Quelques réflexions sur les deux premiers chapitres de l'Exode

Ces notes d'un bien-aimé frère, maintenant auprès du Seigneur, devaient comprendre les dix-huit premiers chapitres de l'Exode. Les deux premiers chapitres seuls avaient été rédigés par lui, mais ils sont si édifiants que nous n'hésitons pas à les publier dans cet état fragmentaire.

Ladrierre A.

ME 1906 page 3

 

Quelques réflexions sur les deux premiers chapitres de l'Exode. 1

Chapitre 1. 1

Chapitre 2. 7

 

Chapitre 1

Comme nous le savons, le mot Exode, nom donné au second des livres de Moïse, signifie sortie. Toutefois ce nom ne fait pas partie du texte inspiré. Ce livre, en effet, renferme bien le récit de la sortie des Israélites du pays d'Egypte, mais ce n'est qu'un événement historique qui se rattache à quelque chose de bien plus élevé, savoir aux conseils et aux voies de Dieu envers un peuple choisi d'entre les nations de la terre, et à une hauteur plus grande encore, aux desseins éternels de Dieu envers l'homme. En effet, c'était dans le sein de ce peuple élu que devait naître le Libérateur annoncé dans la Genèse et promis à Abraham, souche d'Israël et père des croyants.

Ce livre traite tout d'abord de la rédemption, du rachat et de la délivrance du peuple d'Israël tombé sous l'esclavage des Egyptiens. Or la rédemption nous parle du péché, ainsi qu'il est dit: «Nous avons la rédemption, la rémission des péchés» (Colossiens 1: 14). Israël, afin de pouvoir quitter l'Egypte, avait besoin d'être mis à l'abri du jugement dont il était passible comme pécheur, puis d'être affranchi par la mort de la puissance du Pharaon, figure de Satan. En cela consistait sa rédemption, type de la nôtre. Une fois racheté, conduit hors d'Egypte dans le désert et se dirigeant vers Canaan, le pays de la promesse, il était sous la garde et les soins de Dieu. La grâce qui l'avait délivré le conduisait, le protégeait, pourvoyait à tout. C'est là ce que nous trouvons dans les dix-huit premiers chapitres de ce livre.

D'autres faits, nous donnant de précieux enseignements, se trouvent relatés dans la suite du livre; mais nous nous bornerons pour le présent à étudier les chapitres indiqués ci-dessus.

Le commencement du livre de l'Exode se rattache directement à la fin de la Genèse. On voit aisément qu'il est la suite de ce dernier livre, et qu'il est sorti de la plume du même écrivain, inspiré de Dieu, je n'ai pas besoin de le dire.

Les sept premiers versets du livre, tout en rappelant les noms des fils d'Israël, pères des douze tribus, présentent deux faits intéressants par le contraste qu'ils offrent. Le verset 5 rappelle la faible origine du peuple. Soixante-dix âmes, c'était bien peu de gens, étaient entrées en Egypte. Mais, au verset 7, nous les voyons se multiplier d'une manière extraordinaire, de sorte qu'au bout des deux cent quinze années qui s'écoulèrent entre l'arrivée de Jacob en Egypte, et la sortie de ses descendants, ceux-ci formaient un peuple de deux à trois millions de personnes.

Les soixante-dix années du règne de Joseph avaient été, dans la main de Dieu, favorables à la prospérité des enfants d'Israël. Soixante-quatre ans s'étaient écoulés entre sa mort et la naissance de Moïse. D'une part, l'Eternel voulait que son peuple se rappelât ses chétifs commencements. Lorsqu'il serait entré en Canaan et qu'il apporterait à l'autel de son Dieu les prémices de ses biens, il devait faire cette confession: «Mort père était un Araméen qui périssait, et il descendit en Egypte avec peu de gens» (Deutéronome 26: 5); d'un autre côté, selon la promesse faite aux patriarches et spécialement à Abraham (Genèse 15: 5), le peuple avait crû merveilleusement en nombre, et il devait se souvenir des soins de l'Eternel et de sa fidélité. C'est ainsi que nous avons à nous souvenir que nous n'étions rien, et que c'est par la grâce seule que nous avons été comblés de toutes sortes de bénédictions en Christ.

On peut se demander ce qu'était devenue la foi des Israélites durant leur séjour en Egypte, entourés qu'ils étaient de l'idolâtrie sous ses formes multiples et avec ses fêtes et ses cérémonies pompeuses. Toujours le penchant aux idoles, depuis le séjour de Jacob chez Laban, s'était conservé dans sa famille, à partir de Rachel, sa femme préférée. L'idolâtrie s'y était perpétuée, puisque Jacob, au moment d'obéir à l'ordre que Dieu lui donne de monter à Béthel, après la violence exercée par Siméon et Lévi sur les Sichémites, dit à sa maison et à tous ceux qui étaient avec lui: «Otez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous». Il avait donc toléré cette idolâtrie qui était dans leur coeur, et qu'ils pratiquaient devant lui. Quoi d'étonnant si, en Egypte, ils se soient laissés aller à leur penchant naturel, et aient oublié l'Eternel, le Dieu de leurs pères. C'est ce que nous confirme le prophète Ezéchiel (chapitre 20: 7, 8), et nous le voyons aussi par la question que fait Moïse à l'Eternel: «Quand je viendrai vers eux et que je leur dirai: Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous et qu'ils me diront: Quel est son nom?» (Exode 3: 13). Toutefois, au milieu d'eux, il y avait, comme cela a toujours été le cas, un résidu qui avait conservé, avec le culte du vrai Dieu, la promesse et l'espérance de la délivrance.

(Verset 8). «Un nouveau roi se leva sur l'Egypte, qui n'avait point connu Joseph». C'était une soixantaine d'années après la mort de Joseph. Etait-il d'une autre dynastie que le Pharaon ou les Pharaons, sous lesquels Joseph avait été premier ministre honoré de tous? Nous ne le savons point. En tout cas, ignorait-il ce que Joseph avait fait pour l'Egypte? Cela semble difficile à croire. C'étaient des faits trop notoires et dont les résultats subsistaient (Genèse 47: 26). Mais ce nouveau roi, devant un danger qui lui semblait imminent, ne reconnaissait point ce que l'Egypte avait dû à Joseph. Quel était ce danger? C'était l'accroissement extraordinaire du peuple d'Israël.

Cet accroissement n'aurait pas été un danger, si ce peuple se fût assimilé aux Egyptiens. Il aurait contribué ainsi à la force du pays. Mais c'était un peuple à part au milieu des Egyptiens, comme l'indiquent les paroles du Pharaon. A part comme race: c'étaient des Sémites et les Egyptiens des descendants de Cham; à part et groupés dans le fertile pays de Goshen, bien qu'ils se soient peut-être répandus dans d'autres parties de l'Egypte, cependant c'était leur terre; à part comme occupation; ils étaient bergers, et ainsi en abomination aux Egyptiens (Genèse 46: 34). Cette position justifiait humainement parlant les craintes du Pharaon. Ils auraient pu en effet se joindre aux ennemis qui feraient la guerre aux Egyptiens. En même temps, il craignait que les Israélites ne sortissent de l'Egypte à la prospérité de laquelle ils contribuaient cependant. On comprend donc que la politique prudente du Pharaon lui commandât de prendre des mesures contre ce peuple étranger établi au coeur du pays. C'était déjà l'antisémitisme.

Le premier acte de la politique du Pharaon est de réduire le peuple d'Israël en esclavage. Les Israélites jusqu'alors protégés par la faveur royale, ne s'étaient pas formés au métier des armes. Comment résister à la puissance du Pharaon soutenu par son armée? Ils ne peuvent que courber la tête. Les voilà d'hommes libres devenus esclaves, abaissés, soumis aux plus durs travaux, et comme l'esclavage a toujours pour effet, perdant l'énergie. Et c'est une chose remarquable qu'il n'y ait pas un mot qui nous indique qu'ils pensent au Dieu de leurs pères et qu'ils aient à Lui leur recours. Ainsi Satan a réduit l'homme en esclavage, le fait souffrir sous sa dure servitude, et l'homme, ignorant de Dieu, courbe la tête et se soumet à ce maître impitoyable qui emploie ses esclaves, mais ne leur donne rien (Luc 15: 16). Ils n'ont plus d'énergie que pour obéir à celui qui les accable de maux. «Les Egyptiens firent servir les fils d'Israël avec dureté, et ils leur rendirent la vie amère par un dur service, en argile, et en briques, et par toute sorte de service aux champs». «Et ils établirent sur lui des chefs de corvées pour l'opprimer par leurs fardeaux. Et il bâtit pour le Pharaon des villes à greniers, Pithom et Ramsès». Quelle image frappante des peines, des travaux, des fatigues, des amertumes que le prince de ce monde inflige à ceux qui sont sous son autorité! Se croyant libres, ils sont ses esclaves, et ne travaillent que pour lui.

Le Pharaon, en réduisant les Israélites en esclavage, pensait non seulement les tenir ainsi sous sa domination, mais il espérait aussi arrêter leur multiplication prodigieuse, mais bien qu'ils l'ignorassent, et le Pharaon ne le savait pas davantage, ils étaient sous les soins de Dieu, des objets de sa promesse. Il s'ensuivait que bien loin d'amoindrir le peuple, plus les Egyptiens l'opprimaient, plus celui-ci croissait et multipliait. Mais plus aussi s'augmentait et la crainte que les Egyptiens avaient d'Israël, et l'aversion qu'ils éprouvaient pour lui. Quelle grâce d'appartenir à Dieu; il fait travailler toutes choses au bien de ses élus, même la méchanceté des hommes, et cela souvent à leur insu.

Que fera le Pharaon? Le premier moyen d'abattre la force du peuple qu'il redoute n'a pas réussi, comment s'y prendre? Les tyrans ne craignent pas d'employer la force brutale non seulement en asservissant, mais en tuant ceux qui leur portent ombrage. Et c'est à ce moyen que le Pharaon va recourir. Il fera périr les enfants mâles qui naîtront à Israël. Mais ici, nous avons à entrer plus avant dans les ressorts qui le font agir. Au point de vue humain, c'était une politique prudente, bien que cruelle, qui le poussait. D'autres tyrans que lui ont montré et montrent encore aujourd'hui la même cruauté. Mais ici le caractère du peuple qu'il veut anéantir, fait voir d'une manière évidente que le Pharaon, sans le savoir, n'était que l'instrument d'une puissance invisible, celle de Satan. Sans doute Satan, meurtrier dès le commencement, est l'instigateur de tous les meurtres et de toutes les guerres (*), mais il y avait un motif spécial pour lui à se servir du Pharaon pour anéantir Israël. En effet, Israël était le peuple choisi de Dieu pour accomplir la grande promesse du Libérateur. Or Satan, son nom l'indique, est l'adversaire qui toujours s'oppose à Dieu et veut traverser ses desseins. Ne perdons pas de vue cette grande et importante vérité que Satan est un être réel, une personne, et non une influence. D'où viendrait-elle? La parole de Dieu d'un bout à l'autre nous atteste sa personnalité hautement malfaisante, douée d'une énergie, d'une volonté et d'une activité incessantes, puissantes, tout entières dirigées contre Dieu, et par suite n'agissant que pour accomplir le mal. Nous le voyons à l'oeuvre dès la création de l'homme, cet être privilégié, formé à l'image et à la ressemblance de Dieu, pour connaître, aimer et servir son Créateur, pour être heureux dans sa dépendance comme roi et dominateur sur la création inférieure. Satan s'insinue par la ruse et le mensonge dans l'esprit et le coeur d'Eve, la convoitise entre en elle, avec l'esprit d'indépendance; Adam la suit dans cette voie; le péché, les souffrances, les ténèbres morales, la ruine, sont introduits dans le monde; Satan semble avoir triomphé. Mais Dieu a ses desseins éternels qui ne peuvent être anéantis, et du sein de cette scène douloureuse, nous entendons sortir la voix de l'Eternel Dieu annonçant à la fois à Satan la sentence de sa destruction finale, et la parole d'espérance pour l'homme: «La semence de la femme te brisera la tête, et toi tu lui briseras le talon» (Genèse 3: 15). Et c'est là le thème poursuivi dans son exécution dans tous les siècles et qui fait le sujet de toute la parole de Dieu. Elle ne peut être anéantie; la sentence prononcée s'est déjà accomplie à la croix et aura à la fin son plein et entier accomplissement en résultat définitif. Satan a continué la lutte. Il a entraîné l'homme au meurtre: Caïn tue Abel. Il conduit les hommes dans la corruption et la violence, et Dieu se voit obligé de les détruire. Mais son dessein subsiste: Noé trouve grâce devant l'Eternel. Sur la terre nouvelle, sortie des eaux, les hommes se multiplient. Satan les pousse à l'orgueil, à l'esprit d'indépendance, à la révolte et à l'idolâtrie. Mais Dieu se choisit un homme, Abraham, qui sera le dépositaire de ses promesses, et le père d'un peuple qui, au milieu des nations, mis à part, conservera la connaissance d'un Dieu unique et sera le gardien de sa parole. En même temps, ce sera dans son sein que naîtra le Libérateur promis, et que Jacob à la fin de ses jours annonce prophétiquement comme le Shilo. C'est donc contre ce peuple que Satan dirigera désormais tous ses efforts, et nous le voyons dans le dessein qu'il inspire au Pharaon de faire périr tous les enfants mâles, et par suite tout le peuple d'Israël. Plus d'une fois, Satan renouvelle ses tentatives. Balaam poussé par lui, mais ne pouvant maudire Israël, invite Balak à le faire tomber dans le péché pour attirer sur lui les châtiments de l'Eternel. Mais Dieu, tout en châtiant son peuple, le conserve. Plus tard, la promesse se précise. Elle s'accomplira dans la famille et descendance de David, l'homme selon le coeur de Dieu. Mais à un moment critique de l'histoire des rois de Juda, Satan pousse Athalie à détruire tout ce qui est du sang royal. Dieu préserve Joas. Au temps d'Esther, Satan incite Haman à faire exterminer tous les Juifs qui étaient alors sous la domination du roi de Perse. Dieu intervient par ses voies providentielles et les sauve.

(*) Nous exceptons celles que Dieu commanda pour l'extermination des abominables habitants de Canaan. Les Israélites n'étaient que les exécuteurs du jugement de Dieu.

L'Ennemi fait encore un effort quand le Seigneur vient sur la terre. Hérode, derrière lequel est Satan (voyez Apocalypse 12), cherche à faire mourir le petit enfant. Son dernier effort est de faire clouer Jésus sur la croix (c'était l'heure et la puissance des ténèbres), mais s'il brise le talon du Libérateur, lui-même est vaincu. La promesse est accomplie, Satan reste le prince de ce monde et l'adversaire de Dieu et des saints qu'il cherche à faire tomber, ne pouvant les ravir des mains du Sauveur. Il les fait persécuter, les engage dans l'erreur, conduit la chrétienté dans des voies qui déshonorent Christ, mais toujours Dieu a un résidu fidèle, et finalement l'Eglise est prise dans le ciel. Satan poursuit ses desseins, anime la bête et le faux prophète, fait persécuter les saints des temps apocalyptiques, séduit et égare les hommes et les conduit au combat contre Dieu et l'Agneau. Mais l'Agneau est vainqueur et règne avec ses saints sur la terre. Après avoir été lié pendant mille ans, Satan sort de l'abîme et excite les hommes à une dernière révolte, mais il est finalement jeté dans l'étang de feu et de soufre. Ainsi jusqu'au bout il se montre l'Adversaire. Pour nous, qu'il ne peut ravir des mains du Père, il cherche à nous faire tomber, et nous avons à veiller et à prier pour être à l'abri de ses ruses, à tenir ferme, ayant revêtu toute l'armure de Dieu, et nous savons que «le Dieu de paix brisera bientôt Satan sous nos pieds». Nous triompherons de la victoire de Jésus.

Reprenons l'histoire d'Israël en Egypte, sous la cruelle tyrannie du Pharaon, type de celui dont il accomplissait les volontés. Satan régnait sur la terre et plus particulièrement en Egypte par l'idolâtrie. Dans ce pays, à côté de notions plus pures et plus élevées, que gardaient pour eux les prêtres renommés par leur sagesse, il existait une idolâtrie qui avait pour objets les astres, des hommes déifiés et tous les animaux, même les plus vils, les plus immondes. L'Egypte avec ses richesses, ses sciences, sa sagesse, sa haute civilisation et ses idoles, n'est-elle pas la figure du monde, qui nous entoure, mais auquel nous, n'appartenons pas, que nous avons quitté, et qui s'est transformé pour nous en un désert? Satan régnait dans cette Egypte, et il y avait aussi la puissance de la mort (Hébreux 2: 14). Le Pharaon, conduit par lui, comme le bras est dirigé par la tête, maniait cette puissance et s'en servait contre les pauvres Israélites sans force et sans défense. La mort règne dans ce pauvre monde par suite du péché, et ses terreurs viennent s'ajouter à l'esclavage sous lequel Satan tient les hommes. Quelle grâce de connaître Celui qui a passé par la mort et rendu impuissant le diable qui avait ce pouvoir terrible!

(Verset 17). Le Pharaon voulait avoir des exécuteurs de la sentence de mort qu'il avait prononcée, et il s'adresse à celles qui étaient le mieux placées pour l'exécuter, sans que les malheureuses mères, victimes de cet ordre barbare, pussent s'y opposer. Exterminer les hommes faits d'Israël aurait été difficile, aurait pu provoquer une révolte, et d'ailleurs ils pouvaient encore servir longtemps comme esclaves. L'intérêt parlait haut, mais faire périr les enfants mâles à leur naissance s'opérait sans bruit, sauf les larmes des pauvres mères. Il n'y avait là point de péril. On pouvait dire enfant mort-né. Oh! comme Satan est habile, et rend l'homme habile à accomplir ses cruelles visées! Mais le Pharaon rencontre ici une opposition inattendue. Ce sont des Hébreues à qui il s'est adressé. Seront-elles assez dépourvues d'humanité et surtout du sentiment qui les lie à leur peuple, pour obéir à cet ordre barbare? Non; et ce qui les guide est un sentiment plus élevé que l'humanité et la nationalité; c'est la crainte de Dieu. «Elles craignirent Dieu, et ne firent pas comme le roi d'Egypte leur avait dit: elles laissèrent vivre les enfants mâles». La crainte de Dieu ôte de leurs coeurs la crainte qu'elles auraient pu avoir du Pharaon. Elles craignent Dieu et elles aiment son peuple, deux choses précieuses que nous avons à réaliser. Elles aiment mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. C'est ce qui caractérise la vraie crainte de Dieu (Actes des Apôtres 4). La crainte de Dieu fait que l'on désire lui plaire; elle introduit dans les voies de la sagesse, la sagesse, qui vient de Dieu et qui élève au-dessus de toutes les circonstances humaines. Dieu n'oublie pas ce qui a été fait dans sa crainte. Il bénit ces femmes fidèles qui s'exposèrent à la colère du roi. Il fit prospérer leurs maisons. La bénédiction se trouve toujours dans le chemin de Dieu. Il bénit l'habitation des justes (Proverbes 3 : 33).

(Verset 22). Mais la décision du Pharaon n'en fût pas changée. Il saura trouver d'autres exécuteurs. Il donne l'ordre à tout son peuple d'arracher aux mains des mères les fils qui naîtront. Il sait qu'il sera obéi avec empressement à cause de la haine que l'on porte aux Israélites. Partout où un vagissement d'enfant nouveau-né se fera entendre, un Egyptien pourra pénétrer, et porter le deuil dans le coeur des parents. Inquisition terrible, invention digne de Satan, mais persécution qui a retrouvé des exemples en d'autres siècles, en d'autres lieux, sous d'autres formes, car toujours il a été vrai des hommes sous la puissance de Satan, que «leurs pieds sont rapides pour verser le sang; que la destruction et la misère sont dans leurs voies» (Romains 3: 15, 16). Ainsi la puissance de Satan s'exerce par la mort; mais au-dessus est la puissance divine qui, si elle fait mourir, peut seule faire vivre. Sous l'empire du péché, nous étions morts, moralement, et sujets à la mort physique. Mais Dieu, dans sa grâce toute puissante, nous a vivifiés en Christ et donné une vie sur laquelle la mort n'a pas de puissance, et même nos corps mortels auront part à cette puissance de vie. «Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ d'entre les morts, vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son Esprit qui habite en vous» (Romains 8: 11). Glorieux contraste entre la puissance de Satan qui ne peut que détruire (Jean 10: 10), et celle de Christ qui donne la vie. Quelle grâce d'avoir affaire à un Dieu Sauveur; il délivré les captifs, il rachète de la mort. Il a détruit par la mort celui qui avait l'empire de la mort, et nous tenait en servitude. Nous connaissons ce grand salut, nous en jouissons. Israël va bientôt le connaître. Dieu interviendra. Il y aura encore des années de souffrance, mais le libérateur va naître. «S'il tarde, attends-le, car il viendra sûrement». Cela n'est-il pas vrai aussi pour l'Israël d'aujourd'hui?

Chapitre 2

Il y avait, nous l'avons dit, au milieu des Israélites, un petit résidu fidèle qui n'avait pas oublié les promesses faites à Abraham, à Isaac et à Jacob, et qui était soutenu par ces promesses. Il savait que le temps fixé pour la délivrance approchait. Dieu l'avait dit à Abraham: «Ta semence séjournera dans un pays qui n'est pas le sien, et ils l'asserviront, et l'opprimeront pendant quatre cents ans. Mais aussi je jugerai, moi, la nation qui les aura asservis, et après cela, ils sortiront avec de grands biens» (Genèse 15: 13, 14). Encore quelques années et le terme indiqué par l'Eternel était là; l'asservissement et l'oppression étaient grands, le peuple était courbé sous ce poids vers la terre, mais Dieu ne trompe pas, et les jours de son esclavage étant comptés, le résidu attendait avec confiance. Combien elle est frappante la similitude entre ce temps-là et celui où, près de seize cents ans plus tard, le résidu d'Israël attendait un plus grand Libérateur, l'espérance et la consolation du peuple, le Messie promis. Israël, à ce moment, était aussi dans la servitude, mais alors aussi ceux qui croyaient à la parole infaillible de Dieu, savaient que le temps fixé par Daniel était venu et que le Christ allait paraître. Ces espérances étaient pour le peuple terrestre. Pour nous, peuple céleste, nous attendons aussi un Sauveur déjà venu sur la terre, mais qui va revenir des cieux pour nous conduire dans notre demeure céleste. Mais appartenant au ciel et à l'éternité, où le temps ne se compte point, nulle date n'est fixée nous attendons à tout instant Celui qui a dit «Je viens promptement». Ce n'est pas pour des espérances terrestres, mais pour nous mettre en possession de l'héritage incorruptible conservé dans les cieux pour nous, et dont, par l'Esprit Saint, nous avons les avant-goûts.

(Versets 1-10). C'est une chose frappante de voir que comme le grand libérateur à venir, Moïse qui en est un type, est exposé dès sa naissance à la mort. Hérode cherche le petit enfant Jésus pour le faire mourir; Moïse, enfant, est condamné à la mort même avant sa naissance. Le chapitre 6: 20, nous apprend que l'homme de la maison de Lévi, qui fut père de Moïse, se nommait Amram, et que sa mère était Jokébed, fille de Lévi (Nombres 26: 59). Amram était donc petit-fils de Lévi. Nous voyons dans la longueur de vie de ces chefs de famille une nouvelle raison de la multiplication si prodigieuse des Israélites, et nous pouvons y voir aussi comment les faits relatifs à l'histoire des patriarches pouvaient s'être conservés dans les familles où se trouvait la foi, comme c'est le cas chez les parents de Moïse. Amram avait vécu plus de quarante ans avec Lévi son aïeul, et vécut plus de quarante ans en même temps que Moïse, son fils. Lévi à son tour avait connu son grand-père Isaac, et Sem, spectateur du déluge, vivait encore lorsque Isaac avait près de cinquante ans, et avait été, on peut le croire, connu d'Abraham, né cent cinquante ans avant la mort de ce fils de Noé. On voit combien peu de générations séparaient Moïse du temps de Sem.

Notre verset 2 nous dit que Jokébed, voyant que le fils qui lui était né, était beau, elle le cacha trois mois; on peut bien croire que son coeur maternel fut ému particulièrement par cette beauté de l'enfant, et qu'elle ne pouvait se résoudre à se le voir enlevé et jeté en pâture aux crocodiles du fleuve. D'autres mères avaient subi cette douleur, mais elle, plus énergique peut-être, essaya de soustraire son enfant à la mort. C'est tout ce que nous pourrions conclure de notre récit. Mais ici, comme en d'autres cas, le Nouveau Testament vient jeter une lumière qui nous fait connaître les secrets mobiles qui agissaient sur le coeur des saints dont l'Ancien Testament nous donne simplement l'histoire. Lorsqu'Etienne, devant le sanhédrin, fait passer devant ces chefs du peuple l'histoire d'Israël constamment rebelle envers Dieu et ceux que Dieu lui envoyait, il fait mention de Moïse et dit qu'il était divinement beau. Ce n'était pas une beauté ordinaire, comme aurait pu être celle d'un autre enfant, mais une beauté sur laquelle Dieu avait imprimé son sceau, comme pour dire d'une manière spéciale: «Il est à moi». Mais l'épître aux Hébreux nous fait descendre plus profond dans le coeur des parents de l'enfant, et nous fournit le secret de l'énergie qu'ils manifestent et qui leur fait braver Pharaon lui-même. «Par la foi», dit l'apôtre inspiré, «Moïse, étant né, fut caché trois mois par ses parents, parce qu'ils virent que l'enfant était beau; et ils ne craignirent pas l'ordonnance du roi» (Hébreux 11: 23). Remarquons que trois fois la Parole présente ce caractère de beauté de l'enfant, comme étant ce qui attire leur attention. Toute mère israélite trouvait sans doute son enfant beau, et son coeur était déchiré quand un barbare Egyptien l'arrachait de son sein. Mais aucune n'avait l'idée que cette beauté signifiât quelque chose de la part de Dieu, et nous ne voyons pas qu'aucune tentât de sauver son enfant. Il fallait une autre vue que celle de la chair pour discerner une beauté divine, le sceau de Dieu. Il fallait cette vue de l'âme qui est la foi qui rappelle les promesses, qui croit Celui qui les a faites, et compte sur leur accomplissement. Ceux qui ont la foi, savent «discerner les signes des temps» (Matthieu 16: 3). Le signe pour Amram et Jokébed était la beauté de l'enfant et l'époque promise pour la délivrance. Leur foi voit dans cet enfant l'instrument dont Dieu se servira pour sauver son peuple, selon Sa parole donnée à Abraham. Mais la foi présente chez eux un autre caractère. Elle est agissante et énergique. Il faut dérober l'enfant aux recherches des Egyptiens, et ils le cachent durant trois mois. Eussent-ils été découverts, ils pouvaient être passibles d'une peine sévère, de la mort peut-être, mais n'importe, «ils ne craignirent pas l'ordonnance du roi». Ainsi la foi ne craint pas les menaces des hommes; elle les brave; c'est elle qui a donné du courage aux faibles, qui a rendu forts les impuissants, qui a soutenu les martyrs, comme nous le montre le même chapitre 11 des Hébreux, et c'est elle qui, seule, mettant en avant Dieu et sa Parole, nous fait passer à travers les difficultés, et nous rend vainqueurs du monde et de toute la puissance de l'ennemi (1 Jean 5: 4, 5).

Arrêtons nos regards sur le Chef et le consommateur de la foi, et soutenus par Lui, courons avec patience la course qui est devant nous. Comme Paul, au milieu de toutes ses tribulations, sachons dire; «Je sais qui j'ai cru».

(Verset 3). L'énergie de la foi avait fait faire aux parents de Moïse ce premier pas. Il leur en fallait faire un autre, et plus douloureux, et qui exigeait une confiance plus implicite en Dieu. Les détails de ce qui est arrivé ne nous sont pas donnés, mais l'Ecriture nous dit qu'elle «ne pouvait plus le cacher». Il allait être découvert et c'était la mort certaine. Dieu avait ses desseins. D'un côté, il voulait faire de Moïse l'instrument de la délivrance du peuple d'Israël et le médiateur entre Lui et ce peuple. Moïse était ainsi un type merveilleux de Jésus, le Libérateur. Après Jésus, dont le nom est au-dessus de tout autre, il n'y en a pas eu de plus grand que celui de Moïse (Deutéronome 34: 10-12), lui qui mourut dans les bras de Dieu, et dont Dieu prit soin d'ensevelir le corps; Moïse qui apparut en gloire avec le Fils de Dieu sur la sainte montagne. L'enfant d'une beauté divine et prédestiné à de si grandes choses, ne pouvait périr; Dieu veillait sur lui. Mais d'un autre côté, la foi des parents de Moïse devait être mise à l'épreuve. Pour cela, il faut que la mort intervienne. Que pouvaient-ils faire? Dieu ne permet pas qu'ils puissent le garder. Eh bien, ce qu'eux ne peuvent pas faire, Dieu le fera. Dieu leur dit: «Pouvez-vous m'abandonner, me livrer sans réserve votre enfant?» N'est-ce pas aussi ce qu'il nous dit? Il en fut ainsi d'Abraham, «le père de ceux qui croient». Dieu lui dit: «Donne-moi ton Isaac, ton unique, celui que tu aimes; sacrifie-le toi-même à moi», et Abraham, par la foi, cette foi plus précieuse aux yeux de Dieu que l'or qui toutefois est éprouvé par le feu, par la foi, Abraham «qui avait reçu les promesses, offrit son fils unique». Et après avoir ainsi su ce que c'était que la mort, il le recouvre par une sorte de résurrection. C'est ce qui eut lieu pour les parents de Moïse. La mort de leur enfant était inévitable à vues humaines, mais il était à Dieu; ils le remettront à Dieu. Il ne tombera pas entre les mains des hommes. Dieu est puissant pour le garder. Il faut donc qu'ils s'abandonnent à Dieu avec une confiance sans réserve. C'est être mort à ce qui est de la chair, mais alors on jouit de la vie de l'Esprit. Il y a un déchirement sans doute, mais on voit au delà la puissance du Dieu qui vivifie. Oh! sachons ainsi remettre entre ses mains ce que nous avons de plus cher et, comme Marthe et Marie, nous verrons la gloire de Dieu.

Que vont donc faire les parents de l'enfant? Laisseront-ils aller les choses? Négligeront-ils toute précaution pour garantir la vie de l'enfant? Non; ils savent à qui ils le confient; ainsi ils ont la certitude qu'il ne périra pas, mais ils lui donneront jusqu'au bout leurs soins. La mère place son enfant dans un coffret de joncs qu'elle enduit de bitume et de poix, afin que l'eau n'y pénètre pas. Ainsi avait fait Noé, sur l'ordre de Dieu, quand il construisit l'arche. Il agissait ainsi «par la foi», et de même agit la mère de Moïse. Dieu veut assurément que nous nous confions entièrement en Lui, mais non en restant passifs, en nous croisant les bras, bien qu'il y ait des occasions où nous avons à rester tranquilles. Mais avec l'œil de la foi nous avons à chercher quels moyens il est selon sa volonté que nous employions, et nous avons à Lui demander de nous diriger. Jokébed ferme le coffret, et elle le dépose parmi les roseaux qui croissent en abondance sur les bords du Nil, afin qu'il ne soit pas emporté par les eaux. Puis, pauvre mère, avec un grand déchirement de coeur, mais avec une foi sans réserve au Dieu d'Abraham qui rendit son fils à celui-ci, elle s'en va. «Par la foi», elle avait tenu caché son enfant durant trois mois; «par la foi» à une puissance plus haute encore, elle le remet entre les mains de Dieu. La foi s'élève au-dessus de tout ce qui est de la chair, et c'est cet abandon de tout à Dieu, qui le glorifie. Dieu a une réponse à cette confiance: «Tu m'as remis ton enfant», semble-t-il dire à cette fille d'Abraham, «tu verras comme je saurai le garder». Jésus disait: «Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu». Qui peut nuire à celui qui repose dans les bras du Dieu Tout-puissant?

(Verset 4). Il est beau de pénétrer dans l'intimité d'une famille où la foi en un Dieu tout-puissant et fidèle domine. Amram et Jokébed avaient appris à leurs enfants ce qu'ils connaissaient du Dieu de leurs pères Abraham, Isaac et Jacob. Ils leur avaient fait part des promesses et de leur espérance. Ils les avaient associés à leurs douleurs. Heureuse une telle famille. Puissent les familles chrétiennes être aussi formées sur ce modèle, elles qui possèdent la pleine lumière de la révélation, les promesses en Christ et la glorieuse et bienheureuse espérance. La soeur de l'enfant, celle qui plus tard sera Marie, la prophétesse, associée à Moïse dans son oeuvre, se tient à distance et veille pour savoir ce qui arrivera à l'enfant. Il a été confié à Dieu, Dieu l'abandonnera-t-il; trompera-t-il la confiance de la mère? C'est impossible. Si elle a été obligée de l'abandonner, «l'Eternel le recueillera» (Psaumes 27: 10). Ainsi ce qui arrivera à l'enfant, ce qu'on «lui fera», sera bien, et à la gloire du Dieu fidèle, car c'est Lui qui conduit tout; il fait travailler toutes choses pour le bien de ceux qui l'aiment (Romains 8: 28). Comme nous savons peu que c'est Lui qui dirige tous les événements, même ceux qui semblent les plus insignifiants. Un passereau ne tombe pas en terre sans sa volonté (Matthieu 10: 29); que sera-ce à notre égard, nous dont les âmes immortelles lui sont chères? Remettons donc avec confiance tout entre ses mains.

(Verset 5). Nous voyons ici clairement cette direction souveraine de toutes choses par la main du Dieu tout-puissant. Assuérus, une nuit, ne peut dormir et se fait apporter le livre des annales de son règne. Ce fait si insignifiant en lui-même, est amené par Dieu pour procurer la délivrance des Juifs. C'est le même Dieu qui conduit la fille du Pharaon ce jour-là, vers le fleuve, et précisément a l'endroit où se trouve l'enfant qui doit être le libérateur d'Israël. «Le coeur de l'homme se propose sa voie, mais l'Eternel dispose ses pas» (Proverbes 16: 9). La princesse d'Egypte s'était proposé sa voie; elle pensait n'agir que selon sa volonté, et, à son insu, l'Eternel disposait ses pas vers l'endroit où il allait donner à la foi de Jokébed la plus merveilleuse réponse, et préparer la délivrance de son peuple en en plaçant l'instrument dans l'abri le plus sûr, en attendant le moment où il se servirait de lui. Que les voies de Dieu sont simples et admirables! Une autre Egyptienne, si elle eût trouvé l'enfant, aurait peut-être désiré l'arracher à la mort, mais cela lui aurait-il été possible? N'aurait-elle pas craint l'édit du roi? Mais si la fille du Pharaon s'intéresse à lui, qui pourra le lui ôter?

(Verset 6). Dieu qui a conduit les pas de la fille du Pharaon, lui fait aussi porter ses regards vers l'endroit où le coffret se trouve et excite ainsi sa curiosité. Elle veut savoir ce qu'il recèle; elle l'ouvre, elle voit l'enfant, «un petit garçon qui pleurait». Quelle vérité et quelle simplicité divines dans ce récit! Les pleurs sont l'apanage de l'homme pécheur. Il pleure dès son entrée dans la vie; son chemin est semé de larmes, larmes de douleurs, larmes de deuil, larmes de regrets, larmes de repentance. Bienheureux, s'il a versé ces larmes-là aux pieds du Sauveur (Luc 7: 38), car il échappera à ce lieu de larmes éternelles, là où il y a des pleurs et des grincements de dents (Matthieu 22: 13), et il sera dans le sein du Dieu qui essuiera toute larme de ses yeux (Apocalypse 21 : 4). D'où viennent ces pleurs de l'enfant, d'un enfant de trois mois? Inconsciemment, il appelle sa mère, il a besoin d'elle, et celle qu'il voit n'est point elle. Quel sentiment s'éveillera dans le coeur de la fille du Pharaon? Partagera-t-elle la haine de son père contre le peuple esclave, et enverra-t-elle sa servante jeter dans le fleuve ce rejeton d'Israël? Non; Dieu a dirigé ses pas vers l'enfant, et maintenant Dieu incline son coeur vers lui. Celui qui dispose les pas de l'homme est aussi Celui qui tient dans ses mains le coeur d'un roi et «l'incline à tout ce qui lui plaît» (Proverbes 21: 1). «Elle eut compassion de l'enfant», bien qu'elle eût reconnu en lui un des enfants des Hébreux. Elle eût pu le laisser là avec indifférence, mais Dieu a créé en elle la compassion; la tendresse naturelle au coeur de la femme s'est éveillée en elle sous l'action divine, et elle ne le laissera pas périr. Ainsi, tandis que le Pharaon, sous l'impulsion de Satan, répand la mort, la fille du Pharaon, sous l'impulsion de Dieu, conserve la vie. Le diable, «le voleur ne vient que pour voler, et tuer, et détruire; mais moi», dit Jésus, «je suis venu afin qu'elles aient la vie» (Jean 10: 10). L'un est meurtrier dès le commencement, Christ est le Prince de la vie, qui possède, donne et conserve la vie.

«Elle eut compassion de lui»; sa haute position n'a pas desséché son coeur; il est ému envers cet enfant d'un peuple esclave. Comme la pensée se porte vers Celui qui est le Dieu des compassions, et qui donne au coeur de l'homme d'être compatissant! Dieu a manifesté en Jésus tout ce qu'il est; aussi voyons-nous la compassion divine déborder du coeur du Sauveur (Marc 1: 41; 8: 2; Matthieu 9: 36; Luc 7: 13, etc). De cette source découlait la compassion qui remplissait le coeur de la fille du Pharaon pour ce pauvre petit enfant hébreu.

 (Verset 7). Attentive à ce qui se passait, lisant dans les traits et les gestes de la princesse les sentiments qui l'animaient, voyant que son petit frère n'avait rien à craindre, Marie qui, quatre-vingts ans plus tard, célébrera la victoire de Dieu sur les Egyptiens, s'aperçoit que la beauté divine du petit enfant a remporté une victoire pacifique sur le coeur de la fille des Pharaons, et qu'une réponse a été donnée à la foi de ses parents. Elle partageait cette foi; elle prend courage et ose s'approcher; Dieu qui la réservait à de grandes choses, l'emploie déjà, quoique toute jeune, comme un instrument de ses desseins, et lui donne la sagesse pour agir. Heureux les jeunes gens qui, de bonne heure, ayant appris à connaître Dieu, sont prompts à le servir! Ils peuvent, comme le petit garçon de Jean 6: 9, n'être que les porteurs d'un peu de nourriture pour les affamés, ou comme la jeune servante de la femme de Naaman (2 Rois 5), ne pouvoir qu'indiquer où l'on peut entendre la parole de salut; la grandeur de l'oeuvre aux yeux de Dieu consiste dans le dévouement du coeur chez celui qui l'accomplit. Ici, de toute manière, c'est le coeur qui parle et fait agir la soeur de l'enfant. Qui le nourrira? Une mère égyptienne voudra-t-elle faire partager le lait de son propre enfant avec un Hébreu? Ah! mais parmi les Hébreux, il en est beaucoup qui pleurent leurs enfants et seraient heureuses de nourrir celui-ci sauvé de la mort. Mais entre elles toutes il y en a une, inconnue de la fille du Pharaon, qui tient au coeur de Marie, et qui recevra l'enfant et le nourrira avec une tendresse maternelle. C'est la mère elle-même. Comme tout ici est délicat et digne de Celui dont le coeur est celui d'un père (Psaumes 103: 13), et qui en même temps veut couronner la foi de Jokébed d'une couronne, de joie et de bonheur. «Irai-je et appellerai-je auprès de toi une nourrice d'entre les Hébreux, et elle t'allaitera l'enfant?» Elle a deviné que la fille du souverain de l'Egypte a, dans son coeur, adopté le bel enfant, qu'elle le tient pour sien: «elle t'allaitera l'enfant». Quelles merveilles Dieu accomplit dans les coeurs! «La fille du Pharaon dit: Va. Et la jeune fille alla et appela la mère de l'enfant». Quel transport dans le coeur de la mère! Son enfant vit, et non seulement il vit, mais elle le nourrira. Elle pourra le serrer sur son sein sans crainte qu'on le lui ravisse. N'appartient-il pas à la fille du Pharaon? Comme Abraham, elle recouvra son fils par une sorte de résurrection. La foi fait sortir la vie de la mort, elle goûte la douce récompense de sa confiance en l'Eternel. Oui, vraiment il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent en s'approchant de Lui par la foi (Hébreux 11: 6). Puissions-nous en faire l'expérience!

(Versets 9, 10). Quel abri plus sûr pouvait-il y avoir pour le futur libérateur d'Israël que le palais du Pharaon? Quelle préparation à la grande oeuvre qu'il devait accomplir, que de connaître d'avance de près, ceux en face de qui il aurait à se trouver? Aussi lisons-nous: «La fille du Pharaon dit à la mère: Emporte cet enfant, et allaite-le pour moi, et je te donnerai ton salaire. Et la femme prit l'enfant, et l'allaita. Et l'enfant grandit, et elle l'amena à la fille du Pharaon, et il fut son fils; et elle appela son nom Moïse, et dit: Car je l'ai tiré des eaux». L'enfant, aux yeux du monde, n'a plus sa véritable mère; c'est la fille du Pharaon qui l'est. Jokébed allaite bien son propre enfant, mais c'est pour la princesse d'Egypte; c'est à elle qu'elle l'amène, et il est son fils destiné à être élevé sur les marches du trône. Jokébed n'est que la nourrice à qui l'on donne un salaire, mais que lui importe? L'enfant d'Israël est allaité par une fille d'Israël. Rien dans ses veines du sang égyptien; il était à part ainsi dès sa naissance. Elle n'avait pas besoin du salaire; elle a son enfant, la réponse à sa foi, la plus grande récompense. Son salaire, c'était Dieu lui-même. Comme son grand ancêtre Abraham, à qui Dieu dit: «Ne crains pas; je suis ton bouclier et ta grande récompense», elle aussi a vu la protection de l'Eternel s'étendre sur son enfant, et il lui a été rendu; Dieu remplit son coeur d'une sainte joie.

 (Verset 10). L'enfant grandit sous les soins maternels, et il faut de nouveau s'en séparer. Mais ce n'est plus pour l'exposer, pauvre et chétif sur les eaux du Nil, abandonné de tous, sauf de l'Eternel. C'est pour le conduire dans le palais, sous les riches lambris de la demeure du Pharaon. La foi en sera-t-elle moins en exercice? Non, Jokébed sait que cet enfant divinement beau sera un instrument de bénédiction pour son peuple. Comment? elle l'ignore, mais elle a confiance, et bien qu'il lui en coûte de se séparer de lui, elle fait encore ce sacrifice à Dieu pour le bien de son peuple. Elle ne doute pas que celui qui est adopté pour fils par la fille du Pharaon, n'emploie son rang et son influence en faveur de ses malheureux frères. A-t-elle vu de ses yeux la réponse à sa foi? C'est peu probable. Nous n'avons pas besoin de voir ici-bas accompli ce que nous avons demandé. Ce qui honore Dieu, c'est une confiance absolue, «croire sans avoir vu». N'en a-t-il pas été toujours ainsi? «Tous ceux-là, ayant reçu témoignage par la foi, n'ont pas reçu ce qui avait été promis». Il y a quelque chose de meilleur que de voir ici-bas; ce sera de voir dans la splendeur de la gloire le magnifique exaucement de tout ce que notre foi aura confié à Dieu.

«Elle l'amena à la fille du Pharaon, et il fut son fils; et elle appela son nom Moïse, et dit: Car je l'ai tiré des eaux». L'adoption était complète. Elle lui donne un nom, et ce fait indique bien qu'elle le considère comme sien. Elle a une autre raison qui fait qu'elle se regarde comme sa mère; c'est elle qui l'a sauvé, tiré de la mort, rendu à la vie. Et ainsi il est bien à elle; il est cher à son coeur. Telles sont les voies de Dieu. Satan l'avait destiné à la mort, mais Dieu le sauve, pour qu'à son tour il soit sauveur.

Le discours d'Etienne, au chapitre 7 des Actes, et le chapitre 11, de l'épître aux Hébreux, nous donnent quelques détails d'un grand intérêt et renfermant de précieux enseignements sur cette portion de la vie de Moïse, je veux dire le temps qu'il passa auprès de la fille du Pharaon.

A ce propos, il ne sera pas inutile de remarquer que l'Ancien Testament donne simplement le récit des faits, et que le Nouveau Testament, dans plusieurs cas, fournit comme un commentaire qui nous fait pénétrer dans les sentiments et les motifs qui faisaient agir ceux dont il est question. C'est ce que nous voyons dans l'histoire de Moïse. Et nous pouvons voir aussi que, s'il s'agit de la foi des hommes de Dieu, l'Esprit Saint, en la rappelant, passe sous silence leurs fautes et leurs défaillances, pour ne relever que les choses qui font briller cette foi.

Moïse fut fils de la fille du Pharaon, nous dit l'Exode. Etienne nous dit qu'il fut élevé pour elle, afin qu'il fût son fils, et il nous apprend ce que ce titre comportait. Il fut, comme tel, instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, cette sagesse si renommée partout dans le monde ancien, et qui embrassait non seulement les sciences vulgaires et les règles de la vie, mais aussi ces vérités religieuses plus élevées que l'idolâtrie et qui étaient l'apanage des prêtres et restaient cachées au peuple. Mais toute cette sagesse était humaine et ne conduisait pas à la connaissance du vrai Dieu. Toutefois, dans la sagesse de Dieu, il était bon qu'il eût reçu cet enseignement qui même, humainement parlant, le mettait au niveau des sages de ce pays, et lui donnait une autorité aux yeux des Egyptiens. Nous lisons plus loin dans l'Exode: «Moïse aussi était très grand dans le pays d'Egypte, aux yeux des serviteurs du Pharaon et aux yeux du peuple». Sans doute, ce furent les signes qu'il opera au nom de l'Eternel qui l'avaient grandi ainsi devant tous, mais nous ne pouvons douter que les connaissances qu'il avait acquises dans sa jeunesse ne lui servissent aussi. Dieu sait comment préparer les instruments qu'il emploiera à ses desseins. Paul appelé à combattre les subtilités rabbiniques, les avait étudiées avant sa conversion aux pieds de Gamaliel; d'un autre côté, apôtre des nations, devant être témoin devant les gouverneurs, et les rois gentils, il avait acquis la connaissance de ce que nous appellerions la littérature grecque, comme le prouvent les citations qu'il fait. Dans notre temps, le puissant réformateur Luther, que Dieu appela à remettre en lumière sa Parole et la vraie voie du saint, avait appris ce qu'étaient Rome et ses mortelles erreurs, pour avoir étudié dans ses écoles, rendu capable ainsi de combattre ce système abominable. Nous pourrions en citer d'autres exemples. Sans doute, il fallait avant tout, pour ces hommes éminents, la conversion dont nous avons tous besoin, même pour le plus humble service, et, comme nous le verrons, Moïse eut aussi à passer par les exercices qui conduisent à la révélation de Dieu à l'âme, à la conversion. Il fallait, pour accomplir l'oeuvre que Dieu leur donnait à faire, plus que la science acquise; l'Esprit Saint devait être leur lumière et leur force, mais Dieu les préparait par ce qu'ils avaient acquis, à l'oeuvre spéciale que chacun avait à accomplir.

Mais le chapitre 11 des Hébreux nous apprend autre chose. Comme fils de la fille du Pharaon, les richesses et les plaisirs pouvaient être son partage. Les honneurs lui étaient rendus. Il n'y avait rien à quoi il ne pût aspirer, même le trône. Il occupait la place la plus élevée dans le royaume. Pourquoi, comme son ancêtre Joseph, n'aurait-il pas pu être le second après le Pharaon? Si Moïse, dans les voies de Dieu, avait été amené à occuper cette haute position, afin d'être protégé et, gardé pour devenir le libérateur, d'un autre côté, cette élévation nous fait apprécier le motif qui le fait renoncer à tous ces avantages, quand le moment est venu. Y avait-il rien de plus propre pour éprouver ce qu'il était? Saura-t-il renoncer à tout cela? Comme Paul qui, avec tous ses avantages nationaux et religieux, pouvant aspirer à la plus haute place dans la synagogue, estima tout cela, quand il a connu Christ, comme un néant et y renonça, Moïse saura-t-il descendre des marches du trône et reconnaître comme étant son peuple, les misérables Hébreux?

«Et il arriva, en ces jours-là, que Moïse, étant devenu grand, sortit vers ses frères». Le récit d'Etienne nous dit que, parvenu à l'âge de quarante ans, il lui vint au coeur de visiter ses frères. Durant ces quarante années, il avait joui des délices et des richesses d'Egypte, de sa position comme fils de la fille du Pharaon, son intelligence s'était développée, son esprit s'était enrichi de toutes les connaissances et de toute la sagesse des Egyptiens. Rien ne lui manquait quant au monde. Mais il n'ignorait pas à quelle race il appartenait. Il savait de quel sang il était, et il lui vint au coeur de voir de ses yeux la condition de ses frères, que sans doute il ne connaissait qu'en partie.

Et que vit-il? «Il vit leurs fardeaux». Qu'aurait-il pu se dire? Plus d'un aurait pensé: Je suis bien aise de me trouver dans une autre position. Quel bonheur d'y avoir échappé. «Je rends grâces à Dieu de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes», comme ces misérables esclaves, et il fût rentré dans son palais. C'eût été de l'égoïsme. Ne connaissons-nous pas ce sentiment; qui fait que nous nous retirons dans nos privilèges, sans penser à ces misérables esclaves de Satan, de la race desquels nous sommes pourtant aussi? Moïse aurait encore pu se dire: Je vais profiter de ma position auprès de ce Pharaon et de sa fille, pour obtenir la libération de mes frères, ou tout au moins un adoucissement à leurs travaux et à leurs peines. Mais alors d'où serait venue la délivrance? De Pharaon et de Moïse, et non pas de Dieu par Moïse. Et à quoi cela eût-il abouti? A conserver le peuple là où il ne devait pas être, loin de la terre promise. Cela ne se pouvait. Il en est de même pour la délivrance des âmes. Tout moyen humain pour alléger l'esclavage du péché, pour apaiser la conscience, pour donner l'espérance et pour conduire au ciel, manque son but. «Le salut est et doit être de l'Eternel», et ne peut être que de Lui.

Moïse voit plus que les fardeaux de ses frères. Il voit aussi sous quel joug oppresseur et barbare ils se trouvent. «Il vit un homme Egyptien qui frappait un Hébreu d'entre ses frères». Remarquons le soin avec lequel la Parole insiste sur le fait qu'ils sont ses frères. Que fera-t-il? Dès ce moment son coeur est avec eux dans leurs souffrances. Il descend des marches du trône pour s'identifier avec eux, coûte que coûte. Son choix est fait, il renonce à son titre glorieux; il jette loin les délices du péché et les richesses d'Egypte. Il préfère d'être dans l'affliction avec le peuple de Dieu, qui est son peuple; il partagera l'opprobre dont celui-ci est couvert et qui, au fond, est l'opprobre de Christ, puisque c'est le peuple d'où doit sortir Christ. C'est, on peut le dire, le premier pas de l'oeuvre de Dieu en Moïse, le premier moment dans sa conversion. Il a encore beaucoup à apprendre, Dieu l'enseignera. Bien des leçons ressortent de ces passages rapprochés de l'Exode et des Hébreux. En premier lieu, si nous regardons Moïse comme type du Seigneur, ne sommes-nous pas amenés à contempler cette glorieuse portion de la Parole qui nous montre l'abaissement volontaire du Seigneur? Il a vu nos souffrances, et Lui, qui ne regardait pas comme un objet à ravir d'être égal à Dieu, s'est anéanti lui-même, prenant la forme d'esclave, afin de nous délivrer.

Quel mobile a fait agir Moïse? «Par la foi», répond l'épître aux Hébreux. Nous avons dit qu'il n'ignorait pas d'où il était issu. Il avait sans doute connaissance des promesses faites à ses ancêtres. Maintenant la réalité se présente à son âme. Il saisit pour lui-même ces promesses; c'est le peuple de Dieu, que Dieu a choisi, qui se trouve dans cette position misérable; il croit ce qu'il ne faisait que connaître, et la foi est le levier puissant qui le fait agir et renoncer à tout: il regardait à la rémunération, au plein accomplissement de ce que Dieu avait dit.

N'en est-il pas ainsi de nous? Qu'est-ce qui a donné à Paul de renoncer à tout, de regarder toutes choses comme des ordures en comparaison de l'excellence de Christ? La foi, «la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est donné pour moi», dit-il. Et n'est-ce pas la foi aussi, la foi qui nous rend victorieux du monde, nous fait choisir l'opprobre de Christ, nous identifier avec son peuple, et dire: Ton peuple sera mon peuple? Oui, la foi seule nous fait sortir du monde, nous en rend victorieux, annule pour nous ses attraits, et nous en détache, en nous faisant voir la rémunération, Christ et la gloire céleste. Puissions-nous à cet égard, marcher sur les traces, et du Sauveur qui a repoussé Satan, lui montrant et lui offrant toutes les richesses et la gloire du monde, et de Moïse, et de Paul. Ce qui cause tant de langueur, tant de faiblesse et tant de chutes parmi les enfants de Dieu, c'est assurément le manque de foi, de cette foi qui réalise les choses de Dieu, et qui nous donne une ferme résolution d'être tout à Christ et pour sa gloire, de nous séparer du monde, d'en être victorieux.

Le coeur de Moïse était pour Dieu et pour son peuple, mais dans la pratique, il manque, parce qu'il suit l'impulsion de son coeur naturel et non l'ordre divin. Voyant «un Hébreu d'entre ses frères», maltraité par un Egyptien, son coeur généreux s'émeut, mais c'est le mouvement de la nature; «il regarda çà et là, et vit qu'il n'y avait personne, et il frappa l'Egyptien et le cacha dans le sable». Avait-il un ordre de la part de Dieu d'agir ainsi, de se poser en défenseur de son peuple? Non, il agit de son chef. Et comme le récit nous le montre bien, «il regarda çà et là, et vit qu'il n'y avait personne»; quand on agit par l'ordre de Dieu, on n'a à craindre qui ni quoi que ce soit. On va droit de l'avant sans s'inquiéter de personne. On est sous le regard et la main de Dieu, et l'on peut dire: «Que me fera l'homme?» On a la conscience que Dieu nous garde. Moïse est Moïse en agissant ainsi. C'est le bras et la volonté de la chair; l'acte est généreux selon le monde, il ne peut être approuvé de Dieu. C'est comme Pierre, lorsque tirant l'épée, sans doute pour son Maître, mais sans son Maître, il frappe le serviteur du souverain sacrificateur. Nous avons à attendre la volonté de Dieu pour agir, et une fois la connaissant, agir sans regarder çà et là, sans consulter la chair ni le sang.

D'un autre côté, les paroles d'Etienne nous font voir un motif dans l'acte de Moïse: «Il croyait que ses frères comprendraient que Dieu leur donnerait la délivrance par sa main, mais ils ne le comprirent point». Ainsi Moïse, avait bien la pensée de se poser en libérateur, il croyait que c'était la volonté de Dieu. Il ne se trompait point quant au fait. Il pouvait voir dans sa délivrance miraculeuse et la position qui lui avait été faite, des signes de sa vocation pour cette oeuvre, mais il errait en ce qu'il eût dû attendre le mot d'ordre de Dieu, et, par conséquent, se trompait quant au moment et à la manière de la délivrance. C'était Dieu lui-même qui devait déployer d'une manière ostensible sa grande puissance, non par l'épée d'un homme, mais par les manifestations de ses jugements. Et cependant ici encore, selon les paroles d'Etienne, nous pouvons voir en Moïse un type de Christ. Le Fils de Dieu vint chez les siens, non en faisant mourir les hommes, mais en détruisant les oeuvres du diable, et les siens ne l'ont pas reçu. Ils ne comprirent pas qu'il venait pour les sauver de leurs péchés, pour les affranchir véritablement. Ils refusèrent l'intervention de sa grâce qui apportait paix, vie, lumière et amour.

Et comment Moïse vit-il qu'il était ainsi rejeté par son peuple? Par un fait bien simple. «Le jour suivant, il vit deux hommes hébreux qui se querellaient. Et il les engagea à la paix, disant: Vous êtes frères; pourquoi vous faites-vous tort l'un à l'autre? Quelle triste chose lorsque des frères, ceux qui ont même Seigneur, même foi, même espérance, se querellent, au lieu de vivre en bonne harmonie. Hélas! cela n'arrive que trop souvent entre chrétiens; de là les exhortations nombreuses et pressantes de la Parole. L'orgueil, la propre volonté et l'égoïsme sont les sources de ces dissensions. «Que vous ayez une même pensée, ayant un même amour, étant d'un même sentiment, pensant à une seule et même chose. Que rien ne se fasse par esprit de parti, ou par vaine gloire, mais que, dans l'humilité, l'un estime l'autre supérieur à lui-même, chacun ne regardant pas à ce qui est à lui, mais chacun aussi à ce qui est aux autres» (Philippiens 2: 2-4). Voilà ce qui écartera les querelles, et rendra capable d'obéir à cette autre parole de l'apôtre: «Pourquoi (si ton frère manque et te fait tort) ne supportez-vous pas plutôt des injustices? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt faire tort?» (1 Corinthiens 6: 7). Alors aussi: «Votre douceur sera connue de tous les hommes» (Philippiens 4: 5). «Mais si vous vous mordez, et vous dévorez l'un l'autre, prenez garde que vous ne soyez consumés l'un par l'autre» (Galates 5: 15).

Dans cette intervention de Moïse, nous pouvons voir percer cet amour pour son peuple qui se manifestera d'une manière si intense dans la suite de sa carrière. Mais cet amour fut méconnu. «Celui qui faisait tort à son prochain, le repoussa, disant: Qui t'a établi chef et juge sur nous? Veux-tu me tuer, comme tu tuas hier l'Egyptien?» Ainsi a toute leur misère de la part de leurs oppresseurs, ils veulent encore ajouter celle qui résulte de leurs passions. Ils se donnent en spectacle aux Egyptiens, et ils repoussent celui qui veut les ramener au calme et aux sentiments qui conviennent à des frères. Cela n'a-t-il pas aussi une voix pour nous? S'il n'y a point harmonie entre nous, chrétiens, mais des querelles, des luttes, des envies, que dira le monde? Est-ce glorifier Christ? N'est-ce pas le repousser?

Moïse, avec les meilleures intentions, n'avait pas agi au commandement de Dieu; il avait anticipé le moment de se montrer aux siens, comme libérateur. Marchant avec sa propre force, selon ses pensées et les impulsions de son coeur, il échoue. Même s'il s'agit de l'oeuvre de Dieu, le serviteur de Dieu échouera aussi, s'il n'attend pas l'ordre de Dieu, le moment de Dieu.

Que fera Moïse maintenant? D'une part, il s'est rendu coupable d'un meurtre qui est connu et qui le rend passible du jugement de Pharaon, d'autre part, ses frères le repoussent. Ici se montre la faiblesse de la chair de l'homme qui a agi de lui-même. Moïse a peur. S'il avait eu la conscience qu'il agissait selon l'ordre de Dieu, que par conséquent Dieu était avec lui, soutenu par cette force puissante, aurait-il eu peur? A-t-il eu peur plus tard quand, envoyé de Dieu, il somme le Pharaon de laisser aller le peuple? Non, il reste ferme, comme voyant Celui qui est invisible; il ne craint pas la colère du roi, et il quitte l'Egypte avec le peuple que Dieu a délivré. Ici, il a peur, et il quitte l'Egypte seul. Il fuit, craignant la colère du roi. N'ayons pas confiance en nous-mêmes, nous tomberions; mais fortifions-nous dans le Seigneur et dans la puissance de sa force, et avec Christ nous serons plus que vainqueurs.

Il fallait pour Moïse cette expérience de sa faiblesse, de même que plus tard il fallut que Pierre la fit aussi. La volonté, la propre volonté, qui déjà se manifeste si clairement chez le petit enfant, est au fond ce qui constitue l'homme. Cette faculté est bonne, mais elle doit être soumise à celle de Dieu, et ne pas être une volonté indépendante. La propre volonté doit être brisée. Le Seigneur Jésus était venu pour faire la volonté de Dieu, et dans toute sa vie il manifesta qu'il n'avait d'autre volonté que celle de son Père. C'était sa viande, son bonheur et sa joie. Il n'avait pas eu besoin que sa volonté fût brisée, il n'avait pas de volonté propre. Toutes ses pensées, tous ses désirs, tous les mouvements de son coeur, toutes ses paroles et tous les actes de sa vie étaient en harmonie avec la volonté de son Père. Il n'en est pas ainsi de nous. Nous avons une volonté propre, rebelle à celle de Dieu. Il faut que la mort passe sur elle, et que dans une nouvelle vie, celle de Christ, nous manifestions que c'est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite, que nous avons discernée et que nous suivons.

Moïse a agi selon sa volonté, et il se trouve sans force; il s'enfuit au pays de Madian, et là, durant de longues années, il devra apprendre à l'école de Dieu.

Le Pharaon avait appris le fait, et, quelle que fût la position que Moïse avait occupée dans son palais, il devait subir la peine de mort que la loi égyptienne prononçait contre le meurtrier. Ce n'était pas une condamnation arbitraire; elle était juste. Moïse n'avait pas agi sur un ordre de Dieu, mais en suivant sa propre impulsion. Il agissait comme un homme d'après son sentiment naturel, quel que fût au fond son motif. Il voulait être un libérateur humain, soulever les Israélites contre leurs oppresseurs à la manière de certains héros antiques et modernes, les appeler à la liberté. Au point de vue humain, c'était généreux; mais pas selon Dieu qui veut que l'on soit soumis à l'autorité qu'il a établie. Dieu n'est pas révolutionnaire, il ne saurait approuver la révolte, mais son autorité est au-dessus de toute autre, et, le cas échéant, «il faut lui obéir plutôt qu'aux hommes». Tel n'était pas le cas de Moïse; il était passible de la peine de mort. Mais Dieu qui l'avait choisi pour être le libérateur d'Israël, ne permet pas que le Pharaon accomplisse son dessein, et Moïse peut s'enfuir, et il se réfugie au pays de Madian. La situation exacte de ce pays n'est guère connue et n'importe pas pour l'histoire de Moïse; toutefois on peut penser qu'à cette époque les Madianites, ou au moins une de leurs tribus, habitaient l'est de l'Arabie Pétrée, séparée de l'Egypte par le désert de Paran, et que c'est là que Moïse se rendit.

Quoi qu'il en soit, nous voyons celui qui avait occupé un rang si élevé en Egypte, et qui y avait renoncé pour délivrer ses frères, rejeté par eux, venir en fugitif dans un pays lointain. Il est là seul, inconnu, étranger, que fera-t-il? «Il s'assit près d'un puits». Comment ces simples paroles ne reporteraient-elles pas nos pensées vers ce qui se passa quinze siècles plus tard, quand Celui qui était plus grand que Moïse, le Fils de Dieu, seul aussi et étranger, lassé du chemin, s'assit près du puits à Sichar? Moïse était sans doute aussi fatigué du chemin, et auprès du puits se demandait ce qu'il allait faire. Notre précieux Seigneur savait bien, Lui, pourquoi il était là. «Il fallait qu'il passât par la Samarie». La volonté de son Père et son amour l'avaient conduit là pour apporter à une pauvre femme misérable à cause de ses péchés, le don gratuit de Dieu, pour lui ouvrir la fontaine rafraîchissante de la grâce jaillissant dans le coeur en vie éternelle. Dieu, nous n'en pouvons douter, avait conduit Moïse en cet endroit, et lui fournit l'occasion de manifester cette générosité, et ce dévouement de coeur qui l'avaient porté à défendre ses frères. Les filles de Rehuel viennent abreuver le bétail de leur père. Elles ont travaillé pour puiser l'eau et remplir les auges. Mais leur travail risque d'être vain. De méchants bergers veulent s'emparer pour eux-mêmes de cette eau, et elles sont sans force pour leur résister. C'est alors que Moïse se montre comme libérateur. Il se lève, écarte les bergers et secourt ainsi celles qui sont impuissantes, puis il abreuve lui-même leur bétail, bien que ce soient des étrangères. Type encore du Sauveur qui, rejeté par les siens, se tourne vers les nations et leur fait annoncer la bonne nouvelle du salut; type encore en ceci qu'après nous avoir délivré, il ne cesse de nous bénir, fournissant lui-même à nos besoins.

Les filles de Rehuel sont retournées vers leur père, laissant là Moïse. Elles ont éprouvé les effets de sa générosité, et cela leur a suffi. Combien souvent il arrive que des âmes, heureuses d'avoir trouvé le salut, ne cherchent pas à connaître plus intimement leur Sauveur! Elles rapportent fidèlement à leur père ce qui s'est passé, et louent la peine que Moïse s'est donnée: «Un homme égyptien nous a délivrées de la main des bergers, et il a aussi puisé abondamment pour nous et a abreuvé le bétail». Le Seigneur délivre de la puissance de Satan, il fait couler abondamment pour nous les richesses de sa grâce, il nous donne du soulagement et du repos.

Moïse ne peut plus rester un étranger. Rehuel fait comprendre à ses filles qu'elles n'auraient pas dû le laisser là, que c'était de l'ingratitude. Il veut l'avoir dans sa maison, reconnaître ce qu'il a fait et apprendre à le connaître. «Qu'il mange du pain», signe de l'hospitalité. Ainsi nous avons a recevoir Jésus, et Lui veut bien entrer dans notre intimité et nous faire jouir de sa communion. «Moïse consentit à habiter avec lui».

Moïse est là comme étranger, méconnu et rejeté par ses frères, et abaissé; obligé de fuir dans un pays éloigné. Mais là il trouve une épouse. Rehuel a appris à le connaître et à l'apprécier, il lui donne Séphora, sa fille, l'une de celles que Moïse avait délivrées de la main des bergers. Ainsi le Seigneur, rejeté par les siens, s'est tourné vers les nations; sa gloire est cachée sauf aux yeux de la foi, et il rassemble par l'Esprit Saint ceux qu'il a sauvés, et fait d'eux réunis en un son Epouse, l'Eglise. Mais le coeur de Moïse est avec les siens, avec l'Israël dont il est éloigné. C'est ce que nous montre le nom qu'il donne à son fils, Guershom, qui rappelle qu'il n'est là qu'en séjour. Le coeur de Jésus-Jéhovah n'est-il pas tourné vers Israël qu'il délivrera quand le temps sera venu, le temps que le Père a réservé à sa propre autorité (Actes des Apôtres 1: 7); les temps de rafraîchissement? (Actes des Apôtres 3: 19).

(Versets 23-25). Moïse, en Madian, pensait à son peuple qui était en Egypte, et c'est là que l'Esprit Saint nous ramène. «Et il arriva en ces jours, qui furent nombreux, que le roi d'Egypte mourut». Il est question de ce Pharaon cruel qui asservit Israël, et qui eut la pensée de le détruire. Mais la servitude n'est point allégée par le fait de cette mort. Les successeurs du Pharaon continuent sa politique à l'égard des Hébreux, au moins quant à la question d'esclavage. Et les Israélites, accablés sous leur dur service, «soupirèrent et crièrent». Hélas! vers qui crièrent-ils? Ils s'étaient abandonnés à l'idolâtrie d'Egypte, comme nous le voyons en Ezéchiel 20: 7, 8; ce n'est pas à l'Eternel qu'ils crièrent, et les dieux de l'Egypte auraient-ils pu les entendre, s'ils avaient crié à eux? Est-ce à cause de leur état de péché qu'ils crient? Non, c'est l'excès de leur souffrance qui les fait soupirer. Combien n'y a-t-il pas de ces souffrances, de ces douleurs qui font soupirer tant de coeurs ignorants de Dieu! Y serait-il insensible? Nos versets répondent pour ce qui concerne Israël. Bien qu'ils ne se fussent pas tournés vers Dieu, leur cri monta vers Lui, il ouït leur gémissement; il se souvint de son alliance avec leurs pères Abraham, Isaac et Jacob; il les regarda et connut leur état. Combien toutes ces expressions sont touchantes et comme elles nous montrent bien le coeur de Dieu. Ah! il n'oublie pas sa pauvre créature souffrante, misérable à cause du péché, asservie à Satan. Il fit attention aux fils d'Israël pour lesquels il y avait des promesses, il s'en souvint, c'est-à-dire que le temps était venu de les accomplir, et quel que fût leur état, et qu'eux ne se souvinssent pas de Lui, il entendait leurs gémissements et était prêt à les délivrer. Ainsi, quand Ismaël était mourant de soif sous l'arbrisseau où sa mère l'avait jeté, quand celle-ci dans le désespoir ne pouvait le secourir et ne se souvenait plus de sa rencontre avec Dieu au puits du Vivant qui se révèle et des promesses faites quant à ce fils, Dieu, lui, se souvient et entend le cri de l'enfant inconscient (Genèse 16 et 21). Et n'y a-t-il là rien pour nous? Oui, Dieu entend les soupirs qu'exhale un état de souffrance, même si nous ne savons pas exprimer ce que nous ressentons, et quand un pécheur accablé par son état de péché et les conséquences dont il souffre, soupire et ne sait que faire, pour que son fardeau soit allégé, son cri monte vers Dieu, il l'entend, il connaît son état, il se souvient, si je puis, dire ainsi, de l'oeuvre accomplie par son Fils bien-aimé pour le salut et la délivrance du pécheur, et il répond en faisant connaître à ce pécheur sa grâce parfaite et le Libérateur, de même que l'Eternel le fit pour Israël.

«En ces jours, qui furent nombreux», nous est-il dit. Ils furent nombreux, en effet, les jours qui s'écoulèrent depuis le moment où Israël rejeta Moïse. Quarante ans passèrent encore sous ce douloureux servage. Mais si nombreux qu'ils fussent, Dieu les comptait. Il avait annoncé à Abraham le temps où sa postérité sortirait du pays de l'oppression (Genèse 15: 13; comparez Exode 12: 40, 41). Pas un jour de plus que ceux que Dieu avait comptés ne devait les retenir en Egypte. Dieu compte aussi pour nous les jours d'épreuve par lesquels sa sagesse et son amour jugent bon de nous faire passer, «afin de nous rendre participants de sa sainteté, et nous faire porter un fruit de justice». L'épreuve, dont il donnera l'issue, ne durera pas une heure, pas une minute de plus que ce qui est nécessaire. Dieu a tout mesuré pour arriver à son dessein de grâce. Quelle consolation! Rien d'arbitraire dans ses voies envers nous. Il fait travailler toutes choses en notre faveur; les épreuves aussi. Remarquons que si Smyrne doit passer par la persécution, c'est pendant dix jours, pas une de plus, quelle que soit la haine de Satan et de l'homme. Si, compté en vue de l'homme, le temps où la sainte cité est foulée aux pieds est de quarante-deux mois, si le temps où la femme, le vrai Israël est au désert, est de trois ans et demi, en vue du témoignage du résidu persécuté et souffrant Dieu compte mille deux cent soixante jours (Apocalypse 11; 12). Nos temps sont en sa main, quels qu'ils soient.