Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 333 – ME 1905 page 52. 1

Lettre de J.N.D. no 334 – ME 1905 page 139. 3

Lettre de J.N.D. no 335 – ME 1905 page 217. 4

Lettre de J.N.D. no 336 – ME 1905 page 256. 5

Lettre de J.N.D. no 337 – ME 1905 page 357. 7

Lettre de J.N.D. no 338 – ME 1905 page 419. 9

 

Lettre de J.N.D. no 333 – ME 1905 page 52

à Mr C.

Toronto, Canada, mars 1863

Bien-aimé frère,

J'ai été très heureux de recevoir votre lettre. Je n'ai pas encore entamé les Etats-Unis, mon oeuvre ayant été dans le Canada. Plus tard, je pense les visiter et tout premièrement une colonie française qui vient des contrées de Montbéliard, plus une autre colonie suisse; mais je suis en relation avec un ministre baptiste américain et sa femme qui reçoivent tous deux la vérité et, je l'espère, seront plus utiles que je ne saurais l'être, vu le court espace de temps que je pourrais passer dans ce vaste pays. Toutefois Dieu m'a béni ici dans mes travaux. Certainement une impulsion sensible a été, par sa grâce, donnée à l'oeuvre. Les frères ont été affermis et consolidés et ont davantage conscience de leur position. Une quarantaine a été ajoutée à leur nombre. Mais ce qui m'intéresse encore plus, c'est la manière dont la vérité pénètre dans un grand nombre d'âmes. Sous ce rapport l'oeuvre est plus ou moins nouvelle ici. Un certain nombre de frères anglais ont émigré et se sont réunis; d'autres ont été convertis et se sont joints à eux. Un de nos frères, R. E., a été béni, en les établissant sur un bon fondement et la chose en est restée là. Je suis venu ici avec lui, et maintenant la vérité pénètre dans beaucoup d'âmes tout à fait étrangères aux choses que nous croyons. L'assurance du salut, notre délivrance de la loi, l'Eglise, corps de Christ, la venue du Seigneur, les occupent. Ils s'intéressent à ces vérités, on les détourne; ils se retirent, puis apparaissent de nouveau dans nos réunions, plus occupés de ces choses que jamais. En attendant, il y a une oeuvre d'évangélisation qui est bénie. Un bon nombre d'âmes ont été converties et ont trouvé la paix sans même être jointes à nous.

J'ai été dans les forêts où l'on commence à exploiter le sol et d'où l'on vient de chasser les ours, et à peine les loups. Les castors y partagent encore le terrain avec les hommes. Il y a là une réunion de quatorze personnes qui, toutes, ont été amenées l'année dernière. Dans le village voisin, à dix-huit kilomètres à travers la forêt, une vingtaine de personnes rompent le pain. Les portes sont ouvertes partout. L'oeuvre fait des progrès à Québec, à Montréal, à Toronto, où je me trouve actuellement, à Hamilton, en ce moment l'endroit le plus intéressant de tous. Il n'y avait là qu'une petite poignée de frères, mais la vérité y exerce beaucoup d'âmes. Québec à 50.000 âmes; le grand nombre appartient à Rome; de même à Montréal, ville de 100.000 âmes. On y parle français. A Toronto, ville de près de 40.000 âmes, ils sont protestants; de même à Hamilton, ville de 22.000 âmes. Mais ce n'est que maintenant que l'oeuvre y commence. Il y avait là un petit noyau et quelques âmes converties; maintenant les vérités circulent.

Les Etats-Unis sont dans un état épouvantable. L'immoralité domine partout, les chrétiens sont mondanisés, on est indifférent à la fausse doctrine. C'est un peu le cas au Canada. Il faut se joindre à une église, si l'on veut être respectable; les églises tiennent à l'influence dans le monde et reçoivent sans difficulté tous ceux qui se présentent; la mondanité est plus grande parmi les chrétiens qu'en Europe. On a la musique militaire, afin de faire réussir les collectes pour solder les comptes d'église, etc. Tel est un peu le tableau de l'état de choses et de ce qui se passe ici.

Deux ministres nationaux se sont joints à nous, ainsi que le catéchiste des Indiens qui a trouvé la paix, et deux autres Indiens nouvellement convertis. On a de l'espoir pour d'autres. J'en ai beaucoup pour le ministre baptiste à Hamilton. Il prêche déjà les vérités qu'il a reçues, et c'est un homme droit. Le ministre de l'église nationale d'Ecosse, à Hamilton, a compris la venue du Seigneur et l'annonce même, mais je ne pense pas qu'il ait l'idée de changer, toutefois il est brave et a beaucoup reçu.

Nous avons besoin d'ouvriers dévoués et énergiques. Sauf dans les villes que j'ai nommées, les frères sont un peu dispersés dans un nouveau pays qui était encore tout récemment la forêt vierge. Il y a une trentaine d'années que la place de cette ville-ci, de 50.000 âmes, était occupée par quelques huttes, et qu'on s'y défendait contre les ours. Dans la forêt, on abat les arbres en laissant un mètre de tronc, on brûle ce qui est abattu; on sème sur la terre vierge; peu à peu le reste du tronc périt jusqu'à la racine et on l'enlève. Il y a des centres de population, mais autrement elle est disséminée sur une longueur de 1.600 kilomètres. Nous sommes à la latitude de Madrid, mais l'hiver dure environ six mois, avec par moments près de 30° cent., de froid, mais un temps superbe.

L'homme est ici comme partout, peut-être encore un peu plus occupé des choses terrestres, mais nous travaillons pour dégager les coeurs des mêmes intérêts, des mêmes passions. Je ne sens guère de différence entre l'Angleterre et le Canada. Quand on est près du ciel, quand Jésus est tout, un lieu diffère peu d'un autre. Dieu reste Dieu; il est saint il est amour; et l'homme reste l'homme. Les frères vont bien généralement; ils ont leurs difficultés comme partout, mais ils sont unis, s'intéressent les uns aux autres; et l'on trouve chez eux de l'intelligence, plus même que dans le vieux pays. J'ai été très heureux avec eux. De toute manière, j'ai senti le Seigneur avec moi. J'ai beaucoup joui de la Parole, et le témoignage que j'ai pu rendre a été béni pour les âmes. Les frères ont été rafraîchis et font des progrès et ma visite ici a aussi ranimé, le zèle des frères en Angleterre. Depuis que j'ai commencé à prêcher, le ministre de l'église libre a fait un prône contre nous. Beaucoup de personnes qui le suivent; s'intéressaient à la vérité. Cela a fait du bien en poussant les âmes à chercher la vérité et à s'en rendre compte. Il est curieux de voir combien cette dernière les tourmente. J'ai trouvé plus d'une nouvelle âme réveillée ou affranchie.

En somme, nous avons à bénir Dieu; il y a beaucoup de recherche de la vérité, et quand on sent combien l'on est pauvre en amour, on bénit d'autant plus le Dieu de grâce de ce qu'il fait. Dieu soutient aussi l'oeuvre parmi les Indiens, mais l'évêque est allé faire visite de ces côtés, pour l'arrêter, je pense, si possible. Il faut s'y attendre, mais je sens la bénédiction de Dieu avec moi dans l'oeuvre, et avec cela on est satisfait. Seulement je voudrais qu'il y eût plus d'amour, plus de dévouement.

Paix vous soit, bien-aimé frère. Saluez affectueusement tous les frères autour de vous. Il est bon que nous connaissions l'oeuvre de Dieu en d'autres lieux que celui que nous habitons. Cela fait sentir que l'Eglise de Dieu est une, et nous sommes ranimés par le sentiment de la bonté de Dieu.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 334 – ME 1905 page 139

à Mr C.

Londres, 2 octobre 1864

Bien-aimé frère,

Je pense me rendre plutôt aux Ollières qu'à Jersey. Le mal à Jersey ne provenait pas de Béthesda, mais du pauvre Mr S. Quant à Béthesda, nous avons trouvé que le témoignage était beaucoup plus net et positif pour le Seigneur, depuis la séparation, et tous les jours la chose est plus sentie. C'est une question grave, aujourd'hui que tout se bouleverse, si la vérité doit être un fondement de l'union chrétienne. Ce qui s'est passé réagit sur cette question, en dehors de toute relation ou rupture avec Béthesda, dont Dieu ne s'est servi que comme d'une occasion. Le témoignage qu'il a rendu à ceux qui sont restés fermes, nous a fortifiés dans la marche. Toute âme droite trouve toujours un manque de droiture chez ceux qui penchent de ce côté. La mondanité y fait des progrès; ceux qui l'ont encouragé rentrent dans le nationalisme, se font consacrer (comme X l'a fait à Jersey), ou deviennent formellement ministres, avec défense à ceux qui ne sont pas reconnus ainsi de prendre part à l'édification de l'assemblée. Personne ne doute au milieu de nous que cette influence ne soit celle du mal et de l'ennemi. Grâce à Dieu, pour le témoignage et l'accroissement, malgré notre faiblesse, il nous encourage et nous bénit. Des influences personnelles et le monde entraînent de côté de Béthesda; nous n'avons pas rencontré de cas où la conscience l'ait fait. Ceux chez qui elle a été exercée, les quittent, et cela arrive assez souvent. Les frères en sont séparés, et cela par une conviction plus profonde et tranquille que jamais. Au reste, l'esprit de mensonge et ses mauvais effets, ne laissent aucun doute dans nos esprits. J'écris à la hâte, devant quitter Londres dans deux jours.

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 335 – ME 1905 page 217

à Mr C.

New York, avril 1867

Bien-aimé frère,

Pour faire suite à ma lettre précédente, il ne faut pas penser que Mr E. reçoive tout l'argent qui se donne. D'abord il ne reçoit rien de la France. Les frères y donnent à ceux dont les besoins se présentent à eux et, selon leurs moyens, ils donnent plus que les Suisses. Mr S. donne beaucoup, je ne sais à qui. Ce que je donne par occasion ou pour l'éducation et le placement des enfants des frères, se donne aussi à part. En Suisse, les assemblées donnent en général chacune à qui bon lui semble. J'ai pris dans le temps des informations; il se donnait par les assemblées près de… par an. Je doute que Mr E. reçoive maintenant de beaucoup de personnes. L'avantage d'un seul dépositaire ou du moins de quelques-uns agissant de concert, c'est qu'on sait à qui l'on a envoyé. Un point important quand il y a un seul dépositaire, c'est que, s'il y met du coeur et qu'il ait tant soit peu d'esprit de conseil et de sympathie, les frères à l'oeuvre se confient en lui, s'ouvrent, peuvent lui confier leurs peines et leurs difficultés. Ce n'est plus la même chose quand ils sont deux ou trois. Deux ou trois coeurs ne peuvent en faire un. Il y aura peut-être plus de justice, moins d'intérêt personnel. C'est une espèce de comité, et les comités n'ont guère de coeur, ni en général trop de conscience. Ils sont toujours individuels. Mon expérience des comités pour subvenir à l'oeuvre du Seigneur ne m'a pas beaucoup engagé à m'en servir, quelque excellentes que soient les personnes qui les composent. Je crois pour ma part que si l'amour est en exercice, Dieu pourvoira à ce qu'on adresse à la personne voulue de Lui ce qu'il y a à donner, et je m'accommoderais aux moyens que les frères trouveraient les meilleurs. Moins il y a d'organisation, mieux on s'en trouvera, selon moi… Les frères qui ont quelques petites ressources sont plus mal placés que les autres. On a toujours plus ou moins l'idée qu'ils se suffisent à eux-mêmes; on pense au moins premièrement à ceux qui n'ont rien.

Je continue pour le moment mon travail ici, mais il n'y a rien de bien nouveau. Une dizaine d'âmes ont trouvé la paix, d'autres ont été attirées ou converties. Mes réunions en langue française ont été aussi bénies que les autres. Nous avons trois françaises et cinq suisses de même langue en communion. Une autre personne qui ne rompt pas le pain a trouvé la paix; deux autres frères ont pris leur place, mais ne viennent pas régulièrement. Je suis en relation avec plusieurs autres encore, Français et Suisses, puis avec des frères précédemment dispersés ou se trouvant eux-mêmes en rapport avec des personnes qui nient l'immortalité de l'âme. Il y a beaucoup de ce genre d'incrédulité par ici, et plusieurs chrétiens ont été entraînés ou se rassemblent avec eux. Grâces à Dieu, un certain nombre d'entre eux, ici et à Boston, ont été délivrés de cette erreur.

Il y a progrès dans l'Ouest. La vérité quant à l'affranchissement et quant à la venue du Seigneur pénètre; celle de l'unité du corps de Christ plus lentement. Leur église suit le courant du monde avec une force extraordinaire; l'argent est tout. Tout le monde se mêle de politique, ou devient membre d'une église, parce que c'est la mode, puis on continue son train; si l'on est converti, on cherche à tenir sa conscience à l'aise en travaillant à une école du dimanche ou à quelque oeuvre pareille. Telle est la religion des Etats-Unis. Personne n'a la paix; cependant le témoignage de Dieu se fait jour. Nous avons un ministre baptiste qui nous intéresse beaucoup. Je ne crois pas qu'il reste longtemps dans sa position officielle; c'est un bien digne chrétien.

Je pense partir bientôt pour Boston où les portes sont ouvertes, puis, si Dieu le permet, pour une conférence au Canada. Nous en avons chaque année. Notre réunion indienne (de Peaux rouges) va bien. Ils sont près de trente à rompre le pain, deux ou trois cherchent à évangéliser leurs compatriotes, car il faut connaître la langue, ou plutôt deux ou trois langues. Nous avons un frère, ancien ministre national, homme bien dévoué, qui s'en occupe particulièrement, sans toutefois se borner à cela. Il est actuellement dans les Etats-Unis, à l'ouest, où, comme j'ai dit, l'oeuvre fait des progrès.

Tout cela est une goutte d'eau dans la mer, mais le témoignage se fait un peu entendre et l'on en a joui. Nos livres circulent partout. La grâce, le salut accompli, un christianisme biblique, tout cela attire les âmes. Le résultat est entre les mains de Dieu…

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 336 – ME 1905 page 256

à Mr C.

Etats-Unis, octobre 1867

Bien-aimé frère,

J'ai préféré avoir des relations purement spirituelles et fraternelles avec les frères à l'oeuvre, quitte à faire face à un besoin particulier s'il se rencontre, mais je me tiens à l'écart des affaires d'argent. Seule, l'éducation des enfants, des frères est exceptée. Ce dernier besoin a varié beaucoup dans ses exigences, de rien du tout à… par an. Mais les frères ne peuvent guère vaquer à l'oeuvre, s'ils n'ont pas aussi ce qu'il faut pour leurs enfants.

Quant à l'oeuvre en Amérique, il y a progrès dans les Etats de l'ouest, plus qu'au Canada où cependant trois nouvelles réunions se sont formées. La tendance des Américains est de changer continuellement de lieu d'habitation, pour prendre une ferme, pour trouver de l'ouvrage, etc. Ils n'ont pas l'idée d'appartenir à un endroit. La question: D'où êtes-vous? ne trouve pas à s'appliquer. Cela tend à disperser les troupeaux. D'autre part, cela forme parfois de nouveaux noyaux, quand il y a du dévouement, mais si ce dernier manque, ils retombent au niveau de leur entourage. En général, grâce à Dieu, la fidélité n'a pas manqué, mais on trouve un bon nombre de dispersés et d'isolés. Pour maintenir leur nombre dans le même endroit, il faut qu'ils se recrutent constamment et même rapidement. Au Canada, il n'y a pas de réveil, mais, grâce à Dieu, des conversions individuelles s'opèrent, et il y a des portes ouvertes. Nous avons plutôt manqué d'ouvriers que d'ouvrage. Au milieu des Indiens, l'oeuvre est en progrès sensible; elle s'étend encore; plusieurs travaillent maintenant au milieu de leurs compatriotes et avec bénédiction. Nos frères à l'oeuvre vont bien et se dévouent sincèrement.

Je viens de faire une tournée dans l'ouest (Wisconsin, Missouri, Michigan, Illinois). Il y a maintenant neuf ou dix réunions. L'une commence à se former avec deux cents frères, une centaine de langue française, quelques Allemands, et le reste composé d'Américains nouvellement ajoutés. Là aussi ont eu lieu des conversions, principalement dans les familles des frères. Mes visites tendent à les unir ensemble et les amènent à faire connaissance les uns avec les autres. A Greenville, il y a beaucoup de bénédiction; à Sugar Creek, se trouvent une cinquantaine de Suisses venus là pour améliorer leur position dans le monde. Cette tendance, en contristant le Saint Esprit, a affaibli la réunion et des dissensions ont eu lieu. Mais, par la bonté de Dieu, au lieu de reproches mutuels, ils commencent à sentir qu'ils ont tous besoin de s'humilier. Dieu aussi, dans sa grâce, a converti plusieurs de leurs enfants, pour les encourager au milieu de leurs misères. J'y ai passé deux jours, et j'ai eu de bonnes réunions. Trois réunions suisses dans l'Illinois: deux vont faiblement; dans la troisième, il y a des portes ouvertes au milieu des Français de la localité. A Détroit, les Français, de Montbéliard pour la plupart, ne vont pas trop bien. Les plus spirituels, se sont joints à une réunion de langue anglaise qui est en très bon état.

La vérité se répand beaucoup dans les Etats-Unis. Nous ne pouvons pas avoir assez de nos traités à répandre. Dieu seul connaît le résultat, mais j'espère que bien des âmes apprendront à marcher fidèlement. L'ennemi est actif. La plupart des personnes qui croient à la venue du Sauveur, ont rejeté l'immortalité de l'âme et beaucoup, par conséquent, la responsabilité et l'expiation. C'est un obstacle sur nos pas. J'ai trouvé à New York des Suisses et des Français qui avaient mordu à ces fausses doctrines; grâce à Dieu, plusieurs ont été délivrés.

Dans l'Est, l'oeuvre a été plutôt individuelle. Notre frère B., ancien ministre baptiste, y a été béni de cette manière. Il y a néanmoins quatre réunions, toutes petites, mais l'oeuvre est en progrès. Bien des âmes attendent la formation d'une réunion plus considérable à New York. J'espère que Dieu agit parmi les quelques-uns qui s'y réunissent. Je suis sur le point de m'y rendre.

Tout est en formation, quoique le Canada ait un peu trouvé son assiette. C'est peu de chose, mais le témoignage se fait jour. Nous avons eu à notre conférence de Guelph, des frères venant du golfe du Mexique, de l'Océan Atlantique et d'au delà du Mississipi. Mais les distances ne comptent ici pour rien. J'ai fait 3200 kilomètres pour voir les frères, et si j'avais visité la réunion la plus éloignée, j'aurais fait au moins mille kilomètres de plus.

Dans bien des endroits, si l'on quitte les grandes lignes, on n'a pas de routes. Quatre de nos frères ont dû marcher dans l'eau; ils en ont eu jusqu'au cou pour avoir voulu essayer. Je me fais un peu vieux pour ce genre de travail, mais jusqu'à présent Dieu m'a soutenu dans sa bonté. A travers des hauts et des bas quant aux détails, l'oeuvre s'est établie et fait un progrès sensible. S'il y avait plus de dévouement, on en verrait bien davantage. Je connais quelques frères qui, j'en suis sûr, seraient d'excellents ouvriers, s'ils avaient assez de dévouement pour rompre avec tout. Grâce à Dieu, ceux qui l'ont fait vont très bien, et travaillent d'une manière bénie. Voilà, cher frère, un peu en détail, où en est l'oeuvre en Amérique.

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 337 – ME 1905 page 357

à Mr C.

Demerara, 19 décembre 1868

La date de ma lettre, bien cher frère, vous expliquera un peu le retard de ma réponse. J'ai bien reçu la vôtre avant mon départ, mais j'étais si occupé que je n'ai pu répondre avant de quitter l'Angleterre. Je vous remercie beaucoup des détails que vous me donnez de l'oeuvre et des chers frères qui y travaillent. La distance ne fait qu'accroître l'intérêt que je lui porte, parce que je sens davantage que c'est l'oeuvre de Dieu lui-même. On me dit que le cher G. vieillit et s'épuise un peu. Ce n'est pas étonnant; c'est aussi mon cas. Mais le repos viendra… Si Dieu me garde, j'espère arriver en France au printemps. Ce sera une grande joie pour moi. Je ne serai peut-être pas à même de faire les longues courses à pied que j'ai si souvent faites avec tant de joie, mais j'espère être d'autant plus avec les ouvriers eux-mêmes. A soixante-neuf ans, les jambes commencent à s'enraidir. Autrement, par la bonté de Dieu, je travaille comme de coutume et même davantage, et Il est avec moi.

Le désir d'entendre est très grand dans les trois royaumes. L'Ecosse qui était très fermée, s'ouvre d'une manière remarquable. A Londres, les locaux ne peuvent contenir le monde qui y afflue, et il y a une assez grande majorité d'hommes. Naturellement le nombre des frères s'accroît beaucoup, et en général on trouve, grâce à Dieu, l'union, de la piété et du sérieux. Je crois aussi que l'attente du Seigneur est plus profonde et plus réelle. Nous avons sûrement nos humiliations et nos combats, mais en général nous avons de quoi bénir Dieu.

Ici les choses vont assez bien, mais il n'y a pas beaucoup de mouvement spirituel. Au Canada, par contre, une oeuvre remarquable a lieu; il s'agit de centaines de conversions, solides je l'espère. En tout cas, il y en a de solides en assez grand nombre. Un élément assez frappant de cette oeuvre, est que nous avons au moins une douzaine de jeunes officiers de l'armée qui l'ont quittée et sont des plus actifs dans l'oeuvre et bénis. On voit que l'Esprit de Dieu agit. Puis, chose plus difficile, deux ou trois ministres nationaux, excellents frères. Dieu a suscité aussi d'autres ouvriers de toutes les classes. Dans les Iles, Dieu agit aussi un peu. Aux Etats-Unis, il y a progrès, New York. et dans l'Est encore davantage. P. s'y trouve, mais nos Suisses français cheminent difficilement. J'espère que P. leur sera en bénédiction. Ils se rendent là pour ce monde, et ils moissonnent ce qu'ils ont semé. En pareil cas, Dieu est plus sévère avec les frères, et c'est sa bonté. Ils font profession d'avoir rompu avec le monde; or, qu'est-ce que le monde? Marcher en ce qui n'a que l'apparence, — et nous avons un royaume immuable! Tenons-nous y fermes, cher frère; c'est un héritage éternel; il reste, quand toutes les illusions de la vanité seront dissipées.

J'ai été fortement frappé de la différence d'instruction dans l'épître aux Romains, en ce qui précède et ce qui suit le verset 12 du chapitre 5. Il s'agit, jusqu'à la fin du verset 11, des péchés, de notre pardon et de notre justification par le sang et par la résurrection de notre précieux Sauveur. Depuis le verset 12, il s'agit du péché et de notre commun état à tous, devant Dieu; et non du pardon, mais de la délivrance. En vue de cela, il n'est pas question du Christ mort pour nos péchés, mais de notre mort avec Lui et du fait que nous vivons par Lui. La bénédiction de la première de ces grâces, est dépeinte au chapitre 5: 1-11; celle de la seconde, au chapitre 8. La première est davantage ce que Dieu est lui-même, ce qu'il est pour le pécheur; la seconde, notre position devant Lui, et ce qu'il est pour les siens. Ensuite le pécheur est envisagé ici comme vivant dans le péché, puis mort «avec Christ (non pas encore ressuscité avec Lui), mais vivant par Lui. L'épître aux Colossiens va plus loin. Là on est mort dans le péché et ressuscité avec Lui. C'est un changement de position, aussi bien que la communication d'une nouvelle vie. Dans les Ephésiens, nous ne sommes vus que comme morts dans les péchés (tout en y marchant), puis vivifiés, ressuscités avec Christ et assis dans les lieux célestes. Dans les Colossiens, le chrétien, tout en étant ressuscité, est sur la terre; sa vie est cachée avec le Christ en Dieu; il doit avoir ses affections en haut; son héritage y est conservé pour lui. Vous pouvez examiner ces choses dans la Parole. Ce que j'ai dit des Romains est très utile pour l'affranchissement des âmes. C'est, en réalité, l'affranchissement.

Je bénis Dieu, cher frère, de ce qu'il vous a gardé votre chère petite après avoir retiré votre fils. Sa bonne main est sur nous, même et tout particulièrement dans les choses qui sont pénibles. Il ne valait pas la peine de donner une longue histoire de la prospérité de Job, mais le Saint Esprit de Dieu nous a donné le détail de tout ce qui s'est passé dans ses tribulations. Il en valait la peine, et c'était pour le profit des siens jusqu'à la fin du siècle. C'est là que l'oeuvre de notre Dieu s'est trouvée. Qu'il nous donne d'avoir une entière confiance en Lui. C'est la première chose que Satan a détruite, avant que et pour que la convoitise entrât en Eve. La vie de Jésus était tout entière la manifestation de l'amour pour regagner la confiance du coeur de l'homme. Sans doute il fallait la grâce, mais c'est ce qu'il était: Dieu se montrant à l'homme pour qu'il se confiât en Lui. Sa mort ne diminue pas les preuves de son amour…

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 338 – ME 1905 page 419

à Mr C.

1868

Bien cher frère,

Notre passage ici-bas est un temps de combats et de conflits, et il ne pourra en être autrement. Or si l'Ennemi nous trouve à découvert, si la chair est en activité, il pourra toujours nous tourmenter. Il nous faut, de plus, pour nous mesurer avec lui, toutes les armes de Dieu. Il ne s'agit pas de force, mais de ruses; et Dieu permet que, par ce moyen, nous fassions la découverte de notre état, comme dans le cas de Haï et des Gabaonites. Mais dans l'oeuvre, il y aura toujours combat, victoire sans doute, si nous sommes fidèles. Nous tenir debout, voilà notre affaire dans les jours mauvais. Je suis sûr, cher frère, quant à toutes les paroles injurieuses, qu'il y a une seule chose à faire: se taire, les supporter et remettre tout à Dieu, en priant même pour ceux qui les profèrent.

J'ai été frappé du rôle de la patience dans la vie chrétienne, en lisant le Nouveau Testament. «Fortifiés en toute force selon la puissance de sa gloire…», quelle grande oeuvre va suivre?… «pour toute patience et constance avec joie!» La patience doit avoir son oeuvre parfaite, afin que nous soyons parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu (Jacques 1), parce qu'alors la volonté propre de l'homme, son esprit à lui, n'a pas de place dans notre marche. Souvent même, en cherchant à faire du bien, nous n'attendons pas assez l'action de Dieu qui seul peut le faire. J'espère que les frères dont on dit du mal, auront une patience parfaite, et Dieu jugera leur cause. Qu'ils se placent en même temps devant Dieu, humiliés au sujet de tout ce mal, en priant Dieu lui-même d'y porter remède. Il se peut qu'il vous force à l'exercice de la patience. Il l'exercera lui-même; mais en son temps, et ce sera le meilleur, il paraîtra pour la bénédiction, et à la joie de ceux qui se sont attendus à Lui…