Lettres de Darby J.N.

 

Lettre de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 265 – ME 1901 page 15. 1

Lettre de J.N.D. no 266 – ME 1901 page 58. 4

Lettre de J.N.D. no 267 – ME 1901 page 138. 5

Lettre de J.N.D. no 268 – ME 1901 page 195. 6

Lettre de J.N.D. no 269 – ME 1901 page 217. 9

Lettre de J.N.D. no 270 – ME 1901 page 237. 10

Lettre de J.N.D. no 271 – ME 1901 page 298. 12

Lettre de J.N.D. no 272 – ME 1901 page 314. 13

Lettre de J.N.D. no 273 – ME 1901 page 370. 15

Lettre de J.N.D. no 274 – ME 1901 page 376. 18

Lettre de J.N.D. no 275 – ME 1901 page 397. 20

Lettre de J.N.D. no 276 – ME 1901 page 398. 20

Lettre de J.N.D. no 277 – ME 1901 page 414. 22

Lettre de J.N.D. no 278 – ME 1901 page 416. 23

Lettre de J.N.D. no 279 – ME 1901 page 437. 25

Lettre de J.N.D. no 280 – ME 1901 page 440. 27

Lettre de J.N.D. no 281 – ME 1901 page 458. 27

Lettre de J.N.D. no 282 – ME 1901 page 475. 28

Lettre de J.N.D. no 283 – ME 1901 page 476. 29

 

Lettre de J.N.D. no 265 – ME 1901 page 15

à Mr P.S.

Toronto (Canada), mars 1863

Bien cher frère,

La bénédiction qui se rattache à la connaissance des noms de Fils de Dieu et Fils de l'homme ne se réaliserait pas s'ils étaient séparés, toutefois ils sont en eux-mêmes bien distincts. Le Seigneur Jésus est appelé Fils de deux manières: Fils éternel du Père, qui a créé toutes choses et qui a été envoyé ici-bas, puis Fils de Dieu dans ce monde, dans cette relation en tant qu'homme ici-bas, tout en étant une seule personne. L'importance de la première et éternelle relation, c'est qu'elle est la mesure de l'amour du Père et la parfaite révélation du Père; ensuite la puissance de la vie divine: «En lui était la vie». Cette puissance est démontrée dans sa vie de sainteté parfaite ici-bas, puis définitivement dans la résurrection; ensuite cette puissance de vie se montre en nous vivifiant. La grâce, la parfaite révélation du Père (Jean 1; 14), la puissance de la vie, et la relation spéciale de Fils avec le Père.

Or en devenant Fils de l'homme, il introduit toutes ces choses dans l'humanité, dans la nature humaine dans sa propre personne, au milieu des hommes. Ensuite il communique cette vie, devient la vie des hommes selon la grâce, et ayant aboli le péché pour eux, les baptise du Saint Esprit, de sorte qu'ils se trouvent, dans cette nouvelle vie et par l'Esprit, dans la relation dans laquelle se trouve le Fils, comme homme. Ils sont fils; le Père les aime comme il a aimé Jésus. On voit et on connaît le Père en Lui.

Il y a encore une autre vérité qui se rattache à ce titre de Fils de l'homme. Comme Fils de Dieu, né sur la terre, il est aussi le Christ, roi en Sion. Ayant été rejeté dans ce caractère, bien qu'il doive revendiquer ses droits plus tard, ses droits se déploient sous le caractère de Fils de l'homme. Or, Dieu a destiné l'homme en Lui et avec Lui à être héritier de toutes choses dans une gloire céleste. Rejeté dans son caractère restreint de Messie, il prend celui de Fils de l'homme, souffrant premièrement, mais ensuite ressuscité et glorifié (Psaumes 8 et Daniel 7, le premier cité dans le N. T). Dans les évangiles, nous voyons la transition du caractère de Messie à «celui de fils de l'homme», titre du reste qu'il prend toujours Lui-même. L'évangile de Jean est un peu différent, parce qu'il commence par sa nature divine et envisage son rejet comme commencement d'une manifestation plus grande et plus excellente. Comme Fils de l'homme il doit souffrir pour l'homme, et il est héritier de tout ce que les conseils de Dieu ont préparé pour l'homme. Aussi il se lie à nous comme second homme, dernier Adam. Comme Fils de Dieu, il est en relation avec le Père. Je ne sais si, dans ces idées générales, j'ai répondu à votre demande, car le sujet est vaste.

J'ai bien le désir de voir Mme L. si je retourne à Montréal, et j'en ai l'intention, si Dieu me le permet, mais je ne me presse pas. L'oeuvre y fait du progrès, mais mieux sans moi, dans ce moment, me semble-t-il, que si j'étais là, et de plus j'ai beaucoup à faire ici. Il y a bien des âmes attentives ici, à Toronto, ville de près de 50.000 âmes; il y en a encore davantage à Hamilton, ville de 20.000 âmes, où je me rends deux fois par semaine. Là, l'effet de la vérité est très intéressant, mais l'Evangile est en général très faiblement annoncé; la vérité de l'Eglise est inconnue. Si l'on y croit à la venue du Sauveur, on y rencontre en même temps des hérésies grossières. En outre, le monde règne sur les chrétiens, plus qu'en Europe. Ainsi il faut avoir patience, pour que la vérité avec sa force et sa simplicité pénètre dans les âmes. Cela a lieu sensiblement, et je ne les engage jamais à se joindre aux frères. Je laisse agir la vérité; je cherche réellement le bien de leurs âmes. Ce n'est pas que des âmes ne soient ajoutées, car cela arrive en bien des endroits. Il y a près de 40 personnes qui l'ont été depuis que je suis ici, et beaucoup d'autres se rapprochent, mais c'est la propagation de la vérité qui m'intéresse spécialement; on en verra les fruits plus tard.

J'ai été dans les forêts. Dans le principal village il y a une vingtaine de personnes qui rompent le pain, et j'avais un auditoire très attentif. Plus loin où l'on dispute encore le terrain aux castors et aux cerfs, il y en a quatorze. Les ours n'ont disparu que depuis quelques années.

Il y a beaucoup d'âmes, même mondaines, qui reconnaissent que c'est un autre Evangile, car on n'a jamais réellement entendu l'Evangile du salut. On se fâche, on avertit les âmes, on a peur, on revient, et peu à peu la vérité, par la grâce, établit son empire sur les âmes sincères. On annonce aux auditeurs plus de vérité qu'ils n'en avaient et ils sentent la différence; on prêche contre elle: cela réveille l'attention. En Angleterre, les attaques fourmillent, mais l'effet a été bon; l'occasion a favorisé le progrès de la vérité. Le sujet le plus récent a été la loi, et les questions qui s'y rattachent. Tout dernièrement le nationalisme est venu sur le tapis avec Kelly. Je publie ici actuellement un traité sur les chapitres 7 et 8 des Romains, mais je n'en suis pas satisfait, et je le réimprime corrigé avec ce titre: «Pourquoi est-ce que je gémis?» Je suis bien aise qu'on jouisse des Psaumes. Je pense toujours aussi à la nouvelle édition du N.T. Je crois que vous avez des corrections. Si vous avez du loisir, vous pourriez comparer un peu ma traduction anglaise avec la française. L'anglaise a été bien reçue en Angleterre par des personnes compétentes, comme le Dr Ellicot qui, comme professeur de théologie, l'a recommandée à ses élèves.

Mais j'oublie votre question sur la cène. Je ne sais trop si je la comprends.

La cène est tout premièrement un mémorial de la mort de Jésus, mais comme fondement de la nouvelle alliance, et pas du royaume. Ensuite elle est le mémorial de l'efficace de sa mort pour les gentils aussi, «pour vous» et «pour plusieurs», pour la rémission des péchés. Paul ne se sert pas d'autres mots que de ceux qui se trouvent dans les évangiles, nommément en Luc. Ensuite, la doctrine de l'unité du corps n'étant pas encore formellement enseignée, il ne pouvait guère y avoir l'intelligence de l'expression de cette unité dans le seul pain, mais l'Eglise et le symbole étaient là. [L'apôtre tire l'unité du fait, non la doctrine de la cène, de l'unité qu'il enseignait (*)]. La cène est l'expression de l'unité du corps entier et les individus y prennent part comme membres de cette unité. C'est ainsi que beaucoup d'entre nous ont pris la cène avec les malades, et dans l'église primitive on envoyait même les éléments de la table aux malades. Mais en liant la doctrine de l'unité du corps à la cène, les vérités primaires qui y sont contenues ne sont pas mises de côté. Par contre si l'on prenait la cène à part, en méprisant l'unité du corps, ce serait, en méprisant cette grande vérité, renier la vérité de la cène elle-même.

(*) Nous croyons devoir maintenir cette phrase malgré son obscurité. (Réd.)

J'ai bien à coeur d'éviter toute fausse étroitesse à l'égard des dames C. Quant à leur ignorance, si ce n'est pour la plus jeune, j'ai de la peine à y croire. Je crois que les frères étaient trop étroits pour elles à l'égard du monde.

Saluez bien affectueusement tous les frères. Si je reviens, j'ai quelque espoir de vous revoir si le Nouveau Testament aussi l'exige, mais de ce côté de l'Atlantique on ne peut dire grand-chose de voyages en Europe.

Votre bien affectionné.

 

Le Seigneur, dans le temps, a ranimé le zèle de C., qu'il le fasse encore. Saluez-le affectueusement de ma part.

Lettre de J.N.D. no 266 – ME 1901 page 58

à Mr P.S.

Dublin, 27 octobre 1863

Bien-aimé frère,

Me voici, par la bonté de Dieu, de nouveau de ce côté de l'Atlantique, après une assez bonne traversée. J'ignore quels sont vos plans à l'égard de la nouvelle édition du Nouveau Testament, mais je me réserve pour cette tâche, prêt à me rendre à Pau pour l'accomplir, si cela convient.

J'arrive à vos questions (*) sur la Parole. J'avais eu la pensée que Pierre, en Actes 3, parlait d'Israël, mais il n'en est pas ainsi. L'apôtre dit seulement qu'Israël était en relation directe et naturelle avec l'accomplissement de la promesse du don de la semence en qui toutes les nations seraient bénies, ce dont le verset 26 est le témoin. Seulement Christ était prêt à revenir encore si Israël se repentait. Genèse 22: 18, est la confirmation à la semence de la promesse faite à Abraham au chapitre 12, la preuve aussi que cet accomplissement aura lieu en résurrection. Je ne doute nullement qu'Abraham ne jouisse d'une manière particulière dans le règne de mille ans de l'accomplissement de cette promesse en Christ, et dans sa postérité à lui, centre des bénédictions qui en découleront.

(*) Le correspondant avait écrit: «Comment se fait-il que Pierre, Actes 3, applique Genèse 22: 18, aux Juifs, à l'alliance que Dieu a établie avec nos pères? Il est vrai qu'il est question de la semence mais en vue des gentils. Comment aussi s'accomplira la promesse de Genèse 12 faite à Abraham, si on la distingue de celle faite à la semence, à moins que celle-ci ne soit que la confirmation de la première, selon Galates 3: 17?»

… Je pars demain matin pour le nord de l'Irlande. La vérité quant à la justice de Dieu, fait du chemin au milieu du clergé; on en rencontre des exemples frappants dans ce voisinage. Il y a à B. un ministre national qui, me dit-on, l'a reçue — toujours national, bien entendu, mais chrétien; je ne le connais pas, mais il s'occupe de la vérité, et a lu plusieurs traités, etc. Il pense passer l'hiver à B.; il est je crois poitrinaire. Mais le système national et tout le protestantisme sont ici, me semble-t-il, dans un état de dissolution, et les âmes sont dans l'attente. En même temps, l'Esprit de Dieu agit sensiblement et il y a pour l'éternité beaucoup de bien, mais pour le temps rien qui rassure, sinon la fidélité de Dieu.

L'état moral des Etats-Unis est affreux; plus on le voit, plus on est atterré; mais Dieu demeure au-dessus des grandes eaux. Je n'y ai rien trouvé personnellement que d'aimable. C'est l'état devant Dieu dont je parle.

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre bien affectionné… à la hâte.

 

Lettre de J.N.D. no 267 – ME 1901 page 138

à Mr P.S.

Limoges, juin 1864?

Bien cher frère,

J'ai été vraiment très réjoui de ma tournée dans la Charente, si tournée j'ose l'appeler, car les frères se sont tous réunis près de Châteauneuf. Les frères sont braves et en bon témoignage dans leur voisinage; ils sont éparpillés. Je serais allé plus loin si j'avais eu le temps de le faire. On m'a demandé dans la Charente-inférieure, mais Dieu dirige tout. J'aime mieux que la vérité pénètre que moi, mais si je ne me rends pas au Canada, je pense bien y retourner. Je crois être dirigé par Dieu en allant maintenant dans le Midi, cependant l'ouest de la France a droit aussi au service des frères, si Dieu les y appelle. Je vieillis un peu pour l'oeuvre des villages, mais Dieu suffit à tout. Je crois toujours plus que le chemin de la simplicité est le chemin du bonheur, quoiqu'il exige de la foi, et que nos pas glissent dans ce chemin, si nous ne marchons pas dans la dépendance de Dieu…

Une circonstance a tranché un peu l'affaire de Châteauneuf: le ministre libre est venu le dimanche que j'étais là (ce n'était pas son jour), mais la dame chez qui il tenait sa réunion est venue chez F. pour rompre le pain, et il n'a presque eu personne, sauf quelques-uns, qui ne savaient pas que nous étions chez F. Le fils de cette dame est revenu l'après-midi, et j'espère qu'il aura reçu du bien. Dieu dirige tout.

En allant à Limoges, j'ai eu un entretien des plus intéressants avec un ancien avocat, professeur de droit, qui demeure maintenant dans le Gers. Il était dégoûté de l'état du catholicisme, du culte de la Vierge; il espérait un tout nouvel ordre de choses, faisait un peu le philosophe au commencement, mais une fois venus au coeur de la vérité, il y avait un écho, et même de la recherche. Il nous a invités chez lui près d'Auch, et à le visiter à Paris où il se rendait pour un mois. J'ai écrit à B. de lui envoyer mes deux volumes sur le rationalisme, mais j'espère qu'il a reçu une certaine direction de coeur meilleure que cela. Il lit la Bible.

Bordeaux. — Je pense être chez Mr H. P., demain; j'écris en ce moment de Bordeaux, et depuis lundi je serai à la disposition des frères pour la conférence. Je sens que nous sommes dans un temps où la sagesse de Dieu est nécessaire, en présence d'un christianisme divisé, abâtardi, et sans puissance, et comme je l'ai appris, il y a près de 40 ans, il faut savoir séparer ce qui est précieux de ce qui est méprisable. Je me soupçonne souvent de lâcheté, et hélas! avec trop de motifs pour le faire; mais après tout, je crois qu'il faut de la sagesse. Je sens ma lâcheté, mais mon jugement ne saurait approuver des efforts irréfléchis. Ah! quelque petite que soit ma sphère de travail, si je pouvais avec Paul réunir une énergie divine avec la sagesse qu'il faut avoir!

J'ai la meilleure lettre que j'aie jamais reçue de M. Il sent beaucoup le besoin de se rapprocher des frères; je ne sais si tout est complètement vidé dans son âme avec Dieu… J'ai déjà repris cette lettre pour la troisième fois.

Je sens plus que jamais la faiblesse de l'Eglise quand on entre en contact avec ce qui se passe, comme je l'ai fait à Limoges, où B. cherche sincèrement à faire du bien, on voit ce qui suggère la plainte d'Ezéchias; mais en tout, et spécialement au milieu de tout cela et avec le sentiment de sa faiblesse et des besoins auxquels on ne sait faire face, il est doux de sentir qu'après tout, on est distinctement conduit par Dieu lui-même, et qu'il y en a Un qui veille sur l'Eglise et ne l'oublie jamais, et que c'est Lui qui fait l'oeuvre. Toutefois nous devons chercher la puissance de l'Esprit. Quand il agit, le témoignage se rend et se propage de lui-même.

Paix vous soit, cher frère, et bénédiction sous la sauvegarde de notre Dieu.

Croyez toujours à la sincère affection de votre frère en Christ.

Lettre de J.N.D. no 268 – ME 1901 page 195

à Mr P.S.

Angleterre, octobre, 1865

Bien cher frère,

Je vous réponds à la hâte en vous remerciant de votre bonne lettre. Je me réjouis de tout mon coeur de ce que Dieu, notre bon Dieu, vous bénit toujours à Pau. Si je me rends en France, je serai heureux de venir chez vous et de travailler de nouveau à notre traduction. Les deux premiers volumes de la Synopsis anglaise (les Etudes sur la Parole), sans parler des divers livres qui ont paru dans un journal, sont entièrement épuisés. Je ne sais encore ce que je ferai pour une seconde édition (car l'on publie aussi une collection de mes écrits et traités en 21 volumes! cela me fait peur). Cet ouvrage est allé partout, mais il y a ici un public religieux plus nombreux, et, malgré les préjugés, on lit largement en Angleterre et en Amérique les productions des frères. Cela a fait naître une difficulté. Une quantité de ministres les prêchent et les reproduisent dans des journaux, etc., de sorte qu'on les reçoit sans que la conscience en soit réellement atteinte. Tout dernièrement le professeur de théologie d'une université épiscopale dans l'Ohio est venu acheter tous les ouvrages des frères à Toronto. Les frères l'ont vu; il enseigne à ses élèves les vérités que nous prêchons et ceux-ci, à leur tour, les prêchent dans leurs églises, dans bien des endroits. J'ai trouvé à Philadelphie un ministre qui en faisait autant. Les frères ont demandé à ce professeur si sa conscience n'était pas mal à son aise dans la position qu'il occupait. Il a répondu: «Pas du tout; je suis libre d'enseigner toutes les vérités». Il a dit qu'il assisterait à la conférence des frères, a Guelph, s'il y en avait une l'année prochaine. Jusqu'à présent elle s'y tient annuellement.

Voilà sous une autre forme ce qui se fait aussi ici en Angleterre. Il y a un grand nombre de personnes détachées de tout, lisant nos ouvrages et qui restent flottantes sans être attachées nulle part. Une autre difficulté s'y ajoute. Ces personnes sont actives, prêchent, un peu dans le genre revival, ce qui donne le goût des prédications émotionnantes, en sorte que le culte a moins d'attrait. Toutefois un nombre passablement grand de ces personnes s'est joint aux frères ces temps-ci; des messieurs, des officiers de l'armée, un ministre anglican et d'autres, mais la manière dont la vérité s'est propagée présente une nouvelle phase de l'oeuvre, et il semble que, même dans les choses qui paraissaient solides, tout dégringole. Cela m'occupe passablement. Béthesda, me dit-on, tombe toujours plus bas, et la conscience des «neutres» devient dure et insensible au mal d'une manière bien affligeante, mais par contre cela a mis mal à l'aise beaucoup des leurs, dont plusieurs ont été délivrés, tandis que plusieurs sont encore inquiets. J'en ai vu un certain nombre sur leur demande. On a nié formellement parmi eux la présence du Consolateur et qu'il y eût une différence quelconque entre les chrétiens et les fidèles de l'Ancien Testament. On a réussi à faire supprimer ce traité (ou ces traités), mais cela a amené une crise.

On m'a demandé ici aussi une livraison sur l'Apocalypse; on me dit que ce que vous traduisez est trop court, pas assez développé et trop abstrait. Si l'on veut de l'histoire, je ne sais si je les contenterai. Probablement, j'écrirai quelque chose, quoique ce soit difficile pour moi: j'ai tant à faire. Peut-être aurai-je plus de temps en Ecosse où je me rends, ou en Irlande. J'avais donné cette esquisse pour suppléer un peu à une lacune. Il me faudra au moins un peu de temps pour ce travail. Je viens d'étudier l'histoire ecclésiastique, ou plutôt d'y faire des recherches, ayant lu sur la demande d'un frère le récit que Mr S. Newmann donne de sa chute, c'est-à-dire son entrée dans le Romanisme. Quelle histoire que celle-là! Les annales du monde ne donnent rien de pareil en fait d'iniquité. Il se peut que je publie ce travail. C'est en même temps une analyse de l'écrit de Mr Newmann.

J'ai été profondément frappé et pénétré de ma lecture des anciens traités pour le travail de Mr K. (Collected Writings). Je n'ai jamais éprouvé rien de pareil à ce que j'ai senti en les relisant. Voilà tout près de quarante ans que les vérités desquelles dépend maintenant le sort du monde, et le dénouement qui se hâte, sont clairement constatées dans ces brochures. C'étaient mes convictions, mais combien on y sent la main de Dieu, quand on voit qu'actuellement tout roule sur ces points. Cela m'a fait sentir aussi la grave responsabilité qu'il y a à présenter tout cela systématiquement devant le monde, devant l'Eglise professante. Tout avait été publié occasionnellement, puis oublié, tout en produisant son effet. Autre chose est de présenter à l'Eglise réveillée sur ces questions tout un système qui nie ses prétentions à être l'Eglise, sauf en tant que système déchu. C'est là ce que je sens être sérieux.

Quant à Matthieu 11: 27, c'est le propos de Dieu de mettre toutes choses entre les mains du Fils glorifié comme homme. Aussi en Matthieu 11, rejeté malgré ses oeuvres et tout, comme Messie au milieu des Juifs, il prend dans sa pensée cette nouvelle place. Comparez Luc 9: 20-22 et suivants. C'est la même doctrine en Jean 13: 31, 32, et cela allait se réaliser quant à sa position personnelle, bien qu'il n'ait pas encore pris tout en mains, mais soit assis à la droite de Dieu, et particulièrement pendant qu'il rassemble l'Eglise cohéritière de sa gloire. Comparez Ephésiens 1: 22, 23. On voit la même vérité en Hébreux 1 et 2. En Colossiens 1, on trouve les motifs: Il est Fils et premier-né de toute la création, puis vient le développement en 1 Corinthiens 15.

En Jean 17: 2: «Tout ce que tu m'as donné», est plus vague et plus limité; Jean se sert de pan (neutre) pour l'ensemble de ceux qui appartiennent à Christ; antoiv (il leur donne) y répond ensuite. Le panta du verset 10 est plus général. «La gloire que tu m'as donnée» (verset 22) est quelque chose de plus personnel, me semble-t-il, bien que tout le reste s'y rattache. Le panta du verset 7 s'applique à tout ce qui est donné au Fils; ce n'était pas ce que Jéhovah donnait au Messie, mais ce que le Père donnait au Fils. Les paroles faisaient comprendre cela aux disciples.

Quant à Jean 1: 14, ce n'est qu'une comparaison en parenthèse. (Et nous avons contemplé sa gloire, comme d'un fils unique auprès de son Père). Voilà ce qui était présenté aux yeux des apôtres, s'ils étaient ouverts.

2 Corinthiens 3: L'Esprit caractérise le ministère en contraste avec Sinaï, et de même la justice. La présence et la puissance du Saint Esprit, le caractérisent en tant que révélation de la grâce et de la justice divine, et en ce que par la présence de l'Esprit nous jouissons de la liberté que nous donne la position dans laquelle nous sommes entrés par le moyen de cette grâce et de cette justice; la présence du Saint Esprit fait de cette position sa force en nous.

Quant à Ephésiens 4: 22-24, voici le sens et la traduction du passage: «La vérité ainsi qu'elle est en Jésus, (savoir) que vous avez (ou ayez, aoriste), quant à la conversation précédente, dépouillé le vieil homme qui se corrompt (se corrompant), selon les convoitises de déception (qui nous trompent) et que vous soyez (présent) renouvelés dans l'esprit de votre entendement et que vous avez (ou ayez, aoriste) revêtu le nouvel homme qui a été créé selon Dieu en justice et sainteté de vérité (en contraste avec «de déception»).

Saluez cordialement tous les frères. L'extension de l'oeuvre ne me laisse souvent que des souhaits de coeur pour leur bonheur.

Tout s'ouvre en Amérique. Dans le Canada, il y a des réunions considérables; mais, quoique ce soit un temps de bénédiction, c'est la guerre comme partout. Il y a un épouvantable relâchement moral et doctrinal dans les Etats-Unis, avec beaucoup de profession et même de vrais chrétiens.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 269 – ME 1901 page 217

à Mr P.S.

Londres, fin de 1865

Bien cher frère,

Il y a longtemps que je n'avais eu de vos nouvelles. B. m'en a donné, et c'est d'après les renseignements qu'il m'a fournis que j'adresse ma lettre à Pau…

Voilà déjà bien des jours que j'ai commencé cette lettre avec impossibilité de l'achever, car ici, à Londres, mon temps est pris par des demandes continuelles. Grâces à Dieu, les frères vont bien; il y a beaucoup de sérieux, et le dévouement ne manque pas. Ils sont heureux, et l'attente du Seigneur est plus profonde et plus réelle. Etant si souvent absent, je vois naturellement plus facilement la différence. Nous cheminons en paix. Le nombre des frères et des réunions augmente partout. La maladie nous a privés de plus d'un ouvrier marquant dans l'oeuvre, mais Dieu en a suscité plusieurs autres moins connus. Le témoignage s'insinue partout. Les difficultés changent de caractère. De tous côtés, on quitte les systèmes humains, et il y a une masse de personnes, flottantes çà et là, sans principes positifs, qui ne peuvent plus marcher avec le mal mais qui n'aiment pas s'assujettir au bien. Cela est d'un mauvais effet sur leur christianisme, car ainsi la conscience s'affaiblit. Au commencement, c'était un ensemble de personnes bien convaincues, qui savaient ce qu'elles faisaient; il y en a encore, mais le témoignage a pénétré plus ou moins partout. On reçoit la vérité sur plusieurs points sans que la conscience soit engagée. Toutefois Dieu nous bénit. Quand la conscience opère, on cesse d'être lâche et l'on marche. Plusieurs officiers de l'armée se sont joints dernièrement à nous et ont quitté le service, puis un ministre national. Cela nous a donné de nouveaux ouvriers. Il y a aussi un certain nombre de ceux qui marchaient avec Béthesda. Ce parti se mondanise beaucoup; ils ont en général nommé des ministres, et la moitié d'entre eux nient la présence du Saint Esprit et l'attente immédiate du Christ. L'autre moitié est malheureuse et a cherché des entrevues avec nous. Cela n'a rien produit jusqu'à présent, c'est-à-dire que ces entrevues n'ont pas eu lieu. Le chemin est très simple quand la foi est simple. Mais tout se hâte et je crois que nous approchons de la fin; ce sentiment se produit de tous côtés; cela fait du bien. Je sens toujours davantage, cher frère, que j'appartiens au ciel, qu'ici-bas j'ai mon pèlerinage et le service du Seigneur; après nous serons dans notre position naturelle; nous serons avec Christ.

Dernièrement la Parole s'est ouverte richement à mon âme. J'ai joui particulièrement d'Ephésiens 4 et 5. Le nouvel homme, le Saint Esprit, tel est subjectivement le chrétien. Ensuite Dieu lui-même, modèle de ceux qui sont ses «imitateurs comme ses chers enfants». Christ, l'expression de cela dans l'homme — non pas aimer son prochain comme soi-même, mais se donner soi-même pour les autres, et à Dieu, c'est-à-dire le sacrifice absolu de soi pour les autres, et son motif parfait: «à Dieu». «Dieu amour» est donc notre modèle de conduite. Le second nom de Dieu (il n'y en a que deux d'absolus, d'essentiels) est Lumière: nous sommes lumière dans le Seigneur; Christ en est encore l'expression: «Christ vous éclairera». Quelle position glorieuse pour nous, quelle bénédiction! Son amour est répandu dans nos coeurs, comme nous sommes devant Dieu pour jouir ainsi de Lui; il demeure dans nos coeurs afin qu'ayant la conscience de son amour, nous en soyons les témoins. Ce qu'il est en Lui-même, ce qu'il est en amour pour les autres, telle est notre portion.

Remarquez aussi quant à l'enseignement, comment jusqu'à Romains 5: 11, il s'agit des péchés et de ce que Dieu a été et de ce qu'il est pour nous. Depuis le verset 12, il s'agit du péché et de notre position en Christ devant Lui. Mais je m'arrête.

Saluez bien affectueusement tous les frères. Je pense, si Dieu m'en accorde la force, m'en retourner aux Etats-Unis l'année prochaine; les portes m'ont été ouvertes à New York et à Boston. Le Canada va bien. La traduction anglaise des Etudes est épuisée. (Je crains bien que ce ne soit pas le cas de votre édition française). Je pense en faire imprimer une seconde édition, ainsi que de ma traduction du Nouveau Testament qu'on ne peut plus se procurer.

Paix vous soit, que le Seigneur se tienne près de vous.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 270 – ME 1901 page 237

à Mr P.S.

Angleterre, 1865

Bien cher frère,

Commençons par vos questions sur la Parole: Hébreux 11: 27, se rapporte à Exode 11: 8, pas à Exode 2. Il me semble d'après le contexte que c'est Moïse qui était dans une ardente colère.

Le mot hadès ou shéol comprend tout ce qui ne se voit pas au delà du tombeau. Hadès ne signifie que ce qui ne se voit pas. Tout était vague et sombre pour le Juif. Il y avait bien des traditions à l'égard du «sein d'Abraham», auxquelles les Romanistes ont emprunté leur purgatoire, mais en général, c'était pour les Juifs un lieu de ténèbres au delà de la mort. Saül devait se trouver avec Samuel (1 Samuel 28: 19). Ezéchias déplore l'état des morts (Esaïe 38: 10, 11). Le Seigneur, en parlant au larron, nous a mis au clair à l'égard de l'état des croyants après la mort.

Quant à «la cité qui a des fondements», les frères ne partagent pas du tout les pensées de l'article que vous mentionnez. On n'a pas refusé de l'insérer, afin que chacun pût en juger, mais j'en ai été un peu étonné moi-même, vu qu'on supposera qu'il présente les vues des frères. Il n'en est rien; j'y ajouterai peut-être quelques mots de réponse.

J'ai été fort réjoui d'entendre dire que Mr V. s'est joint aux frères; on me dit qu'il est très heureux; Dieu en soit béni. Quel sujet de joie et quelle consolation pour sa famille!

Je me réjouis beaucoup du progrès à G. Il est très doux quand, au commencement, on traverse des jours de peine et de patience, de voir après l'oeuvre de la grâce se développer, Dieu être glorifié et son peuple heureux. Ce sera un sujet de joie pour votre sœur. Ici nous avons extérieurement beaucoup de progrès; des réunions se forment partout, et Dieu suscite des ouvriers, ce qui est une grande grâce. En Amérique aussi, il en a suscité deux d'origine française, petits-fils d'un nommé C., dont il se peut que vous ayez entendu parler. En Ecosse, l'oeuvre s'étend beaucoup. Jusqu'à présent ce pays était fermé et les préventions fort grandes. Les temps sont remarquables, et je crois que le sentiment que nous sommes aux derniers jours prend beaucoup de consistance dans les coeurs. Le monde est inquiet. Qu'on est heureux d'être en paix, ayant reçu un royaume qui ne saurait être ébranlé.

Je ne sais si je vous ai parlé de la division fort nette et précise qui existe entre les versets 11 et 12 du chapitre 5 aux Romains. Jusqu'à la fin du verset 11, il traite le sujet des péchés; depuis le verset 12, celui du péché. Pour les premiers, c'est le pardon, la justification: Christ est mort pour nos offenses, a été présenté pour propitiatoire par la foi en son sang — nous avons tous péché. Quant au péché, nous sommes morts avec Christ et nous vivons par Lui (pas avec Lui, dans l'épître aux Romains). La joie qui résulte de la première oeuvre découle de ce que Dieu est, en lui-même, pour le pécheur. Dans la seconde, le saint, le croyant, est devant Dieu en Christ. Ce sont nos péchés, à chacun, dans le premier cas; c'est le péché d'un seul dans le second — on en est délivré, non pas pardonné. Pas d'expérience dans le premier cas; on croit au pardon. Dans le second, l'expérience est en conflit avec la foi, quant à se croire mort, jusqu'à ce qu'on ait renoncé à soi-même. Nous trouvons cette doctrine au chapitre 6; au chapitre 7, l'expérience du procédé intérieur qui a lieu. Une paix solide dépend beaucoup de cette seconde oeuvre, de la connaissance de ce qu'on est, et non pas seulement de ce qu'on a fait. Il se peut que l'expérience du chapitre 7 vienne avant le chapitre 3; ce fut mon cas, mais souvent de nos jours, avec une prédication claire sur le pardon, le chapitre 3 venant avant le 7e, il y a beaucoup à apprendre ensuite.

Je vous remercie de la lettre qui accompagne la vôtre. Que Dieu soutienne ce cher frère, et il le fera. Je suis heureux qu'il ait pu se rencontrer avec tous les frères à Dillenburg. Cela encourage et fortifie, mais c'est après tout la foi qui fait marcher.

Ici l'Evangile a beaucoup pénétré dans l'armée. Les autorités militaires n'aiment pas trop cela; plusieurs officiers se sont mis à prêcher. On a fait des difficultés, un bon nombre a donné sa démission; ils prêchent partout et sont bénis. Il y en a en Ecosse, en Irlande, en Angleterre, et plus récemment dans le Canada; des ministres aussi. Tout est en mouvement. En général, grâces à Dieu, les frères vont bien.

J'ai vu un peu les frères en Angleterre, de sorte que, si Dieu daigne me conserver la force nécessaire, j'espère, lors de mon retour, visiter bientôt les frères allemands et français.

J'assiste en ce moment à une conférence,

Votre affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 271 – ME 1901 page 298

à Mr P.S.

Londres, 15 janvier 1866

Bien cher frère,

J'entreprends enfin de répondre à votre lettre.

Je suis venu à Londres pour faire imprimer les Actes, et une réponse à «l'Apologia pro vita sua», de Mr Newman, qui s'est fait papiste. Les imprimeurs et la préparation de cet écrit m'ont pris du temps, vu que je prêchais tout de même chaque jour. Maintenant tout est prêt, à très peu de chose près, et je m'occupe de mon arriéré de lettres.

J'ai pu faire une assez bonne visite en Ecosse; la vérité se répand, et, bien que les Ecossais soient assez têtus, et excessivement liés à leurs anciennes habitudes, tout se remue maintenant là aussi; la venue du Seigneur est reçue d'un grand nombre. Mais c'est la question du sabbat, agitée dans le presbytère de Glasgow, qui a mis le feu aux étoupes. Je publie un article sur cette question, parce que celle de la loi s'y rattache aussi directement. En Ecosse, les frères vont bien, et augmentent en nombre. Je crois que Dieu agit en Irlande aussi. Tous ces jeunes évangélistes, même ceux qui ne marchent pas avec nous, ont entièrement rompu avec Béthesda. Ils n'en étaient pas, mais ils appartenaient plutôt au système relâché, et y allaient quelquefois quand ils se rendaient à Dublin, car tous avaient quitté le nationalisme. A présent, ils réfléchissent au parti qu'ils ont à prendre, chose qu'ils n'avaient jamais faite. Je crois que mon séjour leur a été utile; et je pense, Dieu voulant, y retourner.

Béthesda commence, à ce qu'il semble, à perdre rapidement tous les jours de son crédit auprès des âmes consciencieuses. Cela nous apparaît à nous d'une manière un peu subite, mais tout le monde le sent depuis longtemps.

Quant à vos questions, cher frère: 1° Sur Marc 7: 36, vous avez, je le crois, raison. Seulement il y a une autre catégorie de textes, comme Luc 9: 21, où il leur défend d'annoncer, non pas ses miracles, mais son titre de Christ, parce qu'il se tient pour rejeté, et qu'il prend le titre de Fils de l'homme.

Je ne suis pas tout à fait au clair quant au Psaume 8: 2, mais tout disposé à croire que vous avez raison. La question dans mon esprit est si l'emploi de ce verset en Matthieu 21: 16, est général, ou s'applique directement à la personne de Jésus. Dans le second cas, votre pensée est évidemment juste; je ne l'avais jamais remarqué. Il me semble, et ceci est d'ancienne date, que le Seigneur prend le caractère de Jéhovah, d'ayant droit comme tel, d'une manière frappante dans ce moment-là. La seule question est, jusqu'à quel point le Messie s'identifie avec Jéhovah, dans ce passage. Je suis disposé à croire que vous avez raison, mais dans ces cas je suis toujours lent, afin de pouvoir dire: Je suis ainsi enseigné de Dieu.

Quant à Matthieu 7: 6, je n'ai pas de doute. Je pense bien, quant à Matthieu 12: 1-8, que le Messie étant rejeté, l'alliance était au fond annulée. C'est ce qui donne la liaison entre ce passage et celui de Samuel; le sabbat aussi, en tant que signe de l'alliance, était annulé, mais il y a quelque chose de plus, me semble-t-il. Le sabbat est fait pour l'homme; il ne s'agit plus du signe de l'alliance. Ainsi le Fils de l'homme, celui qui hérite de tous les droits de l'homme, selon les conseils de Dieu, est Maître du sabbat; il en dispose sans doute, mais il y a ce dont il dispose. Le repos de Dieu est ce qui nous a été promis; le témoignage de ce repos appartient au peuple de Dieu; ce n'est plus la loi du sabbat, mais ce dont Jésus a disposé selon ses droits comme fils de l'homme. C'est pour l'homme. Voilà la grâce: non pas l'homme pour le sabbat. C'était avant la loi. Je ne sais pas si j'introduirais dans ce passage l'idée d'une nouvelle sacrificature, par le fait même que les pains étaient devenus communs. Mais à coup sûr on y trouve l'association avec le Messie rejeté.

Ici, grâce à Dieu, les frères vont bien, et en général, ils marchent paisiblement et avec dévouement. Mais le fait que les neutres sentent que cela va mal avec eux, les rend furieux contre nous, et contre moi en particulier, quoique je ne lise pas ce qu'on écrit. Il y a une recrudescence de ce côté, mais le sujet est mis sur le tapis, et Dieu agit évidemment dans sa bonté; je ne m'en occupe que quand j'y suis forcé par des questions. Christ vaut mieux; je trouve la Parole toujours plus riche.

Lettre de J.N.D. no 272 – ME 1901 page 314

à Mr P.S.

Amérique, 1866

Bien cher frère,

Votre lettre a mis beaucoup de temps à me parvenir; elle a été envoyée dans l'Illinois quand je quittais cet état, et j'ai dû écrire et attendre longtemps pour l'avoir, ainsi que d'autres. Je l'ai reçue avant-hier soir.

Quant à l'article sur l'Apocalypse, vous pouvez très bien l'imprimer si vous voulez; je me rappelle le contenu de l'article anglais, qu'on blâme d'être trop court, mais j'oublie entièrement lequel vous avez traduit.

Quant à Abraham, j'ai souvent fait remarquer que la promesse était à la semence de la femme, non pas à Adam; il n'y a pas de promesse à l'homme; elles sont en Christ, dernier homme, second Adam. K., ayant rencontré le cas d'Abraham, a sans doute concilié le fait des promesses qui lui étaient faites, avec cette vérité. Il me semble qu'il est parlé de ces promesses aux chapitres 12, 15, 16 de la Genèse. En effet, quand ces promesses ont été faites à Abraham, il était croyant. Mais la promesse racontée (car elle avait déjà été faite) au chapitre 12, est une promesse faite à Abraham, en tant qu'appelé par la grâce, et envisagé comme ayant quitté son pays sur cet appel. C'est la démonstration de la grâce (et c'est ainsi que l'apôtre s'en sert dans l'épître aux Galates), en contraste avec la chair et la responsabilité humaine. De sorte que la doctrine est confirmée. Mr K., il me semble, d'après la citation que vous faites de son ouvrage, ne parle que des promesses en général, promesses qui lui ont été faites après.

J'ai été faire des visites dans l'Ouest, où il y a une centaine de frères de langue française, et de plus, maintenant, près d'une centaine d'Américains et d'émigrés de langue anglaise. A Greenville, dans l'Illinois, où est le frère de R., il y a beaucoup de bénédiction, et en général progrès et accroissement même là (à Sugar Creek) où les choses allaient mal auparavant. A Greenville, on parle anglais et français; à Saint-Louis, allemand et anglais; mais pas dans la même réunion. Il y a un ramoneur qui a fait autrefois, en Picardie, le tour des contrées catholiques. Il parle à présent mieux l'anglais que le français; il est très intelligent et zélé, et parle avec un ordre et une intelligence qui m'ont beaucoup frappé. Si par la grâce il était un peu plus dépouillé de lui-même, ce serait un excellent ouvrier. Il a une bonne place et s'adapte à toute sorte de choses. Je ne sais s'il aura le courage qu'il faut pour se dévouer à l'oeuvre; j'ai senti que pour lui la meilleure chose serait d'être exercé, en faisant la découverte jusqu'où va sa foi pratique. Un ministre baptiste vient aussi de quitter sa chapelle, à D., amené par la lecture des ouvrages des frères; reste à savoir aussi si avec une femme et quelques enfants, il aura le courage de se vouer à l'oeuvre, sans ressource humaine. Au reste, les vérités qu'enseignent les frères, ainsi que leurs livres, se répandent beaucoup dans les Etats-Unis; l'oeuvre se développe peu à peu. Mais il y a toujours la question de la foi pratique, et presque tous ceux qui, avant notre oeuvre, recevaient la doctrine de la venue du Sauveur (quoique d'une manière obscure), ne croient pas à l'immortalité de l'âme. Tous les neutres et ceux qui sont inspirés de leurs vues transigent avec ces personnes, et appuient souvent leurs vues. Ils seraient venus en grand nombre avec nous si nous avions voulu les recevoir. C'est la forme sous laquelle le «neutralisme» béthesdien se montre le plus dans ce pays, quoiqu'il y en ait qui reçoivent la doctrine de Mr Newton. La première forme date de loin, seulement dans ces jours de mouvement intellectuel, elle se propage: l'expiation tombe bientôt avec la non-immortalité de l'âme.

Je me réjouis beaucoup du bien qui a lieu chez vous et de ces jeunes personnes dont vous m'avez parlé dans votre lettre précédente, que Dieu a retirées auprès de lui. Dites à S. et à C. combien je sympathise avec eux. Ces frères comprendront comment la distance a dû mettre un retard involontaire à l'expression de ma sympathie qui n'en est pas moins sincère pour cela. Dieu est bon. Il y a un gouvernement de Dieu aussi bien que la grâce. Nous en avons eu un cas frappant dans la jeune fille d'un frère de ces contrées, morte heureuse, très jeune, il y a peu de temps.

Ne manquez pas, cher frère, de m'envoyer des nouvelles des frères; elles me sont très précieuses, bien que je ne réponde pas toujours immédiatement.

Les derniers temps se développent rapidement. Pour nous, tout ce que nous avons à faire, c'est d'attendre toujours le Seigneur, et en l'attendant de chercher à le glorifier. Les Etats-Unis sont moralement dans un état épouvantable, prêts à s'entr'égorger s'ils n'en avaient pas eu déjà trop; puis, dans les grandes villes, on s'assassine tous les jours pour la moindre chose, tellement que les journaux disent ouvertement qu'ils ont cessé de raconter les meurtres, quand il n'y a pas de circonstances extraordinaires. Pour moi, j'y trouve en passant de bons amis, l'oeuvre de Dieu et la charité. Combien cette oeuvre est en dehors de tout ce qui se passe!

Que Dieu veuille agir selon l'efficace de sa grâce en tous.

Paix vous soit, bien-aimé frère.

Votre affectionné en Christ.


J'ai été en butte à des attaques bien acharnées en Angleterre, mais cela a produit du bien, beaucoup même je crois, et quant à moi, sauf pour les âmes sincères en particulier, je suis comme un sourd qui n'entend point, et je reste en paix.

On a parlé d'une Bible Tétraglotte, grecque, anglaise, française, allemande; peut-être notre nouvelle édition pourrait y paraître.

Lettre de J.N.D. no 273 – ME 1901 page 370

à Mr P.S.

New York, 24 novembre 1866

Bien-aimé frère,

Je viens de recevoir votre lettre, ici, à New York. Je réponds en premier lieu à vos questions métaphysiques.

Si je ne me trompe, corps, âme et esprit, est une division qui se trouve déjà dans Platon. Elle est justifiée en ce que Dieu a soufflé dans les narines de l'homme un esprit de vie, et que c'est ainsi, et non par un pur acte de création et de volonté divines, que l'homme est devenu âme vivante. Dieu a fait sortir de la terre les animaux, sans autre. Il a formé l'homme, puis l'a animé. Ainsi nous sommes «sa race». Il y a le corps, l'âme, siège des affections d'un être vivant de son individualité, de son activité volontaire, et de plus, en nous, cette partie supérieure par laquelle il y a liaison avec Dieu (genov autou), qui élève le caractère de l'âme elle-même, et fait, que tout ce qui s'y trouve doit être formé et gardé en vue de notre responsabilité envers Dieu, c'est-à-dire en vue de la relation dans laquelle nous sommes avec Lui, car notre responsabilité est toujours d'être conséquents avec les relations dans lesquelles nous nous trouvons.

Quant à ces relations, nous sommes en chute et séparés de Dieu. Inimitié contre Lui, corruption, égoïsme et incrédulité, la prétention de se passer de Dieu et de s'élever contre Lui dans l'indépendance, tel est le péché dans ses trois parties, corps, âme et esprit. Mais ayant été formées pour Lui, c'est la misère parfaite quand les choses apparentes ont cessé et qu'on a affaire avec Lui. Maintenant la puissance de la vie divine vient prendre possession de tout notre être; l'esprit est assujetti à Dieu et jouit de Lui, révélé en amour et en sainteté; l'âme perd son égoïsme et le corps devient instrument de justice pour Dieu. Les relations humaines créées de Dieu ont leur juste place; il n'y a ni infidélité, ni idolâtrie. La présence, le don du Saint Esprit est autre chose encore. Cette présence donne la conscience de nos nouvelles relations avec Dieu et avec Christ, et l'intelligence et la force pour marcher ici-bas d'une manière conséquente avec ces relations. Cela se rattache aux privilèges spéciaux que nous avons en Christ, fils du Père, en Christ, comme membres de son corps, etc. Sans doute l'esprit pense, mais c'est la folie de la philosophie de faire de la faculté de penser la chose la plus élevée dans l'homme: elle ne l'est pas. Dieu ne pense pas; tout Lui est connu. Nous pensons, parce que nous ne connaissons pas. La partie supérieure de l'homme est ce qui tient à ses relations avec Dieu. Un animal pense jusqu'à un certain point; il ne fait pas des abstractions, je le crois. L'homme est au-dessus de ce monde par sa pensée, mais la pensée ne monte jamais et ne peut monter jusqu'à Dieu. L'instinct de l'âme sait qu'il y a un créateur; aussitôt que l'homme pense, il lui est impossible de le croire, parce que l'idée de création lui est impossible. La raison ne sait jamais qu'une chose est — mais seulement qu'il faut qu'elle soit — c'est une conclusion logique, rien de plus. Mais Dieu est le «ce qui se peut connaître de Dieu (*)», sa puissance éternelle et sa divinité «est manifeste parmi eux». Dieu l'a «manifesté». Ces choses «se discernent par le moyen de l'intelligence». Ce n'est pas une conclusion tirée des raisonnements, bien que l'intelligence s'en occupe. «Ce qui ne se peut voir de Lui» «se discerne», mais la conclusion est tirée de ce qui est ou création ou créateur; le dessein et Celui qui l'a pensé sont corrélatifs; je ne peux voir ce qui trahit un dessein sans penser à quelqu'un. Et c'est tout. Pourquoi est-ce que je pense qu'il y a une cause première? Parce que je suis fait de telle manière que je ne peux voir les choses qui existent (cosmov) sans penser à une cause. Or Dieu existe et je ne peux penser à son existence sans une cause, c'est-à-dire que je ne peux le connaître. C'est seulement dire que nous sommes des êtres créés et que nous pensons selon notre nature. Mais je peux dire: tout cela n'existe pas sans un créateur sage et puissant, et m'arrêter; et nous aurions dû le dire, et voilà «ce qui se peut connaître de Dieu». Les philosophes ont voulu connaître par la raison Celui qui a créé; c'est une folie, car il faudrait être Dieu, et ils sont tombés dans le panthéisme et les spéculations, plus absurdes les unes que les autres; enfin le positivisme, seule chose vraie, car c'est dire que nous ne pouvons connaître Dieu, mais suprêmement fausse, parce qu'ils prétendent nier Dieu, quand selon leur théorie ils ne peuvent rien en savoir.

(*) Romains 1: 19, 20.

Le «corps spirituel» (1 Corinthiens 15: 44) signifie seulement que le corps ressuscité n'est plus grossier comme celui que nous avons ici. Dieu peut nous en donner un comme il l'entend, un autre tout aussi facilement que celui-ci. Ce qu'on appelle existence matérielle n'est que relatif; la matière existe pour la matière. Dieu ouvre la porte à Pierre, l'ange y entre sans avoir à y penser.

Je ne doute nullement que le fond de Luc 9 à 18 ne soit historique, la seule question est s'il est chronologique. Il se peut bien d'après les passages que vous avez cités, qu'il y ait un fil historique qui conduit au travers des passages rassemblés au point de vue moral, mais vous pouvez remarquer qu'en 10: 38, il est déjà à Béthanie, en 11, 12, déjà à Jérusalem; 13: 34, a été dit à Jérusalem. Il se peut toutefois que, sauf quelques passages, tout se rapporte à une partie ou à l'autre de ce dernier voyage. 17: 11, vient après 10: 38; en 17, 18, nous retrouvons en tout cas l'ordre chronologique. 18: 35, commence dans tous les synoptiques la dernière période de l'histoire.

Je suis disposé à croire que Esaïe 24: 22, se rapporte à la patience de Dieu avec le monde. Il ne visite en jugement les rois de la terre, pour les remplacer par son propre trône à Jérusalem, qu'après leur avoir accordé avec une entière patience tout le temps possible, qui du reste n'a servi qu'à développer leur méchanceté. Mais je ne sais si ma pensée est juste.

Je vous remercie beaucoup des nouvelles que vous me donnez des frères, cela m'intéresse toujours profondément.

Quant à mes peines, elles ont été grandes à cause des personnes qui se sont montrées hostiles; il y avait aussi mon frère aîné, que j'avais chéri à travers toutes les circonstances de sa vie. Mais cela est bon.

Quant à l'oeuvre, je crois que cette opposition fera du bien. Les frères, par crainte des blasphèmes de Mr Newton, avaient un peu perdu de vue les vraies souffrances du Seigneur. Il y a cette difficulté de donner la nourriture en temps convenable, et certaines vérités qui exigent de la spiritualité. On a exploité cela auprès des faibles, mais l'étude de ces sujets (*) a été en grande bénédiction à beaucoup de frères, et j'étais décidé à leur laisser du temps pour que leurs pensées se mûrissent sans m'inquiéter des attaques, et laissant ces dernières à notre Dieu plein de miséricorde. D'après ce qu'on me dit, l'influence de mes adversaires est nulle. On désire que j'explique quelques phrases; j'attends une nouvelle édition des «Sufferings» pour ajouter une introduction et des notes. Je pense qu'on la demandera bientôt, et j'attends, après avoir tout examiné.

(*) Les souffrances de Christ.

Je suis encouragé ici; nous n'avons pas de local, mais Dieu agit, et la petite réunion a l'air de se consolider. On rassemble au moins les dispersés; nous sommes déjà dix-huit pour rompre le pain, et il y en a d'autres qui s'approchent.

Paix vous soit, bien-aimé frère. Saluez cordialement tous les frères.

Votre bien affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 274 – ME 1901 page 376

à Mr P.S.

Boston, 15 février 1867

Bien-aimé frère,

Vous vous êtes un peu lancé dans les questions sur lesquelles mes adversaires m'ont pris à partie, mais au sujet desquelles je suis heureusement très tranquille. «Il a été mis au rang des iniques», n'avait pour moi d'autre signification que celle d'avoir eu sa place de fait avec les brigands et les meurtriers, ce qui est bien arrivé sur la croix. C'est le fait qui est prédit; il n'est pas dit par qui il y a été mis. L'histoire montre clairement que, extérieurement, ce sont les hommes qui ont fait cela, mais en accomplissant les conseils de Dieu. Je ne pourrais dire que Dieu l'y ait mis; mais c'était selon les conseils de Dieu, et Jésus même, dans sa parfaite soumission à la volonté de Dieu, a tout accepté comme Sa volonté, tout en sachant bien que l'iniquité de l'homme l'avait fait. Mais tout ce qui nous en est dit a trait au fait même. Etre fait péché, être considéré ainsi de Dieu et abandonné, c'est, il me semble, autre chose. L'expression: «Je frapperai le berger», a été le sujet de beaucoup de bruit en Angleterre. Je crois que le coup a été donné sur la croix; c'est là qu'il a été frappé; mais l'effet, l'ombre de la croix, s'étendait jusqu'à Gethsémané, et quand on est venu pour le saisir, les brebis ont été dispersées. Son heure était venue, quoiqu'il ne fût pas encore crucifié. Ainsi, en Luc, il fait la différence de ce temps-là (22: 35, 36). Il me semble que la cause de la différence que vous signalez entre les citations, c'est que Matthieu et Marc parlent, pour ainsi dire, du côté officiel du Christ. Le berger est frappé. Ainsi, en laissant de côté le supplément de Marc, depuis le verset 9 du dernier chapitre, les deux évangélistes ne parlent pas de l'ascension, mais de l'entrevue en Galilée, de ses relations avec le résidu. D'un autre côté, Marc nous présente aussi sa vie personnelle, son service, et se lie à Luc sous ce rapport, l'ordre des événements étant le même. Or qu'il ait été mis au rang des iniques, c'était, aux yeux des hommes, une dégradation pour Lui, une chose personnelle. J'ai déjà parlé de cette nuit. Ils ont été scandalisés à l'approche de la croix, quand les autorités se sont emparées de Lui. Il n'est pas dit, en Matthieu 26: 31, qu'il serait frappé cette nuit, mais qu'eux seraient scandalisés; mais, au fond, le moment était arrivé. «Maintenant», dit Jésus (Jean 13: 31), «le fils de l'homme est glorifié», parlant, encore à table, de la croix, après que Judas est sorti. Quant au terme «l'opprobre des hommes», je crois qu'il signifie «celui qui est sous l'opprobre». Il l'était par excellence.

Voilà, cher frère, ce que j'ai à répondre à vos questions. Je vous remercie beaucoup de vos nouvelles qui m'intéressent beaucoup, et je vous prie de saluer tous les frères avec beaucoup d'affection.

Je crois que Dieu suscite ici un petit témoignage. Presque aucune âme n'a la paix, et un Evangile simple et complet est comme une ondée de pluie dans les chaleurs de l'été. La petite réunion va très bien et s'augmente un peu, mais elle est plantée et se consolide; elle est encore hors de ville; je pense qu'avant qu'il soit longtemps on aura un local dans la ville même. En ce moment, presque tous les frères habitent ce faubourg, et il est bon que la réunion prenne son assiette avant de se trouver, pour ainsi dire, sous les yeux du public. Vous n'avez pas une idée de ce que c'est que ce pays religieusement parlant. Le théâtre, les bals, la boisson, les membres des églises se permettent tout. Sans doute il y a bien des exceptions, mais dans une «convention» de ministres et autres, tenue exprès à ce sujet, la majorité était pour la fréquentation des théâtres; et dans la «convention» de toutes les églises baptistes, au nord-ouest, ils ont voté une résolution qu'il fallait, quand les diacres (une espèce d'anciens) étaient des ivrognes, y mettre ordre, chose rien moins que rare. Deux de mes connaissances ont convoqué une autre «convention» particulière à Milwaukee, pour chercher à remédier à ces choses et à empêcher la mondanité grossière des églises ainsi nommées. Dans ce dernier endroit notre petite réunion s'accroît. Dans le Michigan, il y a passablement de bien. A New York aussi, la vérité s'établit et les besoins des âmes se manifestent. Je suis en relation avec un bon nombre d'entre eux. Nous sommes près de trente pour rompre le pain, et établis sur un pied solide. Quelques personnes de langue française ont reçu du bien. J'ai une réunion française plus nombreuse que l'anglaise, dans le local. Je ne prêche là qu'à quelques-uns, mais le caractère de la vérité intéresse les âmes, car personne n'a la paix, si ce n'est une vieille dame française. Son mari était un ancien pasteur près de Montbéliard, où elle se rendait en cachette à la réunion quand elle le pouvait. Elle est de coeur avec nous, et l'a dit à son mari, mais elle est à présent malade à la maison.

Nous avons eu des réunions très intéressantes dans des maisons particulières; l'oeuvre se fait en détail et non dans de grandes réunions. Je vous raconte tout, parce que je crois que cela vous intéressera ainsi que les frères. A New York, c'était une oeuvre de foi; tous étaient découragés, parce qu'on ne venait pas entendre la Parole; non pas moi; je pouvais prier pour l'oeuvre, et maintenant la bénédiction est sensible; de même ici, où j'ai plus de réunions que je puis appeler publiques. Mon temps n'étant pas autant rempli qu'en Europe, j'ai fait beaucoup d'hébreu et d'italien que je pouvais déjà lire un peu auparavant.

D. ne m'étonne pas, c'est son caractère, quoiqu'il soit un homme intègre et dévoué. Je l'ai connu à Boulogne; il est droit. A Boulogne, il était seul et, sans le vouloir, en lutte avec tout le monde, en sorte qu'il a un peu pris ce pli. Comme vous le dites, il ne comprend pas l'Eglise, mais il y a plus que cela, je ne crois pas qu'il se connaisse lui-même et jusqu'à ce qu'on se connaisse, il n'y a jamais une vraie défiance à l'égard de soi-même ni, par conséquent, une humilité foncière, qui domine le caractère naturel. Hélas! on a de la peine à se connaître et quand même on se connaît, il faut toujours être devant Dieu pour en avoir conscience. Jacob savait très bien qu'il y avait des faux dieux dans ses tentes, mais il n'en tenait pas compte jusqu'à ce qu'il fût appelé à se rendre à Béthel, où il était réellement de retour auprès de Dieu, leçon importante pour nos âmes.

Qu'on est heureux de pouvoir tout remettre à Dieu. Quelle consolation profonde que son amour qu'il nous a fait connaître, qu'il a versé, Lui, dans nos coeurs; et cette joie-là est éternelle; le coeur en a déjà l'empreinte.

J'ai eu une très bonne réunion hier soir; on voit qu'il y a bien des âmes qui ont soif d'un Evangile réel, et c'est ce qu'on ne trouve nulle part ici. La Parole est bénie pour les âmes, car Dieu est au-dessus de toutes les circonstances.

Paix vous soit, cher frère. Saluez cordialement tous les frères. Ce serait une joie pour moi de vous revoir tous; Dieu sait si cela s'accomplira; mais à mon âge, bien que je sois, grâces à Dieu, très bien, à 67 ans, la nature même ne compte plus beaucoup sur l'avenir, et depuis quarante ans les luttes et les peines ne m'ont pas manqué, mais non plus, je le sens bien, la grâce abondante et la bonté de Dieu.

Lettre de J.N.D. no 275 – ME 1901 page 397

à Mr P.S.

New York, 17 octobre 1867

Bien cher frère,

Je vous renvoie vos notes avec mes remarques. Je ne me suis pas trompé sur l'intérêt qu'on porte à la vérité de ce côté de l'océan. Partout comme en Europe il y a un certain malaise; on sent que dans les prédications ordinaires il n'y a pas de nourriture et l'on a faim. Les frères vont bien; il y a de la vie; des réunions se forment dans le voisinage comme à Boston. Il y a du bien aussi dans le Canada, mais à l'ouest ils ont besoin d'être visités. La moisson est grande et les ouvriers en petit nombre. Je sais ce que le Seigneur a dit, mais je crois que s'il y avait plus de dévouement, les dons se manifesteraient et se développeraient; cependant la vérité se répand; dans les systèmes religieux on cherche à l'ensevelir, mais elle se répand, ou échappe aux systèmes. Nous avons ici plusieurs Françaises, en service ou en condition; il y en a qui rompent le pain; d'autres qui demandent à le rompre…

Lettre de J.N.D. no 276 – ME 1901 page 398

à Mr P.S.

En route pour New York, novembre 1867

Bien cher frère,

Les bonnes nouvelles que vous me donnez de l'Alsace m'ont réjoui… On me dit que D. est de retour à B.; je ne sais s'il y restera. Les quelques frères qui se trouvent là sont en meilleur état que précédemment. J'espère qu'il ne les déroutera pas. Il a été élevé à part, tout seul, et n'a jamais appris à fléchir et à marcher avec les autres. J'espère que malgré, peut-être devrais-je dire par le moyen des secousses arrivées à P., il aura appris quelque chose, car au fond il est fidèle.

… Quel monde de peines et de douleurs que ce monde que nous traversons. Nos meilleures espérances frustrées, nos plus chères affections blessées. Grâce à Dieu, si le mal est entré, la grâce, le Sauveur Lui-même y est entré ensuite. J'espère qu'il en sera ainsi de X., que le Seigneur entrera dans un coeur où l'innocence relative aura été remplacée par une conscience souillée par le péché. Il nous faut faire l'expérience de ce qu'est notre misérable coeur; qu'il n'existe pas de bien en nous et que nous n'avons pas en nous-mêmes de force contre le mal. Mais l'expérience par laquelle nous l'apprenons est quelquefois bien douloureuse et bien humiliante. De fait, il n'existe pas de bien en nous, et si nous avons Christ, il prend la place de tout, et nous connaissons Dieu d'autant mieux. Que ses voies sont merveilleuses! Christ est le bien qui ne doit pas être humilié; mais il s'est humilié Lui-même: nous avons à apprendre la même leçon; et pour peu qu'il y ait de la confiance en nous-mêmes, nous aurons à passer par des découvertes navrantes de ce que nous sommes. Mais Dieu est fidèle; il nous fait avoir faim, il nous fait faire là connaissance de nous-mêmes, mais il nous nourrit de Christ et ne permet pas que nos vêtements s'usent, ni que nos pieds soient blessés. Quand nous regarderons en arrière, nous serons émerveillés de la patience et de la bonté de Dieu. Puis les occasions dans lesquelles nous sommes appelés à agir, sont constamment des moments de notre vie où Dieu agit en nous et nous exerce subjectivement aussi pour notre profit: Il ne retire pas ses yeux de dessus le juste. Quelle grâce constante et fidèle!

Je n'ai rien de particulier à vous raconter de l'oeuvre. Le nombre des frères a augmenté à New York, ils sont maintenant une cinquantaine; il y a aussi une réunion à San Francisco; sur quelques points des conversions, comme à Guelph et à Melbourne; il y a progrès, et progrès réjouissant parmi nos Indiens. A Toronto aussi le Seigneur agit, par contre les frères à Hamilton et à Montréal sont en souffrance, mais je compte sur la bonté et sur la fidélité de Dieu pour les restaurer. Je suis en route pour New York, où les âmes ont besoin d'être nourries et aidées; au reste ils ont été très bénis, et les Américains-nés commencent à se joindre au troupeau. Le ministre baptiste qui marche avec nous, est à New York dans ce moment; les dons n'y manquent pas, mais comme il y a passablement d'âmes qui recherchent la vérité, et que presque tous sont jeunes dans la marche et dans la doctrine, un témoignage solide et clair est très nécessaire dans ce grand centre.

Je doute maintenant que je revienne en Europe avant l'année prochaine. J'avais la pensée de passer une partie de cet hiver dans les Antilles, puis de me rendre en Europe, mais étant resté plus longtemps à Toronto, parce que Dieu bénissait la Parole dans cette ville, je ne pense guère pouvoir m'y rendre. Il me faudra rester quelque temps à New York, et nous sommes déjà en novembre. Ce n'est pas le bon moment pour aller aux Antilles pendant les chaleurs. Dans ce cas, je reviendrais en Europe aux premiers beaux jours de 1868, si Dieu le permet. Tout se hâte en Europe, et je me dois, je le sens, à l'oeuvre du Seigneur dans ces contrées où les choses se développent si rapidement, mais c'est Dieu qui doit faire l'oeuvre. Elle n'est pas facile en Amérique, mais pour peu qu'il y ait de l'expérience, des frères plus jeunes que moi sont plus propres à cette oeuvre. Au reste, il y en a beaucoup qui sont de toute manière plus capables que moi…

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 277 – ME 1901 page 414

à Mr P.S.

Londres, juillet 1869

Bien cher frère,

Je réimprime ma traduction anglaise du Nouveau Testament, qui me retiendra un peu ici; on a de la peine avec les imprimeurs à fixer une époque à laquelle la besogne sera achevée. Puis on veut de l'exactitude quant au texte reçu, ce qui exige des recherches et il y a complication du texte reçu grec avec l'«authorised version», dont les sources offrent quelque incertitude. Mr K. s'en occupe, et les évangiles sont terminés. J'ai fait quelques corrections, mais rien pour le fond.

A la Barbade, il y a beaucoup de bien; dans la Jamaïque, il y a progrès. On ne marche pas mal dans la Guyane, mais il y a peu d'énergie spirituelle, cependant notre visite a fortifié les liens de la communion fraternelle, ils ont senti l'amour manifesté en entreprenant ce long voyage pour les voir, et ont été restaurés et encouragés. Ici, le nombre des frères augmente avec une rapidité qui nous fait presque peur, mais il faut se fier à Dieu. Puis toute sorte d'éléments d'erreur courent le monde: la doctrine de l'annihilation, ou la négation que l'homme possède une âme immortelle, s'empare des chrétiens et mène assez souvent à l'incrédulité ouverte. Nous aurons à nous en occuper pour empêcher les âmes de se fourvoyer. La responsabilité et l'expiation disparaissent avec cette doctrine. Mais le Seigneur aime son Eglise, et Il nous suffit; seulement nous savons que des temps difficiles surviendront. La Parole nous suffit et son Esprit nous conduira.

Je n'ai pas beaucoup de temps pour mes visites sur le continent. C'est une joie pour moi de revoir les frères, mais là où il y a des ouvriers, ce n'est guère un travail, sauf dans le cas où les ouvriers ont besoin de connaissances qu'on est à même de leur communiquer. Je convoite le travail aussi longtemps que je suis ici-bas. Ce n'est pas mon goût, mon goût est d'être au milieu de mes livres, mais jusqu'à ce que nous voyions le Seigneur, notre part, une part que la grâce infinie nous a accordée, est de Le servir. Le temps viendra où ce sera le tout de notre vie d'avoir vécu avec et pour Lui, en vivant par Lui.

Je sympathise avec votre chère sœur: c'est une perte réelle que d'avoir perdu dans sa fille une compagne, mais la main de Dieu est dirigée par l'amour et par une sagesse qui ne fait jamais défaut. Pour elle, c'est un gain; et qui sait ce que ce misérable monde aurait fait et les pièges qui attendent une jeune fille ayant de la fortune. Je la trouve heureuse; pour ceux qui restent, la paide°a est toujours bonne, nous en avons tant besoin. Il ne retire pas ses yeux de dessus les justes; quel bonheur et quelle grâce! mais quel œil pénétrant que celui-là! Tant mieux! Sous la grâce, nous pouvons désirer de tout notre coeur qu'Il nous sonde.

Les catholiques m'intéressent beaucoup; j'ai eu d'excellents entretiens avec deux d'entre eux sur le navire, j'ai donné à l'un un Nouveau Testament. Les deux étaient mécontents de leur système; l'un a bien senti et sentait déjà, que les pénitences et les peines imposées n'étaient pas d'un Dieu d'amour.

J'apprends que vous avez été dans la Charente, au moins dans la Charente-Inférieure. Ce département m'a beaucoup intéressé dans le temps; j'y étais avec B. Je vieillis un peu pour ces entreprises. Toutefois j'ai voyagé dans l'intérieur de la Jamaïque dont on avait voulu m'effrayer, mais Dieu suffit pour toutes choses; au reste, je n'ai eu aucune difficulté même en vivant au milieu des gens de couleur. Le pays est magnifique.

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 278 – ME 1901 page 416

à Mr P.S.

Elberfeld, décembre 1869

Bien cher frère,

Depuis longtemps je pensais vous écrire, mais en réalité je suis occupé du matin jusqu'au soir, souvent jusqu'à minuit.

J'avais écrit en Angleterre qu'on vous envoyât mes notes manuscrites sur le Nouveau Testament (*), mais l'éditeur anglais a eu par ci par là de la peine à les déchiffrer et attend mon retour pour commencer l'impression.

 (*) Pour l'édition avec notes qui ne parut qu'en 1872.

Je suis déjà fort avancé dans mon travail ici (*), et j'espère avoir fini ma part dans deux mois ou deux mois et demi. Les prophètes jusqu'à Osée sont terminés, ainsi que les Psaumes. Job et les Proverbes nous donneront un peu plus de fil à retordre.

(*) La traduction allemande de la Bible.

Quant à Romains 5: 19, il ne s'agit pas d'association avec le chef. Les plusieurs qui sont en relation avec Adam sont dans sa condition et sa position. C'est notre condition devant Dieu par le péché d'Adam. Par l'obéissance de Christ, nous sommes justes devant Dieu; c'est une position devant Lui. Alors la question est soulevée au chapitre 6, si cela signifie qu'on soit de telle sorte juste relativement, qu'on puisse vivre dans le péché.

Je le répète, il ne s'agit pas ici d'association avec le chef. Nous ne sommes pas ressuscités avec Christ, dans l'épître aux Romains. On est bien envisagé comme en Christ, en Romains 8, mais l'union et l'association avec Lui ne sont pas le sujet de l'épître. On y trouve ce qu'il a fait pour nous, et notre mort avec Lui. «Constitués pécheurs» n'est pas, me semble-t-il, judiciaire, mais un fait; mais quand il dit justes, il faut que je me rapporte à Dieu. Celui qui est constitué pêcheur est éloigné et aliéné de Dieu, il a sa volonté à lui et ses convoitises, mais quand on est juste par l'obéissance d'autrui, la question demeure: Que suis-je moi? Le chapitre 6 répond par la vérité que nous sommes morts et vivants à Dieu par Christ. Le «corps de péché» est, je crois, le péché comme un tout; c'est l'ensemble, mais il est appelé ainsi, parce que le corps est censé en être le siège; c'est pourquoi aussi il l'appelle «la chair». Mais un homme mort est justifié du péché (non des péchés), car on ne peut l'accuser d'une volonté propre, ni d'avoir des convoitises. Le chapitre 6 est la doctrine: on est mort au péché. Le chapitre 7 applique cette vérité à la loi qui ne domine sur un homme qu'aussi longtemps qu'il vit.

Ce que nous avons dans la Parole, comme fait historique, et en figure, un croyant comme Abel l'a, je pense, compris par l'Esprit. Nous savons que c'est par la foi qu'il a offert le sacrifice, et la conscience, quand l'Esprit agit, devient intelligente. Ce que nous avons par la Parole, ils l'ont eu dans des faits avec quelques paroles de Dieu. Ce n'était pas une révélation publique par écrit, ou annoncée pour être conservée. Enseignée de Dieu, la conscience aurait su ce que c'était que d'être un pécheur devant Dieu, et que la mort était entrée, et qu'elle avait été le moyen de couvrir la nudité de l'homme. L'âme aurait appris ce que Dieu faisait. Je ne pense pas qu'il y ait eu dans ce temps-là une révélation explicite de tout, mais, avec des faits divins et l'opération de l'Esprit de Dieu, je crois que l'homme était, quant à ses pensées naturelles, beaucoup plus près de Dieu alors que maintenant. Le monde est maintenant plein de l'homme et des hommes; on se heurte, et ses propos arrêtés remplissent son coeur. Alors on avait perdu Dieu, mais le Dieu qu'on avait perdu avait plus de place. L'homme isolé, hors du paradis, sentait qu'il l'était. Il est remarquable que les communications les plus explicites que nous possédions, soient avec Caïn. Je lis: «Une offrande pour le péché se couche à la porte». S'il y a eu davantage, Dieu n'a pas voulu, dans la révélation qui nous en a été faite, que nous le sachions. Il a voulu que nous le sachions de cette manière. Mais je crois que l'Esprit de Dieu agissait plus que maintenant dans les fidèles, comme un Esprit d'intelligence en relation avec Dieu. Il en est un peu de même d'Abraham. Je ne crois pas qu'il ait eu une révélation explicite, mais n'ayant rien de ce qui lui avait été promis, et assuré de la fidélité de Dieu, il comptait sur Lui. C'est ainsi qu'avec Isaac il a appris la résurrection. Puisque sa postérité devait être dans la lignée d'Isaac, il devait le retrouver. Son espérance était probablement vague, non définie, comme pour la résurrection d'Isaac; mais pour lui-même elle n'était pas de cette vie; c'était une patrie céleste dans sa nature, en contraste avec Canaan, quand même elle était en relation avec Canaan. Le cas d'Enoch, un de ces faits divins, devrait être un texte pour l'Esprit de Dieu dans le coeur des fidèles, comme celui d'Elie plus tard, non pour détruire l'idée de leurs relations actuelles avec Dieu et son gouvernement, mais pour réveiller une espérance secrète, des aspirations célestes, des relations intérieures avec Dieu qui ne se traduisaient pas dans les relations religieuses de la vie d'ici-bas, sauf comme source de fidélité et de spiritualité, comme d'une autre manière, le troisième ciel pour Paul. Autrement la mort aurait été une chose bien plus terrible. Mais ils connaissaient Dieu, non pour cette vie seulement.

Je ne vois pas, en Actes 9: 17, 18, une preuve que le Saint Esprit soit donné avant le baptême, quoique cela soit possible, puisqu'il dit: «M'a envoyé pour que… tu sois rempli de l'Esprit Saint», mais cela n'est pas dit positivement. L'ordre régulier, ordinaire, était le baptême; puis le Saint Esprit (Actes des Apôtres 2). Mais l'histoire de Corneille nous fait voir que le Seigneur pouvait déroger à cet ordre pour donner la preuve de son acceptation de la personne.

Je crois que le mot «hadès» n'est qu'une expression pour l'inconnu au delà de la mort. Mais maintenant ce n'est plus l'inconnu. Déjà du temps du Seigneur, il pouvait faire voir la différence, et son entrée dans le paradis a rendu cela parfaitement clair.

Je me réjouis de la bénédiction à G. Les circonstances de la mort du frère O. sont bien remarquables. C'était un péché à la mort. Dieu fait plus que nous ne croyons dans ce monde, non qu'il tue les siens, mais il peut les ôter de ce monde. Il ordonne tout.

Savez-vous que la mère de Mme B. est à P.? Elle est catholique, mais si l'occasion se présente, sa fille, notre excellente sœur, serait si heureuse que vous puissiez lui présenter l'Evangile.

J'écris à la hâte et je serai heureux de m'entretenir avec vous sur les points dont vous parlez. J'ai lu et même écrit un brouillon sur les Hébreux, en vue de la question de la sacrificature de Christ pour les chrétiens, et j'ai trouvé beaucoup de lumière sur la structure et le contenu de l'épître.

Saluez tous les frères. Que Dieu les garde et les bénisse!

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 279 – ME 1901 page 437

à Mr P.S.

Angleterre, avril ou mai 1870

Bien-aimé frère,

Je pensais à cette heure vous envoyer les feuilles du Nouveau Testament. Ne pouvant pas déchiffrer toutes mes notes sur les Actes, les frères attendaient mon retour, mais les trois premiers évangiles étaient achevés. Et voilà que j'apprends, en arrivant, qu'ils ont perdu Matthieu, ce qui occasionnera en tout cas un retard d'une quinzaine. Je n'ai pas encore recommencé Matthieu, espérant toujours que mon travail se retrouverait, mais j'ai commencé Jean; et si Matthieu ne reparaît pas, je m'y mettrai, et vous l'enverrai au fur et à mesure.

Mon travail à Elberfeld (*) est terminé. J'espère que, par la bonté de Dieu, il sera utile. Certes je n'avais aucune confiance en ma capacité pour l'entreprendre, et nous avons prié Dieu de nous aider beaucoup. Je crains davantage pour la partie facile que pour la partie difficile; dans celle-ci, nous avons dû soigneusement tout examiner. Dans la partie facile où tout le monde est d'accord, on était en danger de travailler plus superficiellement, et cette négligence pouvait porter ses conséquences. J'espère qu'il n'en sera pas ainsi, mais c'est ce que je crains le plus, d'autant plus que le travail passe nécessairement par d'autres mains: des frères pour l'allemand, des copistes, etc. Cependant nous avons toujours eu le contexte et d'autres traductions, avec lesquelles cinq ou six frères comparaient notre travail. E. V. qui a des yeux et de la mémoire nous assistait; la traduction hollandaise est assez exacte. Maintenant je puis à peine croire que je sois arrivé à bout de ce travail.

(*) Traduction de l'Ancien Testament en allemand.

J'ai quelque idée d'aller pour deux mois en Amérique, cette année. Il y a eu des conversions en masse dans le Canada et assez de nouvelles âmes et de nouveaux ouvriers qui ont besoin d'être plus affermis dans la vérité, et plus cimentés ensemble. Quoi qu'il en soit, il y a de ces côtés-là une grande bénédiction. Il y a progrès aussi dans les Etats-Unis. Le petit-fils de G. a quelque idée de visiter la France, du côté de St-Quentin; une fois là, il visiterait, je l'espère, les frères en d'autres lieux.

L'oeuvre s'étend en Allemagne, et de nouvelles réunions se forment. J'ai trouvé des auditeurs très attentifs et nombreux; Dieu sait quels ont été les fruits; je suis content de les laisser entre ses mains. J'ai senti qu'Il était avec moi, et, quand on désire la bénédiction de ceux qui écoutent, de toutes les âmes, cela suffit.

Nous avons eu deux bonnes conférences de frères venus de tous côtés. Le dernier dimanche on a dû enlever les portes du local qui du reste est assez vaste. En général, je sortais peu le dimanche pour me rendre dans les environs, poussant quelquefois jusqu'à Dillenbourg, autrement je me sentais un peu en prison, tout en jouissant des soins les plus fraternels. La traduction m'a été en tout cas très utile à moi, par rapport à l'hébreu.

Adieu, cher frère, j'écris à la hâte, occupé de cette révision du Nouveau Testament.

Saluez bien Mme S. ainsi que tous les frères. Il est doux de savoir, non seulement qu'une oeuvre parfaite est faite, mais que nos noms sont écrits dans les cieux. Cela nous donne du repos. La vérité que nous sommes morts avec Christ, exerce ici, je le crois, les âmes à leur profit. J'ai été occupé aussi de l'histoire de la responsabilité du premier Adam, jusqu'à la croix, puis vient la révélation des conseils arrêtés avant la fondation du monde, et la croix qui répond à nos besoins, comme créatures responsables, et pose ce fondement de l'accomplissement des conseils selon la justice de Dieu dans la gloire. Paix vous soit, cher frère.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 280 – ME 1901 page 440

à Mr P.S.

Londres, mai 1870

Bien cher frère,

Je ne puis vous écrire qu'un mot.

Cette histoire du Mas d'Azil est bien douloureuse; il y a eu une secte pareille en Angleterre. Quand l'esprit n'est pas brisé et humble, il est inconcevable comment l'ennemi peut le fourvoyer. Que Dieu les délivre! J'en avais entendu un mot; il est difficile, une fois que Satan s'est emparé de l'esprit humain, d'en effacer toute trace.

J'envoie les premiers chapitres de Matthieu, vous verrez que beaucoup ne s'applique qu'à l'anglais, mais vous l'utiliserez comme vous le trouverez bon.

J'espère un peu vous voir en hiver ou au printemps, si Dieu le permet. Maintenant je pars pour le Canada où des centaines ont été ajoutés aux frères; et bien davantage convertis, à ce qu'on pense. Mais ils ont besoin d'être édifiés et cimentés avec les autres.

L'oeuvre s'étend aussi beaucoup dans les Etats-Unis.

Lettre de J.N.D. no 281 – ME 1901 page 458

à Mr P.S.

Guelph (Canada), juillet 1870

Bien cher frère,

Il y a un prêtre, Mr M., sorti du romanisme, qui prêche à Madrid en attirant de grandes foules par ses prédications. Il a fait autrefois la connaissance de C. de Bordeaux. Il désire beaucoup avoir les Etudes en français; pouvez-vous les lui envoyer?… On est heureux que la vérité se propage et cela a lieu maintenant assez en dehors des frères.

Notre conférence ici a eu un tout nouveau caractère; l'oeuvre des évangélistes a amené beaucoup de nouveaux convertis, par conséquent moins de communion dans les vérités déjà connues, et aussi dans nos entretiens, mais cela a répondu aux besoins. Nous avons eu un assez grand nombre de personnes des Etats-Unis, plusieurs ministres baptistes s'étant joints aux frères.

L'oeuvre s'étend partout; nous avons plusieurs réunions en Californie, et dans l'Iowa un journal américain assez utile qui se dissémine beaucoup. Les évangélistes se sont un peu fermé les portes, je le crois, en attaquant les sectes et quelques-uns en prêchant l'anabaptisme; le mal n'est pas grand, parce qu'à la longue on voit bien qu'il ne s'agit pas des sectes; cela avait un peu dénaturé le témoignage, mais il y a eu beaucoup de bien, et cela a donné lieu à des éclaircissements. C'est intéressant de voir ces jeunes officiers entièrement dévoués, se vouant à l'oeuvre; deux d'entre eux ont une tente et travaillent ainsi, ce qui, dans ce pays, est très commode. L'opposition a été violente, tout aussi grande là où on n'a attaqué personne ni rien dit du baptême, mais alors le peuple a pris le parti des évangélistes contre le clergé. Il y a eu un peu l'excitation du «revivalisme», mais tout de même l'oeuvre a été belle. Nous étions peut-être 400 pour rompre le pain, dimanche: nous avons dû dresser une grande tente pour recevoir tout le monde. Plusieurs des ouvriers sont restés après que le grand nombre des assistants fut parti, et nous avons pu étudier la Parole plus soigneusement ensemble. Le capitaine du steamer sur lequel je suis arrivé était chrétien et rassemblait les matelots chaque soir, j'ai donc pu travailler un peu, et nos frères ont aussi prêché sur le pont. Nous étions huit pour rompre le pain…

Lettre de J.N.D. no 282 – ME 1901 page 475

à Mr P.S.

Londres, octobre? 1870

Bien cher frère,

Dès le moment de mon retour d'Amérique, je pensais à vous écrire vous supposant tout d'abord à Pau, puis je ne sais qui m'a communiqué une lettre de Mme S., et j'ai eu ainsi connaissance des détails, avant que vous me les donniez, en sorte que je me suis tranquillisé quant au moment de vous écrire. Je ne vous remercie pas moins de ces détails, dont la date est naturellement plus récente, et je bénis Dieu de tout mon coeur de ce qu'il a gardé vos chers enfants. J'ai pensé aussi beaucoup à votre sœur et à sa famille, qui étaient presque sur la route des armées, et à vos amis de B. encore plus rapprochés, bien que je ne les connaisse guère. Mon coeur est avec nos bien-aimés de Paris, mais j'ai une entière confiance en Dieu. Notre Dieu est fidèle, il les gardera là comme ailleurs, s'ils sont dans le chemin de sa volonté, ce que je crois. Les mouvements des hommes ne sont rien pour Lui, quoiqu'il puisse les châtier. Il fait contribuer toutes choses au plus grand bien de ceux qui l'aiment. Quelle consolation de savoir que notre part est dans les cieux; de nous reposer en Lui, sachant qu'il ne retire pas ses yeux de dessus le juste, qu'on peut se confier en Lui, ayant plus d'intimité avec Lui qu'avec toute autre chose. Le secret de l'Eternel est avec ceux qui le craignent. Il est partout un sanctuaire.

Je vous renvoie, sans tarder, les notes que vous avez demandées; les réponses suivront, Dieu voulant, quand elles seront prêtes.

J'ai beaucoup joui ces temps-ci de la manière dont le Seigneur s'est manifesté comme lumière et amour, les deux seuls noms essentiels de Dieu. Il se révèle ainsi dans les coeurs, mettant tout en lumière; et quand tout est en lumière, et c'est ce qu'il faut, tout est devant l'amour de Dieu qui se révèle et qui nous révèle à nous-mêmes cet amour parfait. Cela se développe merveilleusement dans les évangiles, et dans l'Evangile. Quelle réconciliation!

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre affectionné en Jésus.

Lettre de J.N.D. no 283 – ME 1901 page 476

à Mr P.S.

Londres, fin novembre 1870

Bien cher frère,

Je vous renvoie vos notes. Je vous ai eu beaucoup sur le coeur, ainsi que tous nos chers amis de France, dans ces circonstances si inattendues pour tous. Les circonstances de ce monde inquiet ne m'émeuvent pas beaucoup. Toutefois la rapidité et l'étendue de ces événements sont empreintes de la main de Dieu. Mais pas un passereau ne tombe à terre sans sa volonté à Lui, qui est notre Père. Je crains davantage dans ces circonstances pour les frères en Allemagne, que pour les frères français. Les revers valent mieux pour les chrétiens que le succès. Toutefois, à mon avis, nous ne sommes pas encore à la fin. Ce que je crains pour les frères français, c'est que le sentiment de la patrie, si naturel en de pareilles circonstances, n'efface les pensées célestes. Nous ne sommes pas de ce monde, pas plus maintenant que lorsque nous étions en paix. Tout en étant une rude épreuve pour votre pays, ce n'est en somme que le progrès vers les tout derniers temps. Rome paraît civilement sur la scène, et tout cela tend à une confédération contre l'Orient. Je crois toujours que la Prusse perdra jusqu'au Rhin; si c'est à présent, je ne sais. Mais la parole de Dieu (je ne parle pas de toutes nos interprétations) ne passera jamais. Qu'elle domine au moins dans nos coeurs! Je ne sais si je vous ai dit que les frères avaient envoyé 25.000 francs à Sedan. En outre les Irlandais ont envoyé je ne sais combien. Mais ce qui me frappe, c'est que les deux frères qui ont porté ces secours sont tombés malades, l'un, l'Irlandais, de la dysenterie; il a dû s'en retourner. L'autre, d'une très mauvaise attaque de petite vérole; il est médecin, et a quitté une bonne clientèle pour rester là. Il désire avoir encore 40.000 fr. pour un hôpital et pour fournir de la soupe à tout le monde. On ne peut bêcher leurs champs, tant il y a de cadavres; quelle pensée! Ce que c'est que l'homme! Je ne sais si notre frère pourra trouver cette somme. J'ai peur de l'excitation chez ces braves amis, mais bien que ce ne soit qu'une goutte d'eau, j'étais heureux qu'on fit au moins ce qu'on pouvait là où il y avait de la misère.

Dieu soit béni de ce que, toujours fidèle, il garde les vôtres. Nous avons un royaume qui ne peut être ébranlé. «Du royaume immuable Devenus citoyens»; c'est maintenant qu'il faut chanter cela. J'ai dit à notre cher frère H. P. que je ne crois pas que ce soit parce que nous sommes en paix ici, que je suis tranquille; le monde ne l'est pas; je crois qu'il est très possible, même probable, que le tour de l'Angleterre vienne, et je suis aussi certain que Dieu garde nos bien-aimés frères de Paris, que du fait que nous sommes en paix ici. Je ne lis pas du tout les journaux, et je compte sur la grâce et sur la fidélité de Dieu. «Dans ce monde vous aurez de la tribulation; en moi vous aurez la paix». Rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ.

Notre cher R. est donc malade; ce serait une grande perte pour nos coeurs comme pour les frères. Pour ma part, je l'aimais beaucoup. Enfin, vivre c'est Christ, la mort est un gain. Mais j'espère que Dieu nous le conservera encore.

Saluez-le de ma part, ainsi que tous les frères.

Que Dieu garde vous et les vôtres.

Votre bien affectionné.