Ensemble - Genèse 22: 1-19

Périer E.

ME 1904 page 92

 

Le passage que nous venons de lire nous rappelle la mort de Christ; car il est évident que les faits relatés dans ce chapitre vont bien au delà de l'épreuve de foi à laquelle Abraham, le père des croyants, fut soumis. Certes, cette épreuve était bien grande: sacrifier son unique, celui qu'il aimait, Isaac, en qui les promesses avaient été faites, n'était pas peu de chose. Nous savons, par Hébreux 11, comment Dieu estime la foi qui a fait ce sacrifice. Mais la pensée dominante de ce chapitre, c'est non pas la grande foi d'Abraham, mais le fait que Dieu nous y occupe de son Fils. Quelqu'un a dit: Quand nous lisons la Parole, nous devons toujours le faire avec la pensée d'y chercher le Fils.

Trois fois dans l'évangile de Matthieu (3: 17; 12: 18; 17: 5), nous entendons la voix du Père avec l'expression: «En qui j'ai trouvé mon plaisir». Cette expression revient deux fois avec le mot «Fils». «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir», et encore les mêmes mots avec: «Ecoutez-le».

Si donc le Père veut nous révéler quel est l'objet de son affection et son appréciation du Fils, quoi d'étonnant qu'il nous en parle dès le commencement de la Genèse? Il est vrai qu'alors il ne le fait pas encore sans voile, pour ainsi dire, mais qu'il emploie pour cela des figures et des types.

Avant de dire quelques mots sur les versets que nous venons de lire, je voudrais rappeler que lorsque Dieu nous parle en type de la personne et de l'oeuvre du Fils, une bénédiction en résulte toujours pour nous. La personne du Fils a une telle valeur pour le Père, qu'il ne peut en être autrement. Ainsi, en Genèse 3, quand, par le fait du péché de l'homme, Dieu a perdu sa création, il fait entendre sa voix, indiquant qu'il cherche l'homme; il oblige Adam à reconnaître qu'il a péché, malgré ses excuses pour mettre la faute sur Dieu. S'adressant ensuite à la femme, il leur montre à tous deux quelles seront les conséquences de leur péché: sol maudit, travail pénible, souffrance et mort. Enfin, s'adressant au serpent, il lui dit qu'il mettra inimitié entre lui et la femme, entre sa semence et la semence de la femme, puis il ajoute: «Elle te brisera la tête, et toi tu lui briseras le talon». Chacun de nous sait que cette semence de la femme est Christ, et que la croix est le lieu où elle brisa la tête du serpent, le lieu aussi où le serpent et sa semence ont brisé le talon de Christ. C'est là qu'il mena le monde entier contre Jésus, comme le dit ce dernier en Gethsémané à ceux qui mettaient les mains sur lui: «C'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres» (Luc 22: 53).

Dès que le Père a introduit le Fils, montrant sa croix par anticipation, une conséquence bénie en résulte pour Adam et Eve. Ils sont couverts en figure de «la robe de justice et revêtus des vêtements du salut», par l'Eternel lui-même (Genèse 3: 21; conf. Esaïe 61: 10), au lieu de leur ceinture de feuilles de figuier qui laissait à découvert leur nudité morale devant Dieu. Quoique Dieu dût, dans son gouvernement, chasser l'homme de Sa présence, portant sur lui la sentence de mort, il prolonge l'existence d'Adam sur la terre jusqu'à neuf cent trente ans; et quoique l'homme soit hors d'Eden, sous les conséquences de son péché, Dieu le voit pourtant revêtu du fruit de son travail à Lui. Quelle cause assigner à ce fait? L'objet de l'amour du Père, le Fils, a paru!

Aux jours de Noé, nous assistons au jugement du monde. Après être sorti de l'arche, Noé offre de toute bête pure des holocaustes à l'Eternel. «L'Eternel», est-il dit, «flaira une odeur agréable et dit en son coeur: Je ne maudirai plus le sol à cause de l'homme». Quelle est donc la raison de cette abstention d'un nouveau jugement universel? Le sacrifice. Où l'odeur agréable, l'odeur du repos fût-elle flairée? A la croix du Fils. Il est écrit: «Il a fait la paix par le sang de la croix». Et encore: «Christ nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur» (Ephésiens 5: 2). Et lorsque Noé pouvait craindre un nouveau déluge à la vue des nuages qui lui cachaient les glorieux rayons du soleil, il pouvait, en levant les yeux, voir l'arc dans la nuée, lui rappelant l'alliance de l'Eternel avec la terre, en vertu de laquelle il ne la détruirait plus par les eaux.

Dans notre passage, chers frères et soeurs, c'est de nouveau le Fils qui nous apparaît dans un des plus beaux types de l'Ancien Testament. Abraham, formé par des épreuves précédentes, se met en route pour le pays de Morija, vers une montagne qui lui était inconnue au départ. Les jeunes hommes qui accompagnent lui et son fils, s'arrêtent en deçà du lieu désigné par Dieu. Ayant chargé son fils du bois nécessaire à l'holocauste et pris le feu et le couteau dans sa main, voici Abraham et Isaac en route, «allant les deux ensemble». Or nous savons que deux hommes ne marchent pas «ensemble s'ils ne se sont pas accordés». Nous sommes rendus attentifs à ce mot: «Ils allaient les deux ensemble», par sa répétition au verset 8. Il nous oblige à porter nos pensées au delà d'Abraham, et d'Isaac. Quoi de plus naturel en effet que ces deux aillent ensemble, après avoir laissé les jeunes hommes en arrière? Mais voyez derrière eux le Père et le Fils éternel! C'est de ce dernier que le Père veut nous occuper, en Lui qu'il veut se révéler en amour et en grâce pour nous, par Lui que ses desseins de gloire peuvent seuls s'accomplir. Nous connaissons ces paroles: «Il convenait pour lui, à cause de qui sont toutes choses, et par qui sont toutes choses, que, amenant plusieurs fils à la gloire, il consommât le chef de leur salut par des souffrances» (Hébreux 2: 10). Nous connaissons également cet autre passage: «C'est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit: Tu n'as pas voulu de sacrifice, ni d'offrande, mais tu m'as formé un corps. Tu n'as pas pris plaisir aux holocaustes, ni aux sacrifices pour le péché, alors j'ai dit: Voici, je viens; il est écrit de moi dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté.» (Hébreux 10: 5, 6).

Pourrions-nous trouver dans la Parole un accord plus parfait entre le Père et le Fils pour l'accomplissement de notre salut? Le Père veut des fils dans la gloire, et le Fils s'offre pour l'accomplissement de l'oeuvre qui les y introduira. Remarquez ici une différence entre le type et l'antitype. Isaac ignorait quelle devait être la victime pour l'holocauste, mais le Fils, pouvait dire: «Voici, nous montons à Jérusalem, et toutes les choses qui sont écrites par les prophètes touchant le fils de l'homme, seront accomplies; car il sera livré aux nation; on se moquera de lui, et on l'injuriera, et on crachera contre lui, et après qu'ils l'auront fouetté, ils le mettront à mort, et le troisième jour il ressuscitera» (Luc 18: 31-33). Ainsi nous nous apercevons que, dans le type si touchant de Genèse 22, l'Esprit dépasse la réalisation du mot: «Ils allaient les deux ensemble», appliqué à Abraham et à son fils, car de fait il n'y avait pas communion parfaite de pensées entre les deux. Isaac ignorait ce que s'avait Abraham au sujet de la victime. Cependant Isaac, étant calmé par la réponse de son père, ils continuent ensemble jusqu'au lieu du sacrifice.

Nous l'avons donc vu: toute la portée de ce mot ensemble ne peut être appliquée qu'à Celui qui a débuté dans la communion de pensée et d'action pour l'accomplissement de la gloire de Dieu et de notre salut éternel et qui, le long du chemin, pouvait dire: «Ma viande est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre» (Jean 4), et encore: «Je fais toujours les choses qui lui plaisent» (Jean 8: 29), et encore: «Selon que le Père m'a commandé, ainsi je fais» (Jean 14: 31). Il ne s'arrête pas dans l'accomplissement de la volonté du Père avant de pouvoir dire: «J'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donnée à faire» (Jean 17: 4). et: «C'est accompli» (Jean 19: 30).

Mais revenons au moment où le sacrifice est sur le point d'être offert sur l'autel. Y avait-il à Gethsémané l'ombre d'une interruption dans la communion de pensée entre le Père et le Fils, en sorte qu'ils aient cessé un instant de marcher ensemble? Certainement pas, car voici ce que nous lisons au chapitre 22 de Luc: «Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui soit faite, mais la tienne». Comme donc ils marchaient ensemble au début, ils marchaient ensemble à la fin.

Et qui peut entrer dans la profondeur de ce mystère entre le Père et le Fils? Unité de nature, de pensée et d'action!

De même que les jeunes gens d'Abraham ne pouvaient l'accompagner avec son fils à Morija, de même les disciples ne pouvaient suivre le Seigneur alors; ils le suivirent plus tard, comme Jésus le dit à Pierre.

On trouve dans notre chapitre une troisième fois le mot ensemble, au verset 19: «Et Abraham retourna vers ses jeunes hommes; et ils se levèrent, et s'en allèrent ensemble à Beër-Shéba». Qu'auraient pu faire les jeunes hommes, s'ils avaient accompagné Abraham à Morija? Sans doute, ils l'auraient entravé dans son obéissance à l'Eternel; ils l'auraient troublé dans sa foi; ils auraient peut-être dit à Isaac, comme Pierre au Seigneur: «Dieu t'en préserve; cela ne t'arrivera pas». Mais ils furent laissés en arrière jusqu'au retour d'Abraham et d'Isaac, et dès lors ils marchent dans la communion du père et du fils. L'exemple d'Isaac n'a-t-il pas une grande réalité pour nous?

 

Après sa résurrection, le Seigneur retourne auprès des siens, que l'épreuve de la croix avait obligés de fuir; mais il se fait précéder par Marie de Magdala avec ce consolant message: «Je monte vers mon Père et votre Père; et vers mon Dieu et votre Dieu»; message rempli d'instruction pour les disciples et leur apprenant qu'ils se trouvaient placés maintenant dans les mêmes relations que Lui, vis-à-vis de Dieu et du Père. Celui qui les avait amenés par sa résurrection dans cette relation selon les conseils du Père, les y avait amenés en vertu de sa mort; ils étaient désormais «tous d'un» (Hébreux 2: 11). Ce n'était plus: «Moi et mon Père nous sommes un», chose toujours vraie quant à la divinité du Fils et du Père; mais le Seigneur pouvait désormais leur appliquer ces vérités qu'il avait dites par anticipation, en Jean 17: 21: «Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi; afin qu'eux aussi soient un en nous et que le monde croie que toi tu m'as envoyé».

Naturellement les jeunes hommes d'Abraham ne pouvaient pas être amenés dans cette relation d'enfants vis-à-vis de lui, le type, comme toujours, restant en deçà de l'antitype, mais une chose dont ils jouissent à la suite du sacrifice et de la résurrection d'Isaac en figure, c'est de la communion du père et du fils, car il est écrit: «Ils s'en allèrent ensemble».

C'est là notre privilège. N'est-il pas écrit: «Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous ayez communion avec nous; or notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit accomplie» (1 Jean 1: 3, 4). Ainsi nous marchons ensemble maintenant, dans cette communion, et bientôt notre part bienheureuse et éternelle sera d'être avec Lui, où il est, semblables à Lui. Combien ce troisième ensemble est donc intéressant pour nous!

L'introduction du Fils a, comme nous le remarquions au commencement, certaines conséquences pour Adam et Eve, et pour les descendants de Noé. Ici, le sacrifice et la résurrection du fils unique n'ont pas seulement pour effet de nous amener dans la communion du Père et du Fils, mais la bénédiction universelle — ce qui est bien plus que l'abstention du jugement général du monde — une postérité terrestre et céleste est accordée à Abraham, et toutes les nations sont bénies en sa semence (22: 17, 18).

Que ne pouvons-nous pas attendre du Père qui fut glorifié par le Fils? Oui, que ne fera-t-il pas pour Lui? Nous avons maintenant les pensées du Père révélées à l'égard du Fils et par le Fils. Quelqu'un a dit que l'or de la rue de la nouvelle Jérusalem est comme du verre transparent, et non comme un miroir, ce qui nous porterait à nous voir nous-mêmes dans la cité; mais Celui qui «remplit toutes choses», c'est Christ, le Fils; c'est donc Lui qui sera contemplé dans la Jérusalem céleste et non pas nous.

Puis donc que le Fils est l'objet de notre contemplation et de nos louanges, et le sera dans la gloire, cherchons dès maintenant et toujours dans les Ecritures, le Fils, objet du bon plaisir du Père et de ses conseils. Qu'il nous accorde à tous cette grâce par le Saint Esprit!