Quelques simples remarques sur Jean 1: 1-5

 ME 1899 page 425

 

L'évangile de Jean est l'évangile de la nouvelle création, caractérisée par la vie, la lumière, et l'amour, répondant à ce que Dieu est en lui-même. Nous y trouvons la vie éternelle; cette vie que rien ne peut altérer et où l'on jouit de la lumière et de l'amour, et qui est introduite ici-bas par Celui qui est lui-même cette vie, en qui elle a été manifestée, et par qui elle est communiquée. Quelle grâce dans un monde de péché, de ténèbres et de mort, de le connaître, Lui. Or les premiers versets de l'évangile placent devant nous cette Personne divine, auteur de la nouvelle création et source de la vie éternelle. Ils nous la montrent non point encore telle qu'elle devint en entrant dans le monde, mais ils nous disent ce qu'elle était.

«Au commencement était la Parole». La Parole, qui est-ce? Les versets 14 et 17 répondent à cette question. C'est le Fils unique, expression que nous ne trouvons que dans les écrits de Jean (3: 16; 1 Jean 4: 9), et qui indique sa relation éternelle avec le Père. A cela se rapporte aussi l'expression: le Fils de son amour (Colossiens 1: 13), car Dieu est amour et a éternellement eu un objet de cet amour, et qui le satisfit, et Celui qui est l'objet de l'amour éternel de Dieu, est venu manifester cet amour dans le monde. Il est en effet digne de remarque que le titre de Fils unique est, dans ces passages, associé à la manifestation de la grâce divine. Nous savons donc qui est la Parole. C'est le Fils unique faisant connaître Dieu et son amour au milieu des hommes, y apportant la grâce et la vérité; venu dans ce but dans un monde de péché, de douleur et de mort, et portant ici-bas le nom précieux de Jésus Christ.

Pourquoi, au début de cet évangile, porte-t-il ce nom de la «Parole?» Nous venons de le dire. Il est l'expression de la pensée, de la volonté et de la puissance de Dieu, et ainsi il le manifeste; il le fait connaître (verset 18). Dans le premier chapitre de la Genèse, quand Dieu déploie sa puissance dans la création, c'est par la Parole. Huit fois nous trouvons l'expression: Il dit, et la chose a son être. «Les cieux», dit le psalmiste, «ont été faits par la parole de l'Eternel» (Psaumes 33: 6). Et pour ce qui est de la révélation de Dieu à l'homme, c'est le Fils qui le fait connaître (Matthieu 11: 27). Dieu nous a parlé dans le Fils. Et cela est bien caractéristique en Jean où, quoi que Jésus dise ou fasse, ce n'est pas de lui-même, mais c'est selon la volonté de Celui qui l'a envoyé (Jean 7: 16; 6: 38; 8: 28; 12: 49, 50). Nous comprenons maintenant pourquoi il est la Parole. De même que par la parole nous manifestons ce qui est en nous, ainsi Christ, la Parole, fait connaître les pensées et les desseins cachés en Dieu, mais avec cette immense différence que notre parole peut n'exprimer qu'imparfaitement et même faussement ce qui se passe dans notre être intérieur, ce qu'il est, tandis que lui révèle parfaitement tout ce qu'est Dieu et ce que Dieu nous fait connaître de ses pensées. Et de plus cette Parole, Christ, n'est pas un être abstrait, mais, comme nous allons le voir, une Personne.

Dans ces premières paroles de l'évangile, nous avons l'existence éternelle de la Parole. En effet, il est dit: «Au commencement était la Parole». Remarquons que l'expression «était» «comporte l'idée d'existence. Elle existait au commencement. Mais où placer ce commencement? Reculons aussi loin que nous voudrons le moment où le temps commence par l'existence des choses qui n'ont pas toujours été, et la Parole était — elle existait alors. Or cela indique l'existence éternelle. C'est ce que nous trouvons aussi en Colossiens 1: 17: «Lui est avant toutes choses», avant toutes les choses créées, car c'est par lui qu'elles subsistent. Si la Parole avait commencé d'être, elle aurait pu être le commencement, mais n'aurait pas existé à ce commencement. Elle était au commencement; elle est donc en dehors de tout commencement: elle est éternelle. Dans le chapitre 8 des Proverbes, nous voyons la Sagesse — autre expression qui désigne Celui qui est la Parole — existant dès avant le commencement: «L'Eternel», y est-il dit, «m'a possédée au commencement de sa voie, avant ses oeuvres d'ancienneté; dès l'éternité je fus établie, dès le commencement, dès avant les origines de la terre, etc.». Or Christ est la sagesse de Dieu.

En second lieu, ce qui suit nous fait connaître en la Parole une existence personnelle, distincte. Elle était «auprès» de Dieu, non pas confondue avec Dieu, non pas un attribut de Dieu, mais une Personne distincte auprès de Dieu. Et le mot traduit par «auprès de», indique un mouvement vers lui, une communion avec lui, ce qui montre encore plus la Parole comme étant une Personne. «Auprès de Dieu», comme je puis être auprès de quelqu'un que j'aime. «J'étais», dit la Sagesse éternelle, «alors à côté de lui (quand il fondait la terre) son nourrisson, j'étais ses délices tous les jours, toujours en joie devant Lui» (Proverbes 8: 30).

Troisièmement, nous avons une déclaration qui exprime ce qu'est la Parole en elle-même dans sa nature — elle était Dieu; elle a tous les caractères et toutes les perfections de l'essence divine. L'Esprit Saint, par la plume de Jean, se sert du passé, «elle était», afin qu'on ne puisse dire: «Oui, il est Dieu maintenant, mais dans un sens subordonné, il a été élevé à cette dignité». C'est là ce que plusieurs enseignent; mais leur raisonnement est détruit par l'affirmation solennelle: «Elle était Dieu». C'est ce qu'elle était de toute éternité — elle n'a point été faite, elle était Dieu. Aussi l'apôtre ajoute-t-il: «Elle (ou celle-là) était au commencement auprès de Dieu». De toute éternité, distincte comme Personne divine. Cette déclaration n'est pas une vaine répétition au moment où Jean va nous montrer la Parole dans son activité et sa puissance créatrices.

Ces deux premiers versets nous font donc connaître ce qu'est la Parole en elle-même et par rapport à Dieu. Nous la voyons ensuite en rapport avec la création, la sphère de sa manifestation.

(Verset 3). «Toutes choses furent faites par elle, et sans elle pas une seule chose ne fut faite». Elle n'est pas l'un des êtres créés; elle est séparée d'eux par l'abîme immense qui existe entre le Créateur et sa créature. Ils dépendent tous de Lui — «toutes choses ont été créées par lui et pour lui; elles subsistent par lui»; «il les soutient par la parole de sa puissance» (Colossiens 1: 16, 17; Hébreux 1: 3). Sans lui, elles n'eussent pas existé; sans lui elles retomberaient dans le néant. Il est vrai qu'en Colossiens 1, il est nommé le premier-né de toute la création; mais nous savons que ce terme signifie simplement qu'il en est le Chef, qu'il est à la tête de toute la création, puisqu'il a créé toutes choses (voyez Psaumes 89: 27). Pour créer, il faut la toute-puissance divine, il faut être Dieu, de même que pour révéler Dieu il faut être Dieu: «la Parole était Dieu». Tous les êtres autres que lui ont eu un commencement d'existence; lui n'en a point eu. On peut dire de lui: «D'éternité en éternité tu es Dieu».

Que toutes choses eussent été faites par la parole de l'Eternel, la Genèse, les Psaumes et d'autres portions de l'Ancien Testament nous le disent, comme nous l'avons remarqué. Mais que cette Parole, cette expression de la pensée, de la volonté et de la puissance de Dieu se manifestant dans la création, fût une Personne, c'est ce que nous n'y trouvons pas, sauf d'une manière mystique dans les Proverbes. Et voilà ce que l'Esprit nous révèle ici. Après s'être fait entendre pour produire les choses créées, elle se fait entendre dans la création et révèle Dieu, non par la création qui nous fait connaître simplement son existence (Romains 1: 19, 20), mais en venant elle-même nous le faire connaître. Cela nous conduit à penser que toutes les fois que nous voyons Dieu, le Dieu invisible, se manifester à l'homme en divers endroits de l'Ancien Testament, sous le nom de l'Ange de l'Eternel, l'Ange de sa face, l'Ange de l'alliance, et qui même est appelé Jéhovah et le Seigneur, il s'agit de la Parole, du Fils unique (voyez Genèse 18; 22: 15; Juges 6: 12, 14, 16; 13: 3, etc., 21, 22, 23; Esaïe 63: 9; Malachie 3: 1; Exode 3: 2-5, etc.). Nous savons d'ailleurs, par la comparaison d'Esaïe 6 avec Jean 12: 38-41, que le Jéhovah de l'Ancien Testament, le Dieu d'Israël, n'est autre que Jésus, la Parole.

Ainsi «toutes choses furent faites par elle, et sans elle pas une seule chose ne fut faite de ce qui a été fait», ou comme l'on peut traduire: Toutes choses sont devenues ou ont pris naissance par elle, et pas une seule des choses qui existent, n'a pris naissance sans elle. Il semble qu'il y ait ici une répétition, mais, si elle existe, elle est bien nécessaire. Elle montre que les choses qui existent dépendent toutes de lui, et que nulle ne peut dire: «Moi, j'échappe à cette dépendance». La forme affirmative comprend l'ensemble de tous les êtres créés; la forme négative s'applique à chaque être en particulier et exclut ainsi toute exception; rien n'est dû au hasard, ni n'a été formé en vertu de lois générales. L'apôtre Paul met bien en évidence la vérité de la création de toutes choses par le Fils, quand il énumère les diverses classes d'êtres créés dans le vaste univers: «Les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre, les visibles et les invisibles» (Colossiens 1: 16). Nul être, à part Lui, si grand en dignité et en pouvoir puisse-t-il être, n'échappe à la réalité de cette parole: «Créé par lui et pour lui». Telle est la gloire de la Parole, du Fils unique, du Seigneur Jésus Christ. «Par lequel (le Fils) il (Dieu) a fait les mondes», est-il dit en Hébreux 1: 2. Cela ne diminue en rien cette gloire. Tout ce qui a été fait l'a été selon la souveraine volonté du Père, mais le Fils, la Parole, l'expression de cette volonté, est la Personne qui a déployé la puissance créatrice, la puissance divine qui était en elle. Il est remarquable, en effet, qu'en Colossiens 1: 16, l'expression «par lui», au commencement du verset, n'est pas dans l'original la même que «par lui» à la fin, et peut être rendue par «en lui» ont été créées toutes choses, indiquant ainsi que la puissance créatrice réside en lui, le Fils de son amour. Pierre nous dit aussi que la terre et les cieux d'avant le déluge subsistaient «par la parole de Dieu»; mais il va plus loin en déclarant que «la même Parole» réserve les cieux et la terre de maintenant pour la destruction (2 Pierre 3: 5-7). Enfin nous voyons, en Apocalypse 19, celui qui s'appelle «la Parole de Dieu» paraître du ciel pour le jugement des impies, et lorsque tout ce qui est de cette création, domaine de l'homme, a pris fin, nous entendons Celui qui est assis sur le trône, dire: «Voici, je fais toutes choses nouvelles».

Le verset 3 nous a montré la Parole dans ses rapports avec la création: Elle est le Créateur. Le verset 4 nous fait connaître ses rapports avec les hommes qui font partie de la création, mais une partie, objet de desseins particuliers de Dieu, ainsi que des pensées et des affections de Celui qui se nomme la Parole. Nous lisons en effet dans les Proverbes ces paroles de la sagesse éternelle: «Mes délices étaient dans les fils des hommes» (Proverbes 8: 31). «En elle était, la vie, et la vie était la lumière des hommes». Dans le verset précédent, nous avons deux choses: la Parole non créée, éternelle, et les choses créées par elle et subsistant hors d'elle. Ici, c'est quelque chose qui est en elle — c'est la vie, ce qui caractérise également une Personne divine, car tout être créé ne peut recevoir la vie que du dehors de lui-même. «En elle était la vie» fait donc mieux comprendre le verset 3, en présentant en même temps un sens plus profond. La Parole n'est pas une abstraction, une force, une puissance aveugle, mais une réalité, une Personne vivante d'abord, puis ce qui est davantage, possédant en elle-même la vie d'une manière absolue, et étant ainsi seule la source de toute vie.

Mais qu'est-ce que la vie? Qu'est-ce qui la caractérise? D'abord, remarquons que ce n'est pas seulement le fait d'exister; une pierre, un astre existent, mais on ne peut dire qu'ils vivent. La vie, c'est l'existence active, jointe à la conscience et à la jouissance de l'existence dans les domaines qui lui sont assignés. Les végétaux vivent, car leur naissance et leur développement accusent une certaine activité, mais ils n'ont pas la conscience, ils ne savent pas qu'ils vivent. Les animaux vivent — je parle surtout des animaux supérieurs, car un grand nombre n'ont qu'une vie végétative — ils vivent quand leurs fonctions s'accomplissent suivant les lois de leur organisme, et ils ont l'instinct de pourvoir à l'entretien de leur vie, de la défendre et de fuir ce qui peut lui nuire. On ne saurait leur refuser une certaine intelligence et la jouissance de la vie qu'ils possèdent. Mais leur vie est enveloppée d'obscurité et se borne à la satisfaction de leurs besoins matériels. Au-dessus se trouve la vie intellectuelle morale et religieuse, apanage précieux de l'homme qui n'est pas né de la terre comme les animaux par une parole du Créateur, mais qui est le résultat des conseils de Dieu, selon la parole: «Faisons l'homme à notre image», et dans le corps duquel, formé des mains de Dieu, Dieu souffla la respiration de vie. Il possède donc cette vie qui est l'existence active, qui a conscience d'elle-même et qui en jouit. L'être intelligent vit par l'exercice de ses facultés de connaître et de comprendre; l'être moral, qui ne peut exister sans l'intelligence, vit quand ses actes sont déterminés par ses vrais mobiles, et que ses sentiments sont tournés vers leur objet réel. L'être religieux vit par sa connaissance et la jouissance de Dieu et de ses rapports avec lui: c'est la vie éternelle. Mais de quelque vie qu'il s'agisse, la Parole en est la source; c'est en elle qu'est la plénitude de la vie. Pour m'en tenir a ce qu'il y a de plus élevé et de plus important, je citerai ce passage: «Dieu nous adonné la vie éternelle; et cette vie est dans son Fils» (1 Jean 5: 11). Remarquons que c'est à l'être intelligent et moral qu'est communiquée la vie divine, la vie éternelle; que c'est l'homme qui est la créature privilégiée qui peut seule en jouir. Dire comment il y arrive n'est pas ici mon sujet. Ainsi la vie — toute vie était dans la Parole. En créant les êtres, Celui qui est la Parole a déterminé les conditions de leur vie, et en particulier pour l'homme, elle comprend la vraie connaissance, l'activité vers ce qui est réellement bon, et la félicité entière, sans variation, quoique non pas sans accroissement; or cette vie heureuse, la seule digne de ce nom, elle est en Lui; il la possède dans sa plénitude, sans qu'elle lui ait été communiquée.

J'ai dit que l'un des caractères de la vie est l'activité. Pour se déployer, il faut qu'il y ait un objet envers lequel elle s'exerce. Nous avons vu que l'expression «la Parole était auprès de Dieu», supposait un mouvement vers Dieu; c'est l'activité de la vie se portant vers son objet, se manifestant dans l'amour et par suite dans la communion entre le Fils et le Père. Mais l'activité de la vie qui est dans la Parole s'est répandue au dehors non pas seulement pour créer; elle s'est manifestée envers les hommes — ses délices étaient avec les fils des hommes — elle s'est manifestée pour les éclairer. Elle était la lumière des hommes. Que serait la vie sans la lumière? Ainsi, après avoir vu la Parole en rapport avec Dieu et avec la création, nous l'avons ici en rapport avec l'humanité. En elle était la vie, et elle la communiquait, et cette vie divine était la lumière pour les hommes. Ce rapport entre la vie et la lumière émanant de la même source, se trouve indiqué dans le Psaume 36: «Par-devers toi est la source de la vie, en ta lumière nous verrons la lumière», mais ici dans un sens plus profond. La lumière n'est pas ici l'intelligence que possède l'homme et qui lui fait connaître et discerner les choses qui sont de son domaine. C'est infiniment plus, comme lorsque Jésus dit: «Je suis la lumière du monde». La vie qui était dans la Parole, communiquée aux hommes, venait dans leur intelligence et leur être moral leur apporter la vérité; leur faisant connaître Dieu, et leur donnant en même temps la vraie connaissance des choses, de leurs rapports entre elles et avec Dieu. Cette lumière est donc la vérité éclairant l'âme des hommes. Jésus, qui était la lumière, dit aussi: «Je suis la vérité». On ne peut pas séparer la vie de Dieu de la lumière. Celui qui vit de cette vie, connaît Dieu; mais cette vie et cette connaissance ne sont pas seulement dans l'intelligence, mais embrassent tout l'être moral.

C'est donc là ce qui illuminait l'âme de l'homme sortant des mains de Dieu. En la Parole qui l'avait créé, il avait la vie, et dans cette vie la connaissance de Dieu. Si le péché a introduit maintenant les ténèbres et la mort, souvenons-nous que la vie est toujours dans le Fils et qu'il est toujours la lumière venue dans le monde. Et la vie qu'il communique maintenant à celui qui croit en lui est la vie éternelle possédée dès ici-bas, et qui sera bientôt la vie éternelle dans la gloire. «C'est ici la vie éternelle, qu'ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ».

En arrivant au verset 5, nous voyons l'introduction d'une nouvelle chose qui n'était pas auparavant: les ténèbres. «Et la lumière luit dans les ténèbres; et les ténèbres ne l'ont pas comprise (ou saisie)». Il n'est pas dit que la lumière luisait dans les ténèbres, ce qui ferait supposer que les ténèbres avaient toujours existé de même que la lumière, et conduirait à la doctrine de deux principes éternels, l'un du bien, l'autre du mal, en opposition l'un avec l'autre, comme l'ont enseigné des hérétiques. Non; mais la lumière luit — elle n'a jamais cessé de luire — dans les ténèbres. Ces ténèbres sont les ténèbres morales, l'ignorance à l'égard de Dieu et du vrai bien, conduisant à la perversion des pensées et des affections (Ephésiens 4: 18; Romains 1: 21). Elles ont été introduites et se sont répandues dans l'intelligence, l'entendement et le coeur de l'homme par le péché, qui l'a éloigné de Dieu, source de lumière et de vie; elles sont le domaine de la mort. Le monde entier est envahi par elles; elles le couvrent comme d'un funèbre linceul. Ce n'est pas que l'homme n'ait des facultés merveilleuses, qu'il exerce dans le vaste domaine de la création. Que de choses son intelligence ne découvre et ne sonde-t-elle pas? Mais ses connaissances sans cesse croissantes et qu'il appelle «lumières», ne le sortent pas des ténèbres dont le péché l'a enveloppé — l'ignorance de Dieu et de ses pensées, l'éloignement de lui, la mort quant aux choses spirituelles et divines. Il existe une lumière, mais une seule qui puisse dissiper ces ténèbres. Elle n'est pas en l'homme et ses facultés; ses efforts ne la lui procurent pas; la science la plus élevée ne l'y amènera pas. Elle existe en dehors de lui; c'est «la lumière de la vie», la lumière divine, Christ; elle luit dans les ténèbres, mais chose étrange et bien caractéristique de l'état de l'homme: les ténèbres ne l'ont pas comprise ou saisie. Dans le domaine physique, la lumière apparaissant, les ténèbres s'en vont; mais ici il s'agit d'un état moral, et là, par son seul effet, la lumière ne dissipe pas les ténèbres opposées à sa nature; elle fait ressortir et rend évidentes l'incompatibilité et l'opposition entre elle et les ténèbres. Avec les ténèbres, il y a chez l'homme naturel une volonté opposée à celle de Dieu; il aime mieux les ténèbres que la lumière, parce qu'il se complaît dans ses oeuvres mauvaises, fruits de son état moral, satisfaisant ses passions et ses convoitises (Jean 3: 19, 20). Voilà pourquoi nous lisons plus loin: «Il est venu chez soi, et les siens ne l'ont pas reçu… Il était dans le monde, et le monde fut fait par lui, et le monde ne l'a pas connu» (Jean 1: 10, 11). «L'homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l'Esprit de Dieu»; il faut une oeuvre divine pour que ce qui était ténèbres devienne lumière; il faut une nouvelle création. Le fait subsiste: «La lumière luit dans les ténèbres; et les ténèbres ne l'ont point comprise». Le monde dans son ensemble gît dans les ténèbres. C'est son état, et il n'a pas saisi la lumière, Christ. Ne le voyons-nous pas? Il y a incompatibilité entre ces deux sphères. Quelle communion entre la lumière et les ténèbres? Avertissement bien sérieux pour ceux qui, par la grâce, sont devenus lumière dans le Seigneur.

Quelle merveilleuse gradation dans ces cinq versets! Des profondeurs de l'éternité, nous descendons jusqu'à l'état où l'homme se trouve. Dieu, la Parole, l'homme, voilà ce que nous y trouvons. Dieu, par la Parole éternelle, sortant de sa plénitude pour créer, se manifestant par elle aux hommes, comme vie et comme lumière, puis la constatation de ce fait profondément triste: les ténèbres, l'homme dans l'état où le péché l'a réduit, ne comprenant et ne recevant pas la lumière. Mais rien ne peut arrêter le flot de la grâce divine, et par cette grâce puissante, des hommes sortent et se séparent de ces ténèbres et viennent à la lumière. C'est ce que nous voyons aussi dans cet évangile.