Les matins de l'Ecriture

 ME 1898 page 470

 

Nous trouvons, dans la suite des Ecritures, plusieurs époques d'enfance ou de commencement — des matins, si je puis m'exprimer ainsi.

La création fut un de ces matins. Ce fut le jour de naissance des oeuvres de Dieu, le matin ou commencement du temps. Et lorsqu'à ce moment, les bases de la terre furent assises et la pierre angulaire placée, «les étoiles du matin chantaient ensemble, tous les fils de Dieu éclataient de joie» (Job 38: 6, 7).

L'Exode, ou la sortie d'Egypte, fut un autre de ces matins. Alors Israël, comme nation, commença d'exister, c'était sa première enfance. «Quand Israël était jeune, je l'ai aimé, et j'ai appelé mort fils hors d'Egypte» (Osée 11: 1), dit l'Eternel par le prophète. Ce fut alors un nouveau commencement de l'année, comme si elle était nouvellement née. Le mois de l'exode, de la sortie, devint «le commencement des mois, le premier des mois de l'année» (Exode 12: 1, 2). Le cantique de Moïse et de la congrégation des fils d'Israël sur le rivage de la mer Rouge, célébra la vie sortie de la mort, un matin de résurrection (Exode 15).

A la naissance du Seigneur Jésus, nous voyons surgir un nouveau matin. Cet événement brilla sur le monde semblable à la lumière du soleil levant. Une longue et triste nuit l'avait précédé. Israël était captif et abaissé dans la poussière. Il n'y avait plus ni signes, ni miracles. Quatre siècles s'étaient écoulés depuis que la voix du dernier des prophètes s'était fait entendre. Ni les Urim et Thummim, ni l'éphod du sacrificateur, ne rendaient plus d'oracles, ni ne transmettaient plus de réponses de la part de Dieu. La gloire ne remplissait pas le temple. Rien ne distinguait des autres villes la cité de paix, la demeure favorisée de Dieu sur la terre, sauf de temps à autre l'action de l'ange qui descendait et agitait les eaux du réservoir de Béthesda. Mais la naissance du Seigneur Jésus, semblable à la lumière du matin, réveilla la création, et les clartés de plusieurs autres jours surgirent ensemble, pour dire que la longue et sombre nuit avait enfin fait place à l'éclat radieux d'un nouveau matin. Le ciel se réjouit, comme autrefois les fils de Dieu lors de la création. Les anges, autrefois si bien connus en Israël, font leur réapparition. La grâce qui avait agi dans l'enfance du monde, aux jours des patriarches, se déploie de nouveau. Les promesses faites à Abraham et à David, lesquelles anticipaient la renaissance du peuple et du royaume, sont citées et rappelées. Toutes ces choses sont vues à l'occasion de ce grand événement, de cette heure fraîche du matin dans la suite des voies de Dieu. Et l'enfant né à Bethléhem est salué par le Voyant de Dieu comme «l'Orient d'en haut», le lever du soleil, le matin d'un nouveau jour (voyez Luc 1: 11).

Avec la résurrection du Seigneur se lève un autre de ces matins. Il paraît après la plus sombre nuit qui ait jamais enveloppé la création; mais alors quelle lumière! C'était le gage, l'avant-coureur du jour éternel. L'ombre de la mort s'était changée en ce matin radieux. Ce fut «au crépuscule du premier jour de la semaine», que se dévoila le grand mystère de la résurrection, ainsi que nous lisons en Matthieu 28.

L'avènement du règne nous fait voir dans l'avenir un nouveau matin. Ce sera le jour après la nuit; le jour de Christ après la nuit du péché et de la mort; le monde de Christ après le monde de l'homme. Ainsi que le dit David, le doux psalmiste d'Israël, en contemplant par l'Esprit ce royaume à venir: «Celui qui domine parmi les hommes sera juste, dominant en la crainte de Dieu; et il sera comme la lumière du matin, quand le soleil se lève, un matin sans nuages; par sa clarté l'herbe tendre germe de la terre après la pluie» (2 Samuel 23).

L'apparition du nouveau ciel et de la nouvelle terre sera un autre matin. Ce sera la seconde naissance de la création. «Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre», dit le prophète; «car le premier ciel et la première terre s'en étaient allés, et la mer n'est plus». Elle est appelée l'habitation de la justice, la scène où Dieu sera «tout en tous».

Il est doux pour l'âme de contempler ces différents matins se levant tour à tour, à mesure que se déroulent devant nous les âges successifs dont les Ecritures nous parlent.

Mais une autre vue se présente à nous. L'homme, hélas! a constamment changé les matins de Dieu en ombre de la mort. La terre, sortie des mains de Dieu si belle et si pleine de joie, est devenue bientôt, par le péché de l'homme, un désert couvert de ronces et d'épines. Il fut maudit ce sol qui, à l'heure du matin, avait été témoin de la satisfaction de l'Eternel en contemplant ses oeuvres, et qui avait reçu sa bénédiction. — Israël qui, sur les bords de la mer Rouge, avait chanté le cantique de triomphe et de résurrection, fut, à cause de son infidélité, emmené captif à Babylone, et le pays de gloire fut laissé dévasté et désolé, foulé aux pieds de ses oppresseurs incirconcis. — Le soleil qui, au matin de Bethléhem, s'était levé sur le monde pour en être la lumière, et sur Israël comme le gage d'un nouveau jour, descendit dans la nuit du Calvaire — car l'homme était pécheur et l'a rejeté. — Le même précieux Sauveur, qui s'est levé une seconde fois sur le monde et sur Israël comme vivant d'entre les morts, nous apportant avec lui la lumière et la vie pour l'éternité, voit maintenant les ombres décroissantes et mourantes du soir de la chrétienté, qui vont bientôt s'éteindre dans la sombre nuit des jugements apocalyptiques. — Le royaume qui doit surgir comme la lumière d'un «matin sans nuages», se terminera par la grande apostasie de Gog et de Magog, par le jugement de la mort et du hadès et de tous ceux qui ne sont pas écrits dans le livre de vie, après la disparition des cieux et de la terre de devant la face de Celui qui est assis sur le grand trône blanc. — Mais le matin du nouveau ciel et de la nouvelle terre, Dieu le maintiendra à toujours dans sa fraîcheur et sa beauté premières. Dans son histoire, il n'y aura point d'ombres du soir de la corruption et de la révolte de l'homme, point de nuits de jugements. Il demeurera comme le jour éternel et unique dont le soleil ne se couchera jamais.

Quelles visions passent ainsi devant nos yeux! Le Dieu bienheureux posant et reposant encore les fondements de ses oeuvres, faisant apparaître à chaque fois un nouveau matin, et l'homme changeant chaque fois ces matins en ombre de la mort. Mais Dieu ne peut habiter dans l'obscurité. Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, et c'est pourquoi, bien que l'homme ne puisse se joindre à lui pour maintenir la lumière, mais au contraire plonge et replonge toute la scène dans les ténèbres, Lui-même aura soin de sa propre gloire et assurera sa propre joie. Lui, qui au commencement a fait jaillir la lumière du sein des ténèbres à l'aurore de la première création, gardera dans une beauté éternelle le matin de la seconde création.