Extrait d'une lettre relative aux expressions: la table du Père — la table du Seigneur (Darby J.N.)

 ME 1901 page 409

 

L'expression «table du Père» ne se rencontre pas dans la parole de Dieu, qui nous parle seulement de la «table du Seigneur», raison suffisante pour que nous nous en tenions nous-mêmes à ce terme-là. Sans y mettre de rigorisme, je ferai observer que chaque mot a sa raison d'être, et qu'un terme étant donné de Dieu, nous ne devons pas en chercher un autre. En dehors de toute autre considération, il est à remarquer qu'une expression dictée par l'esprit humain, conduit généralement à des pensées purement humaines, si même elle n'en tire pas son origine. Une très large part de l'abandon de la vérité par l'église professante peut être attribuée au fait que l'homme a substitué ses propres phrases à celles dont s'était servi l'Esprit Saint. Satan n'a pas de prime abord introduit des vues erronées, mais bien des mots susceptibles de différentes interprétations, ou bien il a employé dans un autre sens les paroles dont Dieu se sert, atteignant ainsi petit à petit son but, qui était de faire perdre de vue la vraie portée des mots, ou d'en introduire qui annihilaient la vérité.

Les saints ne se réunissent pas le jour du Seigneur dans le but de témoigner de leur caractère d'enfants de Dieu, mais comme reconnaissant le Christ Jésus leur Seigneur. Ils se souviennent de Lui, ils annoncent sa mort jusqu'à son retour. Ils adorent le Père en présentant Christ. Ils se rassemblent à Son nom maintenant par la foi, ainsi qu'ils le feront bientôt autour de sa Personne dans la gloire. C'est la cène du Seigneur, et la table du Seigneur. Sans doute Dieu est notre Père, mais la relation se rapporte plutôt à nos besoins qu'à notre culte. C'est comme notre Dieu que nous, ses saints, ADORONS le Père; c'est comme notre Père que nous, ses enfants, le prions et le louons, Lui exposant nos besoins et nous reposant en son amour. Mais ceci n'est point le caractère du culte à la table du Seigneur, et je crois qu'avec quelque intelligence on ne s'écarterait pas de l'exactitude du terme. Toutefois comme le coeur peut être en règle même avec peu d'intelligence, je ne serais pas trop sévère à l'égard du terme «la table du Père», quoique ne pouvant pas m'en servir moi-même. Seulement, ainsi que je viens de le dire, si Satan peut nous amener à nous servir de nos propres expressions, il nous amènera bientôt aussi à leur donner le sens qu'il veut y mettre — c'est ce qui est arrivé dans ce cas-ci. L'unité réalisée de la famille, la douceur de l'amour fraternel, et autres choses semblables, ont sans doute conduit des chrétiens à parler de la table du Père sans que personne objectât à l'expression. La relation existait et l'amour également. Mais l'amour usurpa bientôt la place de Christ et ce terme fut alors employé sciemment par Mr N., je n'en doute pas (car j'ai vu la même chose à Jersey et élevé les mêmes objections que maintenant, sans toutefois soupçonner alors le mal manifesté plus tard en rapport avec ce terme).

Mais revenons à l'importance actuelle de la question. Si c'est la table du Père, aucun enfant ne peut en exclure un autre enfant. Sans doute le Père le pourrait, mais seulement le Père, quels que pussent être les sentiments des enfants. Si un frère ou une sœur — dans les relations naturelles — voulait exclure un individu de la famille notoirement mauvais, et que le Père choisit de lui laisser sa place à table, quel enfant oserait le contredire? Appliquons ceci à la famille de Dieu. Je puis m'affliger de la conduite de mon frère, refuser de m'identifier avec lui et de le reconnaître en particulier, mais force m'est de le rencontrer à la table du Père, à moins de m'en exclure moi-même. Vous direz: «Mais la sainteté de la table demeurerait la même». Non, parce que dans ce cas le Père a lui-même en mains toute la discipline. Il ne nous donne pas le droit de faire plus que des remontrances, d'avertir ou de reprendre, en sorte que vous n'avez aucun pouvoir de retrancher de la communion pour quoi que ce soit. Dieu pourrait intervenir en jugement, frapper de mort ou de maladie, mais vous ne pourriez rien faire. «Pas même dans la puissance du Saint Esprit?» demandera-t-on. Non. Il n'est pas ici pour gouverner la famille, mais pour agir dans l'Eglise, le corps.

Mais si c'est la table du Seigneur, alors nous avons une autorité qui nous est donnée par le Seigneur. Nous nous rassemblons en son Nom, le Saint Esprit agissant pour Lui, et il nous est ordonné de conserver pure l'habitation de Dieu, — non pas de tenir la famille en ordre. — Je ne suis pas chargé d'agir de la part du Père, mais de la part du Seigneur. La relation de famille, si elle existe, n'est pas atteinte par le péché, c'est une question de vie, non de manifestation. L'Eglise est ici comme témoin pour Christ, comme épître de Christ, ce qui doit manifestement le représenter collectivement. C'est pourquoi, lorsque Christ était déshonoré, on a pu nous demander: «Quel droit avons-nous de nous séparer de chers enfants de Dieu, de les exclure de la table du Père?» Même dans la famille, le déshonneur jeté sur Christ ne peut être réprimé que par le Père, mais dans l'Eglise, quant à ce qui regarde la communion, la relation manifeste et extérieure, toute atteinte à l'honneur de Christ, la détruit, ne nous laissant pas une Personne autour de laquelle nous rassembler, car par la foi nous ne pouvons nous rassembler qu'autour de «Dieu manifesté en chair».

Si la table était celle du Père, ce ne serait certes pas une raison pour y recevoir quelqu'un ayant déshonoré Christ. Je veux seulement dire que le droit d'exclusion ne nous appartiendrait pas; Dieu ne l'a pas donné. Il n'est donc pas question ici de l'horreur qu'inspire à Dieu le mépris de son Fils, mais il s'agit de savoir s'il nous a donné, oui ou non, le droit d'agir. Au point de vue de l'une des relations, oui, au point de vue de l'autre, non, et personne ne doit oser agir sans autorité positive et sans la puissance pour le faire.