ME 1907 page 239
A un
affligé
Devant le deuil irréparable
Succédant au suprême adieu,
Tu dis qu'un voile impénétrable
Te cache la face de Dieu!
Pourquoi retournes-tu le glaive
Dans la blessure de ton coeur?
Pourquoi te lamenter sans trêve
Et renouveler ta douleur?
Impose silence, ô mon frère,
Aux révoltes de ton esprit.
Loin des orages de la terre
Porte les yeux sur Jésus Christ.
Cet homme, en son pèlerinage,
Marchait en deuil, mais dans le ciel
Voyait sans l'ombre d'un nuage
Le sourire de l'Eternel.
Tout le long de ses tristes voies,
De douleurs, d'angoisses chargé,
Il trouvait d'indicibles joies
Au fond de son coeur affligé.
Les hommes accablaient de haine
Ce coeur divinement humain;
Lui, plein d'amour, tendre à leur peine,
Sur leurs lèpres posait sa main.
Guetté par la tombe ennemie
Il y voyait, non le trépas,
Mais l'unique sentier de vie
Que le Père ouvrait à ses pas;
Et poursuivant la route étroite
Qui monte aux sommets radieux,
D'avance il goûtait à Sa droite
L'ineffable repos des cieux.
Mais — ô mystère de la grâce!
Dans les ténèbres de la nuit,
Son Dieu, dont il cherchait la face,
Détourna sa face de Lui;
Car il fallait que la colère
Dont Jésus seul porta le poids,
T'ouvrit l'accès du sanctuaire
Par les souffrances de la croix!
Ne pleure pas, bannis le doute:
Les purs rayons de son amour
Luiront sur ta funèbre route
Comme les feux naissants du jour.
Sa face inspire le courage,
Soutient la foi, nourrit l'espoir,
Eclaire au matin du voyage,
Console à l'approche du soir,
Adoucit, les amers calices
Et te conduit jusqu'au Saint Lieu,
Où coule un fleuve de délices
Devant la face de ton Dieu!