous avons été conduits dans les secrets de son royaume, de sa maison, et de son coeur; nous avons voyagé avec lui à travers un règne de vingt-neuf années, et, à la fin, nous le laissons dans l'heureuse société de «la paix et la vérité». Nous l'avons vu dans les circonstances les plus éprouvantes possédant toujours la même confiance inébranlable en Dieu; nous l'avons vu devant le monde et devant ses frères, et, sauf une seule exception, son sentier a été celui des justes qui est «comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu'à ce que le plein jour soit établi».

Cher lecteur chrétien, n'est-ce pas chose consolante pour l'âme, qu'après avoir été jusqu'au bout de toutes les choses humaines, et vu la fin de toute la gloire terrestre, et de plus, qu'après avoir appris l'humiliante leçon de ce qu'est notre propre coeur et du mal qui s'y trouve, et découvert quelle est «la fin de toute chair», et de la nôtre en particulier, n'est-ce pas chose consolante, dis-je, de trouver que «la paix et la vérité» sont notre éternelle part; que notre Dieu, le Dieu miséricordieux qui «a jeté tous nos péchés derrière son dos;» qui nous a «retirés de la fosse de destruction», et «placé nos pieds sur un roc», veut mettre en nos mains une harpe d'or, afin que, dans la jouissance du repos et de la félicité de sa maison, nous chantions «la paix et la vérité» durant tout ce jour qui, nous le savons, est pour nous le jour éternel?

Alléluia! quelle sainte allégresse!

Voici venir les noces de l'Agneau.

Autour de toi nous chanterons sans, cesse,

O Bien-aimé! le cantique nouveau!