Extrait d'une lettre inédite

 ME 1901 page 290

 

Mon esprit a été particulièrement occupé ces temps-ci à rechercher ce que sera la présence du Seigneur. Je suis convaincu que nos coeurs ont besoin de Le connaître davantage, plus intimement, ce qui les fera languir après Lui d'une manière à laquelle sa présence seule pourra répondre. Les âmes arrivent à cet état, non point par l'effet de la connaissance intellectuelle, mais bien de l'intimité par le Saint Esprit avec le précieux Sauveur.

Il est étrange que, objets continuellement de ses bontés, de sa miséricorde, redevables envers Lui de tant de bienfaits, nous le connaissions si peu. Voilà pourquoi nous pensons comme à regret à notre départ pour aller auprès de Dieu. Naturellement un voyageur ne comptera guère sur une bienvenue en pays étranger. Il nous plairait davantage de dépenser notre argent dans une hôtellerie, que de nous hasarder à bénéficier d'une hospitalité étrangère, tandis que chez un ami intime nous allons comme chez nous, à quelle heure que ce soit, assurés que toutes sont également propices.

Ne vivons pas des bontés continuelles de Dieu sans faire connaissance avec Lui. Par sa grâce, ne laissons point passer une journée sans croître dans son intimité, Lui donnant des preuves de notre amour, et recevant de Lui quelque gage nouveau de sa constante faveur à notre égard.

Au jour d'aujourd'hui, jour de recherches scientifiques, ce qu'il nous faut avant tout ce sont des affections nourries de Christ.

Puisse l'Esprit Saint donner cette direction à nos coeurs. C'est une leçon difficile à apprendre pour quelques-uns d'entre nous, que d'avoir pour toutes jouissances, celles qui sont entièrement en dehors de la nature. Nous sommes disposés à connaître Christ selon la chair, et à le désirer seulement au milieu des circonstances et des relations de la vie ordinaire. Il est souvent difficile d'aller plus loin, je le sais. Mais en cela ne consiste point notre appel. Ce n'est pas la vocation céleste, ni la vie de résurrection. Nous aimons le charme de la vie naturelle, le chez-soi, la considération, choses au milieu desquelles on veut bien introduire Christ.

Mais le connaître et le posséder d'une manière qui indique que nous sommes étrangers avec Lui sur la terre, voilà «une parole dure» pour nos pauvres coeurs.

Entre autres choses, le Seigneur nous enseigne cette leçon dans l'évangile de Jean. Les disciples étaient affligés à la pensée de le perdre dans leur vie journalière, de ne plus l'avoir en chair au milieu d'eux. Il leur enseigne alors qu'il leur était avantageux de le perdre sous ce caractère, afin que par la présence du Saint Esprit, ils pussent apprendre à le connaître dans les lieux célestes, y étant introduits avec Lui (Jean 16).

De nouveau, au chapitre 20, Marie de Magdala eût voulu retrouver le Seigneur comme auparavant, comme elle le connaissait déjà, mais cela ne pouvait être, il le lui refuse. Expérience douloureuse, mais utile, comme pour les disciples au chapitre 16, tous apprenant ainsi qu'ils devaient perdre Christ selon la chair et avoir communion avec Lui dans la sphère bénie où il est entré. Les disciples assemblés à Jérusalem «se réjouirent quand ils virent le Seigneur», mais leur joie était humaine, la joie d'avoir retrouvé, ainsi qu'ils l'estimaient, Celui qu'ils avaient perdu, Christ homme.

Mais immédiatement le Seigneur les conduit plus loin, à cette paix faite par sa mort, et à la vie de résurrection qu'il venait de leur acquérir.

Il est utile pour nos âmes de méditer ces choses, étant donné combien nous sommes disposés à nous contenter d'un autre ordre de choses. La tristesse des disciples à l'idée du départ de leur Seigneur, le «Rabboni» de Marie de Magdala, d'autre part la joie de ceux qui le «virent», tout cela témoigne de la disposition de nos coeurs à demeurer avec Christ au milieu des circonstances et des relations humaines, plutôt que d'entrer avec Lui ressuscité dans les lieux célestes.