Lettres de Darby J.N.

 

Lettres de Darby J.N. 1

Lettre de J.N.D. no 354 – ME 1908 page 97. 1

Lettre de J.N.D. no 355 – ME 1908 page 228. 2

Lettre de J.N.D. no 356 – ME 1908 page 367. 6

Lettre de J.N.D. no 357 – ME 1908 page 439. 8

Lettre de J.N.D. no 358 – ME 1908 page 458. 9

Lettre de J.N.D. no 359 – ME 1908 page 477. 10

 

Lettre de J.N.D. no 354 – ME 1908 page 97

à Mr M. R.

Cher frère,

J'ai reçu votre lettre et je suis certain que l'ennemi est très actif au dehors, comme aussi le coeur naturel l'est au dedans.

Ce dont vous avez besoin, c'est d'une entière délivrance de vous-même, c'est-à-dire de la chair. Vous parlez de mauvaises pensées, «non invitées et haïes», surgissant dans votre coeur, même quand vous cherchez à être occupé du Seigneur, et que vous pensez réellement à lui. Alors vous vous arrêtez pour les confesser, et le fait d'être occupé, pour un moment seulement, de cette confession, provoque une mauvaise pensée nouvelle. Et ainsi c'est, comme vous le dites, un travail sans fin, durant toute la journée.

Mon sentiment est que vous n'avez, jusqu'à présent, jamais joui d'une pleine délivrance de vous-même et de la chair. Vous êtes, comme dit l'Ecriture, encore dans la chair, quoique vous soyez un croyant dans le Seigneur Jésus Christ. Je crois que, si votre âme était affranchie, vous trouveriez que la simple et cependant profonde vérité de vous reconnaître vous-même pour mort (Romains 6: 2), agirait de telle manière que même la pensée de vous détourner pour confesser ce qui a surgi tout à coup dans votre âme, ne serait réellement et uniquement qu'accorder un triomphe à la chair, en vous conduisant à être occupé d'elle.

Si la volonté n'y est pour rien, de telles pensées seront laissées de côté et traitées comme n'étant pas votre «moi». Sans doute, quand l'âme n'est pas affranchie, je ne dirai pas que vous puissiez agir ainsi, mais, si vous jouissez de la liberté, vous ne souffrirez pas de ces choses.

Ce que je voudrais simplement vous dire, c'est que, si de mauvaises pensées, spontanées et haïes, se présentent à votre âme, vous ne devez pas vous arrêter ou interrompre votre occupation avec le Seigneur pour les confesser. Si la volonté y est pour quelque chose, elles doivent être confessées; mais, dans le cas contraire, passez outre, comme pour éviter une mauvaise personne qui n'est pas vous-même, que vous savez incorrigible, et dont le contact ne vous apporterait que misère et souillure. Evite de telles pensées, passe à côté d'elles, et laisse-les là. Les avouer, c'est simplement donner à la chair la place qu'elle cherche, c'est la reconnaître d'une manière ou de l'autre. Même cela, si ce n'était que pour avoir en horreur ses oeuvres, serait encore une satisfaction donnée à la chair, que la grâce vous soit accordée de laisser la chair désavouée et sans la reconnaître, et de continuer votre chemin, sachant qu'elle est toujours présente en vous, et qu'elle y sera jusqu'à la fin.

Quelle bénédiction, que, par grâce, nous puissions la désavouer et refuser d'écouter ses suggestions quand elle agit, sachant, par la même grâce, qu'elle n'est plus «moi»,

Votre cas a été et est commun chez la plupart des enfants de Dieu, si ce n'est chez tous. Je fais allusion aux pensées errantes, non sollicitées et haïes. Continuez simplement à n'y faire aucune attention, car, si vous agissez autrement, vous donnez à la chair la place qu'elle cherche. Allez de l'avant, sans écouter ses suggestions, et soyez-y sourd. Si vous trouvez que votre volonté est à l'oeuvre, confessez-le à Dieu, mais pas de manière à être occupé de l'analyse du mal. Regardez plutôt à lui, le sentiment de votre faiblesse et de votre impuissance remplissant votre coeur, et, dans l'attitude de la dépendance, passez votre chemin, les yeux fixés sur Lui, de qui vient la force quand on a conscience de sa faiblesse.

Lettre de J.N.D. no 355 – ME 1908 page 228

à Mr Frédéric Godet

1853?

Cher Monsieur et frère,

J'espère que notre bon frère Mr. G. vous aura accusé réception, en mon nom, de votre brochure et vous en aura remercié de ma part, ce que maintenant je fais bien sincèrement moi-même. Il vous aura dit que j'avais une attaque de rhumatisme, à l'oeil qui m'empêchait d'écrire. Cela m'a privé du vrai plaisir de vous adresser quelques lignes pour vous témoigner les sentiments respectueux qu'a produit sur moi la lecture de votre brochure, et, permettez-moi de l'ajouter, l'affection chrétienne qu'elle m'a inspirée pour son auteur. Il est assez doux d'éprouver un tel sentiment à la suite d'une controverse, mais vous avez su, cher Monsieur, faire dominer la charité sur les raisonnements. Si je me connais bien, cela est vrai, du fond de mon coeur, quant à tous ceux auxquels j'ai répondu; mais je sais bien que je suis quelquefois trop occupé de mon sujet pour penser suffisamment à l'effet que mon style doit produire sur les sensibilités de mes adversaires, et j'ai si peu l'idée d'être blessé moi-même, que je ne sais supposer qu'un autre puisse prendre en mauvaise part un argument droit et sincère, mais «omne tulit punctum qui miscuit utile dulci (*)».

(*) Il a remporté tous les suffrages, celui qui a su mêler l'utile à l'agréable. (Ed.)

Je reconnais avec plaisir, cher Monsieur, votre bienveillance et votre droiture et l'intention sincère de votre ouvrage. Je pense bien que vous aurez attiré sur vous des adversaires d'un côté tout autre que celui des pauvres frères qui ont fourni l'occasion à votre écrit, comme aussi, vous m'avez débarrassé de toute une classe de combattants que je pouvais être assez content de laisser entre vos mains.

Vous n'avez pas toujours entièrement saisi ma pensée, par exemple au sujet des anciens. Il est très possible que je ne me sois jamais clairement expliqué là-dessus. Il n'a jamais été dans ma pensée de former un système. Je me suis échappé d'un mal positif dans lequel je me trouvais, et j'ai pu satisfaire à ma conscience, selon la Parole, en rencontrant deux ou trois personnes assemblées au nom de Christ, au milieu desquelles il était selon sa promesse. Dieu nous a accordé de la joie et du bonheur et d'autres se sont joints à nous. J'ai cherché à revendiquer les droits du Saint Esprit dans le ministère et à affranchir ce ministère d'un joug purement humain en remontant à sa vraie source, savoir la puissance du Saint Esprit. Cette institution était de fait entièrement humaine; on y était destiné par ses parents; à quelques belles exceptions près, on y était nommé par l'Etat ou par des pasteurs. C'est parce que j'honorais le ministère comme étant de Dieu et pas des hommes, que je me suis trouvé, par un sort, peut-être trop peu extraordinaire dans ce monde, sous l'accusation de le nier, mais je crois bien que les anciens exercent une surveillance générale sur le troupeau de Dieu (Actes des Apôtres 20) et pas seulement sur des affaires temporelles qui étaient les objets et la charge des diacres.

Ceux qui ont dû remplir la charge d'anciens, je ne veux pas dire officiellement, mais seulement de fait, ont dû trouver qu'il y a mille et mille choses qui surgissent chaque jour, des affaires temporelles si vous voulez, mais qui exigent la sagesse, la patience, la fermeté, la douceur, et une autorité découlant du respect qui s'attache à une personne telle que le Saint Esprit la dépeint par la main de l'apôtre. Il ne s'agit pas exactement d'un don, mais de qualités, sans lesquelles on ne saurait remplir une telle fonction, mais sans lesquelles aussi on pourrait avoir les dons les plus excellents. Les anciens étaient des surveillants qui, en agissant au milieu du troupeau, empêchaient les mouvements de la chair de gêner la libre circulation de l'amour parmi les frères, de l'amour, ce vrai sang vital du système. Ils veillaient en même temps sur la sainteté et le bien-être de chaque membre du corps à sa place. C'est une fonction qui, quand elle est véritable, se montre peu, et moins elle se montre, mieux le corps s'en trouve. Elle se trahit dans ses beaux résultats. Il y avait de certaines circonstances où, je le pense, ceux qui l'exerçaient étaient plus en vue.

Mais c'est ici, cher Monsieur, qu'il est impossible d'échapper à la condition actuelle de l'Eglise, parce qu'il est évident, et vous ne le niez pas, que c'étaient les apôtres qui nommaient ces anciens ou évêques. C'est pourquoi je n'ai nullement prétendu faire une telle chose, mais lorsque je rencontrerais quelqu'un agissant comme un ancien doit agir et qui, sans prétention, serait en bénédiction au troupeau, je le reconnaîtrais cordialement pour ma part et le respecterais dans sa fonction. C'est parce qu'on en a fait un clergé, moitié don, moitié charge, ou plutôt charge sans don, et réglé par les autorités civiles et non par l'Esprit (autorités que je reconnais pleinement comme étant de Dieu, mais non pas comme chefs de l'Eglise de Christ); c'est parce que le ministère n'était plus celui du Saint Esprit, mais une profession (peut-on le nier?), que je me suis éloigné d'un tel état de choses. Je vois que tout est en ruine. Je reconnais les anciens dans la Parole. Je ne prétends pas les nommer, mais je les reconnais lorsque j'en rencontre. Le ministère de l'Esprit doit être libre, sauf l'exercice de la discipline, si elle est exigée.

Le ministère actuel jouit autant de son autorité dans le cas d'un homme non converti que dans le cas d'un vrai pasteur, non pas de fait, sans doute, car il est impossible au milieu des chrétiens, mais de droit. Aussi, le pasteur est-il pasteur de bien des âmes non converties et peut-être n'est-il pas évangéliste pour leur adresser la parole. Mais si un évangéliste entre librement dans sa paroisse (et qu'est-ce que ce mot veut dire?) pour évangéliser, c'est un désordre. Peut-être le pasteur, s'il est homme de bien, le supporterait, le souhaiterait même, mais là où il y aurait le plus de besoins, toute l'énergie du système serait un contrepoids à l'Esprit de Dieu. Est-ce là de l'ordre?

J'ajoute que je reconnais pleinement l'ordre et la discipline de la Parole, et selon la Parole, dans les assemblées. Lorsque tout était dans son intégrité, l'esprit des prophètes était assujetti aux prophètes. Il est évident que je ne saurais pas ici répondre au contenu de votre brochure, autrement j'aurais bien des choses à vous dite au sujet des anciens. J'accorde qu'historiquement les dons se sont peu à peu perdus dans les charges. Dieu l'a permis, et Satan s'en est largement servi. Le papisme, l'hiérarchisme, sujet auquel vous ne voulez pas toucher, n'en est-il pas la véritable conséquence, l'effet tout naturel? Vous ne pouvez le nier, c'est un fait historique. Il est l'enfant légitime du système que vous cherchez à établir, lequel, quant à l'histoire, est assez vrai. Mais n'est-il pas également vrai que son progrès a été identique avec le déclin de la puissance du Saint Esprit dans l'Eglise, avec l'accroissement de cet état où tous cherchaient leur propre intérêt, et personne l'intérêt de Jésus Christ; où il était évident que c'étaient les derniers jours, parce qu'il y avait déjà plusieurs antichrists; où l'on se trouvait à l'entrée de cette nuit des temps fâcheux que devait subir l'Eglise de Christ? Est-ce là «l'âge mûr de l'Eglise?» Et ne devez-vous pas être frappé, cher Monsieur, qu'on puisse avoir quelque sujet d'étonnement — quoique je n'insiste pas là-dessus — quand on entend dire que l'église nationale de Neuchâtel (quel que soit le respect qu'on puisse avoir pour le bon ordre de votre pays, où j'ai passé bien des jours heureux et joui de bien des douceurs de la vie chrétienne et de l'hospitalité la plus sincère), que l'église, dis-je, de Neuchâtel, soit l'âge mûr de l'Eglise, et que le temps dont nous avons l'histoire dans le Nouveau Testament, n'était que sa faible enfance? Non, cher Monsieur, l'Eglise a eu une enfance telle que celle d'Adam. Elle est sortie dans toute sa beauté de la main de Dieu, selon l'architype de la pensée divine. Je ne pense pas que l'homme ait amélioré son état, plus qu'Adam le sien propre, lorsqu'il a été confié aux mains de l'un ou de l'autre. L'ennemi a su séduire l'un, et semer l'ivraie dans l'autre.

Mais je désire répondre à votre bienveillance, et pas à votre brochure. Vous m'avez seulement engagé, par sa bonne foi, à user de toute franchise. Je vous invite, cher Monsieur et frère, à aborder les sujets que vous avez évités et sans lesquels il est impossible d'avoir un raisonnement juste sur l'état de l'Eglise. N'est-il pas vrai que l'Eglise a manqué et est en chute, bien entendu quant à son état dans ce monde? Le Seigneur ne va-t-il pas venir pour prendre les siens auprès de lui et juger ce corps lorsque son apostasie sera complète? Et la réformation, beau fruit de l'énergie de l'Esprit de Dieu qui ne dépérit que trop évidemment, n'a-t-elle pas néanmoins assujetti l'Eglise à l'Etat et lié les deux ensemble d'une manière inconnue dans la Parole, qui empêche nécessairement les mouvements du Saint Esprit, plus même et plus habituellement qu'une persécution ouverte? N'est-il pas vrai que l'Etat en général exerce plus d'influence sur l'église protestante (on dit que votre roi chrétien se rend compte de ce mal) et qu'il est, au contraire, toujours plus assujetti au papisme qui a su se maintenir dans l'indépendance?

Que veut dire tout ce travail d'enfantement d'églises libres, si ce n'est les convulsions que produit le besoin spirituel de s'affranchir de ce joug, tout en retenant autant que possible ce qui est respectable dans le système ecclésiastique, aux yeux du monde, et en laissant libre, selon vous, le mouvement volontaire des coeurs mus par le Saint Esprit? C'est une crise, on ne le nie pas. La puissance du Saint Esprit seule peut nous tirer d'affaire, sous la bonne main de Dieu.

Soyez assuré, cher Monsieur, que, tout en évitant le mal que j'ai cru voir, ainsi que doit le faire tout vrai chrétien, et en suivant moi-même la route que je crois tracée par le Saint Esprit, je ne désire que ce qu'il dicte et que je suis certain qu'il enseigne l'amour. Je tends la main à tout vrai chrétien et mon coeur n'en va pas moins vers lui, s'il ne veut pas me la serrer. La publicité que mes vues m'ont donnée, me fait de la peine. Je cherche l'ombre. J'aurais bien mieux aimé marcher dans l'affection chrétienne avec des gens qui se sont faits mes ennemis, mais je leur garde toujours cette affection. Je ne pensais pas être ainsi devant le public quand je me suis retiré du nationalisme avec deux ou trois frères. Mais Dieu dirige tout. Je suis heureux du moins de pouvoir commencer mes relations avec vous, non pas par un accord de vues, mais en trouvant dans l'expression du désaccord l'occasion de sentiments sincères de respect et d'estime chrétiens, et de beaucoup plus encore, car j'ai la conviction profonde et heureuse que cette grâce qui se manifeste dans votre écrit, nous lie (quand même nous ne nous verrions jamais) par des liens qui dureront pour toujours et nous réuniront dans la gloire où la chère Eglise de Christ se trouvera. Cette gloire, nous la lui désirons tous les deux dans notre faiblesse et avec des coeurs qui tressaillent de joie; nous savons que Dieu la lui a destinée en Celui et avec Celui qui la lui a méritée et acquise, et la lui donnera en son temps.

Agréez, cher Monsieur et frère, dans les liens de cette grâce et de notre commune espérance, l'assurance de l'affection et du respect de votre faible frère et serviteur en Christ.

Lettre de J.N.D. no 356 – ME 1908 page 367

Montréal, 22 août 1863

Mes bien chers frères,

Votre lettre ne m'est parvenue qu'avant-hier, car on m'attendait en Angleterre pour le mois d'août. Elle a été gardée à Londres jusqu'à ce qu'on eût appris que j'avais forcément renvoyé mon retour jusqu'au mois d'octobre. Je vous dirai qu'après une courte correspondance avec Mr G., qui est déjà d'ancienne date, je n'ai rien su, sauf par une circulaire qui a vu le jour par le moyen d'un membre de l'église libre. F. m'a écrit au sujet d'une proposition particulière faite aux frères de Genève, mais un coeur qui aime pressent vite ce qui concerne en général l'état ou plutôt les circonstances de ceux qui sont aimés, et je devinais à peu près la position des bien-aimés frères en Suisse. Vous pouvez bien croire que j'étais sensible à l'épreuve de ceux au milieu desquels j'avais travaillé de longues années et que j'aime mieux que moi-même, ayant aussi reçu tant de témoignages d'affection de leur part. Mais je sentais que ma place était de me tenir en arrière, de remettre la chose à Dieu et de prier beaucoup pour qu'il gardât les frères. Il m'a accordé d'avoir une entière confiance dans sa fidélité et dans sa bonté, oui, dans sa fidélité envers les frères -- confiance faible, si vous voulez, mais entière, et qui me donnait du repos. En outre, les communications que j'avais reçues étaient si fortement caractérisées par un esprit d'attaque personnelle contre moi, que je sentais le devoir de me tenir tranquille et dans l'ombre, mettant ma confiance en Dieu pour les autres, en sorte que la question ne prît nullement un caractère personnel. Je pouvais sentir que cette affaire était celle du Seigneur, et que je devais la considérer et la laisser comme telle; et pour qu'elle fût envisagée ainsi, la foi me dictait de me mettre complètement de côté, en sorte que la main et l'action de Dieu fussent manifestées. Je m'attendais à Lui. L'expérience que nous avons faite en Angleterre et même ici, a largement démontré, comme je l'ai dit à Mr G., que la fidélité scrupuleuse à la marche que nous avons suivie, était reconnue et bénie de Dieu. Nous en avons fait l'expérience et celle de tous les jours la confirme. Je ne prétends nullement que chaque acte ait été marqué au coin de la perfection, ni que les frères n'aient manqué en rien. J'ai vu bien des fautes en moi-même, mais sous le rapport de ma marche à cet égard je n'ai pas la conscience d'en avoir commis, sans prétendre qu'il n'y en ait point eu. En somme, je suis parfaitement assuré que ceux qui ont été fidèles ont reçu l'approbation de Dieu. Je veux bien — je le désire — qu'ils marchent doucement et humblement, à cause de ces épreuves, et, puisque Dieu les a permises, il convient que nous gardions cette attitude. Mais l'humilité n'empêche pas la fermeté; bien au contraire, elle nous rend obéissants, et rien n'est plus ferme que l'obéissance. En somme, bien-aimés frères, je compte toujours sur la fidélité de Dieu. Il peut nous humilier, s'il voit que nous en avons besoin, et nous n'avons qu'à baisser la tête sous sa bonne main; mais il saura garder les siens, et je m'attends à lui.

J'aurais une grande joie à vous revoir; je ne sais si Dieu me l'accordera; je pensais un peu avoir achevé ma course sur le continent d'Europe; je suis maintenant entre soixante et soixante-dix ans et, tout en me portant bien, je sens la différence d'avec la jeunesse. Mais, si Dieu me conserve encore la vie et que, sous sa sauvegarde, je puisse traverser encore une fois l'Atlantique, je pense me rendre en France pour la nouvelle édition du Nouveau Testament. Il se peut, si Dieu le permet, que je vous voie dans ce cas. Je suis entre ses mains et je ne cherche que sa gloire et le bien de mes frères, mais j'attends sa volonté, et mon ardent désir, si je vous revois, est de vous trouver bénis, heureux, unis sous son regard, quand j'arriverai pour jouir avec vous de la bonté de Dieu, et que vous aurez senti combien Dieu est fidèle, au delà de nos pensées, et combien il est bon de se confier en lui. Je suis le serviteur des frères, mais je désire ardemment qu'ils sentent tous qu'en Lui étant fidèles, ils peuvent compter sur sa puissance et sur sa bonté. Je désire vous retrouver comme la preuve vivante que nous n'avons besoin que de Lui pour être le jardin où il se plaît à marcher et qu'il arrose des bénédictions de sa grâce. Je désire de tout mon coeur que le cher frère G. lui-même, adouci et heureux, trouve sa joie dans la fraternité avec moi et dans le bonheur de tous les frères. Oui, je me fie à Dieu. Qu'il daigne vous bénir et vous garder, et vous fasse sentir à tous combien il est bon d'avoir confiance en sa fidélité.

Je vous remercie beaucoup de votre lettre, chers et bien-aimés frères. Soyez certains que mon coeur ne cesse pas et n'a pas cessé de penser à vous, de demander instamment à Dieu de vous garder et de vous rendre fidèles à sa gloire. Saluez affectueusement tous ceux qui me connaissent.

Ici, Dieu m'a sensiblement béni. Comme nombre, cent trente au moins sont ajoutés, mais, bien plus que cela, le témoignage de Dieu a été affermi et consolidé. Ici, à Montréal, lorsque j'y passai, à mon arrivée, il n'y avait pas de réunion de frères; deux ou trois seulement, désorganisés, et une réunion à moitié dissidente, qu'on cherchait à rendre entièrement telle par des moyens détournés. Nous sommes maintenant plus de soixante, heureux et unis, et le Seigneur en ajoute toutes les semaines. En d'autres endroits, la bénédiction n'a pas été moindre. Des ministres anglicans, un ministre baptiste, un ancien de l'église libre, se sont joints à nous; d'autres portes s'ouvrent encore. J'ai visité aussi les frères suisses de l'Illinois, voyage de 800 lieues aller et retour, et la vue de ces chers frères m'a réjoui. J'espère voir aussi Mr F. en passant par New York. Un bon nombre d'âmes aussi ont été converties.

Paix vous soit, bien-aimés frères, et à tous ceux qui Lui appartiennent.

Votre dévoué en Christ et affectionné frère.


J'ajoute encore ceci: Je suis toujours plus convaincu que la fermeté, une entière fermeté, jointe à une paisible humilité, est le chemin voulu de Dieu. Nous résistons à une oeuvre de l'ennemi, et je suis certain que la force de Dieu sera avec les frères qui restent fidèles. Croiriez-vous que des ministres distingués en sont venus à dire que Christ était tellement envisagé comme lépreux et banni, qu'il ne lui était pas permis de visiter les lieux saints de la Palestine, et que Dieu ne l'autorisait pas à passer la nuit dans la ville de Jérusalem?

On m'a dit que j'étais accusé de fausse doctrine. Je ne réponds pas, chers frères, parce qu'il me semble qu'il y a de l'animosité dans cette accusation. Je suis parfaitement convaincu que cette accusation ne trouvera rien qui soit faux ou qui déroge à la gloire du Seigneur, mais bien le contraire. On m'a attaqué, il y a deux ans, j'ai tout examiné et republié l'écrit que l'on attaquait, avec une mauvaise foi éclatante, qui n'a nui qu'à celui qui en était coupable. J'ai reproduit cet écrit tel quel, pour faire voir que je maintenais ce que j'avais avancé. J'aurais pu tirer quelques points plus au clair, mais je l'ai republié tel quel, et cela a tourné à la honte de mon adversaire. Il y avait tant de mauvaise foi dans sa brochure, que j'ai déclaré ne pas vouloir en tenir compte. J'ai ainsi maintenu la doctrine exposée.

Lettre de J.N.D. no 357 – ME 1908 page 439

à Mr J.R.

Londres, 19 décembre 1870

Cher J.,

C'est en m'adressant à votre chère mère et à toute votre famille, que je me sers de votre nom, pour vous dire à tous combien le départ de votre cher et bien-aimé père m'est sensible; vous pouvez le croire. C'est une perte pour vous tous, une perte pour tous les frères, une perte pour mon coeur. Sa simplicité et sa candeur sans prétention, le rendaient cher à tous ceux qui le connaissaient; et moi je le connaissais depuis bien des années, quelque trente ans passés en relations si fraternelles et pleines d'affection des deux côtés. Pour lui, nous le savons, c'est une grâce; et à son âge, avec une santé faible depuis longtemps, on ne peut s'étonner de son délogement; mais cela n'empêche pas que la perte ne soit sensible. Plus nous avons connu et aimé, plus nous sentons le vide causé par l'absence de ce que nous venons de perdre.

Mais le péché règne dans la mort. Toutefois, bien que cet ennemi doive être détruit le dernier de tous, notre espérance ne nous confond pas, la mort est un gain. Nous avons toujours de la confiance, préférant être absents du corps et présents avec le Seigneur. Il a tout fait, il nous aime et nous prend auprès de Lui. Heureux ceux qui ont cette part! Notre séjour ici est un pèlerinage, seulement nous pouvons y travailler pour Lui et le glorifier. Notre part est avec Lui, où que ce soit; mais vous comprendrez, cher J., ma sympathie avec vous tous. Si cela eût été possible, j'aurais voulu le voir avant son départ, car je l'aimais beaucoup. Vous serez entourés d'affection, je le sais, et des preuves de l'amour que tous portaient à votre père. Notre part, en pareil cas, est le calme et la patience; la grâce du Seigneur suffit à tous.

Vous aurez, vous autres, à consoler votre chère mère, qui se sentira encore plus délaissée que vous tous, mais pas du Seigneur. Il n'y a plus qu'un petit moment à attendre, et puis nous serons tous ensemble là où la joie ne manquera jamais et où l'amour du Seigneur se reposera dans notre joie parfaite.

Saluez votre mère de ma part, et soyez tous assurés de mon affection et de la part que je prends à votre affliction et à tout ce qui vous concerne. Quiconque aime Celui qui a engendré, aime ceux qui sont engendrés de Lui. Que Dieu vous soutienne et vous bénisse tous.

Votre affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 358 – ME 1908 page 458

à Mr H.R.

Londres, novembre 1861

Mon cher H.,

Votre père a eu la bonté de me faire savoir, par l'intermédiaire de M. W., que Dieu vous avait accordé le souhait de votre coeur; je lui en sais bon gré. Je m'en réjouis, mon cher H., selon l'affection sincère que j'ai pour vous, ainsi que pour votre cher père et les siens. Je m'en réjouis, comme mon Maître m'a dit de me réjouir avec ceux qui se réjouissent. Oui, cela me fait plaisir, de sentir qu'après vous avoir fait attendre, votre coeur est heureux dans Sa bonté. Il vous a fait sentir sa dépendance de lui, puis il bénit. La chose est bonne. Mais, quand je dis: Il vous a accordé le souhait de votre coeur; c'est sa bonté; que de pensées cela réveille chez un vieux comme moi. Où se terminent-ils, tous les souhaits de quelque coeur qu'ils viennent? Hélas! quand on l'a connu pour un peu de temps, qu'il est pauvre et peu sensé! Quelle chose sérieuse aussi, que de s'unir pour la vie! Dans tout ce que nous faisons il n'y a que deux choses que nos coeurs doivent chercher et qui nous assurent le bonheur: Tout faire avec et même pour le Seigneur, puis se confier entièrement en lui pour le résultat, car qui sait ce que le lendemain apportera? J'espère, je ne doute pas, que vous ayez cherché le Seigneur dans cette affaire, et je vous engage à tout lui remettre, pour que vous soyez heureux. Que Dieu vous donne de trouver en Jésus le vrai bien, le seul qui dure, qui soit au-dessus des circonstances et des caractères, qui nous rende capables d'être toujours aimables. C'est ma prière à Dieu pour vous, comme pour votre fiancée. Oui, mes pensées se tournent en prières pour vous, et je suis certain que vous êtes, entre les mains d'un bon et fidèle Sauveur qui ne peut vous manquer en rien. Pour moi, je tends vers la fin de ma carrière, mais cela ne fait que m'intéresser davantage à ceux qui la commencent et me fait sentir sur quelle fidélité ils peuvent compter. Que Dieu vous bénisse abondamment, vous garde et vous rende sérieux dans votre bonheur.

Je vous écris bien à la hâte, incessamment occupé, comme toujours, à Londres, afin que vous sachiez au moins combien mon coeur désire que la précieuse bénédiction du Seigneur repose sur vous. Saluez beaucoup votre père et dites aux vôtres quel intérêt je porte à celui qui leur est cher.

Votre bien affectionné en Christ.

Lettre de J.N.D. no 359 – ME 1908 page 477

à Mr H.R.

Elberfeld, juin 1874

Bien cher frère,

Je n'ai pas voulu répondre à votre lettre, avant de lire le livre qui l'accompagnait (*). Après lecture, je trouve premièrement que c'est un roman superficiel, au lieu de l'Evangile de la grâce, mais il me rebute par le ton de familiarité avec lequel il traite le Seigneur de gloire; Dieu en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, manque totalement, et c'est ce qui caractérise ce livre. La prétention d'écrire de belles choses en présence de ce qu'est le Seigneur et de ses souffrances, est choquante. Ensuite, tout le système de l'auteur est faux, et n'est pas le christianisme. La perfectibilité de l'homme, Jésus nous ayant replacés dans la capacité d'y arriver, cela nie les plus grandes vérités de la grâce, par exemple, la nouvelle naissance, la chair, la ruine de l'homme. Puis l'idée que sa grâce ne fait pas autre chose, mais seulement la même chose que ce qui aurait été fait avec Adam, montre une telle ignorance de la part que Dieu a dans la rédemption, de la valeur de cette oeuvre, de la gloire de Dieu en elle, de la glorification de tout ce qu'il est, de la gloire de Christ, une telle exclusion de Dieu par rapport à l'oeuvre tout entière, que, pour moi, une telle superficialité de sentiment moral est presque inconcevable. Mais c'est l'homme, l'homme, l'homme, et cela avec une haute idée de ses propres sentiments, tandis que Dieu est hors de cause. Des erreurs très graves se rattachent à cette superficialité morale, mais je ne les relève pas, car Christ est rabaissé, et le vrai Christ est perdu de vue, en même temps qu'il est perdu comme Dieu.

(*) Etudes bibliques, par F.G.

Certaines vérités importantes sont reconnues, certaines réponses aux rationalistes satisfaisantes. Mais ce que l'auteur nous donne de Christ est un roman; ce qu'il omet est l'omission de l'Evangile, sinon davantage. Mais je ne sais s'il est désirable de répondre et si la propagation de la vérité n'est pas la meilleure méthode. Que dire d'un homme qui demande si ce n'est pas le moment de réunir le papisme avec ses propres adhérents, comme possédant les deux grands éléments de la vérité? Pour ma part, je n'ai rien vu de plus misérable.

Il est bon d'ajouter que l'auteur ne touche aucune vérité biblique qui se rapporte à notre réconciliation, sans la fausser, et en particulier la nouvelle naissance et la propitiation.

Votre frère affectionné.