Lettre à Monsieur B., rédacteur du «français» - Darby J.N.

L'un des Rédacteurs du «Français», journal catholique, avait demandé à l'écrivain de ces pages des renseignements sur «les frères, leur doctrine», etc. L'auteur s'exprime ainsi dans une lettre à un ami: «Je lui ai communiqué en toute simplicité ce qu'il m'a demandé. Il s'avouait catholique et dévoué au catholicisme. Sa lettre était simple et honnête. Je lui ai répondu en chrétien…» Et un peu plus loin: «J'ai senti que ma part était d'être chrétien, là comme ailleurs».

ME 1902 page 401

1878

Cher Monsieur,

Ma réponse à la lettre que vous avez eu la bonté de m'adresser, a été retardée par des occupations continuelles qui ne m'ont laissé aucun loisir. Je n'éprouve point de difficulté à vous communiquer quelles sont mes croyances, mais un journal public n'est guère la place où ma plume aimerait à s'employer. Je crois que la vocation chrétienne est une vocation céleste, que le chrétien n'est pas du monde, comme son Maître ne l'est pas, et qu'il est placé ici-bas comme une épître de Christ, pour manifester la vie de Jésus au milieu des hommes, en attendant que le Seigneur vienne pour le prendre auprès de lui dans la gloire. Comme «Rédacteur du Français», vous comprenez bien que des articles rédigés pour insister sur de pareils principes, ne conviendraient guère à un journal politique. Or je ne vis que pour ces choses — vie faiblement réalisée, je suis tout prêt à le confesser — mais je ne vis que pour cela. Je vous communiquerai toutefois ce qui paraît vous intéresser, c'est-à-dire ce qui m'a amené, et d'autres avec moi, à prendre la position dans laquelle nous nous trouvons comme chrétiens.

Il est bon peut-être de dire premièrement, vu l'incrédulité qui se propage partout, que je tiens, et je puis ajouter que nous tenons fermement à tous les fondements de la foi chrétienne, à la divinité du Père, du Fils et du Saint Esprit, un seul Dieu, éternellement béni; — à la divinité et à l'humanité du Seigneur Jésus, deux natures dans une seule personne; — à sa résurrection, à sa glorification à la droite de Dieu; — à la présence du Saint Esprit ici-bas, descendu le jour de la Pentecôte; — au retour du Seigneur Jésus, selon sa promesse. Nous croyons encore que le Père, dans son amour, a envoyé le Fils pour accomplir l'oeuvre de la rédemption et de la grâce envers les hommes; — que le Fils est venu, dans ce même amour, pour l'accomplir, et qu'il a achevé l'oeuvre que le Père lui a donnée à faire sur la terre. Nous croyons qu'il a fait la propitiation pour nos péchés et qu'après l'avoir accomplie, il est remonté dans le ciel, Souverain Sacrificateur assis à la droite de la Majesté dans les hauts lieux.

D'autres vérités se rattachent à celles-ci, telles que la naissance miraculeuse du Sauveur qui a été absolument sans péché — et d'autres encore; mais mon but n'est pas, vous le comprendrez facilement, Monsieur, de faire ici un cours, ni un résumé de théologie, mais bien de faire comprendre que ce n'est nullement sur l'abandon des grands fondements de la foi chrétienne, que notre position s'est fondée. Quelqu'un qui nierait l'une ou l'autre de ces vérités fondamentales, ne serait pas reçu au milieu de nous et quelqu'un qui, étant au milieu de nous, viendrait à tenir quelque doctrine qui saperait l'une ou l'autre de ces mêmes vérités, nous l'exclurions, mais seulement après avoir épuisé tous les moyens propres à le ramener. Car bien que ce soient des dogmes, nous y tenons comme essentiels à la foi vivante et au salut, à la vie spirituelle et chrétienne, de laquelle nous vivons comme nés de Dieu.

Mais vous désirez, Monsieur, non seulement connaître les grandes vérités que d'autres croient comme nous, savoir aussi ce qui nous distingue.

Aussi, sans prétendre le moins du monde donner un cours de doctrine chrétienne sur les vérités que je viens d'indiquer, je tiens, mon coeur en a besoin, à les exposer comme base, reconnaissant pour vrais chrétiens et membres du corps de Christ tous ceux qui, par la grâce de Dieu et par l'opération du Saint Esprit qui leur a été donné, croient réellement à ces choses dans leurs âmes. Converti par la grâce de Dieu, j'ai passé six ou sept ans sous la férule de la loi, sentant que Christ était le seul Sauveur, mais ne pouvant pas dire que je le possédais, ni que je fusse sauvé par Lui — jeûnant, priant, faisant des aumônes, choses toujours bonnes quand elles sont faites spirituellement, mais ne possédant pas la paix, tout en sentant que si le Fils de Dieu s'était donné pour moi, je me devais à Lui, corps, âme et biens. Enfin Dieu me fit comprendre que j'étais en Christ, uni à Lui par le Saint Esprit: «En ce jour-là, vous connaîtrez que moi je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous,» (*) ce qui veut dire que, lorsque le Saint Esprit, le Consolateur, serait venu, les disciples sauraient ces choses. A cela se rattachaient d'autres vérités bénies et rassurantes: «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus (**)».

(*) Jean 14: 20. Nous donnons les citations en français. L'auteur les donne toutes en latin de la Vulgate (version de St-Jérôme accréditée dans le catholicisme), afin, dit-il en P.-S., qu'aucune question de traduction ne soit soulevée au sujet de quelque vérité importante.

(**) Romains 8: 1.

La promesse de l'Esprit est à tous ceux qui ont part à la rémission de leurs péchés, car «celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit avec lui (*)». Ainsi les chrétiens sont le temple de l'Esprit Saint: «Votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous (**)».

(*) 1 Corinthiens 6: 17. — (**) 1 Corinthiens 6: 19.

Il convient de dire qu'à cette époque la parole de Dieu devint pour moi une autorité absolue, pour la foi et pour la pratique, non que j'en eusse douté précédemment, mais elle l'était maintenant devenue comme conviction, enracinée par Dieu lui-même dans mon coeur. De cette manière, l'assurance du salut par l'oeuvre de Christ, la présence du Saint Esprit demeurant en nous, par lequel «ayant cru, nous avons été scellés pour le jour de la rédemption (*)»; le salut connu et possédé, et cette demeure du Saint Esprit nous en donnant l'assurance, constituent l'état normal du chrétien. Il n'est plus de ce monde, sauf à le traverser paisiblement en faisant la volonté de Dieu. Acheté à grand prix, il doit glorifier Dieu dans sa conduite.

(*) Ephésiens 1: 13, 14.

Ceci amena la pensée de l'Eglise et de son unité. Le corps de Christ se composait pour moi de ceux qui étaient unis par le Saint Esprit au Chef, Christ dans le ciel. Si nous étions assis dans les lieux célestes, dans le Christ («Et lorsque vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés… il nous a vivifiés ensemble avec le Christ, — vous êtes sauvés par la grâce (*)»), qu'attendions-nous encore? Que le Christ vînt pour nous placer de fait là-haut. «Je reviendrai», a dit le Seigneur, et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi (2*)». — «Notre bourgeoisie est dans les cieux, d'où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire (3*)». Nous avons été convertis «pour attendre des cieux son Fils (4*)».

(*) Ephésiens 2: 1, 5. — (2*) Jean 14: 3. — (3*) Philippiens 3: 20, 21. — (4*) 1 Thessaloniciens 1: 9, 10.

Donc la présence du Saint Esprit demeurant en lui, et l'attente du Seigneur, constituent l'état normal du chrétien. Mais tous ceux qui possèdent cet Esprit sont, par cela même, un seul corps: «Car aussi nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit, pour être un seul corps (*)». Or ce baptême a eu lieu le jour de la Pentecôte: «Vous serez baptisés de l'Esprit Saint dans peu de jours (**)».

(*) 1 Corinthiens 12: 13. — (**) Actes des Apôtres 1: 5.

Tous ceux qui m'entouraient n'en étaient pas là. Sans vouloir juger les individus, tout au moins n'en faisaient-ils pas profession, et il était facile, en lisant Actes 2 et 4, de voir combien nous étions éloignés de ce que Dieu avait établi sur la terre. Où chercher l'Eglise? J'abandonnai l'anglicanisme comme ne l'étant pas. Rome, au commencement de ma conversion, n'avait pas manqué d'attrait pour moi. Mais le dixième chapitre de l'épître aux Hébreux m'avait rendu la chose impossible: «Car, par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés… Or, là où il y a rémission de ces choses, il n'y a plus d'offrande pour le péché (*)». Et puis encore l'idée d'une sacrificature ici-bas, entre moi et Dieu, tandis que notre position, comme résultat de l'oeuvre de Christ, est que nous nous approchons directement de Dieu en toute confiance: «Ayant donc une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus… (**)».

(*) Hébreux 10: 14, 18. — (**) Hébreux 10: 19.

Je raconte, Monsieur; je ne fais pas de la controverse; mais la foi au salut accompli et, plus tard, la conscience que j'avais de le posséder, m'empêchaient de me tourner de ce côté-là; tandis que, ayant saisi l'unité du corps de Christ, les diverses sectes dissidentes ne m'attiraient pas non plus. Quant à l'unité à laquelle, nous le savons tous, Rome prétend, je trouvais tout en ruine. Les plus anciennes églises ne veulent rien d'elle, ni les protestants non plus, en sorte que la grande moitié de ceux qui font profession de christianisme sont en dehors de son giron. D'autre part, il ne s'agissait pas de chercher cette unité dans les sectes protestantes. Au reste, quelle que soit leur position ecclésiastique, la plupart de ceux qui se disent chrétiens sont du monde, comme un païen pouvait l'être.

Or le chapitre 12 de la 1re épître aux Corinthiens montre clairement qu'il y a eu une Eglise, formée sur la terre par la descente du Saint Esprit. «Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps (*)», et il est évident que cela a lieu sur la terre, car: «Vous êtes le corps de Christ, et ses membres, chacun en particulier (**)» En outre, l'apôtre parle de dons de guérison et de langues, choses qui ne s'appliquent qu'à l'état de l'Assemblée ici-bas.

(*) 1 Corinthiens 12: 13. — (**) 1 Corinthiens 12: 27.

L'assemblée de Dieu s'est donc formée sur la terre et aurait dû être toujours manifestée. Hélas! elle ne l'a pas été. D'abord, à l'égard des individus, le Seigneur l'a montré d'avance: «Le loup revit et disperse les brebis», mais, grâce à Dieu: «Personne ne les ravira de ma main (*)», dit le même Berger fidèle.

(*) Jean 10: 12, 28.

Mais ce n'est pas tout: l'apôtre Paul, en faisant ses adieux aux fidèles d'Asie, dit: «Je sais ceci, qu'après mon départ il entrera parmi vous des loups redoutables qui n'épargneront pas le troupeau; et il se lèvera d'entre vous des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux (*)». Jude déclare que déjà de son temps des hommes faux s'étaient glissés au milieu des chrétiens et, chose de toute importance, ils sont désignés comme étant l'objet du jugement du Seigneur quand il reviendra. «Certains hommes se sont glissés parmi les fidèles, inscrits jadis à l'avance pour le jugement, des impies…» et: «Le Seigneur est venu au milieu de ses saintes myriades pour exécuter le jugement contre tous (**) …» Ces hommes étaient des corrupteurs au dedans de l'Eglise, mais il y en aura qui abandonneront tout à fait la foi chrétienne: «Petits enfants», dit l'apôtre Jean, «c'est la dernière heure; et comme vous avez entendu que l'antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs antichrists, par quoi nous savons que c'est la dernière heure: ils sont sortis du milieu de nous (***) …»

(*) Actes des Apôtres 20: 29, 30. — (**) Jude 4, 15. — (***) 1 Jean 2: 18, 19.

Mais ce n'est pas tout encore. L'apôtre Paul nous dit: «Toutefois le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau: Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et: Que quiconque prononce le nom du Seigneur, se retire de l'iniquité. Or, dans une grande maison, il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais aussi de bois et de terre; et les uns à honneur, les autres à déshonneur. Si donc quelqu'un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, et préparé pour toute bonne œuvre (*)». Voilà l'Eglise; c'est une grande maison avec des vases de toute espèce, et un appel à l'homme fidèle pour qu'il se purifie des vases à déshonneur. Le chapitre suivant est encore plus précis: «Or sache ceci que, dans les derniers jours, il surviendra des temps fâcheux; car les hommes seront égoïstes, avares, vantards, orgueilleux, etc. (2*)» Ce sont, à peu de chose près, les mêmes termes dont il se sert, quand il accuse les païens de péché (3*), mais il ajoute ici: «Ayant la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance (4*)».

(*) 2 Timothée 2: 19-21. — (2*) 2 Timothée 3: 1-5. — (3*) Romains 1: 29-31.- (4*) 2 Timothée 3: 5.

 

 

Il nous avertit que «tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus, seront persécutés; mais que les hommes méchants et les imposteurs iront de mal en pis (*)». Mais il nous donne pour sûreté la connaissance de la personne de laquelle nous avons appris ce que nous croyons: c'est l'apôtre lui-même, avec les Ecritures, qui peuvent nous rendre sage à salut par la foi qui est dans le Christ Jésus. Il nous assure que «toute Ecriture est divinement inspirée et utile pour enseigner, pour convaincre, etc.» (**).

(*) 2 Timothée 3: 12, 13.  -  (**) 2 Timothée 3: 15, 16.

Mais nous avons aussi la preuve que le mal, entré dans l'Eglise, continuerait et ne se guérirait pas. «Le mystère d'iniquité», dit l'apôtre, «opère déjà; seulement celui qui retient maintenant, le fera jusqu'à ce qu'il soit loin. Et alors sera révélé l'inique, que le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et qu'il anéantira par l'apparition de sa venue (*)». Le mal qui opérait déjà du temps de l'apôtre devait donc continuer jusqu'à ce que le méchant lui-même fût révélé. Le Seigneur le détruira lors de sa venue, et bien qu'il ne soit pas parlé de l'Eglise proprement dite, la même chose nous est révélée à l'égard de la chrétienté, car nous apprenons que l'ivraie a été semée, là où le Seigneur avait semé le bon grain. Quand les serviteurs veulent arracher l'ivraie, le Seigneur le leur défend, en disant: «Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu'à la moisson (2*)». Le mal fait au royaume de Dieu devait rester dans le champ de ce monde jusqu'au jugement. Christ assemblera sans doute le bon grain dans son grenier, mais la récolte est gâtée ici-bas. Vous me direz: «Mais les portes de l'enfer ne doivent pas prévaloir contre ce que Christ a bâti». D'accord, et j'en bénis Dieu de tout mon coeur; mais il faut distinguer ici, comme le fait la Parole. Il y a d'un côté l'oeuvre de Christ, de l'autre, ce qui se fait par les hommes et sous leur responsabilité. Jamais l'ennemi ne détruira ce que Christ bâtit (nous parlons de l'Eglise de Dieu), ni ne prévaudra contre l'oeuvre du Seigneur. Quel que soit le mal qui s'est introduit, car on ne nie pas les hérésies, ni les schismes, l'oeuvre de Christ a subsisté et subsistera toujours; c'est la maison que nous trouvons en 1 Pierre 2, les pierres vivantes venant à Christ, comme à la pierre vivante, et bâties pour être une maison spirituelle. Je trouve aussi cette maison, en Ephésiens 2. «Vous êtes concitoyens des saints et gens de la maison de Dieu, ayant été édifiés sur le fondement des apôtres et prophètes, Jésus Christ lui-même étant la maîtresse pierre du coin, en qui tout l'édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur (3*)». Ici, c'est encore l'oeuvre du Seigneur lui-même, des pierres vivantes qui viennent, un édifice composé de saints, croissant pour être un temple qui n'est pas encore entièrement bâti.

(*) 2 Thessaloniciens 2: 7, 8. — (2*) Matthieu 13: 24-30. – (3*) Ephésiens 2: 19-21.

Mais, dans la parole de Dieu, la maison de Dieu sur la terre est envisagée aussi d'une autre manière. «Comme un sage architecte», dit l'apôtre Paul, «j'ai posé le fondement, et un autre édifie dessus… Si quelqu'un édifie sur ce fondement de l'or,… du foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera rendu manifeste, car le jour le fera connaître, parce qu'il est révélé en feu; et quel est l'ouvrage de chacun, le feu l'éprouvera». «Ne savez-vous pas», ajoute-t-il, «que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un corrompt le temple de Dieu, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint, et tels vous êtes (*)».

(*) 1 Corinthiens 3: 10-13, 16, 17.

Ici donc je trouve la responsabilité de l'homme et le jugement de son oeuvre; l'ensemble est appelé le temple de Dieu, et le jugement de Dieu commence par là, par sa maison, dit l'apôtre Pierre. Déjà du vivant de l'apôtre, le temps était venu pour cela (*), quoique la patience de Dieu, agissant en grâce, attendît encore. Je reconnais donc la responsabilité de la maison de Dieu, de la chrétienté tout entière. Ce que Christ lui-même bâtit est une chose, et le fruit de ses travaux ne se perdra pas; ce que bâtit l'homme responsable est autre chose. Au commencement, «le Seigneur ajoutait tous les jours à l'assemblée ceux qui devaient être sauvés (**)». Bientôt «les faux frères» s'y glissèrent, l'ivraie fut semée, et la maison fut remplie de toutes sortes de vases, dont la fidélité doit se purifier, et d'une forme de piété sans puissance dont on doit se détourner.

(*) 1 Pierre 4: 17. — (**) Actes des Apôtres 2: 47.

Voilà ce que la parole de Dieu nous présente historiquement et prophétiquement dans le Nouveau Testament; cette Parole, adressée par les docteurs aux fidèles, est notre ressource quand les temps périlleux surviennent, et, si cela était nécessaire, les faits ont vérifié tout ce qu'elle dit.

Que faire? La Parole nous déclare que là où deux ou trois sont assemblés au nom de Jésus, Il sera au milieu d'eux (*). C'est ce que nous avons fait. Nous n'étions que quatre pour le faire, non pas, je l'espère, dans un esprit d'orgueil ou de présomption, mais profondément affligés de voir l'état de ce qui nous entourait, priant pour tous les chrétiens et reconnaissant tous ceux qui possédaient l'Esprit de Dieu — tout vrai chrétien, où qu'il se trouvât ecclésiastiquement — comme membres du corps de Christ. Nous ne pensions pas, cher Monsieur, à autre chose qu'à satisfaire au besoin de nos âmes, selon la parole de Dieu, et nous ne pensions pas que cela pût aller plus loin. Nous avons ainsi trouvé la présence promise du Seigneur. Le salut par Christ a été prêché quand il y avait un don pour le faire. Les mêmes besoins ont fait suivre à d'autres le même chemin, et ainsi l'oeuvre s'est étendue d'une manière à laquelle nous ne pensions pas le moins du monde. Cela commença à Dublin, pour se répandre dans les Iles britanniques, en France, où un grand nombre de personnes, ouvertement incrédules, furent converties, en Suisse, où l'oeuvre avait commencé sur le Continent, en Allemagne, en Hollande, en Danemark où elle commence, en Suède où a lieu dans ce moment un grand mouvement religieux. La marche que nous suivons s'est assez répandue dans les colonies anglaises et plus récemment aux Etats-Unis, en Asie, en Afrique et ailleurs. L'Esprit de Dieu agit et produit des besoins d'âme auxquels les systèmes religieux n'offrent pas de réponse.

(*) Matthieu 18: 20.

En définitive, voici la position de ces frères qui se basent sur l'autorité de la parole de Dieu. Christ est vu, dans cette Parole, comme Sauveur, dans trois positions différentes: d'abord, comme accomplissant la rédemption sur la croix; puis, comme assis à la droite du Père, le Saint Esprit étant, là-dessus, envoyé ici-bas; enfin, comme revenant pour prendre les siens auprès de Lui. Ces chrétiens croient à ces choses, ont l'assurance de leur salut, ayant foi en l'efficace de cette rédemption, et étant scellés du Saint Esprit qui demeure en tout vrai chrétien, enfin ils attendent du ciel le Fils de Dieu, sans savoir quel est le moment de sa venue. «Nous n'avons pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte, mais nous avons reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions: Abba, père (*)!» Nous croyons à la promesse: «Je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, moi, vous, vous soyez aussi (**)». Une foi entière en l'efficace de la rédemption; le sceau de l'Esprit qui donne l'assurance du salut et la conscience d'être enfants de Dieu; l'attente du Seigneur… voilà ce qui caractérise ces chrétiens. Achetés à grand prix, ils sont tenus à se considérer comme n'appartenant plus à eux-mêmes, mais au Seigneur Jésus, pour Lui plaire en toutes choses et ne vivre que pour Lui.

(*) Romains 8: 15.— (**) Jean 14: 3.

Ce n'est pas dire, Monsieur, que nous marchions tous à la hauteur de la vocation céleste, mais nous en reconnaissons l'obligation. Si quelqu'un manque ouvertement à ce qui convient à un chrétien, en fait de moralité ou en ce qui concerne la foi, il est exclu. Nous nous abstenons des plaisirs et des amusements du monde. Si nous avons des soirées, c'est pour étudier la Parole et nous édifier ensemble. On ne se mêle pas de politique; on n'est pas du monde; on ne vote pas. On se soumet aux autorités établies, quelles qu'elles soient, à moins qu'elles n'ordonnent quelque chose d'expressément contraire à la volonté de Christ. Nous prenons la Cène tous les dimanches, et ceux qui ont des dons pour cela prêchent l'Evangile du salut aux pécheurs ou enseignent ceux qui croient. Chacun est tenu à chercher le salut ou le bien de son prochain selon la capacité que Dieu lui a départie. Sentant que la chrétienté s'est corrompue, nous sommes en dehors de l'église-monde, de quelque nom qu'elle se nomme. Quant au nombre de personnes qui marchent ainsi, je ne saurais vous le dire; nous ne nous comptons pas, désirant rester dans la petitesse qui convient aux chrétiens. Au reste, nous tenons comme frère en Christ chaque personne qui a l'Esprit de Christ.

Je ne sache pas que j'aie autre chose à vous présenter. J'ai presque honte, Monsieur, de vous avoir fait un si long exposé des principes qui gouvernent la marche des chrétiens en question. Nous ne reconnaissons que l'Eglise une, corps de Christ, ensuite maison de Dieu par l'Esprit.

Vous me demandez l'avantage de cette marche. L'obéissance à la parole de Dieu suffit pour nous décider. Obéir à Christ est le premier besoin de l'âme qui se sait sauvée par Lui, et même de toute âme le reconnaissant comme le Fils de Dieu, qui nous a tant aimés, et s'est donné pour nous. Mais de fait, en Lui obéissant, malgré des faiblesses, des fautes et des manquements que je reconnais pour mon compte, sa présence se manifeste à l'âme comme une source ineffable de joie, comme les arrhes d'un bonheur où les manquements, Son nom en soit béni, ne se trouveront plus, et où il sera pleinement glorifié dans tous les croyants.

Vous me direz que ces pages ne conviennent guère à un journal. J'en conviens, mais c'est que le courant de mes pensées ne s'y adapte guère. Je vous ai exposé en toute simplicité ce que vous m'avez demandé et aussi bien que j'ai pu le faire. Ayant dû reprendre mon travail plus d'une fois par suite d'interruptions inévitables, je crains bien qu'il ne contienne quelques répétitions. Veuillez les excuser et recevoir l'assurance de toute ma considération.

J.N.D.