Une lettre

ME 1901 page 94

 

Cher frère,

Il n'y a pas de sujet plus important à tous égards que celui auquel vous faites allusion. Plus nous présenterons simplement Christ mourant pour nos péchés, mieux ce sera. Toutes ces grandes vérités sont des faits, et j'admire en cela la sagesse de Dieu, car les plus simples peuvent ainsi par grâce les comprendre, et les plus fortes intelligences doivent s'incliner et les accepter comme telles. Lorsque nous cherchons à les sonder — et de nos jours on veut sonder toutes choses — il y a en elles des profondeurs qu'aucun de nous ne peut mesurer.

Le plein droit de Dieu envers les pécheurs est qu'ils doivent le servir selon la relation où ils se trouvent vis-à-vis de Lui, comme créatures qui ont la connaissance du bien et du mal: «L'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal». Il était tenu de reconnaître Dieu et son prochain en tout ce qui leur était dû, et cela même jusqu'aux désirs de la convoitise dans son coeur, à l'égard de son prochain. La loi était la parfaite mesure de cela, même lorsque les hommes n'étaient pas sous son autorité. Mais en fait, les choses allaient beaucoup plus loin, parce qu'il y avait les voies de l'homme et les voies de Dieu, les unes et les autres manifestant ce que l'homme était, et lui imposant de nouvelles obligations. Les hommes n'ont pas aimé garder Dieu dans leur connaissance, et ils ne l'ont pas fait; lorsqu'ils le connaissaient comme Dieu, ainsi que Noé le connaissait, ils s'établirent des démons pour les adorer et se dégradèrent au-dessous de la nature de l'homme. Or le jugement est selon les oeuvres, Dieu tenant compte du degré de lumière en prononçant le jugement (Luc 12). Mais le jugement est selon les oeuvres, et a pour effet judiciaire l'exclusion de la présence de Dieu, quel que soit le degré de châtiment infligé.

Mais il y a beaucoup plus au fond. La pensée de la chair est inimitié contre Dieu entièrement et toujours; outre le fait d'enfreindre les obligations, elle conduit à le faire. L'homme a été chassé de devant la présence de Dieu au commencement, et à côté du jugement à venir selon ses oeuvres, il trouve, lorsque ses yeux sont ouverts, qu'il est perdu maintenant; quoique cela soit caché pour ceux qui marchent par la vue, quand le voile des sens et l'apparence du monde ont disparu, il trouve que c'est pour toujours. Or, bien que la loi prouve cela à l'esprit enseigné de Dieu, la grande preuve en est le rejet de Christ: «Il (l'Esprit Saint) convaincra le monde de péché (non du sentiment des péchés, bien que cela soit vrai), parce qu'ils ne croient pas en moi», dit le Seigneur. Jusqu'au déluge, le premier monde était (avec le témoignage de la part de Dieu) l'homme laissé à lui-même, et Dieu, à cause de sa corruption, dut le détruire par le déluge. Ensuite le gouvernement fut confié à Noé; puis vint la promesse avec Abraham, la loi avec Moïse; puis il y eut les prophètes, et enfin Christ. Ce sont les voies de Dieu avec les hommes, un système complet de probation qui s'est terminé par la preuve que non seulement l'homme ne voulait pas obéir, mais qu'il n'avait aucune excuse pour son péché: il avait vu et haï Dieu venant en grâce: «Ils ont, et vu, et haï, et moi et mon Père», a dit Jésus. C'est pourquoi il est dit: «Maintenant, en la consommation des siècles, il a été manifesté une fois» et, dit le Seigneur, «maintenant est le jugement de ce monde», Et Etienne, après avoir rapporté l'appel d'Abraham et la promesse, déclare: Vous n'avez pas gardé la loi, vous avez rejeté et persécuté les prophètes, vous avez tué le Juste, vous résistez toujours à l'Esprit Saint. Là se termine l'histoire de l'homme. Il n'était pas seulement coupable et sujet au jugement, mais il était démontré que sa pensée est inimitié contre Dieu. Cela n'est pas les péchés, mais le péché, c'est l'homme, non pas jugé, mais déjà perdu, tandis que le jugement qui n'est pas encore arrivé, sera selon les oeuvres.

Or Christ était personnellement tout le contraire de l'homme tel que nous venons de le voir; il aimait le Père et il était obéissant. C'est ce qu'il était Lui-même et toujours. Mais il avait une oeuvre à accomplir selon l'amour surabondant de Dieu. «Il est mort pour nos péchés selon les Ecritures», et si quelqu'un croit en Lui ses péchés ne sont plus; ils sont pardonnés et effacés; il a été fait face à la culpabilité et à la responsabilité de l'homme. Mais lorsque nous considérons l'oeuvre de la croix, nous y trouvons davantage. Christ y a glorifié Dieu, et cela quand il a été fait péché. C'était un merveilleux mystère: Christ, une victime parfaite, sans tache devant Dieu, parfait en obéissance, parfait dans un renoncement absolu à soi-même, parfait en amour pour son Père, parfait dans son amour pour nous, capable comme une Personne divine de soutenir le poids de la gloire de Dieu dans la place du péché — c'est-à-dire comme fait péché pour nous, non seulement venu «en ressemblance de chair de péché», mais «pour le péché». — «Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même; et incontinent il le glorifiera», et Christ, comme homme, est dans la gloire à la droite de Dieu.

Comme typifié par l'offrande du gâteau, il a été complètement éprouvé par le feu du jugement de Dieu dans la mort, et ne fut qu'une odeur agréable à Dieu; comme holocauste, il a été une odeur agréable à Dieu, mais c'était une propitiation ou une expiation positive comme glorifiant Dieu en justice, en amour, en majesté, en tout ce que Dieu est, et cela dans la place de péché, et pour le péché. Comme sacrifice pour le péché, il a porté nos péchés, mais ce n'était pas alors une agréable odeur, quoique la graisse fût brûlée sur l'autel. Christ était le sort pour l'Eternel aussi bien que le sort pour le peuple (voyez Lévitique 16). Le fait de porter nos péchés acquittait de la responsabilité encourue et de la culpabilité. Cela est vrai de son peuple; et le sang sur le propitiatoire a parfaitement glorifié Dieu en tout ce qu'il est, et a posé le fondement pour l'accomplissement de tous les conseils de Dieu qui existaient avant qu'il y eût de responsabilité. L'amour de Dieu s'est pourvu d'un Agneau, mais la justice de Dieu requérait la propitiation, et c'est par la croix seulement que la justice, l'amour et la majesté sont maintenus, et que ce que Dieu est, est connu. Le Fils de l'homme a été élevé, et le Fils de Dieu a été donné.

Quant au moment de l'accomplissement de l'oeuvre, il est clair que, puisque les gages du péché, c'est la mort, il a dû mourir pour accomplir cela, mais il y avait une vérité beaucoup plus profonde dans ce que cela renfermait; il était également important qu'il eût bu auparavant la coupe de l'abandon de Dieu et que cela fût passé, parce qu'il avait à remettre en paix son esprit à Dieu comme il le fit, le laissant de Lui-même, quand tout fut accompli. L'abandon de Dieu avait un caractère propre — c'était le caractère le plus profond des souffrances de notre précieux Seigneur. C'est ce qu'il éprouva par anticipation en Gethsémané, alors qu'il ne souffrait pas extérieurement, mais cela ne peut pas être séparé de la mort, parce que la mort porte le caractère du jugement divin contre le péché, et n'est pas un accident, pour ainsi dire, de mortalité. Mais elle n'est pas en elle-même le jugement, c'est-à-dire le jugement à venir, car il est dit: «Il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement». Toutes les souffrances possibles s'accumulent sur Christ. Il est trahi, abandonné et renié; les taureaux de Basan et les chiens viennent aussi contre Lui, et la puissance de Satan dans la mort, le pouvoir des ténèbres; le peuple qu'il aimait (les Juifs) y donnant son concours. Cela conduit à l'appel qu'il adresse à Dieu (Psaumes 22), au sentiment qu'en cela il était abandonné de Dieu. Il fut entendu d'entre les cornes des buffles. Lorsque tout fut accompli, il rendit l'esprit, le remettant à son Père; ayant crié à haute voix, il expira.

J'ai pu seulement tracer rapidement en quelques mots ce qui se présente à ma pensée sur ce sujet; c'est qu'il n'y a rien de semblable dans l'histoire du ciel et de la terre, ce que Christ pouvait présenter à son Père comme un motif pour l'aimer: «A cause de cela mon Père m'aime». Tout est envisagé comme un ensemble, car le sang et l'eau sont sortis d'un Christ déjà mort, et il a dû en être ainsi pour être de profit pour nous (comparez 1 Jean 5).

Mais, je le répète, plus, dans notre travail auprès des âmes, nous présenterons simplement le précieux Sauveur mourant pour nos péchés, mieux cela vaudra; mais pour qu'il y ait dans les coeurs une oeuvre solide et profonde, il faut que nous nous connaissions nous-mêmes, et que nous connaissions le péché aussi bien que les péchés, ce que nous sommes dans la chair, aussi bien que ce que nous avons fait (Romains depuis 5: 12); mais cela nous conduit au fait d'être crucifié avec Christ, ce qui est une autre vérité.