Lettre sur l'admission à la table du Seigneur (Darby J.N.)

 ME 1905 page 16

 

Au sujet de la réception des saints pour prendre part avec nous à la table du Seigneur, une question se pose: Peut-on admettre ceux qui ne sont pas d'une manière formelle et régulière parmi nous?

Je ne demande pas si nous devons exclure des personnes, retenant de fausses doctrines, ou dont la vie pratique est contraire à la piété. Je ne mets pas non plus en question si, marchant délibérément avec ces personnes, nous partageons leur culpabilité, montrant que nous ne sommes pas «purs dans l'affaire» (2 Corinthiens 7: 11). Le premier point n'est pas sujet à contestation, et, quant au second, c'est au prix de bien des déchirements que les frères y ont insisté, et moi avec eux. Ces principes sont simples et clairs d'après l'Ecriture. On peut présenter des raisons subtiles pour tolérer le mal, mais nous avons toujours été fermes à cet égard, et Dieu, je n'en doute pas, a pleinement approuvé cette conduite.

La question n'est donc pas là. Mais, supposons une personne, connue pour sa piété, saine dans la foi, quoique n'ayant pas abandonné le système ecclésiastique auquel elle appartient; supposons même, qu'elle soit convaincue que l'Ecriture recommande un ministère consacré par les hommes, mais heureuse de profiter d'une occasion offerte. Nous sommes peut-être les seuls chrétiens dans cet endroit, ou bien cette personne n'y est pas en rapport avec une autre dénomination et demeure chez l'un d'entre nous. Doit-elle être repoussée, parce qu'elle appartient à quelque système au sujet duquel sa conscience n'est pas éclairée, ou même qu'elle estime être meilleur? Cette personne est un membre pieux du corps et connue comme telle. Faut-il la repousser? En faisant ainsi, nous déclarerions que la communion dépend du degré de lumière que l'on possède, et l'assemblée qui refuserait cette âme renierait l'unité du corps. Ce serait abandonner le principe du rassemblement comme membres de Christ marchant selon la piété. Nous poserions comme condition qu'il faut être d'accord avec nous, et l'assemblée deviendrait une secte qui aurait ses membres comme toute autre. Les sectes, nous dirait-on, se réunissent sur le principe baptiste, ou sur un autre, n'importe lequel — vous, sur le vôtre, et s'ils n'appartiennent pas formellement à votre bord, vous ne les laissez pas entrer.

Ainsi, le principe des assemblées des frères étant abandonné, une nouvelle secte serait formée, avec plus de lumière peut-être, mais voilà tout. Il y a sans doute plus de difficulté, et cela exige plus de soin, de traiter chaque cas particulier, sur le principe de l'unité de tous les membres de Christ — au lieu de dire: «Vous n'appartenez pas à notre assemblée; vous ne pouvez venir». Mais, en faisant ainsi, le principe tout entier du rassemblement serait abandonné. Un tel chemin n'est pas selon Dieu.

On m'a rapporté — et je le crois en partie, car des personnes promptes et violentes se sont servies ailleurs des mêmes termes — avoir entendu dire que les diverses célébrations sectaires de la cène sont la table des démons. De telles paroles prouvent seulement la folie et l'ignorance de celui qui les prononce. Les autels païens sont appelés la table des démons, par la raison expresse que ce qu'on y offrait (selon Deutéronome 32: 17) était offert à des démons et non pas à Dieu. Or, appeler des assemblées chrétiennes de profession, quelque ignorantes qu'elles puissent être des vérités ecclésiastiques, et par conséquent ne se réunissant pas selon Dieu — les appeler des tables de démons, est un monstrueux non-sens et prouve le mauvais goût de celui qui parle de la sorte, car aucun esprit sobre ou honnête ne peut nier que ce passage de l'Ecriture ne signifie tout autre chose.

On a prétendu que les frères agissaient sur le principe sectaire que nous venons de condamner. Cette affirmation est simplement et totalement fausse. De nouvelles assemblées se sont formées que je n'ai jamais visitées, mais les anciennes qui marchent depuis longtemps comme frères et que j'ai connues dès le commencement, ont toujours reçu des chrétiens connus comme tels, et je ne doute pas que cela n'ait lieu partout, même dans les nouvelles assemblées. Des individus pourraient avoir cette pensée, mais l'assemblée a toujours reçu les vrais chrétiens. Le dernier dimanche que j'étais à L., trois personnes ont rompu le pain de cette manière. On ne peut assez veiller à la sainteté et à la vérité; l'Esprit est l'Esprit Saint, il est aussi l'Esprit de vérité; mais l'ignorance de la vérité ecclésiastique n'est pas un motif à excommunication, lorsque la conscience et la marche sont exemptes de souillure.

Si un chrétien vient à nous, posant comme condition qu'il lui soit loisible d'aller des deux côtés, il ne vient pas en simplicité dans l'unité du corps. Je sais que ce qu'il a l'intention de faire est mauvais; je ne puis donc le permettre, et il n'a pas le droit d'imposer une condition quelconque à l'Eglise de Dieu. Cette dernière doit exercer, à l'occasion, la discipline selon la Parole. Je ne pense pas non plus qu'un chrétien qui va régulièrement et systématiquement de deux côtés, puisse avoir, de la droiture dans cette double marche. La position qu'il prend est celle de supériorité aux deux partis et de condescendance envers chacun d'eux. Dans cet acte, il ne montre pas un coeur pur.

Que le Seigneur vous dirige. Souvenez-vous que vous agissez comme représentant toute l'Eglise de Dieu, et si vous vous écartez du droit chemin quant au principe du rassemblement, si vous vous séparez de ce principe, vous êtes une secte locale établie sur ses propres principes.

En tout ce qui concerne la fidélité, Dieu m'est témoin que je ne cherche pas une marche relâchée, mais Satan est actif pour nous conduire d'un côté ou de l'autre, pour détruire la largeur de l'unité du corps ou pour la convertir en relâchement pratique ou doctrinal. Il ne faut pas que pour éviter une erreur, nous tombions dans une autre. La réception de tous les vrais chrétiens est ce qui donne de la force à l'exclusion de ceux qui marchent dans le désordre. Si j'exclus en même temps tous ceux qui marchent selon la piété, sans suivre le même sentier que nous, l'exclusion perd sa force, puisque ceux qui sont pieux sont aussi bien exclus que ceux qui marchent dans l'impiété, et l'on n'est plus qu'un «membre des frères», au lieu d'être un membre de Christ.

Etre «membre d'une assemblée» est chose inconnue à l'Ecriture. On est membre du corps de Christ. Si tous devaient être des vôtres, ce serait pratiquement être «membres de votre corps». Que le Seigneur nous en garde! Ce terrain n'est pas autre chose que celui de la dissidence.

Votre affectionné.