Réponse à un frère, «membre de l'alliance chrétienne»

Dennett E.

ME 1908 page 12

 

Cher frère,

Pardonne-moi de ne répondre qu'aujourd'hui à votre aimable lettre. Vous vous plaignez de ce que les frères n'ont pas pris part à la «conférence des Unions chrétiennes» à B., à laquelle assistaient «environ 1200 enfants de Dieu», tant de l'Allemagne que de l'étranger et où, après la première réunion générale, «les frères et soeurs de toutes les dénominations se sont salués».

Eh bien! je n'ai pas mission de répondre pour les frères de B.; en tous cas, ils n'ont reçu de personne, à ma connaissance, une défense de s'y rendre, et chacun d'eux, s'il y était allé, n'aurait eu à répondre qu'au Seigneur et pour lui-même. De plus, vous me demandez quelle est ma position vis-à-vis de «l'Alliance», et vous vous nommez «membre de l'Alliance».

On ne peut méconnaître que «l'Alliance» ne soit provenue de la reconnaissance légitime du fait que les enfants de Dieu sont membres d'un seul corps. Mais alors, pourquoi faire encore une «Alliance», puisque nous sommes déjà enfants d'un seul Père, et membres d'un seul corps? Serions-nous donc les troupes ou les armées de princes différents qui font alliance ensemble pour un combat commun? Il me semble que les chers frères de «l'Alliance» se sont arrêtés à moitié chemin. Si la manifestation de l'unité des croyants est juste pendant huit jours de l'année (par exemple, dans la semaine du Nouvel an), elle doit être juste toute l'année.

Vous dites avec raison: «De telles barrières doivent être toutes arrachées». Mais «l'Alliance» arrache-t-elle réellement les barrières? Non, en vérité! Les chers frères qui en font partie nous disent: «Nous ne voulons que nous tendre la main par-dessus les barrières». En effet, les moraves restent moraves, les baptistes, baptistes, les méthodistes, méthodistes, etc. Après les conférences et les réunions de prière et d'évangélisation en commun, ils se retirent de nouveau derrière leurs barrières diverses. Leur manifestation de l'unité est donc défectueuse, et n'est, en aucune manière, une vraie et pleine manifestation de l'unité selon la parole de Dieu, sinon ils ne se sépareraient pas de nouveau dans les différentes localités, mais «persévéreraient ensemble», comme les premiers chrétiens, «dans la doctrine et la communion des apôtres, dans la fraction du pain et dans les prières». Ils sortiraient d'une manière durable de tout ce qui les sépare, et se réuniraient simplement comme frères, sous la direction du Saint Esprit, au nom de Jésus (Matthieu 18: 20). Sans séparation, il n'y a pas de témoignage commun durable de l'unité et de la pureté pour le Seigneur. Je ne dis pas que la séparation extérieure (se séparer des incrédules, ou des mauvaises doctrines, ou des institutions humaines) suffira à elle seule pour être un témoignage pour le Seigneur. En vérité, elle ne suffit pas. Il faut aussi la séparation intérieure, c'est-à-dire la piété dans la marche. La parole de Dieu joint ces deux choses: la séparation extérieure et intérieure (Comparez par exemple, 2 Timothée 2: 21, 22; 2 Corinthiens 6: 11-18 et 7: 1). Et sans cette entière séparation, il n'y a pas de véritable adoration. Les enfants du monde ne peuvent certes pas «adorer en Esprit et en vérité», ce que le Père cherche chez ses enfants (Jean 4: 23).

En parlant ainsi, nous ne prétendons pas qu'un croyant qui reste dans l'église nationale ou dans l'église libre, ne puisse avoir une marche plus pure et un coeur plus large et plus chaud pour le Seigneur, pour son peuple et pour son oeuvre, que bien d'autres qui ont abandonné, les institutions humaines et se rassemblent selon la parole de Dieu avec des chrétiens, réunis simplement comme frères. Mais s'il s'agit de la manifestation de l'unité, d'après la parole de Dieu, vous ne pouvez affirmer qu'elle soit pleinement réalisée dans «l'Alliance», vu que les «barrières», contre lesquelles vous protestez avec raison, subsistent là en principe et ne sont mises de côté que pour quelques heures ou quelques jours. Or vous n'ignorez pas que, dans les «milieux de l'Alliance», beaucoup de mauvaises doctrines sont tolérées, dont une partie renverse même les fondements de la vérité, comme la négation des peines éternelles, l'annihilation, le perfectionnisme (ou prétendue délivrance de la nature pécheresse habitant en nous). Et cependant, Dieu ne demande pas seulement l'unité, mais aussi la pureté, et cela, non seulement dans la marche, mais aussi dans la doctrine.

Sous le rapport de l'oeuvre aussi, cher frère, vos vues sont tout à fait erronées et ne sont sûrement pas même partagées par la plupart des frères, que vous nommez «membres de l'Alliance». Vous écrivez: «Peu importe que la manière dont l'oeuvre a lieu, soit dix fois contraire à la Bible, pourvu seulement que des âmes arrivent à la conversion». Ceci est un peu fort, cher frère! Dieu est certainement au-dessus de tout, et libre dans sa grâce, et il peut bénir sa Parole où et comme il lui plaît. Mais nous est-il permis de faire sciemment le mal, afin qu'il en arrive du bien? Certainement non! Nous devons annoncer l'Evangile de Dieu, et malheur à nous, si nous ne l'annonçons pas, mais, à coup sûr, toujours au plus près de notre connaissance et de notre conscience, selon la parole de Dieu.

Ne pensez pas maintenant, cher frère, que je veuille encourager la raideur, l'orgueil, l'étroitesse de coeur et la paresse spirituelle, où qu'elles se trouvent, et malheureusement elles se rencontrent çà et là, dans le milieu de ceux qui professent se rassembler simplement au nom de Jésus. Evidemment cela est profondément affligeant et d'autant plus triste, que là on prétend se réunir sur le terrain de la grâce, de l'unité et de la vérité. Mais d'autre part, cher frère, vous ne pouvez parler d'étroitesse d'esprit, quand un chrétien, marchant dans la crainte de Dieu, ne peut, par amour et obéissance à la Parole du Seigneur, courir et se mêler dans tout ce qui se fait aujourd'hui, alors même que peut-être cela aurait un riche résultat. Dieu est au-dessus de tout, mais ses enfants sont liés à sa Parole.

On peut, dans certaines conditions et en certaines circonstances, prier, travailler et lire la parole de Dieu, etc., avec tous les frères, même s'ils ne sont pas séparés; et si, d'un côté, il y avait moins de préjugés orgueilleux et moins de crainte d'un certain opprobre, de l'autre, plus de grâce, d'humilité, de patience, d'intelligence et de support divin, et enfin, des deux côtés, plus d'amour pour le Seigneur, pour les siens et pour les pauvres inconvertis qui nous entourent, je suis persuadé que la chose pourrait avoir lieu davantage, et serait en bénédiction pour plusieurs ou pour tous. Mais ces rencontres pour la prière, pour l'étude ou pour le travail, ne seraient ou ne sont pas encore la manifestation proprement dite de l'unité; nous n'avons cette dernière qu'à la table du Seigneur (1 Corinthiens 10: 17). Et là, à la table du Seigneur, ce n'est pas seulement l'unité qui doit trouver son expression, mais il y est aussi question de la pureté, c'est-à-dire de la discipline scripturaire…

En voilà assez pour aujourd'hui, cher frère. Je vous salue dans un sincère amour fraternel, bien que vous ne me soyez pas personnellement connu.