Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 317 – ME 1904 page 13. 1

Lettre de J.N.D. no 318 – ME 1904 page 18. 3

Lettre de J.N.D. no 319 – ME 1904 page 32. 4

Lettre de J.N.D. no 320 – ME 1904 page 57. 7

Lettre de J.N.D. no 321 – ME 1904 page 75. 8

Lettre de J.N.D. no 322 – ME 1904 page 136. 10

Lettre de J.N.D. no 323 – ME 1904 page 158. 12

Lettre de J.N.D. no 324 – ME 1904 page 160. 12

Lettre de J.N.D. no 325 – ME 1904 page 195. 13

Lettre de J.N.D. no 326 – ME 1904 page 218. 15

Lettre de J.N.D. no 327 – ME 1904 page 258. 15

Lettre de J.N.D. no 328 – ME 1904 page 316. 16

Lettre de J.N.D. no 329 – ME 1904 page 338. 18

Lettre de J.N.D. no 330 – ME 1904 page 357. 19

Lettre de J.N.D. no 331 – ME 1904 page 379. 21

Lettre de J.N.D. no 332 – ME 1904 page 419. 21

 

Lettre de J.N.D. no 317 – ME 1904 page 13

à Mrs A.G. et L.F.

Lausanne, 15 octobre 1840

Bien chers frères,

Je suis resté longtemps sans vous répondre, parce que je m'attendais tous les jours à partir d'ici pour me rendre auprès de vous et que j'avais prié notre frère P. de vous dire un mot de ma part, lorsque vos lettres m'étaient parvenues. Jusqu'à aujourd'hui j'ai été retenu ici, et Dieu sait si la guerre ne m'arrêtera pas au moment de me mettre en route. Quoi qu'il en soit, Sa volonté sera bonne et aura toujours en vue le bien de sa chère et précieuse Eglise. Dans ce moment aussi, la banqueroute de celui dont je recevais des fonds, m'a laissé presque sans argent. Les mille francs que je pensais dépenser pour mon voyage en passant par l'Ardèche, Paris et la Hollande pour rentrer en Angleterre, sont perdus. Voilà aussi, chers frères, une leçon pour nous tous. J'avais gardé pour le voyage des billets, très commodes en route, parce qu'on peut les tirer partout, et les voilà perdus, par ma prévoyance à pourvoir au lendemain. J'en dépensais d'autres pour le règne de Dieu, et je pensais à garder ce qui était commode pour la chair. J'ai demandé de l'argent en Angleterre, mais maintenant il faut que j'attende, et alors, si la volonté de Dieu reste claire à l'égard de mon voyage, j'espère vous voir, ne fût-ce que pour un moment en passant.

On nous a dit que Mr B., qui était ici, s'est rendu pour sa santé à la chasse en Ardèche. Si cela est vrai, il sera bon de vous tenir sur vos gardes. J'espère qu'il est chrétien, mais sa conduite ici a porté plusieurs à en douter; il est doux, flatteur, de manières attrayantes, rusé et intriguant. Heureusement que ce qu'il a publié ici était si loin de l'Esprit de Christ, que cela a contribué plutôt à sauvegarder qu'à entraîner, mais quand l'erreur est tout premièrement présentée, on peut y trouver beaucoup de choses qui attirent une âme sincère, spécialement quand elle n'est pas pleinement affranchie. Jusqu'à ce que la grâce soit scellée dans l'âme par le Saint Esprit, elle croit toujours que le fondement de son salut serait plus sûr si l'on était davantage ce qu'on désire être. C'est sur ce besoin, qui confond l'oeuvre de Christ avec notre état, que se fonde cette oeuvre d'erreur, et en poussant des âmes sincères à demander à Dieu plus de grâce, prière qu'il aime à exaucer, on leur fait croire qu'elles ont atteint la perfection et qu'il n'y a plus de racine de péché en elles — erreur qui, dans ses conséquences, est subversive de la justification, en la détachant de l'oeuvre de Christ et en la rattachant à notre état (car, selon eux, l'on peut être justifié aujourd'hui et ne plus l'être demain, et le péché du croyant peut rompre absolument tout lien avec Dieu), erreur qui, en même temps, ravale la sanctification en tournant nos regards sur nous-mêmes et non sur Christ.

L'esprit de prosélytisme est infatigable chez eux, et ils manquent de conscience dans les moyens qu'ils emploient. C'est une des choses qui m'ont le plus frappé…

Le principe de l'union des enfants de Dieu, quoique tout à fait dans son enfance, commence à être goûté et à produire en Suisse des fruits dans quelques âmes, en sorte qu'au milieu du tourbillon, j'ai une profonde espérance que la bénédiction suivra et que l'atmosphère s'éclaircira. J'ai passé ici les cinq mois les plus pénibles de ma vie chrétienne, mais j'espère que la chose étant par la volonté de Dieu, elle sera aussi pour la gloire de Jésus dans son Eglise. J'ai été soutenu par la bénédiction accordée à plusieurs âmes d'une manière évidente.

En réponse à votre question sur Job, cher frère F., je crois que le livre de Job va plus loin que vous ne pensez. Il me semble qu'il ne s'agit pas seulement ici d'un homme inconverti, dans sa propre justice, mais d'un homme qui n'a pas compris que les fruits mêmes de la grâce ne peuvent pas le rendre capable de se tenir debout devant Dieu, à cause du péché caché dans sa nature et qu'il ignore. C'est un homme béni quant aux fruits de la grâce, mais qui s'y arrête et veut, parce moyen, se tenir devant Dieu. Dieu lui fait voir que l'homme le plus parfait a du péché dans sa nature et qu'il est vil devant Lui, quoique vraiment excellent devant les hommes. Job est mis à l'épreuve sur ce point. La justification n'est pas par la justice inhérente, ni par la grâce communiquée. Le livre de Job est de toute importance sur ce point-là, et d'autant plus, qu'il n'appartient, comme vous l'avez remarqué, à aucune dispensation, mais qu'il prend l'homme et la grâce avant, et par conséquent au-dessus de toute économie. Il est évident que l'Eternel traite Job comme un homme en relation avec Lui. Job est son serviteur; Dieu demande à Satan de considérer son serviteur Job, et qu'il n'a pas son semblable sur toute la terre. Ce n'est pas là un homme inconverti et qu'on puisse accuser d'hypocrisie, car les fruits de la grâce sont évidents chez lui. Le témoignage de ce livre est beaucoup plus fort, sous ce point de vue.

Continuez, chers frères, à travailler en toute simplicité devant le fidèle Seigneur de tout le champ qui est à Lui, et, à travers des difficultés et des tentations, vous trouverez la joie de sa présence même ici-bas cent fois plus, et plus tard la récompense incomparable. Regardez à Dieu, soyez fermes dans la vérité, abondants dans la charité, et pour cela constants dans la communion. Dieu permet que nous éprouvions la faim dans le désert, afin de nous donner la manne; la soif, pour nous abreuver des eaux de sa grâce; il permet que nous éprouvions ces choses, afin de nous garder dans l'humilité. Mais c'est dans la tendresse, dans les soins de Dieu, dans l'exercice de la foi de ses enfants, que les anges mêmes voient la sagesse de Dieu si diverse en toute manière. Il faut de la patience, afin qu'ayant accompli Sa volonté, nous héritions (du résultat de) la promesse. Encore un peu de temps, et Celui qui doit venir viendra pour notre pleine et éternelle joie. Que sa présence vous soit toujours plus chère. N'oubliez pas vos frères d'ici. Au milieu de toutes nos épreuves, Dieu accomplit son oeuvre en nous et par nous. Quand nous faisons sa volonté, nous sommes toujours heureux, quoique éprouvés. Cherchons toujours l'humilité, afin de chercher toujours Sa volonté, car autrement nous faisons quelquefois la nôtre sans scrupule, à notre perte. Voyez comment David, sauf une fois, a toujours cherché la volonté de Dieu avant d'agir, je parle de lui avant son élévation au trône.

Que la grâce, la paix et la joie de sa présence vous soient abondamment multipliées. Je salue tous les frères de tout mon coeur.

Votre affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 318 – ME 1904 page 18

 à Mr L.F., à Annonay

Lyon, 24 février 1841

Cher frère,

Me voici, par la bonne main de Dieu, arrivé à Lyon, prêt à venir vous voir et bien désireux de vous saluer ainsi que tous les frères. Ecrivez-moi une ligne pour me dire s'il serait mieux que je vienne samedi, pour passer le dimanche auprès de vous à Annonay, ou s'il est indifférent que je vienne la semaine prochaine. On désire que je reste dimanche ici, mais il n'y a rien qui me retienne positivement. Dimanche passé, j'étais ici. Grâces à notre bon Dieu, les frères et Mr C. aussi m'ont reçu avec toute affection et cordialité… P. ayant invité les frères à se réunir chez lui vendredi passé, nous avons parlé un peu de l'attente de l'Eglise avec bon nombre de frères, et cela doit se renouveler vendredi prochain, s'il plaît à Dieu… J'ai été extrêmement intéressé de l'oeuvre en Suisse. Il y a là un mouvement, très petit il est vrai, mais si évident, de l'Esprit de Dieu, que je me hâte de me rendre en Angleterre pour pouvoir revenir, espérant passer par ce pays, porté, je l'espère, sur le courant de la volonté puissante de Dieu…

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 319 – ME 1904 page 32

à Mr A.G.

Plymouth, 2 mai 1841

Bien cher frère,

Il m'est assez difficile de prendre la plume pour vous dire un mot, quoique je l'aie beaucoup désiré, pour vous saluer, puis pour vous communiquer ce que je pense, maintenant que je vous ai tous vus…

Voici au moins trois semaines que je n'ai pu continuer cette lettre, étant surchargé de travaux de toute espèce. J'ai été consolé et béni au milieu de vous, chers frères, et cela m'a fait du bien. J'ai trouvé pour ma propre âme la présence du Saint Esprit et les consolations de Christ, soit dans nos entretiens, soit dans mon ministère au milieu de vous, soit dans l'amour de ces chers frères, parmi lesquels Dieu m'a donné, dans sa grâce, de passer un moment. Je vous prie de les saluer tous cordialement de ma part et de leur dire que leur affection en Christ m'est très précieuse. Les simples disciples ne savent pas de quelle manière leur marche fidèle et bénie devant le Seigneur, fortifie et encourage ceux qui travaillent, et quelle preuve ces derniers y trouvent de l'action du Saint Esprit. C'est la chose la plus joyeuse, la plus encourageante qu'on puisse rencontrer ici-bas, car que ne saurait-on pas faire, quand Dieu se manifeste comme agissant lui-même?

Oui, cher frère, je me rappelle mes courses dans les montagnes avec la plus grande joie et une vraie reconnaissance envers Dieu. Les prières de nos frères, faibles il est vrai, mais cordiales, montent vers notre Père céleste pour Lui demander ses meilleures grâces en bénédiction sur nos frères des Cévennes et sur vous, bien-aimés, qui y travaillez. Que Dieu vous garde dans l'humilité. Quelles sources de bénédictions nous sont ouvertes, lorsque nous marchons en humilité devant Dieu, car il fait grâce aux humbles. Toute la force de Dieu est alors à notre disposition et engagée en notre faveur. Quelles consolations de coeur dans la certitude de son appui et dans le secret de sa communion, dans l'intimité de son amour qu'il révèle à ses pauvres enfants et serviteurs, qui marchent dans le sentiment de leur néant, appuyés sur Lui. Avec quelle puissance cette parole: «Ne vous inquiétez de rien», s'applique à leurs coeurs! Que de fois ce précieux témoignage m'a fortifié au milieu des combats, où la force et la sagesse de l'homme n'étaient d'aucune valeur. Non, c'est Dieu qui agit quand il y a de la bénédiction et, quand on le laisse agir en suivant tranquillement sa volonté, il aime à bénir. «Il change notre deuil en réjouissance; il y a toute une vie dans sa faveur».

J'espère, cher frère, que l'amour abonde parmi vous et tout particulièrement la confiance et la joie entre ceux qui travaillent. Saluez cordialement D. et P. Ces frères trouvent, je l'espère, leur force en Dieu. Ah! qu'il est heureux de le faire et de s'appuyer sur Lui. Je ne dis pas, bien-aimés, qu'il n'y aura point de souffrances et d'épreuves; il y en a, en effet, et quelquefois de très pénibles, mais ces épreuves même sont pour l'amour de Dieu, et il les fait contribuer en même temps à notre progrès dans son amour et dans la vie intérieure de la foi, chose infiniment précieuse, parce qu'alors Lui-même est mieux connu à nos âmes; et que pouvons-nous désirer, si ce n'est Son amour, sa connaissance? Fions-nous à Lui, cher frère. Il nous fera passer par le désert, mais il y sera. Que la patience ait son oeuvre parfaite, et nous verrons «la fin du Seigneur». Il a des desseins à notre égard, infiniment supérieurs à toutes nos pensées, et il les accomplira. Purifiés par la fournaise, nous saurons en jouir avec beaucoup plus d'intelligence et de joie.

J'ai été frappé de ce que Dieu dit à Israël: «Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens, et, pour le faire remonter de ce pays-là, en un pays bon et spacieux». Et où est-ce qu'il les conduit? Dans le désert. Eh bien! ceux qui, s'appuyant sur la force et la fidélité de Dieu, gardaient leur confiance jusqu'à la fin, ont hérité les choses promises; les autres sont tombés dans le désert. Ils ont été criblés, comme chacun de nos coeurs le sera, en ce que Dieu les a conduits dans un endroit où il n'y avait pas même l'apparence d'un effet de Sa promesse, et ils se sont mis à raisonner — très justement selon la chair. Les autres se sont attachés, aveuglement si vous voulez, à Dieu lui-même, et à sa promesse. Dieu, fidèle et bon, les a gardés jusqu'à la fin et les a honorés de toute manière. Si l'on examine les détails, on trouve en effet que toute leur histoire a été le déploiement de sa grâce, de sa patience, de sa fidèle sagesse en leur faveur, afin qu'ils le connussent. La trame de leurs vêtements n'était pas même usée; bien plus, ils avaient en route toute sorte d'encouragements. Il en est de même quant à nous. Que Dieu nous donne, quoi qu'il en soit, de nous fier à Lui, de garder le commencement de notre confiance jusqu'à la fin, tout en continuant notre route. Notre réponse à ceux qui s'opposent, et à nos propres coeurs souvent plus malins qu'eux, c'est: «Je sais en qui j'ai cru». Qu'il en soit de même pour vous, chers frères.

Nos frères ici et en Irlande prennent le plus grand intérêt à votre oeuvre. Même avant mon retour, les frères d'Irlande avaient envoyé demander des renseignements, en ajoutant ce qu'ils pouvaient offrir pour vous être en aide, car ils sont en général plus pauvres qu'en Angleterre, mais il y a, je crois, beaucoup de fidélité parmi eux.

Je vous engage, cher frère, à veiller et à prier continuellement, afin que la confiance se conserve et augmente parmi tous ceux qui travaillent, quand même ils n'auraient pas tout à fait les mêmes lumières; si elle n'existait pas, ce serait une ruse de Satan pour empêcher l'oeuvre. L'ennemi a déjà voulu l'exploiter en vain, grâces à Dieu. Veillez aussi ensemble continuellement et d'un commun accord sur les âmes, vous que Dieu a suscités. Travaillez, non pas à faire des arrangements et des règles; que l'état des âmes en détail soit l'objet de vos soins assidus; continuez à vous consulter ensemble là-dessus; c'est ce qui vous gardera en paix, plus que toutes les règles et les formes. C'est la chose principale. En même temps, quant aux circonstances qui se présentent, et qui exigent quelque règlement, quelque ordre, je prends la liberté de vous conseiller de ne jamais, en pareille occasion, faire des plans et des arrangements généraux, mais d'agir seulement selon l'occasion et pour la nécessité actuelle. Alors cela devient un devoir, et nous pouvons compter sur l'aide de Dieu en chaque affaire, sans aller au delà de nos forces. Si, par exemple, le nombre des pauvres augmente, il faut quelqu'un pour s'occuper des collectes; on pourvoit à ce besoin; ainsi le troupeau prend sa décision sous l'oeil de Dieu. C'est ce que les apôtres même ont fait quand la question des deniers s'est présentée. Ils ont agi à cette occasion et non pas auparavant; eux étaient préoccupés d'autre chose. Il en est de même de l'ordre dans l'assemblée, quand il y a beaucoup de monde pour prendre la cène et que d'autres personnes assistent. On peut les caser de manière à ne pas déranger tout le monde, sans nuire à aucun principe. Cela se fait pour l'ordre de l'assemblée. Quand ces choses se font dans la charité, elles se justifient à la conscience de tous et procurent la paix, tandis que, lorsqu'on fait des règles et des plans d'église, on discute sans fin sur un terrain qui ne s'applique à la conscience de personne et ne fait que nourrir l'orgueil. Je ne doute pas que ces choses ne soient la volonté de Dieu, spécialement dans notre état actuel. Au reste, que chacun agisse selon la mesure du don de Christ. Oh! que nous sommes heureux, cher frère, qu'il nous soit permis de le servir dans ce monde rebelle; que nous sommes heureux, quoi qu'il en soit, de ne pas être mêlés avec le monde qui hait ce cher Sauveur, et de pouvoir, au contraire, déclarer sa précieuse, parfaite et patiente grâce. Ayons bon courage, chers frères; le temps est court; bientôt Celui qui doit venir, viendra. Pensons à ce moment bienheureux où nous verrons ce cher, cher Sauveur, et tout sera facile. Nous serons contents de n'être rien afin qu'Il soit tout, et alors nous entrerons dans la joie de notre Seigneur. Quelle joie ineffable! Que son amour est précieux! Donnez-nous de vos nouvelles; il me tarde d'en recevoir de vous tous.

… Je vous conseille de vous mêler aussi peu que possible de questions d'argent. Cela peut vous donner pour le moment une apparence d'influence, mais ce ne serait pas de Dieu. Il vaut beaucoup mieux se fier à Lui.

J'ai reçu dernièrement de très bonnes nouvelles de L.F. de l'île Maurice. Il a été béni par des conversions de nègres. Il y en a maintenant plus de trente en communion.

Que la grâce de Dieu soit abondamment avec vous tous. Je puis aussi vous dire que j'ai trouvé le nombre des frères et des troupeaux extrêmement augmenté depuis mon absence, et bien que quelques-uns soient inquiets sur des points de connaissance peu importants, ils marchent en général dans une très grande paix. Il y a eu aussi, grâces à Dieu, beaucoup de conversions dans quelques endroits; le nombre a été triplé en d'autres endroits où a eu lieu une oeuvre très bénie. Grâces en soient rendues à notre bon Dieu. Que sa grâce et sa direction soient avec vous tous.

Lettre de J.N.D. no 320 – ME 1904 page 57

à Mr A.G., à Vernoux

Lausanne, 24 janvier 1843

Bien cher frère,

Une petite maladie me donne le temps de vous écrire un mot. Mon état, sans gravité, m'empêche de travailler au dehors. Malgré mon désir, j'avais été empêché jusqu'à présent de prendre la plume par des occupations dont vous savez très bien, vous-même, vous rendre compte.

Je n'ai pu ni m'arrêter chez vous, ni vous faire avertir pendant que j'étais en France. J'avais prié Mr P. de me faire savoir quand vous seriez à Saint-Hippolyte, mais je n'ai pas reçu de réponse avant mon passage à Annonay par Valence. A Saint-Etienne, j'ai eu une conversation de deux heures avec MM. B. et E. Elle a enlevé leurs préjugés, pour le moment du moins, en leur faisant sentir que les questions étaient beaucoup plus graves qu'ils ne pensaient. J'ignore le résultat, car la foi qui fait agir en comptant sur la force de Dieu, est autre chose qu'une conviction; elle est tout ce qu'il faut dans ces affaires. Rien de plus simple, quand on la possède, car on ne pense pas aux mille et une difficultés qui arrêtent les autres et l'on trouve, au bout du compte, que Dieu vaut mieux que tout le reste et ne manque jamais à ceux qui se confient en Lui. C'est ainsi que l'on trouve la hardiesse pour faire Sa volonté et que l'on marche sans crainte. Il ne manque pas de nous dire dans toute notre faiblesse: «A celui qui a, il sera donné davantage». Quelle chose pour ses misérables disciples d'entendre ces paroles: «Vous avez persévéré avec moi dans ma tentation!»…

Il y a diversité de dons. N'est-ce pas votre don de nourrir et de paître ceux qui ont été déjà évangélisés? S'il en est ainsi, il est bon que vous le sachiez, car, dans ce cas, il ne vous faut pas trop occuper le champ où votre oeuvre d'évangélisation est à peu près terminée, tout en gardant les liens d'affection qui n'en restent que plus forts. En suivant dans votre travail la direction du Seigneur et de son Esprit, Dieu peut vous ouvrir de nouveaux champs au delà des bornes de celui que vous labourez.

V. est bien béni dans son travail, il y a eu beaucoup de fruit produit dans le Pays d'en haut. V. pense, s'il plaît à Dieu, visiter bientôt la Vallée de Joux d'où nos dernières nouvelles étaient bonnes. En général, il y a ici de la bénédiction dans notre travail. J. a été béni dans l'Evêché; on l'a roué de coups, mais il n'est pas découragé.

Quant à S., je ne l'ai vu qu'une fois, pour vingt minutes. Vous savez que je laisse toujours chacun marcher selon sa propre responsabilité. S'il fait du mal, il faut que tous l'avertissent sérieusement. S'il s'agissait d'immoralité ou de fausse doctrine, je ne pourrais pas le reconnaître dans son travail, comme je l'ai fait en lui venant en aide. C'est une affaire dans laquelle les frères de l'endroit doivent exercer une sage discipline, d'abord en l'avertissant, plus tard, en refusant de reconnaître son travail, ou en employant tel autre moyen qui se présentera à eux selon la sagesse que Dieu leur donnera…

L'oeuvre fait ici du chemin, et nous avons à bénir Dieu, mais il y a un manque de suite dans le travail, et peu de soin des âmes quand je suis absent. Je vous engage à ne pas négliger, le cas de S. et, en général, les cas de discipline. Ce sont des maux, des plaies dans l'Eglise, tandis que la discipline selon Dieu exercée à l'égard d'un seul, agit salutairement de la part de Dieu sur la conscience de tous.

La paix et la joie soient avec vous, cher frère.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 321 – ME 1904 page 75

à Mr A.G., à Vernoux

Genève, 5 septembre 1844

Bien cher frère,

Je reçois aujourd'hui une lettre de F., qui me parle un peu tristement de l'Ardèche et, hélas! plutôt des ouvriers. C'est triste, mais j'ai senti que Celui qui a daigné prendre connaissance de nos misères, de nos coupables misères, suffit à tous les besoins de son Eglise, qu'il y suffit pleinement. Voila ma consolation, et il saura tirer le bien de tout ce mal. Vous ne serez pas étonné que j'y prenne de l'intérêt.

Quant aux baptêmes, il me semble que, dans ce cas, la seule chose que l'on ait à faire, c'est de laisser chacun parfaitement libre. Ordinairement, dans un réveil, il y a certains esprits qui insistent sur le dehors de ce qui tranche avec le monde et s'arrêtent à une obéissance quant aux détails de la lettre. Pour les y jeter tout à fait, on n'a qu'à les timorer en faisant appel à leur fidélité; envers leur conscience. Cela est arrivé à nombre de frères en Angleterre. Quelques-uns en sont revenus ou ont du regret de s'être fait rebaptiser, mais chacun a été laissé là-dessus à la lumière de sa conscience, et je n'ai jamais éprouvé un sentiment de gêne d'un côté ou de l'autre. Je vous conseille, en tant que vous aurez à faire avec cette question, de vous isoler, disant vos raisons si on vous les demande, sinon, ne vous en mêlant pas. Je sais que ceux qui baptisent les adultes insistent sur le témoignage rendu et sur l'obéissance. Je suis parfaitement sûr que la Parole est contre eux sur ce point, et que le baptême n'est jamais présenté, ni comme témoignage, ni comme obéissance, mais, puisqu'ils croient qu'il l'est, ils agissent consciencieusement en se faisant baptiser. Ordinairement ils tiennent beaucoup à propager leurs vues. Ce n'est pas un bon signe selon moi. Il n'y a pas longtemps que V., qui n'aime pas le pedobaptisme, a eu une longue conversation sur ce sujet chez M. C., et j'ai été frappé de la manière dont ses convictions et ce qu'il affirmait manquaient de tout appui, ou plutôt, étaient contredites par la Parole. Toutefois, dans l'état de l'Eglise, avec l'abus qu'il y a eu des ordonnances, la chose ne m'étonne pas. C'était le cas lors du réveil anglais et du réveil en Suisse, mais partout la grande affaire est que chacun soit parfaitement libre de faire ce qu'il pense être la vérité, et ainsi qu'il aie une bonne conscience et n'impose pas sa manière de voir aux autres. On n'est pas baptisé pour être d'un troupeau; c'est une affaire de conscience individuelle. J'estime être baptisé. J'ai la conviction profonde qu'un chrétien fait mal en ne faisant pas baptiser ses enfants, mais quoique pour un moment j'aie eu quelque peine à l'accepter, je reconnais pleinement mon frère qui ne fait pas comme moi. Je suis convaincu que c'est l'ignorance des voies de Dieu, mais, convaincu aussi que mon frère agit consciencieusement, je l'honore dans ce qu'il fait, au lieu d'y trouver matière à contention.

Au reste, cher frère, la chose est bien plus pénible quand il s'agit de personnalités entre frères. C'est là le côté triste de la chose; sans cela, je n'aurais pas pensé deux fois à l'autre question. S'il n'y avait pas eu manque de foi, vous ou C., ou peut-être tous deux, vous seriez partis depuis longtemps. Pardonnez-moi, mais vous faites souffrir les frères. Je vous aime tous deux, mais est-ce juste envers vos frères, envers Christ, de les faire souffrir ainsi? Cher G., c'est ma conviction que la foi vous aurait fait quitter l'Ardèche avec honneur, je veux dire avec honneur selon Christ, il y a trois ans peut-être. V. m'avait dit que C. pensait partir avec lui. Le manque de foi le retient encore. Je suis parfaitement sûr de ceci, c'est que celui de vous deux qui s'en ira le premier sera celui des deux que le Seigneur honorera. Vous me direz que ce sont les besoins de l'endroit qui vous en empêchent. Croyez-vous que je ne sache pas ce que c'est que de remettre un endroit au Seigneur, oui, et de trouver qu'il bénit la foi, quoique je l'aie fait en tremblant et avec larmes? Aussi je ne doute pas, cher frère, que ce ne soit chez vous manque de foi. J'admets l'épreuve. Vous avez été béni dans l'Ardèche, et beaucoup, mais il ne faut pas s'attacher à la bénédiction que Dieu nous a accordée, il faut s'attacher à Dieu lui-même. Peut-être vous aurait-il (je ne prétends pas prononcer) accordé autant ailleurs, et vous auriez une double joie, Dieu ayant pris soin des autres, au lieu de voir votre oeuvre chérie se flétrir en quelque sorte entre vos mains. Il nous faut quelquefois du courage et de la sagesse pour abandonner une oeuvre selon Dieu, aussi bien que pour l'entreprendre selon Dieu. Il vous sera peut-être plus difficile de quitter cet endroit maintenant qu'il ne l'aurait été il y a trois ans, mais plus vous tarderez, plus la difficulté sera grande. Si vous suivez mes conseils, vous partirez aussi vite que possible. Je crois que C. aurait montré plus de sagesse et de fermeté chrétienne en le faisant, mais quant à vous, cela n'y change rien. Je ne crois pas qu'il y ait un seul frère au courant de votre position, qui ait un sentiment différent, quoique ce retard de deux ou trois ans ait émoussé leur sentiment à ce sujet. Pour vous, il s'agit seulement d'aller travailler ailleurs. Les endroits ne manquent pas. Cela ne vous empêchera pas d'aimer nos chers frères de l'Ardèche, de les porter sur votre coeur devant Dieu, et de les voir même à l'occasion, et cela avec joie et pour rappeler des souvenirs précieux qui alimenteront la charité. Dieu suscitera ceux dont sa chère Eglise a besoin. Voyez même si vous avez besoin d'un exemple pour fortifier votre foi. Annonay était plus difficile à quitter que Vernoux quant aux dangers pour le troupeau, mais Dieu y a pourvu et, si nous avions plus de foi, il ne manquerait pas de susciter encore plus d'ouvriers dans sa vigne qui lui est chère. Confions-nous en Lui, cher frère; vivons pour Lui et pour rien d'autre, et nous serons heureux. Je suis sûr que vous serez plus heureux en agissant en cela par la foi, quoique, je l'admets, ce soit plus difficile maintenant. Soit en France, soit en Suisse, il y a beaucoup à faire. Il est dommage pour d'autres endroits que vous ne soyez pas parti depuis longtemps, mais j'espère que la France vous retiendra. Vous avez tout le Midi devant vous. Adieu; je prie beaucoup le Seigneur pour notre chère Ardèche.

Que Dieu bénisse ma pauvre lettre. Je crains toujours de me mêler d'affaires personnelles, mais je suis poussé par le sentiment qu'il est affreux que l'Eglise de Christ en souffre…

Lettre de J.N.D. no 322 – ME 1904 page 136

à Mr A.G., à Vernoux

Genève, 26 septembre 1844

Bien-aimé frère,

Je connais trop mes propres manquements quant à l'énergie de la foi dans le règne de Dieu, pour vous présenter mes pensées sous forme de reproches. Vous le sentez bien, j'en suis certain, mais il nous convient à tous deux de considérer tout ce qui regarde la prospérité du règne de Dieu, comme étant heureusement responsables envers Christ qui a daigné, dans ses grandes compassions, nous accorder une part dans l'oeuvre

Quant à l'affaire qui nous occupe, je n'ai pas l'idée, cher frère, que vous ayez voulu faire de la peine ou un tort quelconque à C. ou à qui que ce soit. Je ne l'ai jamais pensé, mais quand on travaille pour le Seigneur, on est responsable pour que les choses soient à sa gloire. Quand vous dites: J'ai été amené à tout cela malgré moi et je ne sais comment, c'est ce que je pense, et c'est en cela que vous avez manqué, non pas envers C., cher ami, mais à vous-même et à Christ. Ce n'était pas ce que vous trouvez en Ephésiens 5: 15: «Prenez donc garde comment vous vous conduirez soigneusement, non pas comme étant dépourvus de sagesse, mais comme étant sages»; et quand même Dieu pardonne pleinement notre faute, cela n'ôte souvent pas l'inconvénient qui en résulte par rapport aux circonstances. On peut être obligé quelquefois de boiter toute sa vie, tout en étant «prince avec Dieu», car si les choses ne se sont pas faites selon Lui, aussi bien que pour Lui, il faut en porter les conséquences. Toutefois, comme résultat, toutes choses contribuent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son propos arrêté. Mais il nous convient de prendre notre place selon ce que nous avons fait, et c'est ainsi que Dieu peut encore nous bénir pleinement et non pas seulement nous pardonner. C'est pourquoi je vous ai dit que celui qui aurait la foi pour partir le premier, serait honoré et béni de Dieu.

Je doute que C. ait quelque chose contre vous. Je ne sais si j'oserais en dire autant quant à votre femme, quoiqu'il ne m'en ait pas parlé, mais cela n'empêche pas que son coeur étant mal à l'aise, s'occupe de choses qui ne tournent pas à l'édification. Peut-être Mme G. a-t-elle aussi manqué de son côté.

Quant à l'oeuvre, je n'ai pas le moins du monde la prétention de vous dire: Allez ici ou là. Je n'ai pas même assez de lumière sur ce point, pour vous dire: Voilà ce que je pense. Je prie beaucoup le Seigneur de vous diriger. Une fois loin, vous verrez plus clair. Souvent Dieu ne nous donne la lumière nécessaire que lorsque nous avons fait le pas moral que les circonstances demandent. Il conduit les obéissants; il agit sur nous et il veut que nous nous soumettions à Lui, que nous acceptions, dans l'humilité, la position que nous nous sommes faite par notre négligence, avant d'agir par nous. C'est une leçon pénible, mais très profitable, et il faut bien, cher frère, que nous l'apprenions ici-bas — heureusement près de Lui, péniblement, si nous nous écartons — mais si nous voulons être pleinement bénis de Lui, il nous faut prendre notre position réelle. C'est un grand secret de vie et de bonheur dans notre oeuvre. Je crois que vous verrez plus clair lorsque vous en serez là, cher frère.

Voici que Dieu répond d'une manière remarquable aux besoins, car V. qui avait projeté, de se rendre dans le Béarn, pense revenir sur ses pas du côté de Vernoux, en sorte que ces chères contrées ne seront pas complètement dépourvues de moyens d'édification. Je le répète: Vous verrez, me semble-t-il, plus clair, lorsque vous aurez accepté cette dispensation de Dieu. Quand je vous ai parlé de la France, c'était le langage de mon coeur et pas autre chose. Il y a tant à faire. Si vous sentez que le Seigneur vous dirige vers la Suisse, venez-y. Le district dont vous parlez a extrêmement besoin d'un ouvrier et d'autres endroits aussi, du côté d'O., par exemple. Il y a plutôt manque d'ouvriers, spécialement depuis le départ de V. qui travaillait avec activité dans le canton. Je n'aimais pas à penser que vous abandonniez la France où Dieu vous avait conduit, il y a déjà si longtemps. Peut-être serait-ce mieux que vous fassiez un séjour en Suisse. Consultez le Seigneur, cher frère, et il vous dirigera. Si vous pensez venir dans le canton de Vaud, tous seront heureux de vous voir, et j'espère également que vous verrez souvent nos chers amis de l'Ardèche. Il y a à faire dans la Drôme; je n'en doute pas. Je sais que des personnes qui ne sont pas des nôtres ont voulu faire sentir aux conducteurs de Lyon qu'il y avait chez eux trop de cléricalisme. On verra bientôt jusqu'à quel point ils ont vraiment abandonné ce principe. Le frère L. en était très préoccupé, mais si c'était un mouvement qui eût son origine dans son propre coeur, ce serait beaucoup plus important. Je crois qu'il était beaucoup plus béni auparavant. Il est difficile de se défaire du cléricalisme, et cela se communique facilement. Si L. est simple à Lyon comme à C., cela réparerait bien des brèches. Que Dieu le fasse; ma confiance, en tous cas, est en Lui.

A Dieu, bien cher frère; qu'il vous conduise et vous bénisse de toute manière. Que nous sommes heureux de pouvoir nous confier en Lui dans tous les cas et pour tous les besoins! Faites-le, et vous vous en trouverez bien. Que Celui qui veille sur sa chère Eglise, la bénisse, la relève, la vivifie, la prépare pour Lui-même, et qu'il vienne bientôt, oui bientôt!

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 323 – ME 1904 page 158

à Mr A.G., à Clairac

Pau, 22 février 1850

Bien cher frère,

… Je crains de ne pas pouvoir venir cette fois-ci à Clairac et à Ste-Foy, et c'est un grand chagrin pour moi. J'avais fait viser mon passeport pour Ste-Foy, espérant avoir la force d'y aller, mais après avoir tenu quelques réunions à la campagne, j'ai reconnu que ce serait mal agir de me mettre à l'oeuvre dans ces conditions. Lorsque je suis arrivé ici, j'avais toujours la fièvre au commencement, après avoir parlé le soir. Je suis mieux, mais pas encore bien. J'ai tenu une réunion à B., qui m'a passablement éprouvé; j'ai prêché dimanche à la maison et n'en ai pas souffert, sauf un repos nécessaire le lundi. Mais maintenant mon temps est à peu près expiré, car je pense partir pour la Suisse aussitôt que je le pourrai, et il me faudra m'arrêter en route. Le chagrin est plus grand pour moi qu'il ne pourrait être pour vous, mais, n'ayant pas la force nécessaire, il me faut me soumettre à la main de Dieu. Du reste, ce temps de maladie m'a été, je l'espère, bien précieux pour rendre mon ministère plus utile. J'en ai immensément joui par grâce, c'est-à-dire que le Seigneur, par sa grâce, m'a rendu heureux. Je me sens faible, mais son amour est demeuré sans prix pour moi. Dans un sens, il l'était déjà, mais, si je ne me trompe, il y a une différence. Cet amour m'est plus réel, m'entouré davantage le coeur. Qu'il me donne d'y marcher.

Paix vous soit, cher frère. Si la chose est praticable, je viendrai vous voir plus tard; je n'ai été empêché que par ma maladie qui était très violente. Il y a beaucoup de bien à St-Agrève: des conversions et des réunions nombreuses. A Pau, il y a aussi du bien; ils recherchent l'instruction et sont en général beaucoup plus fermes. Ils ont fait du progrès. B. tient un peu à sa présidence, cependant il n'entrave nullement la liberté. Saluez Madame G. et les frères. Je travaille à la traduction d'un traité sur les Opérations du Saint Esprit, dont j'ai beaucoup joui et profité en le relisant. C'est long, mais il y a un fonds de vérités qui conviennent à ce temps-ci, et qui m'ont fortifié. Je crois que Dieu travaille en moi dans ce moment. Puissé-je répondre un peu à sa précieuse grâce, que nous méritons si peu.

Votre tout affectionné frère.


S'il plaît à Dieu, je passerai encore quelques jours à Pau, et si, comme je le crains, je ne monte pas à Clairac, je retournerai, Dieu voulant, à Montpellier, peut-être par Montauban et le Vigan. Je dois ajouter que l'oeuvre de Pau est aussi très importante en elle-même.

Lettre de J.N.D. no 324 – ME 1904 page 160

à Mr A.G., à Clairac

Pau, 18 mars 1850

Bien cher frère,

… Je vous dirai aussi que Mr B., ayant déclaré formellement, de bouche et par écrit, qu'il ne voulait pas faire partie d'une assemblée, à moins qu'on ne désignât des anciens ou un président, et ayant de fait agi sur ce principe, presque toute l'assemblée de Pau a quitté et s'assemble à part. Il lui reste trois frères, trois soeurs et quelques dames étrangères. Je n'ai pas fait autre chose que prier. Il avait mis pour condition de sa présence dans l'assemblée où ils en ont parlé, que je n'y fusse pas, en sorte que ma position était heureusement faite par Dieu lui-même. Les frères qui se réunissent sont, grâces à Dieu, fort tranquilles et paisibles et dans un bon esprit. Il n'y a eu aucun tiraillement, et leurs rapports avec ceux qui restent sont heureux. Je les vois aussi, sauf Mr B. que je n'ai pas rencontré comme auparavant…

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 325 – ME 1904 page 195

à Mr A.G., à Clairac

Pau, 26 mars 1850

Bien cher frère,

C'est tout autre chose de répondre à un homme captieux ou d'éclairer des frères désireux de s'informer. Dans le premier cas, il s'agit souvent de réduire cet homme au silence, dans le second, de mettre la lumière en évidence selon la mesure dans laquelle ces âmes peuvent la supporter.

Je ne me rends pas au temple, parce que c'est le monde, et l'on prétend que c'est l'Eglise. On fait prier le monde comme s'il était l'Eglise, et en lui annonçant l'Evangile on lui prêche tout le contraire: Pourquoi y irais-je, si je me trouve plus selon Dieu ailleurs? Je ne trouve pas le temple conforme à la Parole, et moi je dois obéir à la Parole.

Je fais le plus grand cas possible des pasteurs que Dieu donne. Je les trouve fort rares, mais là où il s'en trouve, ils sont un don fort précieux donné par Christ à l'Eglise. Ceux que les hommes ont fait, ne sont rien pour moi.

Je crois que le décalogue est la règle donnée de Dieu aux Juifs sous cette condition que, s'ils l'observaient, ils auraient la vie par ce moyen. «Fais ces choses et tu vivras»; mais, vu l'état de l'homme déjà pécheur, cette loi a été «un ministère de mort» et «un ministère de condamnation», et elle l'est encore. La loi est sainte, bonne et juste, et à cause de cela, l'homme étant pécheur, la condamnation de tous. Elle a été introduite «afin que l'offense abondât; elle est «la force du péché»; elle «produit la colère»; le péché, par son moyen, «devient excessivement pécheur». On ne peut pas être sous la loi et sous la grâce en même temps, mais elle est toujours bonne si l'on en use légitimement, sachant qu'elle n'est pas faite pour les justes, mais pour les iniques et les insubordonnés, pour ceux qui sont sans piété et qui vivent mal, pour les gens sans religion et les profanes, pour les meurtriers de père et les meurtriers de mère, etc (1 Timothée 1: 8-10).

Quant à l'oraison dominicale, je laisse chacun parfaitement libre de faire ce que la lumière que le Saint Esprit lui aura fournie par la Parole le rendra capable de faire. Je ne trouve pas l'occasion de s'en servir après le don du Saint Esprit. Elle est parfaite à sa place comme tout ce qui vient du Seigneur. Il n'est pas douteux qu'elle soit différente en Luc et en Matthieu, quoiqu'on ait changé le texte de Luc pour l'assimiler à Matthieu.

Ni le mot, ni l'idée de «sacrement» ne sont scripturaires. Je trouve dans la Parole qu'on rompait le pain de maison en maison. L'idée qu'il faille être consacré pour administrer la cène est une superstition romaine. Le baptême est administré depuis des siècles sans ministre, et il l'est encore dans l'Eglise romaine elle-même. L'obligation d'avoir un ministre pour le baptême a été introduite dans les églises presbytériennes, et elle l'a été pour combattre l'idée romaine que le baptême est nécessaire pour le salut, ce qui fait encore, qu'en cas de besoin, les sages-femmes baptisent les nouveau-nés. On ne trouve pas trace, dans la Parole, de consécration pour baptiser ou donner la cène. C'est une invention au profit du clergé.

Vous trouverez tout ce que je pense au sujet du dimanche dans une note des «Etudes».

Il y a un ministère dans l'Eglise, mais je ne sais pas ce qu'on veut dire par un ministère spécial. Il y a des dons donnés par Christ à ceux auxquels il juge bon de les donner, et le ministère est l'exercice du don (au moins au point de vue de la question, car tout est ministère dans le sens de service), mais tous n'ont pas les dons qui, par leur exercice, rendent propre à édifier l'Eglise. Mais le Saint Esprit peut se servir de tous selon son bon plaisir. Ce que l'homme appelle le ministère, c'est-à-dire des jeunes gens (pas même convertis, peut-être) élevés en vue de cela, comme pour un état, sans question du don de Dieu, n'a aucun rapport quelconque avec le ministère, tel que nous le trouvons dans la Parole.

Une fois qu'on a bien saisi ce qu'est l'Eglise, toutes ces questions collatérales y touchent, et l'on juge paisiblement de tout ce qui se rattache à ce qui prétend faussement être l'Eglise. En attendant, la conscience agira peut-être sur des points de détail et, s'il y a fidélité, Dieu la bénira, mais une action qui ne fait que rendre témoignage contre le mal, est toujours moins satisfaisante, moins pleine de beaux résultats, que ce qui dépend du bien positif que Dieu nous a accordé. Un homme voit que confier les soins de ce qui s'appelle l'Eglise aux plus hauts contribuables est une énormité trop monstrueuse pour être désignée par une épithète du langage humain, mais si cela provient d'une affection profonde pour la vraie Eglise de Christ, le sentiment est plus calme et plus profond que le dégoût de la conscience.

Je n'ai pu que vous donner en peu de mots ma réponse à vos questions, mais je m'étendrai là-dessus si vous le désirez.

Si je n'arrive pas pour dimanche, ne m'attendez plus, car je tiens à être en Suisse aussitôt que possible. J'aurais beaucoup aimé vous voir. Saluez affectueusement les frères.

Votre tout affectionné.


Je suis bien, mais plus faible et beaucoup plus facilement dérangé de santé qu'avant ma maladie. C'est une difficulté de plus pour mon voyage à Clairac dans cette saison. Il neige ici. Peut-être renverrai-je ma visite à l'été où je pourrai disposer d'un peu plus de temps.

Lettre de J.N.D. no 326 – ME 1904 page 218

 à Mr A.G., à Clairac

Nîmes, 25 avril 1850

Bien cher frère,

Je vous écris un mot pour vous dire que j'ai renoncé à ma visite dans le Lot et Graronne, avec l'espoir d'en faire une plus tard. L'oeuvre en France grandit évidemment, et j'ai pris la résolution de partir tout de suite pour la Suisse et, au lieu de me rendre de là en Angleterre, de revenir Dieu voulant au midi. Si j'étais allé maintenant à Clairac, mon temps aurait été excessivement court, et je préférerais avoir un peu plus de marge au cas où il y aurait quelque chose à faire de vos côtés. Il y a beaucoup de bien dans ces contrées-ci; des conversions, et les frères se raniment et se placent davantage devant Dieu. En général, ils sont heureux et unis; cela m'a réjoui et fait du bien. A Montpellier et même à Nîmes, il y a de la bénédiction. L'Esprit de Dieu souffle un peu partout … J'espère donc, s'il plaît à Dieu, vous voir à mon retour et vous consacrer quelques jours.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 327 – ME 1904 page 258

à Mr A.G., à Clairac

Neuchâtel, 26 mai 1850

Bien cher frère,

Je désire vous écrire quelques mots au sujet de X. Vous savez qu'il désire que sa femme le rejoigne et en thèse générale il fait bien. C'est un bon signe, et ils devraient être ensemble, mais les antécédents créent des difficultés dont X devrait tenir compte, en s'humiliant de ce qu'elles existent et parce qu'il en a été la cause. Si cela avait lieu, ce serait un signe de l'oeuvre de Dieu dans son âme. Je désire de tout mon coeur qu'il soit pleinement restauré et honoré du Seigneur dans l'Evangile, si tel est le bon plaisir de Dieu, mais vous savez, et il sait, qu'il a donné lieu à la défiance; il a été infidèle sous plusieurs rapports, en sorte que d'autres que sa femme se défient de lui, et tout cela a eu lieu depuis qu'il a fait profession de piété. Or ce que je vous demande, c'est si vous pensez qu'il y ait chez lui une repentance réelle, une oeuvre de Dieu qui l'ait vraiment placé devant Lui, en sorte qu'il se soit jugé et affranchi du joug du péché, de manière à marcher humblement devant Dieu.

Son séjour dans un pays où il n'est pas connu, a un double aspect. S'il est vraiment restauré, c'est convenable, parce que là où il a péché, son oeuvre est nécessairement ruinée. On moissonne ce qu'on a semé, lors même que Dieu nous pardonne. Sous ce rapport, si Dieu le rappelle à l'oeuvre, il est convenable qu'il soit loin. D'un autre côté, si la conscience n'est pas vraiment en plein devant Dieu, on échappe ou tout au moins on cherche à échapper aux résultats de la connaissance que d'autres ont de notre péché. La plaie est pansée sans être guérie. Cela se montrera tôt ou tard dans l'oeuvre ou dans la vie. Or c'est là ce que les vrais amis de X aimeraient savoir; c'est la question que lui pose le Sauveur lui-même dans son amour pour lui. Est-ce que son absence de son pays et son oeuvre dans une autre contrée sont l'effet d'un sentiment d'humilité provenant du fait qu'il sait ne pas pouvoir glorifier le Seigneur, ni jouir de la confiance des frères là où le mal a été connu, ou bien, échappe-t-il à l'expérience pénible qu'après tout le péché porte son châtiment, et que le chrétien ne sert pas Satan sans en souffrir? Est-ce l'effet d'une oeuvre de Dieu dans sa conscience, ou est-ce que sa conscience cherche à échapper à cette oeuvre? Je crois que sa femme ferait bien d'agir en grâce et lui, si Dieu l'appelle à l'oeuvre, d'y travailler ailleurs, mais, pour les deux cas, il faut que sa conscience soit au clair, que l'oeuvre de Dieu ait produit son plein effet, qu'il soit rétabli spirituellement. Il serait heureux qu'il le fût dans la confiance des frères de sa contrée. Parfois cela exige du temps, mais il faut au moins des garanties morales que ses démarches auprès de sa femme et la reprise de ses travaux d'évangéliste, sont basées sur un rétablissement de coeur et de conscience auprès de Dieu.

Je crois avoir agi selon Dieu en venant ici. Ils ont besoin d'être visités; il y a aussi d'autres besoins à satisfaire. En plusieurs endroits on pourrait désirer plus d'énergie. Dieu a suscité dans sa grâce quelques nouveaux ouvriers.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 328 – ME 1904 page 316

à Mr A.G., à Paris

Londres? 2 mai 1854

Hélas! mon cher, je ne connais que trop de cette affaire si profondément affligeante, mais Dieu est vrai, bon et fidèle; et grâces lui soient rendues, il n'abandonne pas sa sainteté. C'est Lui qui, dans sa grâce, a rempli mon coeur, car, sans cela, il y avait de quoi être accablé. Vous en savez assez, cher frère, pour que j'en parle ouvertement avec vous, mais vous en savez autant que moi, en sorte qu'il n'y a guère besoin que j'entre en matière. J'ai été frappé de la manière dont Dieu m'a gardé, ou plutôt a empêché tout cela d'entrer dans mon coeur comme affliction. Dès la première lettre, j'ai dit: Tout cela est l'affaire de Dieu; il y est; il s'agit de ses affaires. Puis je n'ai eu à considérer que ce que j'avais à faire comme devoir personnel avec une absence d'émotion inconcevable à moi-même, sauf en l'attribuant à Dieu. Autrement, et de toute manière, ce coup était épouvantable…

Je tremble pour lui; je crains qu'il ne rentre pas en lui-même, que sa conscience ne fléchisse pas devant Dieu. Oh! quel bonheur de pouvoir le faire et devant un tel Dieu, mais il faut bien que sa grâce agisse, car autrement le péché intérieur qui nous a éloignés de Lui, nous empêche de nous ouvrir en nous faisant attacher plus de prix à notre bonne opinion de nous-mêmes et à l'estime des hommes qu'à sa faveur, et Satan est rusé.

Ce que je désire, c'est que sa conscience soit pleinement atteinte, que son coeur et l'Eglise soient épargnés. Dieu sait si cela est possible, au moins aurai-je fait ce qui est possible; j'ai remis tout le reste à Dieu. Vous savez qu'il nie, ou du moins a nié la plus grave accusation, mais ceux qui s'en sont occupés n'ajoutent pas foi à sa dénégation, ce qui rend la chose plus pénible. Je ne sais si vous lui avez parlé; je n'en ai pas encore eu l'occasion; en fin de compte, je remets la chose à Dieu, Lui demandant qu'il fasse tourner tout cela à sa propre gloire, et je suis sûr qu'il le fera.

La chose à craindre pour vous, bien-aimé frère, est que le travail extérieur vous empêche d'être vous-même en la présence de Dieu, en sorte que le véritable état de votre propre âme vous soit caché. Il y aurait plus de calme, plus d'attente patiente. Cela date de loin, de la fin de votre séjour à Vernoux. Je bénis Dieu de tout mon coeur de ce qu'il vous donne du travail, mais, où que vous soyez, cherchez Sa face et ne soyez pas satisfait sans la trouver. Je ne désire pas vous voir occupé de vous-même, mais il faut que vous soyez occupé de Dieu. Cela nous donne la connaissance de nous-mêmes en nous faisant en même temps jouir de Sa grâce, de la clarté de sa face. Sans cela mille choses, dont nous n'avons pas conscience, s'accumulent dans l'âme, obscurcissent la vue spirituelle, nous cachent Dieu, et, nous voilant la lumière, nous empêchent de nous voir nous-mêmes, de juger le mal et de nous en purifier. Alors, quand la lumière pénètre, c'est une découverte qui renverse le coeur. On s'est trompé au point qu'on croit quelquefois, dans ce cas, s'être trompé à l'égard de tout, ou, du moins, on est découragé de manière à douter que l'on ait pu prétendre servir Dieu. On devient inutile, si l'on n'est pas incertain de son salut, et la paix et l'énergie spirituelle ne se rétablissent pas de si tôt. Dieu dirige ses enfants pour leur bien, Christ dirige sa maison. Dieu pense au bien de l'Eglise. Il veut que nous soyons capables de jouir du ciel, de Lui-même avant tout, puis de travailler pour lui. En marchant avec Lui, on est à même de travailler pour Lui sans endurcir sa conscience. Il n'y a rien qui le fasse davantage que de travailler en son nom quand on ne marche pas intérieurement avec Lui. La Parole a perdu son effet; on s'en est servi habituellement sans en sentir l'influence. A un moment donné, quand la patience de Dieu n'y peut plus rien — patience qui ne retire pas le don aussitôt qu'on commence à s'éloigner de Lui — à un moment donné, l'appui extérieur de l'exercice du don est ôté, et l'on tombe dans l'affreuse conscience de son éloignement personnel et pratique de Dieu. C'est un cas terrible; c'est, ou bien un assoupissement dans lequel les choses de Dieu ont perdu leur attrait, où le fil tranchant du glaive est émoussé, où le coeur n'a plus de ressort; ou bien c'est à peu près le désespoir. Dieu peut intervenir par des maladies, par des afflictions, par des humiliations, pour restaurer l'âme, et il le fait, mais la pire de toutes les disciplines, c'est quand Dieu dit: «Ephraïm s'est attaché aux idoles; laissez-le faire» (Osée 4: 17). Depuis que Dieu l'a dit, il s'est toujours souvenu d'Ephraïm, mais c'est un terrible jugement.

Je ne sais ce que vous faites à Paris, cher frère, mais je suis sûr que c'est dans la communion de Dieu que vous trouverez la lumière et la force, et grâce lui en soit rendue, sa grâce nous suffit. Aussi je ne doute pas qu'en regardant à Lui, non pas seulement pour lui demander ce qu'il faut faire (et c'est très bien), mais pour vous-même, votre coeur se refondra dans son amour, et la lumière et le courage en sortiront. Paix vous soit, cher frère. Cherchez par-dessus tout la présence de Dieu, et le Dieu de paix sera avec vous. Saluez cordialement les frères.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 329 – ME 1904 page 338

 à Mr C. (*)

(*) Quelques fragments de cette correspondance ont paru dans le Messager (1882-83). Nous la reproduisons ici dans son entier.

Nîmes, 12 mars 1851

Bien cher frère,

J'abonde dans l'esprit de votre lettre. Ma crainte est d'être en général mou en fait de discipline et pour peu que je voie un signe d'humiliation, je suis tout disposé à accueillir. Je sais que je ne suis qu'un pauvre pécheur gardé par grâce, et, si je tombe, relevé par la grâce seule, mais je dis qu'une haute prétention à quelque chose de tout à fait supérieur à d'autres, unie à la légèreté ou à ce qui y prête, ne peut plaire à Dieu. Je doute que vous connaissiez l'histoire du pauvre C. Il n'y a eu aucune dureté à son égard, et pour mon compte je n'avais aucun sentiment semblable, mais il lui a fallu une triste et misérable chute et même une longue marche dans le péché, pour lui faire sentir où il en était. Or un système qui a pu amener là quelqu'un qu'on espérait être chrétien et par un chemin qui prétendait être beaucoup plus spirituel que tout autre, n'est pas une chose à encourager ni à supporter. Chacun de ceux qui s'y trouvent, ne tombe pas, sans doute, aussi bas que cela, mais est-ce que ce qui l'a produit est jugé? C'est parce que j'en doute que je parle aussi fortement. Ils ont tout fait pour ébranler les frères, non seulement à Clairac, mais dans le Gard, parce qu'on n'acceptait pas leur système. Cela n'a abouti à rien qu'à la ruine de C. Mais, je le répète, la chose est-elle jugée? Je n'ai rien contre qui que ce soit, mais je n'ai qu'une pensée, c'est de ne pas voir se renouveler ce qui a déjà eu lieu. Or si la chose n'est pas jugée devant Dieu, si ce qui est chair — non pas en chute, mais comme système prétentieux — n'est pas jugé, quelle garantie ai-je pour la gloire du Seigneur qui y est intéressée. Je ne prétends pas du tout juger les détails de ce qui s'est passé; ce qui agit sur mon jugement, c'est le fond de l'affaire. Quant aux jugements que les chrétiens semi-mondains portent sur cela, je m'en inquiète fort peu. Si le Seigneur l'approuve, il saura justifier ceux qui lui obéissent. La seule chose à faire, c'est de chercher Sa volonté qui est toujours la vraie grâce, quoiqu'elle paraisse dure à la chair.

Ce n'est pas du tout mon caractère d'être ferme dans ces choses. Je suis extrêmement troublé à la pensée de faire de la peine à un autre. Je me sens si indigne moi-même que la discipline ou le refus de recevoir quelqu'un me va au coeur, mais je n'ose pas lier le nom de Christ et de la spiritualité avec ce qui nourrit la chair. G. me dit qu'il y a de la bénédiction dans l'oeuvre à Clairac; j'en bénis Dieu de tout mon coeur. J'espère les aller voir; un frère anglais, Mr Wigram, actuellement à Pau, pense aussi les visiter.

Saluez cordialement les frères de ma part. Soyez sûr, cher frère, que je désire agir en toute grâce et que Dieu m'enseigne à le faire.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 330 – ME 1904 page 357

à Mr C.

Londres, août 1852

Bien-aimé frère,

Vous aurez appris, je le pense, par L. F., que l'état de mon oeil retardait ma réponse à votre lettre. Il est encore faible, mais je m'en sers en le ménageant, car je suis en retard avec ma correspondance et tout le reste. Comme vous le dites, la communion est le régulateur qui tient l'équilibre entre la dépendance et l'activité de l'amour, et rien d'autre. Mais voici, je crois, quant au principe, ce qui l'explique. Le nouvel homme, en tant qu'il est une participation à la nature divine est, dans son activité, la «charité», c'est-à-dire l'amour. Ensuite, l'amour de Dieu étant répandu dans nos coeurs par l'Esprit qui nous a été donné, devient une puissante impulsion dans ce même sens. L'Esprit nous dirige, soit envers les saints individuellement, soit dans l'exercice d'un don, soit envers les pauvres pécheurs. On est père, pasteur, évangéliste, peut-être tous les trois. Mais en même temps, la qualité essentielle du nouvel homme, ainsi qu'on la voit en Christ, c'est la dépendance et l'obéissance. On vit avec Dieu et dans la conscience de ses vraies relations avec Lui. Or cette relation, c'est de ne rien vouloir, de ne rien faire sans Lui. Le nouvel homme ne le peut pas. Ensuite il est conduit par l'Esprit. L'homme ne vit pas de pain seulement, mais de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu. Ainsi le Seigneur Jésus, l'amour même, ne faisait rien, là où il n'avait pas la volonté de son Père pour motif. Non que la volonté du Père l'arrêtât dans l'activité de sa propre volonté à Lui, mais la volonté du Père seule était le mobile de la sienne. L'amour était toujours actif, mais son exercice soumis à la volonté du Père il était dirigé et extérieurement mis en mouvement par cette volonté. C'est pourquoi c'était l'obéissance. Il en est de même de nous, en tant que le nouvel homme agit en nous. Mais hélas! le moi, la volonté propre, l'amour-propre, tendent à affaiblir l'amour et à nous détourner de l'obéissance, d'une entière dépendance de Dieu dans notre activité. Dès lors, plus ou moins d'incertitude ou d'activité propre. Alors l'intercession de Christ et la communion de Dieu, puis l'action de la Parole dans nos coeurs, un oeil net restauré, peuvent seuls rétablir l'équilibre.

A propos de 1 Jean 1: 1, dans le temps, mais il y a longtemps, j'avais pensé comme vous; il est impossible de séparer, dans la personne de Christ, la préexistence de la nature divine. Cependant je crois qu'en disant: «Ce qui était dès le commencement», l'Esprit parle de ce que Jésus était sur la terre, de ce que Jean avait vu et touché. Dans l'évangile, «au commencement» se rapporte à tout ce qui existait hors de Dieu, c'est-à-dire que cette phrase constate l'existence éternelle de Christ comme Parole. Le grand sujet de Jean est la manifestation de Dieu et de la vie divine sur la terre. A cet effet, il parle de la Parole éternelle et de son incarnation, mais dans l'épître il passe à la reproduction de cette vie en nous, et dans ce but il remonte de cette vie en nous, à son origine et à sa parfaite manifestation: à ce que Christ était sur la terre. Le chapitre 2: 7, semble démontrer que telle est la force du passage. De nos jours, où l'on veut avoir quelque chose de plus parfait que ce Christ, cette insistance sur ce qui était dès le commencement ne manque pas d'importance.

Il est de toute nécessité de cultiver un esprit sain qui ne cherche pas des questions, mais la piété. C'est ce dont Paul parle à plusieurs reprises à Timothée. On ne se nourrit jamais d'épices. Ce genre est la preuve d'un mauvais état d'âme.

J'ai été frappé, dernièrement de trois caractères d'expérience ou d'action de l'Esprit de Dieu en Philippiens, 2 Corinthiens et 1 Corinthiens. Dans l'épître aux Philippiens, l'âme plane au-dessus de tout, se réjouit toujours, ne s'inquiète de rien, ne fait qu'une chose, ne sait s'il vaut mieux vivre ou mourir. En 2 Corinthiens l'apôtre désespérait de vivre; quand il est arrivé en Macédoine, il n'avait pas de repos, au dehors des combats, au dedans des craintes. Mais dans le premier cas, il se reposait sur Celui qui ressuscite les morts; dans le second, Dieu console ceux qui sont abattus, dans le troisième, il se glorifie dans ses infirmités, afin que la puissance de Christ repose sur lui. En un mot, c'est la force et la consolation divines, lorsqu'on est pressé par les difficultés. En 1 Corinthiens, les chrétiens étaient dans un bien mauvais état. Il les reprend sévèrement, mais il commence par dire: «Dieu est fidèle qui vous affermira jusqu'à la fin, afin que vous soyez irréprochables dans le jour de notre Seigneur Jésus Christ». Quelle grâce dans tout cela! Aussi cela m'a fait du bien et j'y ai trouvé de l'instruction.

Notre cher frère L. F. m'a donné de bonnes nouvelles de l'oeuvre dans vos contrées. Dieu en soit béni. Le travail des siens ne sera pas vain s'ils ne se lassent pas. Que Dieu vous soutienne, cher frère, et vous bénisse vous-même dans votre âme. Il faut boire pour soi-même, si l'on veut avoir des fleuves d'eau vive.

Saluez bien affectueusement tous les frères, quoique je ne les connaisse pas de vue. Que le Seigneur, leur Seigneur et le mien, les bénisse.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 331 – ME 1904 page 379

à Mr C.

Lausanne, juin 1855

Bien cher frère,

… J'ai parcouru presque tout le canton de Neuchâtel, où j'ai eu de très bonnes réunions, ensuite toutes les assemblées riveraines du lac de Genève, sauf une, et jusqu'à Aigle. Je me rends demain dans l'intérieur du canton. Les frères marchent en paix. Quatre réunions ont été troublées par M. E…, mais le mal s'est arrêté là et ne s'est pas propagé. Des conversions s'opèrent en plus d'un endroit, de nouvelles réunions se forment, mais rien de très saillant récemment. L'oeuvre se maintient et plus que cela, mais je ne vois pas une grande énergie de vie dans les anciennes réunions, quoiqu'elles se recrutent toujours de nouvelles âmes.

… Je trouve partout qu'un Evangile complet, clair, positif, un vrai salut annoncé, attire les âmes; elles en ont besoin. Insistez sur la sainteté tant que vous voudrez, en nourrissant l'âme de Christ, mais que la grâce qui sauve reste grâce, une vie toute nouvelle et une justice divine accordées à l'homme déjà totalement perdu et, en tant que chair, sans ressource, même en Dieu — l'homme amené à reconnaître cet état dans la présence de Dieu, mais là, revêtu par Dieu de la plus belle robe — robe qu'il ne possédait pas même dans son innocence — une grâce souveraine de Dieu qui, ayant absolument effacé nos péchés, nous introduit dans une position toute nouvelle, et cela par la communication de la vie de Christ ressuscité, dans laquelle nous sommes tels qu'il est.

Pour nous-mêmes, cher frère, cherchons ardemment, constamment, et avec confiance, la communion de Dieu, afin que, dépouillés de nous-mêmes, ayant nos pensées et nos intentions jugées, nous ayons une entière confiance en Lui. Il est fidèle et il n'y a rien de plus doux que d'avoir la conscience intime de cette fidélité, de cet amour qui trouve sa joie à nous bénir. Veillons contre l'Ennemi dans le chemin de la volonté de Dieu.

Saluez affectueusement tous les frères.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 332 – ME 1904 page 419

à Mr C.

Nîmes, 15 mars 1860

Bien cher frère,

J'ai été très heureux de recevoir de vos nouvelles, d'autant plus heureux qu'elles sont si bonnes. Dieu en soit béni. Ce n'est pas seulement celui qui travaille qui est encouragé, mais aussi les chrétiens qui, en tout lieu, en entendent parler, et ils abondent en actions de grâces envers Dieu. Il est si doux de voir Dieu travailler et intervenir en grâce! Je me réjouis de la bénédiction avec vous, cher frère, et avec ces chères âmes qui se réjouissent dans le précieux Sauveur qui nous a donné, à nous pauvres pécheurs, une place dans la lumière auprès de son Père. J'aurais un grand plaisir à vous aller voir; je ne sais si Dieu me l'accordera, mais il est possible que cela ait lieu un peu plus tard.

Vous savez que j'ai été occupé des affaires de N. Grâce à Dieu, sauf trois qui ont besoin d'être brisés, nous sommes tous ensemble et, je le crois, dans un bon esprit, quoique nous n'ayons pas encore pris la cène. Je pense qu'on ne tardera pas très longtemps à le faire. Ensuite, lorsque j'aurai un peu vu les frères de la contrée, il faut que je me rende à Pau pour la publication d'une livraison des Etudes; puis, Dieu voulant, je reviendrai pour me rendre en Suisse et peut-être Dieu m'accordera le plaisir de vous voir en passant, ainsi que les frères. J'aurai une grande joie à faire leur connaissance.

Les portes sont ouvertes ici, et il y a du bien, quoique les réunions aient souffert ces dernières années, mais elles se remontent par la bonté de Dieu. Que Dieu nous donne, cher frère, de nous tenir près de Lui, source de toute grâce. C'est là que nous trouvons la joie et le bonheur pour nos propres âmes, et la force pour l'oeuvre. Certainement, dans la mesure dans laquelle nos coeurs s'occuperont de Lui, nous ferons l'expérience de sa fidélité. Quelle intimité de grâce nous trouvons dans nos entretiens avec Lui, et sur quelle bonté nous pouvons compter! Peu à peu, à mesure que nous faisons des progrès vers le ciel, nous apprenons, toujours plus dépouillés de nous-mêmes, combien il a à coeur de nous bénir, et avec quelle grâce il se révèle à nous et nous nourrit de sa bonté.

Paix vous soit, et que la présence et la grâce de Dieu soient avec vous…

Votre affectionné frère.