La règle de vie (Ladrierre A.)

 ME 1903 page 461

 

La règle de vie (Ladrierre A.) 1

1. — La loi est-elle la règle de vie?. 1

2. — Quelle est donc la règle de vie pour le croyant?. 3

 

On a beaucoup discuté cette question: Quelle est la règle de vie pour le croyant? On entend le plus souvent répondre: «C'est la loi»; tandis que d'autres chrétiens soutiennent que ce que Dieu demandait d'Israël, peuple dans la chair, ne saurait être ce qu'il propose à ceux qui ne sont pas dans la chair, mais dans l'Esprit; et, en effet, ce n'est pas ce qu'enseigne la parole de Dieu. On accuse souvent ceux qui n'acceptent pas la loi comme règle de vie, d'être des antinomiens, qui cherchent à se débarrasser de toute obligation, et de tout frein. Mais j'espère montrer qu'en nous plaçant sur ce terrain, nous prétendons seulement que la loi est une expression incomplète de ce que Dieu attend maintenant des croyants; qu'il a amené les siens dans des relations beaucoup plus intimes que la loi ne l'implique, et, par conséquent, les a placés sous des obligations beaucoup plus hautes, plus profondes et plus étendues. La loi, en effet, a sa sphère sur la terre, elle ne peut entrer dans les lieux célestes où nous sommes assis en Christ.

Je me propose d'étudier notre sujet en traitant les deux questions suivantes: «La loi est-elle la règle de vie?» et, si non: «Quelle est la règle de vie pour le croyant?» Rappelons-nous que nous ne devons pas chercher nos réponses dans les opinions et les enseignements des hommes, mais uniquement dans la parole de Dieu.

1. — La loi est-elle la règle de vie?

Entre les diverses réponses que fournissent les Ecritures, j'en choisirai trois. En premier lieu, l'apôtre Paul montre que nous ne sommes plus du tout sous la loi: «C'est pourquoi, mes frères, vous aussi, vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ, pour être à un autre, à celui qui est ressuscité d'entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu» (Romains 7: 4). En lisant le paragraphe entier, on voit que la question est bien simple: Est-ce la loi qui est notre mari, ou est-ce Christ? Il est tout à fait impossible, d'après le contraste établi ici, que cela puisse signifier que nous sommes morts à la condamnation prononcée par la loi, car il s'agit de porter du fruit. La vérité sur laquelle insiste l'apôtre, est donc qu'étant morts en Christ notre Substitut, nous sommes entièrement morts à la loi et ne sommes plus sous son autorité. Nous sommes placés en dehors de la sphère de la chair où la loi a son action, et nous sommes unis à Christ dans la résurrection, là où il est, Lui notre unique Seigneur. Quelques-uns diront peut-être: «Mais la fin du chapitre ne nous enseigne-t-elle pas autre chose?» Eh bien, répondrai-je, lisez plus loin; passez du chapitre 7 au 8e, et vous trouverez la même vérité que je vous ai présentée. Mais examinons la chose de plus près.

Personne ne conteste l'application de la première partie de l'argumentation de Paul. Le paragraphe qui comprend les versets 7-12, décrit les effets de l'application de la loi à l'homme dans la chair. L'apôtre commence par poser la question: «La loi est-elle péché?» (verset 7) et il montre que si «par la loi est la connaissance du péché», «la loi», cependant, «est sainte, et le commandement est saint, et juste, et bon» (verset 12). Il soulève ensuite une autre question: «Ce qui est bon est-il donc devenu pour moi la mort?» (verset 13). En réponse, il fait voir l'effet de l'application de la loi à un homme régénéré, qui, jusqu'alors, ignorait la pleine rédemption en Christ. (Il parle à la première personne pour rendre plus frappant ce qu'il dit). Or quel est l'effet produit? Un conflit irréconciliable, conflit qui révèle que le péché est encore dans l'homme régénéré (verset 17), qui montre l'absolue corruption de la chair (verset 18), et l'entière impuissance, d'un tel homme en lui-même, à cause des deux natures opposées qui sont toujours en conflit au dedans de lui (verset 18-20). Où donc trouvera-t-il la délivrance? car la misère où il est réduit le force à s'écrier: «Misérable homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort?» (verset 24). Alors vient la pleine et parfaite réponse: «Je rends grâces à Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur» (verset 25); c'est-à-dire, je rends grâces à Dieu de ce que je suis délivré par Jésus Christ; puis, dans le chapitre 8, suit l'exposition de cette heureuse délivrance et de la liberté que nous avons en Christ. Dans le cours de cet enseignement, l'apôtre nous dit: «Vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous» (verset 9). La délivrance est donc si complète que Dieu considère la chair comme abolie devant Lui pour celui qui est en Christ, et cela en vertu du fait (comme cela nous est enseigné autre part) que le croyant a été crucifié avec Christ (Galates 2: 20; voyez aussi Romains 6: 6).

Ainsi le chapitre 7 des Romains bien compris, nous enseigne que nous ne sommes pas sous la loi. Je sais que plusieurs personnes estiment que ce chapitre renferme l'expérience du chrétien lui-même, mais est-il possible d'admettre que des expressions telles que celles-ci: «Je suis charnel, vendu au péché,… misérable homme que je suis!» puissent être le vrai langage de quelqu'un qui sait qu'il possède en Christ un salut plein parfait et éternel? Ces paroles peuvent-elles s'harmoniser avec le cri de triomphe de l'apôtre, à la fin du chapitre 8: «Qui nous séparera de l'amour du Christ?» (verset 35). La supposition même est monstrueuse et ne peut provenir que de la plus entière ignorance de la nature de la rédemption, et de la vraie position du croyant par sa mort et sa résurrection en Christ.

Je citerai encore un passage pour établir la conclusion à laquelle nous sommes déjà arrivés. En décrivant comment il était devenu «toutes choses pour tous», l'apôtre dit: «Je suis devenu… pour ceux qui étaient sous la loi, comme si j'étais sous la loi», mais il ajoute: «N'étant pas moi-même sous la loi (*)», affirmation impliquée dans le verset suivant, car Paul continue ainsi: «pour ceux qui étaient sans loi, comme si j'étais sans loi (non que je sois sans loi quant à Dieu, mais je suis justement soumis à Christ)», ces derniers mots étant une expression très différente de celle-ci: «sous la loi» (1 Corinthiens 9: 20, 21). Quelle qu'elle soit d'ailleurs, il est tout à fait évident que l'apôtre insiste ici sur son entière liberté quant à la loi. S'il avait été sous la loi comme règle de sa vie, il n'aurait pu employer ce langage.

(*) Ce membre de phrase manque dans les versions ordinaires, mais il est admis par toutes les autorités compétentes pour l'exactitude du texte grec.

En second lieu, la loi ne peut pas être la règle de vie pour le croyant, parce que les obligations sous lesquelles il est placé vont bien au delà des exigences de la loi. L'apôtre Jean dit: «Par ceci nous avons connu l'amour» (l'amour dans sa vraie nature ou son caractère), «c'est que lui a laissé sa vie pour nous; et nous, nous devons laisser nos vies pour les frères» (1 Jean 3: 16). Or le plus que la loi requière, c'est que nous aimions notre prochain comme nous-mêmes, ce qui n'implique nullement que, s'il est nécessaire, nous donnions notre vie pour lui. La loi n'est donc pas une règle parfaite pour nous, et ne peut être notre règle de vie.

En dernier lieu, considérez la nature de la loi. Elle est la mesure de la justice de l'homme, donnée à Israël dans la chair, c'est-à-dire à l'homme naturel. Mais «si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création»; il n'est pas «dans la chair», mais «dans l'Esprit» devant Dieu (2 Corinthiens 5: 17; Romains 8: 9); il est donc responsable de marcher devant Dieu selon la position dans laquelle il est placé, selon sa position comme homme ressuscité en Christ, dans la puissance de l'Esprit (Romains 8: 14; Galates 5: 25). Ainsi, tandis que la loi est la mesure parfaite de ce que Dieu demande de l'homme dans la chair, elle est à cause de cela même inapplicable à ceux qui sont régénérés et en qui habite l'Esprit de Dieu. Comme toutes les paroles et les oeuvres de Dieu, elle est «sainte, juste et bonne», mais si on l'applique à ceux à qui Dieu ne l'a point destinée, on introduit la confusion et l'on ternit sa perfection en cherchant à l'imposer à ceux qui ont été délivrés de son autorité par la mort et la résurrection de Jésus Christ.

2. — Quelle est donc la règle de vie pour le croyant?

C'EST CHRIST. Nous le voyons par les passages suivants: «Celui qui dit demeurer en Lui, doit lui-même aussi marcher comme Lui a marché» (1 Jean 2: 6). «Car c'est à cela que vous avez été appelés; car aussi Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle, afin que vous suiviez ses traces» (1 Pierre 2: 21). «Rejetant tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si aisément, courons avec patience la course qui est devant nous, fixant les yeux sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi» (Hébreux 12: 1, 2); c'est-à-dire regardant à Jésus comme au parfait exemple de la vie de la foi depuis son commencement jusqu'à son achèvement.

Ces passages doivent suffire, bien qu'il soit facile d'en citer beaucoup d'autres, pour montrer que Christ, et non la loi, est notre règle de vie, Et l'on voit aisément qu'en parlant ainsi, nous demandons du croyant bien plus que s'il était sous la loi, — car Christ a accompli jusqu'à un iota, et à un trait de lettre de la loi morale, et il a été bien au delà dans sa mort sur la croix. C'est pourquoi, nous ne pouvons mépriser un seul précepte moral, qu'il soit dans les dix commandements ou ailleurs, car nous voyons que toute l'expression de la volonté de Dieu a été pleinement et parfaitement personnifiée dans la vie du Seigneur Jésus. De là vient aussi que, dans les épîtres, la loi est fréquemment citée pour éclaircir quelque portion des obligations du chrétien, mais c'est toujours en relation avec Christ (voyez Romains 13: 7-14).

Je pourrais m'étendre sur les avantages que l'on trouve à avoir Christ pour règle de vie, plutôt que la loi; en effet, de cette manière nos yeux sont toujours dirigés vers Lui, de sorte que, dans la puissance du Saint Esprit, nous pouvons suivre son exemple et marcher, comme il a marché. Ainsi notre âme n'a qu'un seul objet: Christ, Christ dans la gloire, comme ce à quoi nous devons être rendus conformes, moralement, dans une mesure sans cesse croissante maintenant (2 Corinthiens 3: 18), et complètement quand il reviendra pour nous prendre auprès de Lui (Philippiens 3: 20, 21; 1 Jean 3: 2). Bien loin d'affaiblir les obligations du croyant, nous les augmentons et les renforçons, en le plaçant toujours en présence de Christ, de sorte qu'il soit toujours sous l'influence et l'étreinte de son amour (2 Corinthiens 5: 14, 15).

Dire que la loi est notre règle de vie, c'est s'engager dans d'étranges difficultés. Garderons-nous, par exemple, le sabbat? Est-il possible d'en tirer l'obligation pour nous du Nouveau Testament. Il est bien question du sabbat comme observé avant la Pentecôte, ou encore du premier jour de la semaine; mais quel est le chrétien qui pensera devoir observer le sabbat comme devait le faire un Juif? Et cependant si l'on estime devoir prendre la loi comme règle de vie, de quel droit se dispenser d'une seule chose que Dieu requérait dans cette loi? On ne peut le faire qu'avec une mauvaise conscience, ce qui détruit la communion avec Dieu et toute puissance spirituelle. Et soyez sûr que l'âme qui ne sent pas l'étreinte de l'amour de Christ (et la puissance de cet amour se sentira juste dans la proportion où le coeur est occupé de Christ), cette âme ne sentira jamais l'obligation de la loi. Cherchons donc la grâce de pouvoir dire avec l'apôtre: «Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi» (Galates 2: 20).