La marche chrétienne

Ladrierre A.

ME 1900 page 154

 

Après la grande et fondamentale question du salut, je veux dire la certitude que nous sommes mis à l'abri du jugement et pardonnés, et qu'«ayant été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu», il vient une autre question des plus importantes pour la gloire de Dieu et, quant à ce qui nous concerne, pour la jouissance de sa faveur dans une vraie communion avec Lui: c'est celle de notre marche comme pécheurs rachetés, purifiés par le sang de Jésus, au milieu d'un monde ennemi de Dieu et qui «gît dans le mal», entourés aussi, comme nous le sommes, par les circonstances diverses qui tiennent à notre présence dans ce monde et à notre existence ici-bas, et au fait que nous sommes dans un état d'infirmité, ayant la chair en nous, et en butte aux attaques et aux pièges de l'ennemi.

Ayant été délivrés du poids de notre culpabilité, ayant échappé au jugement qui nous menaçait, quelle vie mènerons-nous désormais?

Le tableau de la vie chrétienne, dans son ensemble ou dans ses traits particuliers, nous est tracé en plus d'un passage des épîtres. Prenons, par exemple, ce que Paul désirait pour les Colossiens: «Que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté (celle de Dieu), en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne oeuvre, et croissant par la connaissance de Dieu: étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père» (Colossiens 1: 9-12). Dans la même épître, l'apôtre exhorte les chrétiens par ces paroles: «Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de longanimité, vous supportant l'un l'autre, et vous pardonnant les uns aux autres, si l'un a un sujet de plainte contre un autre; comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même. Et par-dessus toutes ces choses, revêtez-vous de l'amour, qui est le lien de la perfection. Et que la paix du Christ, à laquelle aussi vous avez été appelés en un seul corps, préside dans vos coeurs; et soyez reconnaissants» (chapitre 3: 12-15). Nous pourrions citer bien d'autres passages, tels que Romains 12; 1 Thessaloniciens 5: 14-18; 1 Pierre 1: 13-22, etc., et y ajouter celui-ci qui nous montre à quelle hauteur la marche du chrétien est placée: «Soyez imitateurs de Dieu, comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l'amour, comme aussi le Christ nous a aimés» (Ephésiens 5: 1, 2) Nous pouvons voir aussi que cette marche chrétienne dont le modèle est si haut élevé, est tracée dans les détails des devoirs réciproques se rapportant aux diverses relations de la vie ici-bas, et cela non pas selon une loi ne réglant que nos actes extérieurs, mais selon une puissance qui pénètre nos pensées et nos sentiments intimes de tous les moments. La marche chrétienne doit être la manifestation de la vie de Christ. On n'est plus à soi-même, tout est fait pour le Seigneur, tout se rapporte à Lui.

Mais comment réaliser dans la pratique cette vie, comment marcher comme Christ a marché? (1 Jean 2: 6). Lorsqu'une conversion a été réelle, et que la conviction de l'état de péché a été profonde, dans le premier élan d'un coeur qui a trouvé le Sauveur, plein de joie et de ferveur, guidé, pour ainsi dire, par l'instinct de la vie nouvelle qui lui a été communiquée, le jeune croyant saisit comme d'emblée qu'il n'est plus à lui-même, et qu'il n'a plus à vivre pour lui-même. Il ne voit plus, il n'a plus dans sa pensée que son précieux Libérateur et le salut qu'il lui a apporté; son coeur déborde et ne voudrait parler et ne s'occuper que de Lui.

Généralement cet heureux état ne dure point. On voit, hélas! des chrétiens qui, après ces premiers moments de joie ineffable, où ils couraient bien (Galates 5: 7), se refroidissent peu à peu et tombent dans une sorte d'indifférence, se contentant, dans leur marche, d'exercices religieux et d'une simple moralité qui ne va guère plus loin que celle des honnêtes gens du monde, bien pâle réalisation de la vie de Christ, si même c'en est une. D'autres, chose plus triste, négligeant Christ et sa gloire, en viennent à marcher comme ayant leurs pensées aux choses de la terre (Philippiens 3: 19), qui sont l'objet de leurs poursuites, et occupent leurs coeurs et leur vie. Dans cette voie, il en est même qui, pour excuser leurs manquements qui souvent les exposent au blâme du monde, disent qu'ils ne sont pas sous la loi, mais sous la grâce, tournant ainsi la grâce de Dieu en dissolution. Aux uns et aux autres de ces chrétiens s'appliquent les paroles de Pierre: «Aveugle, et ne voit pas loin, ayant oublié la purification de ses péchés d'autrefois» (2 Pierre 1: 9). Il faut pour un chrétien plus que l'honnêteté et la moralité dont le monde se contente, il faut surtout la haine et l'horreur du péché qui chez un chrétien est inexcusable, il faut l'amour de la sainteté qui produit une entière séparation du mal, à la gloire de Christ.

D'un autre côté, on rencontre des âmes qui, après leur conversion, conservent leur conscience et leurs sens spirituels en activité, sont sérieuses et s'appliquent à servir le Seigneur avec un ferme désir de Lui plaire à tous égards. Seulement, par suite souvent d'un mauvais enseignement, en faisant ainsi, elles se placent sous la loi, et, par leurs efforts, cherchent à atteindre une certaine perfection. Parfois, elles se font illusion à l'égard du point où elles pensent être parvenues; mais le plus souvent les âmes sincères et sérieuses découvrent avec douleur que le péché est toujours là. Leurs efforts n'aboutissent qu'à leur en montrer l'existence en elles, ainsi que leur impuissance à le vaincre et à s'en débarrasser. On en vient ainsi à être toujours troublé et même à perdre l'assurance du salut que l'on fait dépendre de sa marche, et l'on s'écrie: «Misérable homme que je suis, qui me délivrera?»

Et cependant quelle doit être la marche d'un racheté de Christ? N'est-ce pas la sainteté, la justice, la vérité et l'amour, car il a revêtu le nouvel homme, créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité, et il est appelé à marcher dans l'amour? Comment donc arriver à réaliser une telle marche dans notre vie ici-bas?

La parole de Dieu est très claire au sujet de la sainteté à laquelle nous sommes appelés (1 Thessaloniciens 4: 7). D'abord, c'est un fait que, comme croyants, nous sommes sanctifiés, mis à part par l'Esprit, par la Parole et par le sang, et que devant Dieu nous sommes saints et irréprochables en Christ (Ephésiens 1: 4). Il est notre sainteté. D'un autre côté; la parole de Dieu n'insiste pas moins sur la nécessité de la sainteté pratique, d'une marche à la gloire de Dieu dans tous les détails même de notre vie. «Comme celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite; parce qu'il est écrit: Soyez saints, car moi je suis saint» (1 Pierre 1: 15, 16).

Mais nous découvrons, et la parole de Dieu confirme le fait, et même y insiste (1 Jean 1: 8), que le péché, la chair est toujours en nous. Comment être délivrés du trouble que cette présence du péché apporte dans l'âme quand elle pense et sait que Dieu condamne le péché? Ensuite, comment être délivrés de sa puissance, de manière à ce qu'il n'entrave pas notre marche dans une sainteté pratique, c'est-à-dire dans une entière consécration à Dieu de tout notre être? (Romains 12: 1, 2).

Pour répondre à cette question, il faut nous souvenir que l'oeuvre de Christ sur la croix n'a pas pour unique résultat qu'ayant subi le jugement de Dieu, à cause de nos péchés dont il s'est chargé, nous sommes en croyant pardonnés et justifiés devant Dieu. Il y a une autre partie de cette oeuvre magnifique, qui complète la première et qui a rapport à notre marche. C'est une nouvelle position devant Dieu. La Parole nous apprend que non seulement «il n'y a plus de condamnation pour nous qui sommes dans le Christ Jésus» (Romains 8: 1), et qui sommes ainsi au bénéfice de ce que Christ a souffert pour expier nos péchés, mais que nous sommes aussi délivrés du péché qui est en nous, d'abord quant à l'imputation de ce péché, et ensuite quant à sa puissance et à sa domination sur nous.

Comment a lieu cette double délivrance? 1° La Parole nous enseigne que non seulement Christ est mort pour nous, mais que nous sommes morts avec Christ, et, par conséquent, morts au péché (Romains 6: 1-14). Le baptême est comme la déclaration publique du fait que nous avons été ensevelis; or on n'ensevelit que les morts. Avoir été baptisé pour le Christ Jésus est la déclaration publique que j'ai part à sa mort. Or, sur la croix, le péché, non pas les péchés, mais le péché, a été condamné dans la personne de Christ, fait péché pour nous, Lui qui n'avait pas connu le péché (2 Corinthiens 5: 21). En effet, «Dieu a envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché, et a condamné le péché dans la chair» (Romains 8: 3); et moi qui, par la foi, ai part avec Christ dans sa mort, je sais que le péché qui est en moi, a été condamné à la croix, et que judiciairement il a pris fin devant Dieu quant à l'imputation qui pourrait m'en être faite. Les péchés, les actes coupables, qui sont les manifestations et le fruit du péché, peuvent être remis ou pardonnés; le péché, qui est une nature et une mauvaise nature, source des péchés, ne peut être pardonné, et ne peut être détruit que par la mort. Or notre vieil homme et tout ce qui y tient, le corps du péché, tout cet ensemble qui constitue notre vieille nature, a été crucifié avec Christ, de sorte que le corps du péché a été annulé, a trouvé sa fin judiciairement devant Dieu (Romains 6: 6).

Le fait important à saisir par la foi, parce que Dieu le déclare, est donc que je suis mort au péché avec Christ qui, ayant passé par la mort, après avoir été fait péché, en a fini avec le péché, «car celui qui est mort est justifié (ou quitte) du péché» (Romains 6: 7). On ne peut condamner pour un crime ou un délit quelconque un homme qui est mort. Christ est venu en ressemblance de chair de péché (il n'y avait pas de péché en Lui); il a été fait péché, et comme tel a été un sacrifice pour le péché. Ainsi le péché dans la chair a été jugé et condamné à la croix. Ce péché que je trouve en moi, a été condamné, et, aux yeux de Dieu, il a pris fin, et Dieu ne me condamne plus à cause de ce péché.

En effet, moi, j'étais dans la chair comme enfant d'Adam; le péché était donc là, en moi, comme nature; mais maintenant ayant cru, je suis en Christ, qui a été fait péché, et qui a été un sacrifice pour le péché. La condamnation due au péché n'existe donc plus pour moi. Je suis mort, tout comme Christ, à cette chose-là, et je ne suis plus condamné par sa présence en moi. C'est une vérité précieuse, bien importante à saisir en toute simplicité par nous tous, et spécialement par ceux que trouble le sentiment que le péché, la mauvaise nature, est toujours là, en nous. Cette nature n'est pas morte, mais moi je suis mort, et je sais que si elle est en moi, elle y est comme une chose jugée, condamnée, et que j'ai à la tenir pour telle.

2° Mais, dira-t-on, cela n'empêche pas le péché de se manifester par des actes, et ne suis-je pas condamné pour ces actes? Et comment marcher sans céder au péché? Sans doute que, si je cède à la mauvaise nature qui est en moi et qui cherche toujours à se manifester, je suis condamnable. La question est maintenant de savoir comment échapper à la domination du péché. Il est là, et le fait de sa présence ne me condamne pas, mais bien son action, si je le laisse agir. Comment être soustrait à son action? La réponse est la même que pour l'imputation; on ne le peut que par la mort.

Dans le chapitre 6 de l'épître aux Romains, nous voyons que si nous sommes morts avec Christ au péché, si notre vieil homme a été crucifié avec Lui pour l'annulation du corps du péché, c'est afin que nous ne servions plus le péché, (verset 6) auquel nous sommes morts. Un mort ne sert pas. Nous avons à nous tenir pour morts au péché; nous n'avons plus rien à faire avec lui, ni lui avec nous. Il faut le lui dire, s'il veut agir; il faut le laisser de côté et ne pas nous arrêter ni à le considérer, ni à raisonner avec lui et sur lui, mais passer outre. Mais pour cela, il faut saisir un autre côté de la vérité, c'est que, si nous restons dans la mort quant au péché, nous ne sommes pas dans la mort quant à Dieu. En effet, si nous avons part avec Christ dans sa mort relativement au péché, nous avons aussi part avec Lui dans sa vie relativement à Dieu. Christ a été ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père (Romains 6: 4). Il était descendu dans la mort comme subissant la peine due à nos péchés et comme victime pour le péché; mais Dieu, pleinement satisfait, n'a pas laissé son Fils, dans le tombeau. Dans sa puissance glorieuse et comme Père, il est venu tirer de la mort son Fils qui l'avait glorifié par son obéissance. C'était un acte de justice divine (voyez Jean 16: 10). Christ est ainsi entré dans la puissance d'une vie nouvelle et impérissable. «Il ne meurt plus», la mort n'a plus de domination sur Lui. Il est mort une fois pour toutes au péché, et il vit à Dieu, devant Dieu et pour Dieu à jamais (Romains 6: 9, 10). Et nous, identifiés avec Lui dans la ressemblance de sa mort, étant morts au péché, nous entrons avec Lui et comme Lui dans une vie nouvelle, «afin que comme Christ a été ressuscité d'entre les morts… ainsi nous aussi, nous marchions en nouveauté de vie» (Romains 6: 4), dans cette vie qui est au delà de la mort, du péché, du jugement, et de la puissance de Satan. Ainsi nous sommes identifiés avec Christ dans sa mort et en avons fini avec le vieil homme, et dans sa vie actuelle — il vit à Dieu — et c'est la raison de notre marche en nouveauté de vie, ainsi qu'il est dit: «Afin que comme Christ a été ressuscité d'entre les morts… nous marchions en nouveauté de vie».

Ce n'est pas, remarquons-le: «Nous devons marcher», comme si c'était une loi, mais c'est une conséquence de notre identification avec Christ. Normalement, il n'en peut être autrement et il ne devrait pas en être autrement dans la pratique.

Remarquons encore que nous ne sommes pas envisagés, dans le chapitre 6 aux Romains, comme ressuscités avec le Christ, ainsi que nous le trouvons dans l'épître aux Colossiens (chapitre 3), mais simplement comme identifiés avec Christ pour marcher «en nouveauté de vie». Ce n'est plus la vie que nous menions quand le péché dominait sur nous, mais c'est une nouvelle manière, un nouveau mode de vie (*). C'est une vie qui est à Dieu, devant Lui et pour Lui. Notre résurrection, celle de nos corps, est présentée comme devant avoir lieu plus tard, toujours par suite de notre identification avec Christ: «Or si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui» (verset 8).

(*) Ce n'est pas «afin que nous marchions dans une vie nouvelle», mais «en nouveauté de vie», bien que, sans doute, nous ayons une nouvelle nature, une nouvelle vie. Mais ce n'est pas le sujet dans l'épître aux Romains. C'est l'identification avec Christ dans sa mort et sa vie à Dieu.

Ainsi, de même que Christ est dans cette vie où il est quitte du péché, justifié du péché qu'il avait pris sur Lui, nous y sommes aussi avec Lui pour vivre, non plus au péché, mais à Dieu. Nous sommes passés d'un état à un autre, et nous avons à saisir par la foi cette exhortation capitale, résultat de notre identification avec Christ: «Tenez-vous donc pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus». C'est la base et le point de départ de notre marche comme chrétiens.

En effet, quelle est la conséquence pratique tirée par l'apôtre de ce qu'il vient d'établir? «Que le péché donc ne règne point dans votre corps mortel pour que vous obéissiez aux convoitises de celui-ci; et ne livrez pas vos membres au péché comme instruments d'iniquité, mais livrez-vous vous-mêmes à Dieu, comme de morts étant faits vivants — et vos membres à Dieu, comme instruments de justice. Car le péché ne dominera pas sur vous, parce que vous n'êtes pas sous la loi, mais sous la grâce» (Romains 6: 12-14). Le péché, en dominant en maître dans notre corps mortel, nous fait céder aux convoitises de la chair, et se sert de nos membres pour faire le mal. L'oreille se plaît à ce qui flatte nos sens et notre imagination, et écoute les discours séducteurs et impurs, plaisanteries, bouffonneries et choses semblables (voyez Ephésiens 5: 3, 4); l'oeil s'arrête sur ce qui brille, sur ce qui produit des sensations agréables, ou sur des choses malséantes qui excitent la convoitise dans le coeur; la bouche est employée par le péché à des paroles vaines, mensongères, flatteuses, médisantes, calomniatrices et même blasphématoires (voyez Jacques 3); les pieds nous portent où nous ne devrions pas aller, au milieu du monde et des moqueurs ou des profanes, et nos mains deviennent des instruments d'injustice, de violence et même de mort (voyez Romains 3: 13-16). C'est ainsi que le péché, dominant en l'homme, fait servir les membres de celui-ci à toute espèce d'iniquité. Mais, d'une part, si je suis chrétien, étant mort au péché — si je me tiens pour mort — j'échappe à sa domination. Règne-t-on sur un mort? A-t-on puissance sur lui pour le faire agir? Tant que je me tiens pour mort, il ne régnera pas sur moi, je ne lui obéirai pas, et je ne lui livrerai pas mes membres pour faire le mal. Mais il y a un autre côté. Je suis vivant, mais d'une vie nouvelle que la grâce m'a communiquée et comme identifié avec Christ; je suis vivant a Dieu. Comme mort avec Christ, je ne sers plus le péché, comme vivant, je sers Dieu, je me livre à Lui, et ces mêmes membres qui servaient le péché pour faire toute sorte de mal, deviennent des instruments de justice, livrés à Dieu pour le servir en tout ce qui Lui est agréable. Merveilleux et bienheureux changement!

Remarquons en passant que l'on dit souvent aux âmes non converties auxquelles on annonce l'Evangile: «Donnez-vous à Dieu». Sans doute, par cette expression, on veut dire: «Convertissez-vous, tournez-vous vers Dieu». Mais elle peut donner la fausse idée que l'on vaut et que l'on peut quelque chose par soi-même. Pour se donner, il faut la vie, et pour avoir la vie, il faut que j'aie cru que Christ s'est donné pour moi. On veut se donner pour vivre; la parole de Dieu, au contraire, dit: «Vous êtes vivants à Dieu dans le Christ Jésus; livrez-vous à Lui». Le chrétien, mort au péché et vivant à Dieu, se trouve placé dans la seule vraie et heureuse liberté où Christ l'a placé en l'affranchissant (voyez Galates 5: 1), et peut se livrer à Dieu pour le servir. Remarquez l'expression «dans le Christ Jésus», car hors de Lui, il n'y a point de vie à Dieu; il n'y a rien.

Que nous dit la loi? «Fais ceci et cela, et tu vivras». L'obéissance à ce qu'elle prescrit est la condition pour vivre. Mais comment agir pour observer la loi, si l'on n'a pas la vie, ou si l'ayant, on est «sans force»? J'essaie donc de faire ce que la loi commande, mais quand même je parviendrais à m'abstenir du mal extérieur, je trouve toujours en moi la convoitise, le désir vers les choses défendues, les mauvaises pensées, les sentiments coupables; je me débats, mais en vain, le péché est plus fort (voyez Romains 7: 7, 8, 15-23). Tant que je suis sous la loi, le péché domine: «La puissance du péché, c'est la loi» (1 Corinthiens 15: 56).

Mais que dit la grâce? Elle me dit que Christ est mort pour moi, et bien plus, que je suis mort avec Lui, mort au péché qui se trouve en moi, mon vieil homme ayant été crucifié avec Lui. Dès lors je sais qu'étant sous la grâce, ce n'est plus le péché qui est mon maître; à ce maître-là je suis mort, je n'ai plus rien à faire avec lui, il n'a aucun droit sur moi; je puis et dois le traiter comme une chose étrangère. Je suis passé sous un autre maître, sous Celui qui m'a affranchi de la loi du péché et de la mort, et qui m'a placé sous la loi de l'Esprit de vie (voyez Romains 8: 2).

Or cela n'est pas seulement une doctrine qu'il faut recevoir et croire dans notre intelligence, et sur laquelle on raisonne. C'est plus. Ce que nous venons de voir, ce sont des réalités que la foi doit saisir, tout comme le fait que nous sommes pardonnés, et qui doivent passer dans notre coeur et notre vie. Ce sont choses d'expérience. Raisonner là-dessus n'avance à rien pour notre marche. L'affranchissement est une chose réelle et à réaliser. Nous sommes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus; c'est le précieux privilège du chrétien. Etant sous la grâce, le péché n'a plus autorité pour dominer sur nous. La parole de Dieu le dit; je n'ai qu'à l'accepter sans raisonner, mais en en rendant grâces à Dieu: «Je rends grâces à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur», s'écrie l'homme qui voit et saisit la délivrance là où elle est, en Christ Jésus (Romains 7: 25). Mais comment réaliser en pratique cette mort au péché, cette vie à Dieu, de sorte que nous marchions, affranchis de la loi du péché, «d'une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous égards», selon les directions qu'il nous donne dans sa Parole, soit quant aux choses qu'il faut éviter, soit quant à celles que nous avons à pratiquer, en un mot, afin que notre marche soit chrétienne, dans une vraie et complète séparation du mal et une réelle et entière consécration à Dieu?

Premièrement, c'est un fait qu'en croyant en Christ, nous sommes, non seulement délivrés de toute la culpabilité qui pesait sur nous, mais que nous possédons une nouvelle vie. Nous sommes «vivants à Dieu», mais dans une nouvelle nature — nés de nouveau, «nés d'eau et de l'Esprit» — et dans cette nouvelle nature, nous vivons d'une vie nouvelle qui est celle de Christ ressuscité. Ce n'est pas que nous ne restions les mêmes personnes, avec notre corps, nos facultés diverses, mémoire, intelligence, sentiments, etc.; mais une nouvelle vie nous anime, vie produite par l'Esprit Saint; c'est la vie de Dieu, la vie de Christ. Nous ne l'avons pas hors de Christ, cela va sans dire, nous l'avons en Lui. Il y a ainsi une nouvelle création, un nouvel homme avec des pensées, des objets, des désirs, des affections nouvelles. Nous sommes passés de la mort à la vie; ce n'est plus nous qui vivons, mais c'est Christ qui vit en nous, et c'est Lui qui est l'objet de cette vie que nous avons en Lui.

Or à cette vie, dont l'objet suprême est Christ dans la gloire, correspond nécessairement une marche, une conduite qui manifeste la vie que nous avons reçue. Si, comme le dit l'apôtre, «nous portons toujours partout dans le corps la mort de Jésus» (2 Corinthiens 4: 10), c'est-à-dire si nous réalisons constamment — «toujours, partout», en tout lieu et en toute circonstance — le fait que nous sommes morts avec Christ, c'est «afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps». Or «celui qui dit demeurer en lui, doit lui-même aussi marcher comme lui a marché» (1 Jean 2: 6). Dans cette vie nouvelle que nous possédons, la vie de Jésus, et que nous avons à manifester ici-bas, c'est Lui qui est notre modèle. Sa marche est la mesure de la nôtre, puisque c'est Lui qui vit en nous, et que c'est sa vie que nous avons à manifester dans nos corps, c'est-à-dire dans notre conduite, et cette marche est infiniment au-dessus de celle prescrite par la loi, bien que «la juste exigence de la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l'Esprit» (Romains 8: 4). C'est une telle marche qui réalise la vraie sainteté, et l'unique mesure de la sainteté pratique, c'est Christ. «Celui qui a cette espérance en Lui se purifie comme Lui est pur» (1 Jean 3: 3).

Mais cela est-il vraiment possible? Marcher comme Christ lui-même a marché! C'est en dehors de la capacité humaine. C'est vrai. Tant que je chercherai en moi-même la force pour réaliser la vie de Christ dans ma marche, tant que je regarderai et m'attendrai à moi-même pour cela, même en étant un croyant sincère, une âme régénérée, je n'y arriverai pas. Ou si je crois y être arrivé, je me ferai illusion. Il faut regarder ailleurs qu'à soi, chercher la force autre part qu'en soi. De même que Pierre, sortant de la nacelle et marchant sur les flots agités, enfonce dès qu'il cesse d'avoir ses yeux arrêtés sur Christ, ainsi, en regardant à moi-même pour marcher fidèlement, je manquerai. Mais quand Pierre obéit à la voix du Maître et ne regarde que Lui, il marche sur les eaux sans enfoncer, il est semblable à Jésus. De même, la première chose pour que notre marche réponde à celle de Christ, c'est que nous ne cessions, par la foi, d'avoir nos regards arrêtés sur Lui. «Contemplant, à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image» (2 Corinthiens 3: 18).

Mais ce n'est pas encore tout. Pour marcher ainsi à la gloire du Seigneur, pour Lui plaire à tous égards et porter du fruit en toute bonne oeuvre, il faut de la puissance. En moi il n'y a point de force. Où donc la trouver? La puissance de la vie est l'Esprit Saint qui nous a été donné. Paul demandait pour les Ephésiens qu'ils fussent «fortifiés en puissance par son Esprit (l'Esprit de Dieu), quant à l'homme intérieur» (Ephésiens 3: 16). Il dit encore: «Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi par l'Esprit», et encore: «Marchez par l'Esprit, et vous n'accomplirez pas la convoitise de la chair» (Galates 5: 25, 16). C'est par l'Esprit que l'on fait mourir les actions du corps (Romains 8: 13). C'est l'Esprit Saint qui nous révèle les choses de Christ, qui nous fait contempler sa gloire et remplit nos âmes de saintes et divines pensées (Jean 16: 14; 2 Corinthiens 3: 18; Romains 8: 5, 6); et il est ainsi la puissance qui nous détache du monde et de nous-mêmes et nous attache à Christ. Conduits par Lui, fortifiés par son énergie puissante, nous rejetons les sollicitations et les oeuvres de la chair, et Lui-même produit en nous le fruit béni de «l'amour, la joie, la paix, la longanimité, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance» (Galates 5: 22). Et c'est pourquoi l'apôtre nous exhorte à être «remplis de l'Esprit» (Ephésiens 5: 18).

Ayant donc réalisé que nous sommes morts au péché avec Christ et vivants à Dieu dans le Christ Jésus, nous tenant pour morts au péché qui, parce que nous sommes sous la grâce, n'a plus de domination sur nous, étant, par la loi de l'Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus, affranchis de la loi du péché et de la mort, possédant une nouvelle nature, une vie nouvelle — Christ notre vie — la vie en Lui, et la puissance de cette vie, l'Esprit Saint; ayant aussi devant nous le Modèle parfait, Christ, dont nous avons à être les imitateurs, et un Objet divin, Christ encore, mais Christ dans la gloire, lequel, par la foi, nous contemplons à face découverte; ayant, dis-je, réalisé toutes ces choses, que nous manque-t-il pour «marcher d'une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous égards»? Absolument rien. Et s'il en est ainsi, quelle responsabilité n'assument-ils pas, les chrétiens qui négligent de s'appliquer «avec ardeur à être agréables au Seigneur» par une telle marche, ou qui en abaissent le niveau, ou encore qui font bon marché de leurs manquements, parce que, disent-ils, ils sont sous la grâce?

D'un côté, nous n'avons pas à nous placer sous la loi, car c'est la servitude et la mort, mais nous avons à nous tenir fermes dans la liberté où Christ nous a placés en nous affranchissant. Mais d'un autre côté, cette liberté ne doit pas être prise comme permettant à la chair d'agir; nous avons cette liberté pour nous livrer à Dieu, nous et nos membres, nous et notre être tout entier.

N'abaissons donc pas la mesure de notre marche. Elle est élevée, sans doute, mais elle ne peut pas l'être moins, vu notre position en Christ devant Dieu, vu notre relation avec Dieu, vu ce que nous devons au Seigneur qui nous a rachetés. Nous avons à marcher comme Christ a marché; nous avons à être «sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d'une génération perverse», un témoignage ici-bas pour la gloire du Seigneur, «luisant comme des luminaires dans le monde, présentant la parole de vie», non pas seulement en paroles, mais en sainte conduite et piété. Nous sommes appelés à rien moins qu'à être «imitateurs de Dieu, comme de bien-aimés enfants;» marchant dans l'amour comme Christ. Tout cela est positif, et si Dieu nous le dit, n'avons-nous pas à le prendre en très haute et sérieuse considération? «Quelque chose que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus», est-il dit. Ai-je le droit de réserver quelque chose? Cela ne s'applique-t-il pas à toute ma marche, comme racheté, enfant de Dieu, affranchi par Christ? La grâce nous introduit dans la communion du Père et du Fils, de ce Dieu qui est lumière, et l'apôtre dit: «Je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez point». C'est encore bien positif. Il s'agit de marcher sans pécher. Sommes-nous en communion avec le Père et le Fils, si nous marchons dans la légèreté, les vaines pensées, la conformité au monde, la satisfaction de nos goûts, des convoitises? C'est impossible. Dieu ne peut pactiser avec ces choses. Pour jouir du précieux privilège de sa communion, il faut être tout à Lui et pour Lui.

Ne dites pas: «Nous ne pouvons pas ne point manquer»; la Parole dit: «Afin que vous ne péchiez pas». On peut manquer, hélas! et dans la grâce de Dieu il y a une ressource; mais vous ne devez pas avoir dans la pensée qu'il faut nécessairement manquer. C'est faire injure à Dieu. C'est lui dire: «Tu ne m'as pas donné tout ce qu'il fallait pour te servir et marcher à ta gloire. Tu m'as dit d'être ton imitateur, de marcher comme Christ, et tu savais que c'était impossible». Loin de nous semblable pensée. Ce que nous avons à dire, c'est: «Tu ne dois pas manquer». Qu'un homme du monde pèche, il suit sa nature, mais du chrétien il est dit: «Quiconque est né de Dieu ne pèche pas;» la nouvelle nature, nature divine, qui est en lui, ne saurait pécher, et il a à marcher selon cette nouvelle nature, et ne pas écouter sa vieille nature, la chair, le péché auquel il est mort.

Le chrétien a «dépouillé le vieil homme avec ses actions» — il n'est pas dit «doit dépouiller le vieil homme», mais c'est chose faite. Il a «revêtu le nouvel homme», et non il doit le revêtir. Cela étant, c'est le nouvel homme que le chrétien doit manifester. De là l'exhortation: «Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, etc.», toutes choses vues en Christ, Modèle parfait du nouvel homme. Il y a donc le fait qu'on a dépouillé l'un avec ses actions: on ne le voit plus; mais on a revêtu l'autre, et il y a sa manifestation dans la puissance de l'Esprit.

N'est-il pas dit encore: «Ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises», non pas doivent crucifier; c'est donc chose faite. Et alors vivants par l'Esprit, nous marchons par l'Esprit et portons le fruit de l'Esprit.

Oh! chers amis, pensons sérieusement à ce à quoi nous sommes appelés. C'est à marcher d'une manière digne de notre appel, digne du Seigneur et digne de Dieu. Laissons là ce christianisme sans vigueur, sans réalité vivante, qui se contente de doctrines reçues dans l'intelligence, mais sans presque d'effet dans la vie pratique; un christianisme qui en pratique ne va pas au delà de la moralité du monde honnête. Prenons garde que la préoccupation des choses matérielles n'envahisse et n'étouffe notre vie spirituelle, et qu'alors notre marche ne réponde plus à notre appel, ni à ce que le Seigneur demande qu'elle soit. Il s'agit de votre jouissance des bénédictions et des espérances divines dans la communion avec Dieu, il s'agit surtout de la gloire du Seigneur et du témoignage que nous avons à Lui rendre dans ce monde. N'y a-t-il pas dans l'amour de Dieu pour nous, dans l'amour du Père pour ses enfants, dans l'amour de Christ pour les siens, un tout puissant mobile pour nous faire marcher ainsi «achevant la sainteté dans la crainte de Dieu» Souvenons-nous que, si nous sommes passés de la mort à la vie, nous n'avons plus à vivre pour nous-mêmes, mais pour Celui qui, dans son amour et sa grâce parfaite, est mort pour nous et a été ressuscité, afin qu'en haut où il est, il soit un Objet vivant pour nos coeurs.

En même temps n'oublions pas que, si nous avons à coeur que notre marche chrétienne soit telle que la Parole la présente, telle que nous sommes appelés à la réaliser, nous avons besoin d'une vigilance constante et d'une prière incessante. La parole de Dieu insiste à maintes reprises sur ces deux points que rendent nécessaires notre faiblesse, notre ignorance et notre impuissance au milieu des dangers, des pièges, des ruses de Satan, des attraits du monde, des sollicitations de notre mauvais coeur. N'oublions pas non plus l'exhortation pressante de l'apôtre à nous revêtir de l'armure complète de Dieu (Ephésiens 6), et celles-ci: «Que la parole du Christ habite en vous richement» (Colossiens 3: 16) et: «Croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ» (2 Pierre 3: 18).

En terminant le sujet important qui vient de nous occuper, je voudrais mettre mes lecteurs en garde contre un livre qui, sous des formes séduisantes, est au fond subversif du vrai christianisme. Il est largement répandu, hautement prôné, et son titre très attractif: «Sur ses traces, ou que ferait Jésus», est tout à fait propre à se bien faire venir des personnes chrétiennes et sérieuses qui désirent marcher à la gloire du Seigneur. Mais sans parler de plus du Seigneur, ce livre ignore la rédemption par le sang de Christ, la ruine totale de l'homme, et veut engager à l'imitation de Christ, les âmes irrégénérées, chrétiennes seulement de nom, et ignorant ce que Christ a fait pour elles. Comment ceux qui sont encore morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, pourraient-ils suivre Christ, le prendre pour Modèle? Pour marcher réellement, et non en apparence trompeuse, sur les traces de Jésus, il faut vivre d'abord, et la vie divine n'est qu'à ceux qui, comme pécheurs perdus, sont venus à Christ et ont cru à la nécessité de sa mort expiatoire pour les sauver. Le caractère moral de notre adorable Sauveur est si grand et si beau que même un homme naturel peut l'admirer; mais marcher sur ses traces dans toutes les circonstances de la vie, n'appartient qu'à ceux qui sont identifiés avec Lui dans sa mort et dans sa vie — vivants à Dieu en Lui — et qui sont conduits par l'Esprit de Dieu.