Le sérieux du temps

Brockhaus R.

ME 1909 page 176

 

Le temps s'avance et n'attend personne. Il est impossible de mettre un sabot à sa roue. Il roule sans interruption. Chaque battement de pouls nous rapproche de l'heure dans laquelle, que ce soit volontiers ou à contre-coeur, que nous soyons prêts ou que nous ne le soyons pas, nous devrons quitter le théâtre de ce monde avec toute son inquiète activité et passer dans l'éternité.

Cela est sérieux et en même temps profondément humiliant. L'homme, avec tous les avantages et l'énergie dont il se glorifie, avec son esprit et son habileté, son savoir et sa puissance, ne peut tenir devant cet ennemi dur et impitoyable. Il doit céder devant la mort. Il ne trouve, à la fin de cette vie, si longue ou si courte qu'elle ait été, qu'un lit étroit sous le sol. «Le salaire du péché, c'est la mort» (Romains 6: 23).

«L'homme meurt et gît là; l'homme expire, et où est-il?» dit Job (14: 10). Oui, où est-il? L'instant, où l'homme doit quitter cette terre, s'approche constamment. Et qu'arrive-t-il alors? D'autres prendront sa place sur la terre et continueront ses affaires. La roue du temps continuera à tourner, et le monde continuera à faire des affaires, absolument comme si le défunt n'avait jamais vécu. On pensera peut-être encore à lui un certain temps, puis il sera la proie de l'oubli. Mais où est son âme? Dans le ciel, ou dans l'enfer?

Nous sommes souvent profondément saisis, quand nous entendons parler d'épouvantables accidents de chemins de fer, de terribles explosions de mines, ou de choses semblables. Et quand nous lisons les rapports qui nous donnent des détails sur l'horrible catastrophe, quand nous entendons parler des souffrances de ceux qui ont été blessés, que nous pensons au désespoir de ceux qui ont été ensevelis vivants dans la mine, le frisson nous saisit et nous avons des expressions de la plus profonde sympathie, non seulement pour les pauvres victimes, mais pour les malheureuses familles laissées dans le désespoir et souvent dans la plus grande détresse.

Mais il y a encore une misère, bien plus grande que celle-là, une misère que l'on peut contempler tous les jours, mais à laquelle on accorde comparativement peu d'attention. Je pense à la multitude innombrable d'hommes et de femmes, de jeunes gens, de jeunes filles et d'enfants, qui disparaissent du monde, par la maladie et la misère, suites de cette horrible peste, le péché. Ils s'en vont; le temps les emporte, sans Dieu et sans Christ, sans repentance, sans foi à l'Evangile, ayant perdu la raison par le fait même du péché; ils courent à la rencontre du tribunal d'un Dieu saint, du feu brûlant et des flammes éternelles, des pleurs et des grincements de dents, là où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point.

Quelle épouvantable réalité! Qu'est-ce qui pourrait en égaler la terreur? Des milliers d'hommes vont à la rencontre de la perdition éternelle. Et ce ne sont pas seulement ceux qui se sont enfoncés dans la corruption morale, mais aussi les gens estimables et honorables, ceux qui ont été entraînés dans le tourbillon des affaires ou dans l'ivresse des plaisirs. Pas un instant ne leur est plus accordé pour réfléchir, quand leur course a pris fin et que le sort de leurs âmes immortelles est fixé pour toujours.

Je le répète: c'est une épouvantable réalité, au sujet de laquelle le rire moqueur et insouciant de l'homme trompé par Satan est une des grandes souffrances du chrétien. Bien qu'il soit sur le chemin de l'éternité, l'homme rejette avec dédain tous les avertissements qu'il reçoit au sujet du danger qui le menace, et se refuse à «fuir la colère à venir».

Peut-être parmi les lecteurs de cette feuille, y en a-t-il un qui fait partie de ces pauvres abusés? Si tel était le cas, que Dieu fasse briller en grâce sa lumière dans son coeur, en sorte qu'il reconnaisse son état de perdition, et vienne à se repentir avant qu'il soit trop tard.

Une chose est vraie: «On ne se moque pas de Dieu; car ce qu'un homme sème, cela aussi il le moissonnera» (Galates 6: 7). Dieu n'oublie aucun des péchés commis contre lui. Avec quelle promptitude le rire du pécheur sur cette terre peut-il se changer en cri de détresse éternelle! Combien rapidement des souffrances sans fin et le désespoir peuvent remplacer les voluptés et les plaisirs! Notre coeur saigne en y pensant, et nous crions: O Dieu! aie pitié de ces multitudes malheureuses avant qu'il soit trop tard! Arrache leurs âmes coupables à la perdition, pour qu'elles ne portent pas les suites éternelles de leur folie et de leurs péchés!»

Mais, nous pouvons considérer le cas de l'inconverti à un autre point de vue encore. Combien il est digne de pitié, sans même parler du danger continuel dans lequel il se trouve! Combien il perd déjà sur cette terre! L'amour et la sympathie de Jésus lui sont étrangers; il ne connaît rien du pardon de ses péchés, rien, par conséquent, de la paix et de la vraie joie. Il suit le chemin, souvent si pénible, de la vie, sans être éclairé par l'amour de Dieu, et quand les soucis étendent leur lourd manteau sur lui, il ne connaît pas l'ami qui est «plus attaché qu'un frère». Il marche à tâtons dans l'obscurité, et ne voit pas les pièges, tandis que «le sentier du juste est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu'à ce que le plein jour soit établi» (Proverbes 4: 18). Il avance le coeur et les mains vides.

Cher lecteur croyant, c'est pour toi surtout que j'écris ces quelques lignes. Elles sont destinées à te rappeler la responsabilité qui t'incombe à l'égard des inconvertis. Elles te disent vers quelle fin terrible ils s'acheminent, puis combien ils sont pauvres, privés de tout, et dignes de pitié. Le temps presse. Bientôt notre Seigneur bien-aimé viendra prendre les siens auprès de lui. Combien seront alors laissés pour le jugement, qui auraient eu du temps pour se convertir, mais qui pensaient toujours que c'était trop tôt! Combien aussi n'ont reçu que rarement des avertissements, et pourraient dire avec une certaine raison: «Personne ne s'est inquiété de mon âme!» Oh! puissions-nous penser davantage à leur sort! Que toute notre vie, toute notre marche, soient sous cette impression! Combien de chrétiens sont devenus tièdes et indifférents dans ces jours de la fin, où ils devraient redoubler d'énergie, de zèle et d'activité pour le Seigneur! Qu'il nous accorde un réveil véritable. Combien de chrétiens se contentent d'être sauvés eux-mêmes, tandis que leurs coeurs sont froids et sans amour à l'égard de leur prochain! Puissent-ils s'effrayer en pensant qu'outre l'amour et la grâce qui leur appartiennent, une responsabilité leur incombe, et que le temps qu'ils perdent dans ce monde est perdu pour toujours! Apprenons tous à connaître un peu plus de cet amour pour de pauvres âmes perdues, qui a conduit notre Sauveur à la mort, et qui a fait dire à son fidèle serviteur Paul qu'il avait lui-même «souhaité d'être, par anathème, séparé du Christ, pour ses frères, ses parents, selon la chair» (Romains 9: 3).