Le voir (Rossier H.)

 ME 1908 page 340

 

O Seigneur, dans la nuit sombre,

Mes désirs volent vers toi.

Tes compassions sans nombre,

Seigneur, reposent sur moi.

Devant ta miséricorde

Qui m'entoure à chaque pas,

Mon coeur attendri déborde…

Pourtant je ne te vois pas.

 

En toi, j'ai bien plus, sans doute,

Que le Jésus d'autrefois

Poursuivant la sainte route

Qui le menait à la croix.

Oui, certes, mon coeur préfère

T'avoir, non pas ici-bas,

Mais au ciel devant le Père…

Pourtant je ne te vois pas.

 

Par la foi, cet oeil de l'âme,

Montant plus haut que les cieux,

Je te contemple et l'acclame

Mon Rédempteur glorieux;

Dans l'extase je t'adore.

Une seule chose, hélas!

A mon bonheur manque encore…

Seigneur, je ne te vois pas.

 

Mais aujourd'hui, dans l'attente

De l'avenir éternel,

Prêt à déposer ma tente,

Je vais te rejoindre au ciel.

Adieu donc ce qui m'entrave

Dans ce monde triste et noir

Où Satan fait l'homme esclave…

Oui, bientôt je vais te voir

 

Abandonnant cette terre

Pour entrer au Paradis,

Et laissant à la poussière

Le corps mortel de jadis,

Loin des langes de l'enfance

Qui limitaient mon savoir,

Digne enfin de ta présence,

Seigneur, je pourrai te voir!

 

Près de toi, je vais attendre

Ce jour, de tous le plus beau,

Où ta voix puissante et tendre,

Ouvrant aux morts le tombeau,

Des vivants qu'elle rassemble

Enfin comblera l'espoir.

Nous partirons tous ensemble…

Seigneur, nous allons te voir!