Qu'est-ce que l'Eglise?

Les diverses significations du mot dans le monde et dans la Parole

Ladrierre A.

ME 1905 page 468

 

Il règne dans la chrétienté une grande confusion et beaucoup d'ignorance sur l'important sujet de l'Eglise. On entend parler d'églises catholique, grecque, anglicane; d'églises nationales et indépendantes, etc. Il est donc bien nécessaire de connaître à cet égard ce que nous dit l'Ecriture; car si nous ne savons pas ce que c'est que l'Eglise, nous ne pouvons pas non plus connaître les privilèges appartenant à ceux qui en font partie.

En premier lieu, il est important de remarquer que nous ne trouvons pas l'Eglise dans l'Ancien Testament. On nie souvent ce point en s'appuyant sur un passage des Actes des Apôtres qu'il nous faut, à cause de cela, examiner avec soin. Etienne, dans son discours devant le sanhédrin, prononce ces paroles: «C'est lui qui fut dans l'assemblée au désert» (Actes des Apôtres 7: 38). C'est uniquement sur ces paroles que repose l'argumentation, car dans les Ecritures mêmes de l'Ancien Testament, il n'y a pas un seul passage qui puisse même suggérer l'existence de l'Eglise. Or il est très vrai que le mot grec employé dans le discours d'Etienne est le même qui, en d'autres parties du Nouveau Testament, est traduit par «église». Mais sa signification est toujours celle «d'assemblée», la nature de cette assemblée étant définie par le contexte. Par exemple, le même mot est appliqué trois fois au concours tumultueux de peuple qui eut lieu à Ephèse par le fait de Démétrius l'orfèvre et de ceux qui travaillaient du même métier (Actes des Apôtres 19: 32, 39, 41); dans ces différents cas, il est traduit par assemblée. Qu'était donc l'assemblée dans le désert? C'était évidemment la congrégation d'Israël. Mais cette congrégation était-elle l'Eglise ou l'Assemblée de Dieu? Cela est impossible, car bien qu'il y eût dans cette congrégation des personnes nées de Dieu, elle se composait de l'Israël selon la chair, de sorte que tout enfant né de Juifs en était membre en vertu même de sa naissance. Si donc on prétend que c'était l'Eglise de Dieu, la conséquence en est que l'Eglise de Dieu dans le désert se composait d'hommes dans la chair, car évidemment la nouvelle naissance n'était pour rien dans la condition d'après laquelle on en devenait membre, toute la nation s'y trouvant renfermée. D'après cela, toute personne qui connaît tant soit peut l'Ecriture, verra que l'assemblée ou congrégation d'Israël n'était, en aucun sens, l'Eglise selon que la présente le Nouveau Testament.

Un autre point important, c'est que l'Eglise n'est pas vue comme existante dans les évangiles. Le mot même d'église ou assemblée ne se trouve que trois fois dans l'évangile de Matthieu et point du tout dans les autres. Le premier passage où il se rencontre est celui-ci: «Et moi aussi, je te dis que tu es Pierre, et sur ce roc je bâtirai mon église (ou mon assemblée)», etc. (Matthieu 16: 18). Remarquez les paroles dont se sert le Seigneur, il dit: «Je bâtirai», indiquant par là que cette oeuvre n'était pas encore commencée, mais qu'il était sur le point de la faire. Un tel langage aurait été impossible si l'Eglise avait déjà existé, il indique clairement que c'était une chose encore à venir.

Le seul autre passage où se trouve deux fois le mot assemblée, est Matthieu 18: 17. Il nous donne des directions sur ce que nous avons à faire quand un frère nous a offensés. Mais si l'on remarque que cette instruction vient après la révélation de la future édification de l'Eglise, et se trouve liée avec l'action de l'Eglise comme ensemble, on verra sans peine ce qu'elle signifie, surtout en faisant attention au fait que le Seigneur termine son enseignement à cet égard par la promesse que là où deux ou trois sont rassemblés en son nom, il se trouve au milieu d'eux. Or cela ne pouvait se dire aussi longtemps qu'il était effectivement présent sur la terre. L'Eglise ne se trouve donc pas plus dans les évangiles que dans l'Ancien Testament; elle n'existait pas avant la mort du Seigneur Jésus Christ.

C'est seulement dans les Actes des Apôtres que nous la voyons en existence. Nous trouvons le mot vingt ou vingt-une fois dans ce livre, outre Actes 7: 38, et 19: 32, 39, 41 (2: 47, est pour le moins douteux), et ce qui est signifié par ce mot «l'Assemblée de Dieu» se rencontre dans presque chaque chapitre. Quand donc l'Eglise a-t-elle commencé d'exister, quand est-ce que le Seigneur a commencé de bâtir son Assemblée sur le roc donc il avait parlé? Ce fut le jour de la Pentecôte. Ce fut alors et pas avant, que ceux qui reçurent la parole des apôtres et qui furent baptisés, furent édifiés sur le Roc, et qu'étant baptisés par un même Esprit en un seul corps, ils devinrent l'Eglise de Dieu. Je ne m'arrêterai pas davantage sur ce point maintenant. D'autres preuves viendront plus tard à l'appui de ce que j'avance.

Qu'est-ce donc que l'Eglise? La parole de Dieu nous donne une double réponse, parce qu'elle présente l'Eglise essentiellement sous un double point de vue. L'Eglise est le corps de Christ, et elle est la maison de Dieu.

Plusieurs passages nous montrent l'Eglise comme étant le corps de Christ. Ainsi, dans l'épître aux Ephésiens, l'apôtre, après avoir parlé du déploiement de la puissance de Dieu en ressuscitant Christ d'entre les morts et en l'élevant au-dessus de toutes choses, ajoute: «Et il l'a donné pour être chef sur toutes choses à l'assemblée qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous (Ephésiens 1: 20-23).

Nous lisons encore: «Ainsi nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ» (Romains 12: 5; voyez aussi 1 Corinthiens 10: 16, 17; 12: 27). Et dans l'épître aux Colossiens 1: 18. «Il est le chef du corps, de l'assemblée, lui qui est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin qu'en toutes choses, il tienne, lui, la première place». Pour compléter la liste des passages relatifs à ce sujet, lisez encore Ephésiens 2: 16; 4: 4, 12, 16; 5: 30; Colossiens 2: 19.

Quant à l'autre point de vue sous lequel l'Eglise est envisagée dans l'Ecriture, Paul dit: «La maison de Dieu, qui est l'assemblée du Dieu vivant» (1 Timothée 3: 15), et dans l'épître aux Ephésiens: «En qui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l'Esprit» (Ephésiens 2: 22; voyez encore les passages suivants: Hébreux 3: 6; 10: 21; 1 Pierre 2: 5; 4: 17; 1 Corinthiens 3: 16; 2 Corinthiens 6: 16).

Sans nous arrêter pour le moment à examiner la distinction qu'il y a entre ces deux points de vue, je désire faire remarquer que ces deux termes prouvent d'une manière positive ce que j'ai avancé précédemment. Ainsi, l'Eglise est le «corps» de Christ, et Christ en est la tête (*), comme cela est dit (Colossiens 1: 18). Or nous voyons: 1° que c'est comme homme qu'il est tête du corps; 2° que ce n'est qu'après sa mort, sa résurrection et son ascension, qu'il est donné comme tel. En effet, tandis qu'il était dans ce monde, le Seigneur demeurait seul; l'union avec Lui n'était possible que dans la résurrection (Jean 12: 23, 24; voir aussi Jean 20). Ainsi, c'est quand il est glorifié dans le ciel qu'il devient tête du corps; c'est alors seulement que le corps peut être formé.

(*) Chef ou tête — c'est le même mot.

Pour établir plus distinctement encore cette vérité, demandons-nous: «Comment le corps est-il formé?» La réponse est: «Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps» (1 Corinthiens 12: 13). Mais avant que Jésus fût glorifié, «le Saint Esprit n'était pas encore» (Jean 7: 39); il n'avait pas été envoyé pour baptiser les croyants en un seul corps, et par là nous voyons que l'Eglise n'a pas pu exister avant le jour de la Pentecôte.

De plus, rappelons-nous que ce qui caractérise le corps, c'est que toutes les distinctions nationales y sont abrogées, qu'il se compose également de Juifs et de gentils. «Un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres» (1 Corinthiens 12: 13; voyez aussi Galates 3: 28; Ephésiens 2: 13-16; Colossiens 3: 10, 11). Or jusqu'à la crucifixion de Christ, la nation juive possédait ses privilèges spéciaux et particuliers dont les gentils étaient privés, comme l'apôtre le dit: «Souvenez-vous que vous, autrefois les nations dans la chair, qui étiez appelés incirconcision par ce qui est appelé la circoncision faite de main dans la chair, vous étiez en ce temps-là sans Christ, sans droit de cité en Israël, et étrangers aux alliances de la promesse, n'ayant pas d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde» (Ephésiens 2: 11, 12). Mais la mort de Christ a aboli ces distinctions nationales, car Paul continue en disant: «Mais maintenant… vous avez été approchés par le sang du Christ; car c'est Lui qui est notre paix, qui des deux en a fait un, ayant détruit le mur mitoyen de clôture… afin qu'il créât en lui-même un seul homme nouveau, en faisant la paix, et qu'il les réconciliât tous les deux en un seul corps à Dieu par la croix» (Ephésiens 2: 13-16). C'est donc à la croix seulement que les distinctions entre Juifs et gentils ont disparu; c'est alors seulement qu'a été possible la formation du corps de Christ.

En dernier lieu, il nous est dit expressément que le mystère de l'Eglise avait été caché dès les temps éternels, qu'il n'a pas été donné à connaître en d'autres générations, que c'est par révélation qu'il a été donné à connaître à Paul, et que ce mystère est précisément «que les nations seraient cohéritières et d'un même corps et coparticipantes de sa promesse dans le Christ Jésus, par l'évangile» (Romains 16: 25, 26; Ephésiens 3: 3-11; voyez aussi Colossiens 1: 25-28). Ainsi, non seulement l'Eglise ne pouvait pas exister avant la mort de Christ et avant la glorification de sa Tête, Christ, ni avant que le Saint Esprit n'eût été donné, mais c'était pour les saints de l'Ancien Testament une chose totalement inconnue.

Nous arrivons au même résultat en considérant l'Eglise comme la maison de Dieu. Ainsi, nous trouvons en Ephésiens 2: 20, que les croyants sont «édifiés sur le fondement des apôtres et prophètes». De quels prophètes est-il parlé ici? Non des anciens évidemment, car l'apôtre, au chapitre 3, se servant des mêmes mots, dit que le mystère a été maintenant révélé à ses saints apôtres et prophètes, et au chapitre 4: 11, en parlant des dons qui sont accordés par Christ monté en haut, il mentionne «les uns apôtres, les autres prophètes». Or cet ordre des mots a certainement une signification dans ces trois passages parallèles, dont l'un dit positivement maintenant. Ainsi, c'est des prophètes du Nouveau Testament qu'il est question, et par conséquence l'Eglise n'a pu être édifiée sur eux qu'après la Pentecôte, quand Christ eut dispensé ses dons.

D'un autre côté, comme maison, l'Eglise est l'habitation de Dieu par l'Esprit (Ephésiens 2: 22); or nous avons vu que l'Esprit n'avait pas été donné jusqu'à la Pentecôte. Dieu ne pouvait donc avoir son habitation par l'Esprit dans l'Eglise avant ce moment. Il est vrai que Dieu habitait dans le tabernacle du témoignage et dans le temple, figures et ombres tous deux du vrai temple de Dieu, l'Eglise; mais le fait que c'étaient des types montre que la chose typifiée n'existait pas encore.

Il est donc clairement établi que l'Eglise de Dieu n'a pas eu son commencement avant la Pentecôte.

L'Eglise est aussi présentée comme l'épouse de Christ, comme nous le montrent les passages suivants: Ephésiens 5: 23-33. Le mot ne se trouve pas dans ce passage, mais la chose ressort de tout l'ensemble. Le mari est le chef de la femme, et le Christ chef de l'Assemblée; comme l'Assemblée est soumise au Christ, que les femmes le soient à leurs maris. Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l'Assemblée. Les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps; personne ne hait sa propre chair, mais il la nourrit et la chérit, comme aussi le Christ l'Assemblée; «car nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os», paroles qui sont exactement celles d'Adam, en recevant Eve, ce que confirment les versets 31-32. Paul, écrivant aux Corinthiens, dit: Je vous ai fiancés à un seul mari pour vous présenter au Christ comme une vierge chaste. L'Eglise est donc fiancée maintenant, en attendant qu'elle soit complète, ce qui aura lieu quand viendront les noces de l'Agneau; là elle est appelée expressément «sa femme» (Apocalypse 19: 7; voir aussi 21: 2-9). Or les noces de l'Agneau ont lieu avant l'apparition du Seigneur, avant qu'il vienne sur la terre pour établir son règne (versets 6-9, 11-14), et elles ont lieu dans le ciel. Nous savons aussi que l'espérance de l'Eglise est la venue du Seigneur pour être toujours avec Lui, afin qu'ayant souffert avec Christ elle soit glorifiée et règne avec Lui dans son royaume (2 Thessaloniciens 1; Colossiens 3: 1-4; Romains 8: 16-21; 1 Thessaloniciens 4: 13-18).

Ainsi, nous pouvons conclure que la période de l'Eglise s'étend de la Pentecôte jusqu'à la venue du Seigneur pour ses saints. Avant la Pentecôte il y a eu des saints sauvés, mais ni eux, ni Israël, n'étaient l'Eglise; après la venue du Seigneur, il y aura des sauvés, mais les saints de la période apocalyptique, ni les saints millénaires, ne sont l'Eglise. L'Eglise de Dieu comprend tous les croyants (depuis la Pentecôte jusqu'à la venue de Christ), en qui le Saint Esprit habite, baptisés par Lui en un seul corps, et unis par Lui à l'Homme glorifié, Christ, leur Tête dans le ciel.