Matthieu 13

 ME 1901 page 427

 

Il est rare qu'un chapitre de la Parole soit assez isolé pour que l'on puisse en donner l'exégèse, sans tenir compte de la liaison avec ce qui précède et avec ce qui suit. Il y en a qui contiennent un seul sujet assez développé pour qu'on puisse le considérer séparément. Parfois même un seul verset présente quelque trait du précieux Sauveur qui peut suffire aux méditations de bien des heures bénies, Mais pour expliquer les idées qui se présentent dans un chapitre, il faut toujours le considérer en rapport avec les choses auxquelles il fait suite selon l'intention du Saint Esprit. C'est ce que j'essaierai de faire par rapport au chapitre qui nous occupe.

On peut appeler cet évangile de Matthieu l'Evangile du royaume. C'est-à-dire qu'il raconte l'histoire et les discours de Christ spécialement en vue de l'établissement du royaume des cieux. Ce chapitre 13 nous révèle les mystères du royaume.

Voyons dans quelle position la révélation du royaume se trouvait quand le Seigneur l'a prononcé; en d'autres termes, quelles étaient ses relations avec le peuple juif dans ce moment-là.

Dans ce but, repassons un peu le contenu de cet évangile.

Dans le premier chapitre, nous trouvons, selon le modèle de la Genèse, des Nombres et des Chroniques, la généalogie de la race royale et les deux grandes souches auxquelles les promesses se rattachaient et desquelles descendait Christ: David et Abraham.

Les promesses étaient faites à la semence de l'un et de l'autre. La conception miraculeuse de Jésus, selon les prédictions de l'Ecriture, est ensuite racontée. Puis il nous est parlé de sa naissance royale, sujet de frayeur pour Hérode, qui jouissait de la royauté juive, et de témoignage et de joie jusqu'aux bouts de la terre. Sa fuite en Egypte et son retour, et, dans toutes ces circonstances, l'accomplissement des prophéties est constaté.

Dans le chapitre suivant, l'approche du royaume des cieux est annoncée. Le prophète avertit le peuple de la colère à venir, laquelle il fallait fuir, de la cognée qui est mise à la racine des arbres; puis il annonce que Dieu cherchait des fruits, et qu'il serait inutile de se vanter d'être enfant d'Abraham si l'on n'en produisait point. — Jésus se soumet à la condition des Juifs et reçoit en même temps le témoignage qu'il est le Fils de Dieu; son assujettissement et son humiliation, et là-dessus le témoignage rendu, et rendu à lui-même, de la gloire de sa personne, sont ici profondément instructifs.

Au chapitre 4, Jésus, identifié en humiliation avec les Juifs et reconnu Fils de Dieu par le Père, subit la tentation de l'ennemi qui doit être vaincu et lié, comme l'homme fort, si l'on veut piller ses biens; tentation appropriée aux circonstances où le Messie se trouvait. Satan cherche à détourner le Seigneur du chemin de l'obéissance en le poussant à user de sa gloire ou à la prendre selon sa volonté et comme soumis à Satan lui-même: par ses besoins naturels, la faim; par ses privilèges, c'est-à-dire les promesses qui lui avaient été faites (ses privilèges judaïques ou de Messie, selon le Psaume 91); et par la gloire dans le monde, gloire qu'il possédera effectivement plus tard de la part de Dieu, savoir tous les royaumes du monde; et tout cela en l'engageant à sortir du chemin de l'obéissance dans lequel il était entré. Mais en vain. Alors Jésus commence, après que Jean fut mis en prison, à prêcher l'approche du royaume, sa demeure dans l'endroit désigné en Esaïe 8, donnant lieu à la distinction prédite, entre les dernières afflictions des Juifs et toutes celles qui précédaient l'apparition de la lumière du Messie (*). Il prêche l'Evangile du royaume, et confirme sa doctrine, et rend témoignage à la glorieuse vérité de sa présence par des miracles de bonté qui proclamaient la visitation du Dieu d'Israël.

(*) Lorsque Satan ne peut réussir à soustraire le fidèle au chemin de l'obéissance, il commence à agir sur les adversaires et à les pousser à l'opposition et à la persécution. Jésus se retire devant cette réjection ainsi commencée et, par ce moyen, il se trouve le centre de lumière et de bénédiction, au milieu de la détresse d'Israël, selon le passage cité.

L'attention des multitudes étant ainsi attirée, il explique les principes du royaume et les conséquences du témoignage qui devait Lui être rendu.

Remarquez qu'il ne s'agit pas ici de rédemption. Il n'en est pas question. Il y a la spiritualité de plusieurs parties de la loi, ou plutôt l'application faite par Jésus de ses ordonnances au coeur comme aux actes, et l'introduction du nom du Père comme motif, principe et modèle de conduite. Israël est ici comme en chemin, en danger d'être livré au juge s'il ne s'accorde pas avec sa partie adverse. C'est la lumière du ciel qui luit sur la pratique des hommes, par le moyen de Celui qui est venu du ciel.

Au chapitre 9, il continue à travailler personnellement au ministère du royaume. Reconnu comme Fils de David par des aveugles, et reçu avec admiration par les masses, il est accusé par la jalousie des pharisiens de chasser les démons par le prince des démons; mais le temps de la grâce envers ce pauvre peuple n'est pas encore fini. Quand Jésus voit les troupes, il en a compassion; c'était comme des brebis sans berger; et, chapitre 10, il envoie ses disciples à ses brebis perdues de la maison d'Israël, pour leur annoncer que le royaume s'était approché: préfiguration, pour ainsi dire, de la transmission de ce ministère à ses disciples, quand Lui-même aurait été rejeté. Mais il ne s'agit que d'Israël. Ils ne devaient pas aller dans le chemin des gentils. Toutefois, à cause de cette mission générale, le Seigneur, dans ses directions et dans ses encouragements, s'exprime d'une manière qui peut leur servir de guide dans toutes les circonstances où ils pourraient se trouver, soit dans leur mission actuelle, soit pendant son absence de cette terre; mais il n'envisage leur mission que comme une mission envers Israël, soit alors, soit même aux derniers temps. Ils n'auraient pas parcouru les villes d'Israël que le Fils de l'homme serait venu. La prise de Jérusalem a suspendu cela, jusqu'à ce que Dieu reprenne ses travaux envers Israël.

Chapitre 11. — Le Seigneur, en reprenant les travaux de sa charité, repasse, à l'occasion de l'arrivée des disciples de Jean, toute l'histoire de cette oeuvre parmi les Juifs. Jean-Baptiste lui-même prend la place d'un disciple au lieu de celle d'un prophète, et le Seigneur lui rend témoignage au lieu d'en recevoir un de lui. Le royaume des cieux, au lieu d'être établi en puissance, étant rejeté, est envahi par la violence seule à travers les difficultés et l'opposition de l'homme; car les Juifs, soit que l'on ait chanté des airs lugubres, soit que l'on ait joué de la flûte, n'ont pas répondu au témoignage de Dieu. La réjection de Jésus, réjection qu'il accepte avec une entière soumission, est expliquée par ceci, que le Père seul pouvait connaître le Fils, et le Fils seul révéler le Père. Le Messie disparaît, pour ainsi dire, dans cette gloire trop pure pour que l'homme la reçut. Mais la grâce ne fait que rejaillir d'autant plus, et toutes choses ayant été confiées au Fils, il ne s'agit pas seulement du Messie des Juifs: il invite tous ceux qui sont chargés et travaillés à venir à Lui. C'est un chapitre du plus haut intérêt.

Là-dessus (au 12e chapitre), le Seigneur rompt décidément avec les Juifs. Il est Seigneur du sabbat donné comme signe de l'alliance avec eux, Seigneur en grâce, toutefois Seigneur.

Les pharisiens cherchent à le détruire. Il se cache et la lumière des gentils commence à poindre dans le témoignage de Dieu. Reconnu de nouveau par un peuple étonné pour être le Fils de David, les pharisiens mettent le sceau à leur iniquité et à leur condamnation en attribuant de nouveau ses oeuvres à la puissance du prince des démons. Là-dessus Jésus prononce leur jugement: le blasphème contre le Saint Esprit n'est pas pardonné. Le signe demandé par la génération perverse lui est refusé; il ne lui en sera pas donné d'autre que le signe du prophète Jonas. Les gens de Ninive et la reine du Midi même les condamneront, et enfin l'esprit impur, qui était sorti de ce peuple, y rentrera avec d'autres plus méchants, et son dernier état sera pire que le premier (*). Voilà la fin de la génération qui avait rejeté le Sauveur. Là-dessus il repousse les liens naturels qui l'unissaient comme Messie selon la chair à ce peuple, et ne reconnaît d'autres relations que l'obéissance à son Père.

(*) Je crois que ceci sera vérifié dans l'idolâtrie des Juifs sous l'Antichrist, aux derniers temps.

Cette récapitulation rapide du contenu des douze premiers chapitres, nous fera voir l'importance de la position du chapitre 13, auquel nous sommes maintenant arrivés et qui doit nous occuper plus particulièrement. Il est basé sur le rejet du Fils de l'homme, du Messie, par la propre justice d'Israël, et, de fait sur le jugement porté sur ce dernier à la suite de cette réjection de l'héritier des promesses.

C'est pourquoi, s'adressant ce même jour aux multitudes, Jésus se présente comme ne cherchant plus du fruit. Il ne s'agissait plus de sa vigne ou de son figuier. Il sème, il est semeur. Il ne trouve rien, il apporte avec Lui ce qui peut germer par sa grâce et produire du fruit. Il distingue complètement ses disciples: il leur est donné de comprendre les mystères du royaume des cieux; c'est ce qui n'est pas donné aux multitudes, dont le coeur est engraissé. Il leur parle en paraboles, lumière précieuse pour le résidu conduit de Dieu; ténèbres pour le peuple conduit par leur propre aveuglement.

Ici donc, le Seigneur prend la position d'un semeur, et la Parole tombe çà et là sur toute espèce de terrain. Mais ayant pris ce caractère, il ne s'agit pas seulement du Juif (là on aurait cherché du fruit), mais en principe de quiconque entendait la Parole. Toutefois, nous n'avons pas ici l'unité de l'Eglise, corps de Christ, dans le ciel, mais l'oeuvre sur la terre, et puis après cela, les formes que prenait le royaume, et le jugement qui s'y rapportait sur la terre. Je ne veux pas dire que les conséquences de cela n'aillent pas plus loin, mais c'est là le sujet de ce chapitre. C'étaient des semailles, parce qu'il n'y avait rien. Chaque individu qui entendait, portait du fruit selon le terrain où la semence tombait. Car ici nous avons, non pas les secrets de l'efficace de la grâce de Dieu, mais la responsabilité de l'homme, et les effets extérieurs qui se trouveraient à la suite de l'oeuvre faite dans ce monde. Aussi la Parole était là Parole du royaume, le témoignage rendu aux droits de Christ par la grâce de Dieu, la proclamation de l'établissement de l'autorité de Dieu sur la terre, en grâce peut-être, mais exigeant la soumission de l'homme. Le royaume, ainsi proclamé, avait un caractère moral, parce que c'était le royaume de Dieu, ayant des promesses précieuses et une sûreté qui était de tout prix. Mais, en même temps, c'était le royaume des cieux, dont l'autorité devait s'établir sur la terre, le gouvernement de Dieu ici-bas, et son oeuvre en vue de ce gouvernement, et non pas l'Eglise unie à Christ dans le ciel. Toutefois, dans cette première parabole, le Seigneur ne donne pas une similitude du royaume des cieux, quoique la Parole fût la Parole du royaume, parce qu'il s'agit, non pas des effets et des résultats de la semence dans son ensemble, sous l'administration de Dieu, mais du fait de la semence et du résultat individuel, selon le terrain dans lequel la semence tombait. Quant à l'oeuvre du semeur la chose s'individualisait. Le résultat serait un ensemble qui exigerait bien un triage, mais qui, néanmoins, était un ensemble en attendant. L'oeuvre n'adoptait pas le corps des Juifs comme base, ne reconnaissait pas l'ancienne vigne. On semait et chaque grain, pour ainsi dire, avait telle ou telle conséquence dans le coeur où il tombait. C'était là un point important dans l'oeuvre, soit dans la prédication du royaume: l'individualité et la responsabilité individuelle (*).

(*) C'est un principe que le papisme détruit complètement en mettant l'Eglise et la réception de son autorité avant la réception de la Parole sous la responsabilité individuelle, tout en laissant, au bout du compte, à chacun son fardeau; c'est l'Eglise faisant la guerre à Dieu, et non pas le fruit de la bénédiction à laquelle l'homme est appelé.

Principe, du reste, toujours vrai, mais que l'oeuvre même faisait ressortir; qui était à la racine de l'oeuvre, parce que Dieu et l'homme étaient pleinement manifestés. Il ne s'agissait pas seulement du gouvernement d'un peuple; mais le premier principe, le fondement du christianisme, serait que chacun porterait son propre fardeau. La grâce unit ceux qui ont bien reçu cette semence, car la vie est commune et l'Esprit est un; mais chacun reçoit pour lui-même, et ne saurait se soustraire à sa propre responsabilité à cet égard, responsabilité qui se rapporte non pas seulement à la moralité de sa conduite comme homme, mais à la réception du témoignage que l'activité de l'amour de Dieu vient répandre comme de la semence parmi les hommes, sur les coeurs. Le principe de responsabilité individuelle était toujours vrai pour le jugement éternel, et doit l'être si Dieu est juge. Il jugera chacun; toutefois ce n'était pas le principe sur lequel le système juif était basé ici-bas; mais lors de la réjection du Messie par ce peuple, ce principe était mis en évidence et se rattachait à la seule chose qui restât à Dieu comme moyen de relation avec les hommes, savoir le témoignage de son amour et la révélation de ses droits sur le coeur.

Je n'entre pas en beaucoup de détails quant à cette première parabole, non pas qu'elle manque d'importance, tant s'en faut, mais seulement parce que je pense qu'elle a dû être si souvent traitée en public et en particulier devant ceux qui liront ces pages, qu'il n'est guère nécessaire de le faire. La seule chose que je rappellerai ici, c'est que ce qui nous est présenté n'est pas l'explication doctrinale des sources du bien, mais l'oeuvre actuelle et son résultat actuel selon la responsabilité de l'homme; les faits du nouveau système et non pas les conseils de Dieu.

Ce qui distingue le bon terrain, quant à la réception de la Parole, c'est qu'un homme comprend la Parole; dans le cas contraire, proprement dit, il ne la comprend pas; dans les deux autres, il y a de l'apparence, mais point de fruit: ici, c'est du fruit seul que l'on tient compte.

Jusqu'ici nous avons seulement la Parole du royaume. Dans les six paraboles qui suivent, nous avons des similitudes du royaume même; c'est-à-dire les formes qu'il prend, lors de la réjection du Roi sur la terre et à la suite des semailles de la Parole.

Ces paraboles se distinguent assez pour en former deux divisions, savoir les trois premières et les trois dernières avec l'explication de la première. Les unes sont adressées aux multitudes, les autres aux disciples en particulier. Les premières nous donnent l'apparence extérieure de ce royaume dans le monde, son état tel que le monde le voit, sans énoncer absolument le jugement de Dieu sur cet état. C'est de l'histoire. Les dernières nous donnent les pensées et les intentions de Dieu dans le royaume qui existe ici-bas, et le résultat de cet ensemble extérieur. L'efficacité de la grâce n'est jamais touchée dans ce chapitre; c'est une histoire et non pas une explication de doctrine (*).

(*) Dans les trois premières, c'est le résultat actuel de la semence dans ce monde. Dans les trois dernières, c'est le puissant motif qui gouvernait le coeur de celui qui était conduit par ce motif selon le secret de Dieu.

On remarquera que nous y trouvons comme en tant d'autres occasions, quand l'Esprit veut nous donner quelque ensemble général des pensées de Dieu, le nombre parfait de sept, divisé même, comme cela a lieu d'ordinaire, en 4 et 3: quatre paraboles adressées aux foules, et trois aux disciples.

J'ai dit que les trois premières paraboles nous présentent le dehors, l'aspect du royaume du côté du monde; mais cela n'empêche pas l'homme spirituel de discerner les principes qui y opèrent, ni de porter sur cet état le jugement de Dieu; au contraire, c'est ce qu'il doit faire toujours pour bien marcher selon la sagesse de Dieu.

Toutefois, je m'occuperai essentiellement de l'explication de ce qui est présenté dans la parabole même.

La première idée, qui nous est donnée du royaume dépeint dans ces mystères, c'est une oeuvre faite par quelqu'un dans un champ qui lui appartient; mais tout ce qu'il y fait maintenant, c'est d'y semer de bonne semence. L'oeuvre qu'il a faite peut être gâtée dans son ensemble, dans le champ, quoique la semence ne puisse pas être altérée, et c'est ce qui est arrivé.

Pendant que les hommes dorment, l'ennemi de celui qui a semé la bonne semence et à qui le champ appartient, vient semer de l'ivraie, et le champ, dans la beauté de sa récolte, est gâté. Le maître du champ laisse les deux choses porter leurs propres fruits. Celui à qui le champ appartenait avait fait son oeuvre; l'ennemi la sienne, pendant que les hommes dormaient, puis il s'en alla, lui aussi; le résultat en fut un triste mélange dans le monde, dont on pourrait accuser le propriétaire du champ; mais la chose étant manifestée dans ses résultats (car elle avait été faite en cachette), les serviteurs la reconnaissent lorsqu'elle devient publique. Le maître explique à ses serviteurs qui se retirent vers lui et reçoivent de lui leur intelligence, que c'est l'oeuvre de l'ennemi, et que la récolte, quant à ce monde, restera gâtée. Lors de la moisson, il y portera remède, c'est-à-dire lors du jugement qui distinguera dans le champ entre les bons et les méchants. Ce n'était pas l'oeuvre des serviteurs de détruire l'ivraie. Ils n'étaient pas les exécuteurs du jugement dans ce monde, et le moment même n'en était pas venu.

Le royaume ne s'établissant que par des semailles ici-bas pendant l'absence du Roi, et non pas en puissance et par conséquent par le jugement, la confusion qui en résultait devait être le triste caractère du royaume jusqu'à ce qu'il s'établit en puissance et que le jugement mit fin au désordre que Satan avait produit.

Comparez ici la manière dont le Seigneur nous présente ses voies à l'égard de cette semence, en Marc 4: 26. — Le royaume de Dieu est comme si un homme, après avoir jeté de la semence dans la terre, dormait et se levait de nuit et de jour, et que la semence germât et crût, sans qu'il sache comment; car la terre produit d'elle-même premièrement l'herbe, ensuite l'épi, et puis le plein froment dans l'épi, et quand le blé est mûr on y met incessamment la faucille, parce que la moisson est prête.

Tant que le mélange existe et que le blé n'est pas mûr le jugement ne s'exerce pas; car s'il s'exerçait, il pourrait arracher du monde le blé non mûri.

On a voulu confondre tout ceci avec la discipline de l'Eglise; ce n'est nullement le même sujet: il ne s'agit pas de l'Eglise ni de la discipline, mais du royaume et du jugement à exercer sur le mal que Satan a introduit au milieu du bon grain (*).

 (*) Mon but n'est pas la controverse, mais l'explication des paraboles; cependant je dois ajouter un mot sur la force d'une interprétation souvent donnée à celle-ci.

Qu'un mélange de chrétiens avec le monde existe, c'est un fait. On se prévaut de cette parabole pour le justifier ou au moins pour dire que l'on ne peut pas arracher l'ivraie de l'Eglise ou exercer la discipline. Dans l'Eglise-monde, d'accord; mais, premièrement, si l'on s'en sert pour dire que ce système Eglise-monde est bon (car son existence est admise comme un fait), alors c'est vouloir, comme chrétien, réduire l'idée de l'Eglise ici-bas à l'état auquel Satan l'a réduite de fait. C'en est assez pour me convaincre que celui qui a la gloire de Christ à coeur, ne peut pas se laisser diriger un instant par une telle pensée. De plus, quand je trouve que tout cela est mauvais, je ne commence pas par arracher l'ivraie de ce système mauvais, c'est ce que ceux qui y restent et cherchent à le purifier voudraient faire; je quitte, non pas le champ, le ne le puis pas, car le champ c'est le monde; mais le mal que je faisais moi-même, je cesse de le faire; je suis toujours blé dans le champ où l'ivraie se trouve; je n'ai pas touché l'ivraie, mais, comme chrétien, j'ai rectifié individuellement ma conduite à certains égards, et, par le fait même, je suis séparé de ceux qui le font encore. Si je puis me réunir en paix avec d'autres pour trouver la présence de Jésus selon sa promesse, tant mieux; c'est une grande bénédiction; mais je n'entre pas ici sur ce terrain; mon but n'est que d'éclaircir l'explication de la parabole, en écartant ce qui n'est que pur sophisme.

Quant à la discipline proprement dite, elle s'exerce toujours sur du blé et dans le but non pas d'arracher mais de guérir, et même de restaurer ici-bas si cela est possible. L'incestueux a été livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que son esprit fût sauvé au jour du Seigneur. En résultat, il fut restauré ici-bas, parce qu'il se repentit. Ce n'est pas mon intention de poursuivre ce sujet, mais les paraboles. J'y ai fait allusion seulement pour dire qu'il n'y a pas une idée commune aux deux sujets. On peut faire remarquer ici aussi comment le Seigneur envisage le royaume et tout ce qui s'y trouve, comme un seul tout, depuis son commencement jusqu'à sa fin.

Enfin, ce qui nous est révélé, c'est que, ce que Satan a fait là où Christ avait semé les enfants du royaume, c'est-à-dire cet état de choses sur la terre, doit rester jusqu'à la moisson. L'ivraie, ce n'est pas simplement des hommes inconvertis, ce sont des personnes que Satan a introduites sous la forme du christianisme, pour gâter la récolte de Dieu sur la terre, là où le christianisme avait été introduit. Ce n'était pas l'Eglise dans le ciel, ce n'étaient pas les églises rassemblées dans de certaines localités; ces idées ne se trouvent pas ici. Ce sont les enfants du royaume envisagés comme étant dans ce monde des plantes de Dieu, mais qui se trouvent là où Satan a pu semer les siens. Le résultat, en apparence déshonorant pour le maître du champ, est expliqué pour celui qui apprend de Lui. Le jugement l'expliquera à celui qui ne veut pas se laisser enseigner.

Quant au jugement la parabole dit qu'il y a un temps de moisson, et non pas seulement la moisson. Dans ce temps-là l'ivraie est premièrement ramassée et liée en faisceaux pour être brûlée, le froment est mis dans le grenier (*).

(*) L'enlèvement de l'Eglise appartient à ce siècle, à la moisson, à la fin, mais à ce siècle, quant à son époque. Elle paraîtra dans un autre siècle.

En général le jugement ou la moisson, telle qu'elle est présentée dans la parabole même, ne va pas au delà de ce qui se manifeste dans ce monde. L'ivraie est ramassée pour être brûlée, voilà tout; c'est ce qui est propre à la terre. La seule chose qui dépasse ce qui est extérieur ici-bas, c'est le fait que le froment est recueilli dans le grenier. C'est un fait négatif, il n'est plus du champ: ce qu'il devient dans le grenier ne paraît pas ici. Dieu intervient par les moissonneurs pour lier en faisceaux l'ivraie (non pas les païens ou inconvertis comme tels, mais ces méchants de la chrétienté, de l'endroit, du moins, où la bonne semence a été semée) et il ôte les siens entièrement de la scène.

La condition naturelle de l'ivraie est détruite, mais elle n'est pas ôtée du champ. Voilà le résultat dans ce monde, champ qui appartient à Christ, des semailles qu'il y a faites.

La seconde parabole nous présente le royaume pendant cette période: un petit grain de semence au commencement, il devient une grande puissance sur la terre, en sorte que l'on cherche sa protection, qu'on s'abrite sous ses branches.

Pour l'explication de ce symbole, comparez Ezéchiel 31, aussi 17: 23; Daniel 4: 10, 12, 14.

La troisième parabole nous présente le royaume non pas dans sa puissance extérieure séculière, mais comme principe ou doctrine qui se propage et s'empare entièrement de ce qui est soumis à son influence. Ici il ne s'agit ni du coeur ni du monde, mais du royaume établi dans ce monde. L'idée de l'autorité de Christ, son nom, devaient se propager. Une certaine mesure déterminée est soumise à son influence et entièrement remplie de la profession du nom de Christ. Je vois ici que la chose dont il est directement question est l'existence générale, en de certaines limites, de la profession extérieure de la doctrine ou du nom de Christ. Ces paraboles, me semble-t-il, ne s'occupent pas du bien spirituel, et leur but n'est pas non plus de présenter le mauvais côté de ce qui est arrivé. Comme nous avons dit, elles sont historiques. Un discernement spirituel, nourri et développé par d'autres passages, me fait voir qu'une puissance séculière semblable à Nebucadnetsar ou à l'Assyrien n'est pas une bonne chose, quand il s'agit de ce que Christ a établi et de ma position spirituelle; mais ici cela nous est présenté comme un fait historique: le royaume devait devenir tel.

Le mot levain, en général, ne présente pas l'idée d'une bonne chose à celui qui est familier avec les Ecritures; mais le but de la parabole est d'annoncer le fait de l'existence générale de la profession extérieure du nom de Christ, en laissant le jugement de ce qui existe ainsi au discernement spirituel de l'enfant de Dieu.

Nous en venons maintenant aux explications données aux disciples, et aux paraboles qui étaient pour leurs oreilles seules.

Ici la semence n'est pas proprement la Parole; ce sont les enfants du royaume, introduits dans le monde par Christ, qui tiennent leur vie, leur existence morale de Lui. Nous semons la Parole; mais ici le grand fait, c'est que le Fils de l'homme introduit les siens dans le monde, c'est une oeuvre qu'il commence. La vigne rejetée, il ne cherche pas dans le monde ce qui ne se trouvait pas en Israël. Il introduit, mais dans le monde, les siens, parce qu'il en avait fini, pour le moment du moins, avec Israël. Quand il a fait cela, Satan fait de même, actif en mal, là où le bien a été fait.

Israël, peuple de Dieu, est devenu méchant; mené par le prince de ce monde, il rejette son Sauveur, son Messie. Là-dessus, Dieu étant actif en bien dans le monde, Satan se jette dans une activité hostile pour en gâter le résultat ici-bas; c'est tout ce qu'il peut faire. Mais le jugement s'y applique. La moisson est la fin de ce siècle, les moissonneurs sont les anges; car il s'agit ici du gouvernement de ce monde par Dieu. Quant à l'expression de ce siècle, on a été habitué à l'appliquer à l'Eglise; or il n'est pas question de l'Eglise ici, mais de l'introduction du royaume des cieux, le Messie étant rejeté des Juifs. Quel était le siècle où le Seigneur se trouvait avec ses disciples? Etait-ce l'Eglise ou l'économie de l'Eglise? Nullement, c'était un certain siècle de ce monde qui aurait dû se terminer par la réception du Messie et par son gouvernement, remplaçant la loi comme régime.

Le peuple d'Israël ayant rejeté le Seigneur, ce siècle devient purement et simplement ce présent siècle mauvais, duquel Christ nous délivre, mais durant lequel Dieu a établi son royaume en la manière dont nous venons de parler. La consommation du siècle est suspendue pendant que ces choses ont lieu, mais elle arrive enfin. Alors le Fils de l'homme (car il s'agit du monde, non pas des Juifs et de leur Messie seulement) nettoiera son royaume de tous les scandales et de ceux qui commettent l'iniquité et ils seront jetés dans la fournaise de feu. Voilà le jugement de tout ce qui est contraire à la gloire de Christ, quand il l'exécutera. Mais ici il est vu comme chef du gouvernement providentiel de Dieu, non pas comme l'Epoux qui vient chercher l'Epouse, ni comme le Roi qui veut régner en Israël ou sur les gentils dans des relations immédiates. C'est le Fils de l'homme, chef suprême de l'administration de Dieu, qui envoie les anges de sa puissance pour vider son royaume, longtemps souillé par la présence des enfants du malin, de tout ce qui l'offense (*). C'est un acte de sa propre puissance, comme agissant d'en haut; ce ne sont pas les serviteurs qui le feront. Il envoie ses propres messagers pour rassembler l'ivraie et la jeter dans le feu. Il n'entre pas en personne dans le royaume terrestre déjà établi. Il agit comme d'en haut par ses messagers, et les justes ne sont pas établis et bénis dans le royaume corrompu, mais ils luisent comme le soleil dans le royaume de leur Père (**).

(*) Le premier acte ici regarde les méchants, l'ivraie. Dans le cas du filet, la première chose est de séparer les bons. Dans le cas de l'ivraie, c'est le dehors du gouvernement dans le monde, le résultat actuel; dans les dernières paraboles, ce sont les motifs et le discernement spirituel, quoique le jugement arrive ensuite.

(**) Les justes luisant comme le soleil, cela nous fait comprendre pourquoi ces paraboles s'appliquent en même temps à Christ et aux croyants. Lui abandonne sa gloire terrestre, méprise la honte et endure la croix, en vue de la joie qui Lui était proposée; mais ceci nécessairement implique l'Eglise vue en gloire selon les conseils de Dieu: les justes luiront. Nous voyons cette gloire qui est nôtre dans le soleil auquel nous serons semblables. Dans les deux cas, c'est la gloire. «La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée»; de sorte que Lui, tout en la voyant pour lui-même, abandonne toute sa gloire juive et même personnelle, dans un certain sens, comme de droit, pour y amener l'Eglise; en un mot, il l'abandonne pour l'Eglise. Nous, tout en voyant cette gloire comme nôtre, nous la voyons en Christ; et ainsi, en appliquant la parabole, on peut dire: Jésus l'a fait pour l'Eglise comme son trésor; nous le faisons pour Christ comme notre trésor. Le conseil de Dieu est que nous soyons ensemble dans cette gloire.

Tel est le résultat de la souillure du royaume souillé par l'oeuvre de l'ennemi; le jugement est la réponse à l'absence de tout jugement dans le royaume entre les semailles et la moisson. Ce n'est ni la joie de l'Eglise, ni l'établissement du trône du jugement sur la terre, mais la purification du royaume, l'idée générale du gouvernement d'en haut. Les serviteurs avaient pensé à rétablir ici-bas, en arrachant les méchants du monde, l'ordre de choses qui s'y trouvait au commencement, pour que le champ fût selon l'intention de celui qui avait semé; ou en d'autres termes qu'il fût une représentation juste de son travail et de sa pensée; mais ce n'était pas là ce qui devait être: cela ne se pouvait plus.

Dans l'interprétation de la parabole une révélation est ajoutée, c'est que les justes (et il me semble que cela ne se borne pas nécessairement à ceux qui avaient vécu depuis les semailles, du royaume) luiront alors comme le soleil dans le royaume du Père. Voilà pourquoi il ne s'agissait pas en attendant de purifier le champ ici-bas. Dieu avait de meilleurs conseils à notre égard. Cette révélation appartient aux disciples. Le reste était le gouvernement public de Dieu, intelligible, ou qui aurait dû l'être, à un Juif.

Les paraboles qui suivent nous donnent plutôt les secrets du royaume ne regardant que les initiés, les disciples. Ce n'était plus le dehors appliqué aux multitudes qui l'entouraient. Dans ce qui était dit aux multitudes, tout se passait dans le monde, c'est-à-dire dans le champ, sauf le seul fait que le bon grain en serait ôté et caché dans le grenier. Tout était proprement de ce siècle, à moins que l'on ne veuille en excepter l'existence du grenier. Dans l'explication de cette première parabole, le Seigneur dépasse ce qu'il avait dit, et nous fait voir l'effroyable résultat du jugement de l'ivraie dans les pleurs et les grincements de dents; puis il lève le rideau de l'autre côté, et les justes luisent comme le soleil dans le royaume de leur Père. Mais ceci jette une toute nouvelle lumière sur le principe du royaume; c'est un motif d'action, là où cette révélation est comprise, et l'on agit selon l'intelligence de ce but de Dieu.

Il ne s'agit plus de comprendre les rapports entre l'ancien système et les formes qu'il prenait lors de la réjection de Christ, ou à cause de l'état stérile de la vigne, mais de saisir le résultat des conseils de Dieu qui allaient beaucoup plus loin. Il y avait là de quoi dominer le coeur. Nous avons vu précédemment les résultats ici-bas des semailles, le fait du mélange et de la séparation, et à la suite de cela la forme que prenait le royaume dans le monde; ici nous avons la révélation aux disciples du résultat en dehors du monde, et par conséquent le motif qui devait diriger celui qui était intelligent dans le royaume, enfin l'intelligence qui savait agir dans ces circonstances même de confusion où le royaume se trouvait, et non pas seulement le fait de cette confusion dans le monde. Cela explique l'ordre des paraboles. Dans les deux cas, l'historique pour la multitude donne les semailles et le jugement divin à la fin (c'est tout ce qui regarde la multitude), et après cela les grands faits historiques: l'arbre et le levain.

Mais ici nous avons le motif qui gouverne et fait agir celui qui a l'intention de Christ, tout premièrement Christ lui-même et nous par son Esprit, en vue de ce qui a été révélé du dedans du voile, puis la séparation intelligente quand le filet est plein. Ce ne sont pas des semailles qui aboutissent à ce qui est laissé ensemble jusqu'à ce que Dieu agisse; c'est une activité intelligente et motivée, basée sur la découverte d'une chose cachée ou sur le discernement et la recherche d'une beauté appréciée, qui vaut bien l'abnégation de tout, ou sur le besoin d'avoir séparés et ainsi réunis ensemble ceux qui faisaient le but unique de tout le travail, et qui précédemment avaient été mêlés dans le filet avec ce qui ne valait rien pour les pêcheurs.

L'un présente le dehors, sur lequel Dieu agira sans doute à la fin, mais qui, comme tableau, est laissé dans son ensemble devant les yeux du monde: un grand arbre, un levain qui fait lever toute la pâte. L'autre, l'intelligence et l'activité de l'Esprit de Christ, qui sacrifie tout et discerne les choses excellentes pour les acquérir en se défaisant de tout le reste.

Maintenant le principe général des deux premières paraboles de cette seconde série basées, comme nous l'avons dit, sur la révélation de la gloire des justes faite dans l'explication de la première parabole de la série précédente, c'est l'énergie qui renonce à tout, à cause de la découverte de ce qui est d'un prix inestimable pour l'âme. Ce n'était pas là le caractère du royaume, s'il eût été établi parmi les Juifs; il y avait des principes et une conduite qui lui eussent convenu: son autorité aurait été exercée pour maintenir le bien et la justice, et un grand bonheur aurait été le fruit de son établissement. Mais une fois rejeté par ceux qui en étaient les enfants, le royaume n'était plus de ce monde, et l'on a dû renoncer à tout pour le posséder, selon la découverte faite de la joie et de la gloire qui appartenaient aux fidèles dans le royaume de leur Père. Cette gloire fait renoncer à tout pour la posséder selon les conseils de Dieu dont on a fait la découverte dans la révélation de ce trésor, l'Eglise proprement dite. Christ lui-même a fait cela et même de deux manières. Il a renoncé à tout, s'est anéanti pour accomplir cette oeuvre et acheter l'Eglise. Or, de quel prix pour lui-même et pour Dieu l'Eglise, ainsi amenée à la gloire devant Lui, a dû être, pour qu'il quittât la gloire de son Père, son sein, pour avoir et ramener cette Eglise avec Lui! En effet, c'est parce qu'elle était infiniment précieuse au Père, et qu'il a voulu l'avoir devant Lui sainte et irrépréhensible, que le Fils, selon son amour pour le Père, s'est donné pour elle, le Père Lui ayant confié cette oeuvre et l'Eglise elle-même, afin qu'il la ramenât à Lui; car si le Père aime le Fils et Lui a confié toutes choses, de même le Fils a donné sa vie, afin que le monde sache qu'il aime le Père et que, comme le Père Lui avait donné commandement, ainsi il fait. Car il est venu faire la volonté de son Père. Mais, comme héritier du royaume, chef légitime et parfait, selon Dieu, des Juifs, peuple de Dieu et héritiers des promesses selon la chair, il a dû renoncer à tout cela, à cette position d'exaltation unique. Il a pu pleurer sur Jérusalem dont il aurait si souvent voulu rassembler les enfants. Il pouvait apprécier ce qu'il y avait de glorieux dans cette position. Il pouvait sentir toute la force de ces mots: «Parce que, après m'avoir haut élevé, tu m'as jeté par terre». Toutefois, pour la joie de posséder l'Eglise, cette belle et précieuse création du Père en grâce et en lumière, ce joyau de la lumière de Dieu, cette expression des pensées du Père en grâce, témoin dans les siècles à venir, et parce qu'elle en est le reflet, de la grâce qu'elle a reçue; — pour la joie, dis-je, qui s'attachait à la découverte de ce trésor qui n'était pas du monde mais de Dieu dans la lumière, il a renoncé à tout ce qu'il avait parmi les Juifs, il a considéré tout le reste comme n'étant rien. Répondant parfaitement à la pensée de Dieu son Père, en vue de ce qui était l'objet glorieux de l'affection divine, une création non pas en dehors de Lui comme Créateur mais qu'il voulait avoir devant Lui, selon sa nature qu'il lui avait communiquée — Christ s'est anéanti, il est vrai, mais n'en répondait pas moins, ou plutôt répondait d'autant plus à toute la pensée du Père, abandonnant tout pour l'accomplissement de Sa volonté et pour la possession de ce trésor.

Ainsi le royaume prend ce caractère. C'est en Christ que nous voyons ce reflet de la nature du Père, car il est non seulement par grâce (une grâce créatrice et communicative) mais essentiellement le reflet et l'image de la gloire du Dieu invisible; il en est la manifestation morale en toutes choses et, de plus, en tant que toute la divinité habite en Lui corporellement. Ainsi nous aussi, pour le Christ glorifié devant le Père, en vue de cette gloire que nous aurons avec Lui, quand nous Lui serons semblables en le voyant tel qu'il est, mais que nous voyons en Lui dès à présent, nous aussi nous renonçons à tout maintenant (comparez Philippiens 3: 7, 8). C'est Christ qui nous en a donné l'exemple par dévouement à son Père. Paul n'était qu'un faible imitateur de Celui qui l'inspirait et lui avait fourni le modèle parfait de ce dévouement. Mais alors Christ, tout en renonçant à sa gloire et à ses droits terrestres, ne pouvait pas encore posséder l'Eglise toute pure et glorieuse comme étant à Lui en propre. Il lui faut la prendre dans le monde, mais cela ne l'arrête pas. Il l'y place et achète tout le champ. Ce trésor est son but et suffit pour l'engager à prendre tout le champ; car il ne s'agit pas ici du gouvernement bienfaisant qui sera établi sur le monde, quand les jugements qui l'auront purifié auront été exécutés, mais de quelque chose qu'il prend à cause du trésor qu'il y a caché. Ailleurs, dans les prophètes, nous voyons toutes les bénédictions qui découleront de son règne (l'Eglise, la nouvelle Jérusalem, étant déjà glorifiée, de sorte que les nations marcheront à sa lumière), bénédictions qui seront l'effet de l'administration publique du royaume du Fils de l'homme. Mais ici, nous avons les mystères de ce royaume présentés à l'intelligence spirituelle.

Mais avant tout remarquons-le ici: se trouvent ces révélations des secrets du royaume, cette joie qui suffit pour faire renoncer celui qui la possède à tout ce qu'il a, qui lui fait sentir que tout est perte au prix de cette gloire? , ce discernement qui sait assez reconnaître la beauté de la perle de grand prix, pour comprendre que l'on gagne tout en renonçant à tout? ce discernement qui fait que la réflexion, l'intelligence spirituelle qui sait juger de tout, comprend que garder quelque autre chose n'est qu'un empêchement à posséder ce que cette intelligence divine goûte et apprécie, et se décide ainsi en pleine connaissance de cause? Le choix est fait, la nature qui cherche des perles a trouvé la perle qui lui va. Où se font, dis-je, ces révélations, qui réveillent et satisfont cette nature divine? Dans la maison; elles étaient faites à des disciples qui avaient suivi Jésus, qui s'étaient attachés à Lui. Ils le suivaient déjà, ils le suivaient à part; et c'est à part qu'ils ont reçu ce qui lui appartenait, Lui-même étant mis à part du monde. La multitude ne reçoit pas ces choses.

Venons-en à l'application ou plutôt à l'explication suivie de la parabole du trésor caché dans le champ.

Nous avons ici la pensée secrète de Dieu. Il ne s'agit pas proprement du dehors du royaume, mais de la pensée intime de celui qui y agit.

Christ lui-même a pris à Lui un champ, mais, pour celui qui comprend sa pensée, est-ce que ce champ est son but en le prenant maintenant? Non, c'est le trésor qui est là-dedans. C'est là ce qui remplit son coeur et qui a été le mobile de ce qu'il a fait. Dieu Lui a donné pouvoir sur tous les hommes, afin qu'il donnât la vie éternelle à tous ceux que le Père lui avait donnés. Je ne veux pas dire par là que tous les hommes soient le champ, mais montrer comment il peut y avoir deux pensées dans les conseils de Dieu.

Dans le royaume des cieux un champ a été acquis. En apparence peut-être, le champ est l'objet que l'acheteur a eu en vue. Christ a le droit de possession sur ce champ, son autorité devrait y être reconnue, puisqu'il l'a acquis; mais la joie de son coeur, son but en tout cela, c'est le trésor (l'Eglise) qui y est caché. Ce qui a été acquis par Christ et qui lui appartient visiblement là où son nom est reconnu extérieurement dans ces temps des mystères du royaume, ce qui est de droit à Lui et que l'intelligence de l'homme pourrait reconnaître comme l'acquisition qu'il a faite, ce qui est comme un champ qu'un homme a acquis, n'est pas ce qu'il a à coeur; car il pense à un trésor qu'il y a caché. C'est la forme qu'a prise le royaume.

Il ne peut pas encore posséder l'Eglise toute pure, transportée chez lui dans le ciel pour qu'elle règne avec Lui. En attendant, elle est dans le monde et le royaume prend le caractère d'un ensemble qui, en apparence et de droit, est une autorité, une possession qui appartient à Christ, mais dont le secret et le vrai but n'est connu que de ceux qui ont la pensée de Christ.

Il a pris ce champ pour avoir le trésor (*), mais c'est ce trésor tout pur, tel qu'il le connaît, qu'il a à coeur. Le ministère de Pierre ne distinguait guère les deux, quoique lui et tous les saints d'alors fissent partie du trésor acquis. Paul ne nous parle presque que du trésor. Pierre avait les clefs du royaume. Paul fut converti par la doctrine de l'union de Christ et de l'Eglise, attachée à Lui en gloire; il ne connaissait pas Christ selon la chair.

(*) Quoique le grand principe de tout abandonner pour Christ soit vrai (et nous en avons parlé), on ne peut pas appliquer le détail de cette parabole à l'histoire d'une âme; elle n'est jamais appelée à acheter quelque chose pour avoir le trésor, Christ, mais à chercher à n'avoir rien que Lui. De fait, dans l'histoire des âmes, quelque chose de semblable arrive souvent, c'est-à-dire que l'on embrasse le christianisme, le vrai christianisme, avec une joie qui prend tout d'une manière grossière, pour ainsi dire. L'âme possède, en effet, le vrai trésor, mais n'a pas du tout discerné encore toute la beauté de cette perle unique. La joie devient alors en apparence plus modérée, mais le discernement spirituel des pensées de Dieu est beaucoup plus réel et plus avancé.

Voilà ce que ses disciples doivent comprendre, quand ils voient ce qui est comme une possession acquise à Christ, ce qui Lui appartient. Ses disciples devraient comprendre quel est le vrai objet de son coeur et bien distinguer entre le champ et le trésor qu'il contient, quoique le trésor ou l'Eglise, étant pour le moment caché dans le champ, l'administration du gouvernement de Dieu prenne cette forme extérieure (*).

(*) Tout ceci ne touche pas la question de la conduite ni du devoir du fidèle dans ces circonstances. La parabole ne fait que présenter les pensées de Dieu quant aux faits. Voilà la forme que prendrait le royaume ou plutôt une figure qui le représente. Le champ acquis est une pensée très abstraite; on est toujours en danger de la confondre avec l'état actuel des choses, tandis que la parabole ne présente que le principe. J'ai cherché à éviter ce piège, je ne sais si j'ai réussi. En principe, Christ a acheté le monde, l'Eglise y est; de fait, son autorité ne s'étend même qu'à une très petite partie du monde, et une partie, autrefois soumise, est soustraite même de nom à son autorité; mais la parabole ne touche nullement toutes ces choses. Elle ne donne que le principe, savoir qu'il y a le trésor caché qui n'était pas même acheté mais trouvé, et une chose extérieure est achetée, pour l'amour de ce trésor, ainsi nécessairement et de fait caché là; que le trésor soit tout ensemble ou dispersé pièce par pièce, ce n'est pas la question ici. L'acheteur prend le tout tel quel pour avoir le trésor, Les délices qu'il trouve dans ses beautés (de l'Eglise) font l'objet de la parabole suivante. Ici, c'est le fait du champ acheté en gros pour posséder le trésor qui lui était cher. Il ne s'agit pas non plus de l'établissement de l'autorité de Christ en bénédiction dans ce monde, ni de sa joie dans la délivrance de la création même. Cela viendra dans le siècle à venir, quand il ne s'agira plus des mystères du royaume. Ce mystère de Dieu sera fini; les résultats naturels du règne du Sauveur seront manifestés, de même la beauté de l'Eglise sera manifestée en haut, et sa gloire luira partout.

En outre, le royaume des cieux est semblable à un marchand qui cherche de belles perles.

Ici, nous voyons le Seigneur estimant, selon son discernement parfait, la beauté morale de ce qu'il voulait avoir à tout prix pour Lui-même. Il ne s'agit pas seulement de la joie de posséder un trésor, mais de distinguer et d'apprécier le trésor qu'il cherchait et que Lui était à même d'apprécier et de distinguer d'avec tout autre. Ainsi l'Esprit de Christ, dans sa véritable action, ne s'arrête définitivement que sur l'Eglise, non pas seulement dans la joie de la possession, ni dans celle d'accomplir le salut en la rachetant, mais dans l'accomplissement de toutes les pensées de Dieu, de toute la beauté morale qui a sa source dans le coeur de Dieu et se reproduit pour Lui dans cette Eglise, qu'il a donnée à Christ. L'épître aux Ephésiens nous présente spécialement cette pensée: le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ nous a élus en Christ avant la fondation du monde, afin que nous soyons saints et irréprochables devant Lui en amour. C'est se reproduire en grâce. Et quelle est la vocation suivant laquelle il nous faut marcher? C'est quennous sommes l'habitation de Dieu par l'Esprit. Il nous a donné une place qui est à la louange de la gloire de sa grâce.

Plus on examine cette épître en comprenant la pensée de Dieu qui s'y trouve, plus on y verra la perle qui est de grand prix pour le marchand seul capable de l'estimer. La répétition de l'emphatique expression Lui-même, sa propre volonté, etc., que l'on trouve dans le grec (*), donnera encore plus de force à cette observation. Or, quelles pensées devrions-nous avoir, mes frères, d'une telle vocation de l'Eglise, et de l'Eglise elle-même, placée devant Dieu telle qu'il veut l'avoir devant Lui-même, trouvant sa satisfaction et retrouvant ses propres pensées en elle pour qu'elle soit les délices de Celui qui est Lui-même la seule source de ce qui peut Lui convenir, et qu'elle soit propre à être toujours devant Lui! Mais pour la recevoir, pour la donner à Christ, il a dû la faire telle. Quelle pensée pour nous! Pour que nous en jouissions, il nous a donné l'Esprit, son propre Esprit (comparez Ephésiens 3: 16, 21; voyez aussi 1 Jean 4: 13; dans ce dernier passage, il s'agit de l'individu, de son état et de la démonstration pratique qui en résulte). Mais il est encore une autre idée à faire ressortir qui explique l'état du royaume; c'est que Christ s'est dépouillé de tout pour posséder ce trésor. Où est sa gloire, sa royauté, son jugement, sa puissance? Le royaume n'a aucun de ces caractères; mais nous, disciples, nous connaissons Christ qui, étant riche, est devenu pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis. Il est caché en Dieu. L'épître aux Ephésiens parle des conseils de Dieu à notre égard, de ces conseils si précieux pour nous.

(*) Je donne ces expressions ici, selon leur force dans le grec: «Ainsi qu'il nous a choisis en Lui avant la fondation du monde, afin que nous soyons saints et irrépréhensibles devant Lui-même en amour, nous ayant prédestinés à l'adoption à Lui-même par Jésus Christ, à la louange de la gloire de sa propre grâce». Puis, verset 9: «Nous ayant fait connaître le mystère de sa propre volonté selon son propre bon plaisir qu'il s'est proposé en Lui-même», et, verset 11, «le conseil de sa propre volonté».

Ici, nous avons la même idée, mais l'idée du royaume perdue dans celle de la grâce. Christ aime le trésor, il apprécie les perles. Il est Lui-même non le reflet seulement, mais la parfaite expression de ce qu'était le Père. Il sait se présenter à Lui-même l'Eglise sans tache, ni ride, ni rien de semblable. La perle est dans sa pensée avant qu'il la trouve comme objet de son affection. Mais alors il se présente ici comme un homme qui trouve, non comme Dieu qui crée et qui est la source de la beauté de l'objet trouvé, comme ses pensées en sont le prototype, de la beauté qui convient à celui qui trouve et à celui qui crée. Bien que l'Eglise soit de Dieu dans son existence et sa beauté, il faut aussi tenir compte de ce que le Christ a fait selon les conseils de Dieu, selon la plénitude de son désir et des délices qu'il éprouve dans ces conseils, Il se dévoue à cela et se dépouille de tout pour avoir l'Eglise, telle qu'elle est selon la pensée de Dieu; et pour le disciple intelligent, le royaume prend ce caractère. C'est le trésor de Christ dans ce monde, dans le champ qu'il achète; c'est la perle toute pure, de quelque coquille qu'elle soit sortie, qui répond à tout ce que son coeur cherche.

Jusqu'à présent nous avons le discernement spirituel, pour comprendre le principe qui caractérise le royaume dans la pensée de Christ, et sur lequel, par conséquent, le fidèle agit aussi selon la mesure de son intelligence. Mais il y a, de plus, une séparation actuelle des éléments qui se trouvent mêlés là-dedans.

Effectivement, le filet a rassemblé de la mer des peuples, toutes sortes de personnes. Quand le filet est rempli, ceux qui l'ont tiré, les pêcheurs, s'asseyent sur le rivage; ils rassemblent les bons dans des vaisseaux et jettent de côté les mauvais.

Ici arrêtons-nous un moment, car des principes importants se présentent à nos réflexions.

Les pêcheurs s'occupent des bons; ils les mettent dans des vaisseaux. Ils rejettent et laissent de côté seulement les mauvais: voilà l'effet de l'intelligence du pêcheur. Quel est son objet? de quoi s'occupe-t-il? Des bons. Pour les avoir selon son désir et son but, il faut qu'il rejette, en passant, les autres; mais ce n'est que pour avoir les bons. Sauf dans ce but, il ne s'en occupe pas; ce n'est pas son affaire: ils sont un embarras pour lui. Le filet n'a pas été jeté pour cela. Il rassemble les bons dans des vaisseaux; leur destination finale n'est pas son affaire non plus; c'est à lui à les prendre et à les rassembler dans ces vaisseaux à part. Voilà en quoi se montrent sa capacité, sa diligence et le succès de ses travaux. L'intelligence du maître s'y trouve. Sans cela il ne peut le faire. Tout ceci est adressé exclusivement à l'intelligence spirituelle, à défaut de laquelle on ne peut pas comprendre ces instructions.

Mais il y a une oeuvre dont les effets seront nécessairement intelligibles, et comme nous avons dans l'explication de la parabole de l'ivraie, le fait additionnel de la gloire des justes dans une autre sphère, fait qui faisait comprendre en bien la négligence qui paraissait avoir lieu dans le gouvernement du royaume; ainsi, dans l'explication du filet, nous avons un fait qui n'est pas dans la parabole, savoir le jugement des méchants.

Les anges sortiront, à la consommation du siècle, et sépareront les méchants d'entre les justes (ils ne s'occupent pas des justes ici comme faisaient les pêcheurs), et ils les jetteront dans la fournaise de feu où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Il est très évident que c'est un procédé tout autre que ce qui est raconté dans la parabole, et qui va au delà de ce qu'elle contient. Il ne s'agit pas non plus du filet seulement: c'est une séparation générale et définitive des méchants d'avec les justes de ce temps-là. Les pêcheurs ne s'occupaient que de ce qu'il y avait dans leur filet et du bon qui s'y trouvait. Les anges, à la fin du siècle, séparent les chants; c'est une oeuvre générale; et dans ce monde, où ils se trouvent mélangés, ce ne sont pas les anges non plus qui ont affaire avec le filet. Les deux choses, remarquez-le bien, se font dans ce monde. Il ne s'agit pas de séparer les bons et les méchants dans le ciel. Il ne s'agit pas non plus du grand trône blanc, mais de la fin de ce siècle. Les bons, qui se trouvent dans le filet, seront séparés et mis dans des vaisseaux par ceux qui l'ont tiré, selon leur intelligence des bons et des mauvais; puis les anges prendront les mauvais dans ce monde et les sépareront d'avec les justes qui se trouveront là, ils jetteront les premiers dans la fournaise de feu. Ce n'était pas là l'affaire des pêcheurs. Mais les deux choses se font dans le monde à la fin du siècle. Les anges ne s'occupent des bons que pour les laisser; tandis que les pêcheurs s'occupent des bons pour en disposer en rejetant et laissant là les mauvais.

Les disciples ici sont censés comprendre toutes ces choses; le Seigneur les considère ainsi: ce sont les sages, les instruits de Daniel. C'est pourquoi, dit-il, tout scribe instruit dans le royaume des cieux, est semblable à un maître de maison, qui tire de son trésor des choses vieilles et des choses nouvelles. Nous voyons, par ces paroles, le caractère des instructions, qu'il vient de donner: il ne s'agit pas de l'Eglise en tant qu'Eglise. Sans doute, ses disciples en firent partie plus tard; mais ce n'est pas sous ce point de vue qu'il les envisage. Il s'agit de l'application des instructions sur le royaume des cieux aux connaissances acquises comme scribes dans l'Ancien Testament. Il ne s'agit pas du mystère caché et révélé par le Saint Esprit aux apôtres et prophètes; mais de la lumière jetée par le royaume et ses mystères sur les promesses et le gouvernement de Dieu, qu'un scribe aurait trouvés dans la loi et les prophètes. Il y avait des choses nouvelles, mais elles se rattachaient aux anciennes; elles ne les mettaient pas de côté. Paul eût-il connu Christ selon la chair, ne le connaît plus ainsi. Dans son cas, il s'agissait des choses purement célestes, de Christ seul. Il reconnaît bien, en certains épisodes, ce qui a rapport aux choses anciennes comme affaire de raisonnement, mais quant à son service direct, il ne les connaît plus.

Ayant achevé ce que j'avais à dire sur ce chapitre, je m'arrête. D'autres pourront probablement ajouter beaucoup à ce que je vous ai communiqué. Le germe de l'infini est toujours dans chaque passage de la Parole. Je ne vous présente qu'une explication générale; mais je ne doute pas que ce que je vous envoie ne soit de Dieu, mêlé assurément avec de l'imperfection, mais de Dieu.


Appendice

Il est des personnes qui pensent qu'il y a un ordre historique dans ces paraboles, ordre que je vais indiquer sans commentaire, comme une idée sur laquelle chaque frère portera un jugement selon les lumières qu'il possède. Premièrement, le fait général des semailles de la Parole, commencées par Jésus lui-même; puis, comme nous avons vu, le commencement des mystères du royaume: le Fils de l'homme sème la bonne semence, l'ennemi y fait son oeuvre. Premier résultat: la puissance hiérarchique ou ecclésiastico-séculière dans le monde. Second résultat: la doctrine chrétienne, de nom, est un levain qui ne fait que corrompre toute la pâte. Puis vient la découverte, que c'est le trésor caché dans ce champ qui est précieux; ceux qui ont de l'intelligence spirituelle distinguent ce trésor, quoiqu'il soit caché dans le champ; ce serait là la doctrine augustinienne et protestante d'une Eglise invisible; mais à la suite de cela, il y a l'intelligence de la beauté et de la pureté qui conviennent à ce trésor, et elles sont recherchées par ceux qui sont conduits par l'Esprit de Christ. Enfin, il y a la séparation pratique des bons poissons, mis dans des vaisseaux par ceux qui y travaillent. Voilà l'idée; chaque chrétien, je le répète, en jugera selon sa capacité spirituelle. Quoi qu'il en soit, il reste encore quelque chose à dire sur le grand arbre et le levain, par rapport à ce que le jugement spirituel peut y discerner. La différence entre ce qui est dépeint dans ces paraboles et ce qui est dit dans les trois dernières, est assez remarquable. Il n'y a ici aucune trace d'affection spirituelle, ni de goût pour les choses divines, ni de discernement entre le bien et le mal.

L'affection de l'Esprit manque entièrement, et même elle est perdue. Je dis perdue, parce qu'au commencement les serviteurs distinguaient entre le bon grain et l'ivraie, et parfaitement bien, et s'étonnaient de trouver de l'ivraie dans un champ que leur maître avait semé, quoique ce ne fût pas à eux d'exécuter le jugement sur l'ivraie. Ils s'en occupaient auprès du maître, tenant au bien-être du champ qui lui appartenait, mais le champ ne pouvait être purifié que par le jugement. N'as-tu pas (voilà leur question) semé de bonne semence dans ton champ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie? Plus tard, l'intelligence spirituelle discerne que le champ n'est qu'un objet secondaire, tout en reconnaissant qu'il était acheté; elle cherche la perle pure et précieuse, et même sépare en des vaisseaux les bons poissons. Mais ici, ce n'est pas cela, c'est un tableau d'un résultat sombre, mondain et extérieur: l'attachement aux intérêts de Christ manque; c'est un dehors, un état commun où rien ne se voit que ce que le monde peut voir. Ce n'est pas à dire qu'il n'y eût pas des enfants de Dieu cachés dans ce système, ou qui en fussent séparés; mais l'Esprit de Dieu n'en tient pas compte dans ces paraboles, ni d'aucune spiritualité qui les discerne ou qui distingue entre ce qui est agréable à Christ dans son royaume, ou le contraire: ce qui résulte de l'oeuvre est entièrement semblable au monde. On ne saurait les distinguer: c'est un grand arbre, symbole, dans toute la Parole, de la puissance et de l'orgueil humains, objets du jugement de Dieu.

C'est seulement lorsque le Christ rétablira son royaume en puissance que ce royaume deviendra un grand arbre sur la terre selon les conseils de Dieu en justice. (voyez Ezéchiel 17: 22-24). En attendant, la chose arrive, mais, comme nous l'avons vu, avec une absence totale de discernement spirituel, qui contraste avec ce qui précède et ce qui suit. Même remarque sur le levain qui n'est pas la puissance extérieure et mondaine; c'est la diffusion universelle, dans certaines limites, d'une doctrine. Ici, il faut remarquer que ce n'est pas le Fils de l'homme qui sème de bonne semence; cette idée est perdue: c'est l'état du royaume qui sera semblable au résultat de l'acte d'une femme qui agit ainsi. Aussi il ne se trouve ici aucune distinction quelconque entre la semence du Fils de l'homme et l'oeuvre de l'ennemi. S'il y a de la bonne semence, elle est entièrement méconnue. Que cette distinction eût été faite par les serviteurs de Christ, c'est ce que la parabole du bon grain et de l'ivraie nous démontre; mais toute apparence en est perdue: on ne peut pas dire que tout est bon, car l'ivraie doit croître jusqu'à la moisson. Tout discernement du Saint Esprit est donc absolument exclu de cet état de choses; tout vrai témoignage à l'oeuvre de Dieu perdu; car on ne peut pas dire que tout est bon; c'est ce qui serait le témoignage selon le coeur de Dieu. Toute distinction entre le bon et le mauvais est détruite; c'est une masse, de sorte que ce témoignage à la différence du bien et du mal est perdu aussi; ainsi le mal sous le nom de Christ est ce qui se présente comme une masse uniforme.

Je ne veux pas dire ici que le Saint Esprit ait eu pour but de présenter cette idée à la multitude. J'ai déjà dit que ces paraboles parlent du dehors, de l'aspect extérieur du royaume, mais celui qui étudie la Parole juge, selon l'intention de Christ, de ce qui est présenté, et jusqu'à quel point cet état de choses répond à cette intention; il juge avec discernement spirituel ce qui est ainsi présenté au monde. C'est là ce qui distingue le vrai chrétien: l'homme spirituel discerne toutes choses. Il ne pense pas que la masse sera changée, parce que l'homme spirituel discerne et aime le bien; mais l'état de la masse ne le gouverne pas; il sait, pour lui-même, que, partout ailleurs, le grand arbre est le symbole de l'homme exalté. Devrait-il l'être avant l'apparition de Christ? Il sait que le levain, partout ailleurs, est le symbole de ce qui est mauvais. L'histoire de la chrétienté n'a-t-elle pas fourni ce qui répond assez à un tel symbole? S'il en est ainsi, c'est ce qui, selon le Seigneur, caractérise l'état du royaume. Dans ce cas-là le chrétien, que doit-il faire? Doit-il se contenter d'afficher un tel témoignage comme étant celui de Christ?