Prière et adoration

 ME 1909 page 210

 

La prière est l'atmosphère, dans laquelle le chrétien vit; elle est aussi nécessaire pour la nouvelle vie que l'air pour la vie naturelle. Nous examinerons d'abord la prière individuelle, dont parle le Seigneur, en Matthieu 6: 6. C'est le point de départ pratique d'une vie de sainteté (voyez Actes des Apôtres 9: 11). Sans la prière, on ne peut concevoir une vie pour Dieu. C'est dans le cabinet, seuls avec Dieu, que nous réalisons nos rapports de proximité avec le Père; c'est là que nous recevons la parole destinée à nos âmes. Ne pouvons-nous pas dire que, dans de tels moments, nous recevons d'avance le caillou blanc avec le nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit? (Voyez Apocalypse 2: 17). Avec quelle force nous pouvons aller au-devant des vicissitudes de chaque jour, si le matin, nous avons cherché la présence et la communion de notre Dieu, et goûté la manne cachée. C'est, en vérité, le pain quotidien nécessaire à notre âme. On peut rapporter la plupart de nos fautes et de nos errements à la négligence de la prière secrète. La paresse à cet égard ouvre, pour ainsi dire, la porte du coeur à tout mal imaginable du dehors, venant s'allier à la nature non jugée au dedans. Le résultat en serait fatal, sans l'intervention de la grâce illimitée. Nul zèle, si grand qu'il soit, nulle activité dans le service, ne peut compenser la perte éprouvée par la négligence de la prière secrète. Le zèle sans la prière est plutôt répulsif, car il manque de grâce, et de même, l'activité sans la prière n'est que de l'énergie charnelle.

Ainsi la prière secrète et individuelle est d'une importance incalculable, comme condition essentielle d'une vie sainte. Mais la prière en commun, les demandes et les supplications des croyants rassemblés pour ce but, en un mot, la réunion de prières, n'a pas une moindre valeur. On a souvent dit, et avec raison, que c'est par l'assiduité des croyants à la réunion de prières, que l'on peut le mieux juger de l'état d'une assemblée. Des réunions pour l'explication ou l'étude en commun de la parole de Dieu, peuvent exercer une grande attraction et produire un vif intérêt; nous pouvons même, dans ces réunions, trouver que les âmes ont reçu, par l'exercice des dons, l'enseignement du Seigneur; mais ces réunions ne sont pas une preuve certaine d'un bon état spirituel. Il y avait beaucoup de dons en activité à Corinthe, mais l'état moral et l'intelligence spirituelle étaient à un niveau si bas, que l'apôtre se voit obligé de leur dire: «Vous êtes encore charnels».

Dieu a donné à son Assemblée de pouvoir être «la colonne et le soutien de la vérité». Qu'est-ce qui pouvait la garder dans cette position? Rien que la prière persévérante. Depuis que la ruine s'est établie, le Seigneur lui-même a déclaré tout espoir d'un rétablissement de l'Eglise dans son état primitif impossible, en ajoutant ces mots: «Je ne vous impose pas d'autre charge, mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme, jusqu'à ce que je vienne» (Apocalypse 2: 24, 25). Qu'y a-t-il, en pareille circonstance, de plus nécessaire que la prière en commun, pour nous mettre en état de conserver ce que nous avons? La prière est une digue puissante contre l'envahissement de la mondanité; elle ferme la porte aux loups, qui cherchent à disperser le troupeau; elle éloigne les mauvaises doctrines et les divisions; elle maintient un témoignage commun à la grâce de Christ; elle exprime notre dépendance de Dieu, et nous ouvre, pour ainsi dire, les fenêtres du ciel, d'où découle pour nous, tout ce dont nous avons besoin. Si les croyants avaient, dès le commencement, participé avec zèle et sérieux à la prière en commun, nous n'aurions pas eu à déplorer tant de divisions, qu'on voit aujourd'hui parmi nous, à notre profonde humiliation, et l'égarement de tant de personnes, qui marchaient autrefois avec nous d'un coeur joyeux et reconnaissant. Beaucoup de maux eussent été évités, beaucoup de fruits amers étouffés en germe. Que le Seigneur nous accorde de le sentir profondément, et de le reconnaître individuellement dans le secret et publiquement dans l'assemblée. Si même des divisions on d'autres choses mauvaises ne peuvent être complètement évitées, Dieu approuvera ceux qui s'en humilient devant lui. Une riche bénédiction sera leur part, si le sentiment d'humiliation pour l'infidélité commise ne leur manque pas.

Négliger la réunion de prières, c'est méconnaître les besoins de l'Assemblée de Dieu. Rien n'est plus précieux que la communion avec Dieu; sans elle, nous attendons en vain de la bénédiction pour l'assemblée. Le salut des âmes, tout important qu'il soit, n'est pas la seule chose que Dieu ait en vue. Il bâtit son Eglise, et nous, les pierres vivantes de l'édifice, nous sommes tous un en Christ. Cette unité n'est pas une unité extérieure; c'est l'unité de l'Esprit. Or, si l'on néglige habituellement, sans motif impérieux, la réunion de prières, s'applique-t-on bien à garder l'unité de l'Esprit dans le lien de la paix?

La prière en commun est une des fonctions essentielles de l'assemblée comme telle. Une fonction est autre chose qu'un privilège, bien qu'elle puisse être aussi cela. Certaines fonctions du corps sont essentielles pour la vie; si l'une d'elles cesse, c'est pour le moins une source de faiblesse atteignant tout le corps. N'en est-il pas exactement de même pour l'assemblée? L'état spirituel d'une assemblée est en proportion de ce que nous pourrions appeler l'exercice sain de ses fonctions.

L'adoration est autre chose; j'ai à peine besoin de dire que c'est en même temps un privilège immense. Si elle n'est pas d'un usage aussi fréquent que la prière, elle a un caractère plus élevé que celle-ci; non qu'elle dénote une proximité plus grande, mais elle s'élève au-dessus de nos besoins actuels, pour louer Dieu comme la source et le donateur de tout bien (Psaumes 103), et l'adorer pour ce qu'il nous a révélé de lui-même. Dans la prière, nous nous approchons de Dieu par des demandes, afin de recevoir de lui; comme adorateurs, nous nous réunissons pour lui offrir. «Offrons donc, par lui (Jésus), sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom» (Hébreux 13: 15).

Sans doute, nous rendons grâces aussi dans une réunion de prières (voyez Philippiens 4: 6), comme d'un autre côté, nous sentons nos besoins dans le culte; mais nous parlons ici du caractère de la réunion. Dans nos réunions de prières, l'intercession et la confession ont naturellement leur place particulière. Nous prions pour la prospérité de l'Assemblée, pour que l'Evangile se répande, pour nos maisons et nos familles, pour les autorités, pour les hommes qui nous entourent, pour les malades, etc. Outre cela, nous pouvons aussi rendre grâces à Dieu, et le louer pour tous ses bienfaits envers nous. Mais il n'y est pas proprement question d'adoration. Quand le Seigneur dit: «Le Père cherche de tels qui l'adorent», il ne parle pas de communiquer à Dieu nos besoins par la prière et les supplications, avec actions de grâces (Philippiens 4: 6), car les saints faisaient déjà ces choses avant et pendant l'économie de la loi. Mais le Père était sur le point d'introduire quelque chose de tout nouveau sur la terre, des adorateurs, inconnus auparavant; des enfants offrant l'adoration au Père. Le ciel n'avait jamais rien vu de semblable. Et, chose plus merveilleuse encore, c'est le Père qui cherche des adorateurs, et non pas les hommes.

La grâce les cherche, l'adoration des enfants de Dieu a lieu en Esprit et en vérité. La création loue Dieu, mais non avec intelligence. Israël avait un culte extérieur, avec plus ou moins d'intelligence, mais qui n'avait pas lieu en Esprit et en vérité. Aujourd'hui, l'adoration des croyants a ce caractère, mais nous devons faire remarquer, que l'adoration individuelle, quelque importante et bénie qu'elle soit, n'est pas tout ce que Dieu cherche. Le culte que veut le Père, ne peut avoir lieu que dans sa famille rassemblée, où tous sont réunis par un seul Esprit et baptisés pour être un seul corps. Assurément, chaque membre doit posséder l'esprit d'adoration, sans cela une discordance se ferait sentir dans l'assemblée; mais, ce n'est que dans l'action de grâce rendue en commun, dans l'assemblée locale, représentant tout le corps, que l'on peut trouver, au sens propre, l'adoration que le Père cherche. C'est là que se trouve la plénitude de la bénédiction, car le Seigneur lui-même est là, comme il est écrit: «Je te louerai au milieu de l'assemblée» (comparez Psaumes 22: 22; Hébreux 2: 12).

Le lieu de l'adoration, en tant que nous pouvons parler d'une telle chose sur la terre, est en tout cas hors du camp, et nous devons en sortir pour le trouver. Mais en faisant ainsi, nous sortons vers Lui, qui a souffert hors de la porte. C'est une place d'opprobre; mais le Saint Esprit demande à ceux qui s'y trouvent, d'offrir continuellement à Dieu un sacrifice de louanges, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom. Que dirait-on d'un homme, qui ne mentionnerait pas autrement le nom de son bienfaiteur, dont la bonté le fait vivre, que par quelques paroles de remerciement à la réception de nouveaux dons? Ne dirait-on pas qu'il manque de coeur? De même aussi, mépriser le culte, ou négliger intentionnellement ce merveilleux privilège, c'est retrancher à Dieu ce qui lui appartient, et vivre d'une manière qui ne correspond pas à notre appel. L'assemblée, dans son ensemble, perd ainsi de riches bénédictions, et le croyant individuellement aussi. L'adoration, et c'est ce qui la caractérise tout particulièrement, ne cessera jamais. Au ciel, il n'y aura plus de réunions de prières, comme ici-bas. L'intercession, la confession auront cessé; nous n'aurons plus de demandes pour ceci ou cela. Mais l'adoration, que nous avons commencée ici-bas, continuera pendant toute l'éternité.

L'occasion principale pour offrir l'adoration au Père est la célébration de la cène, le premier jour de la semaine. C'est là que le croyant trouve réuni tout ce qui peut remplir son coeur de louanges et d'actions de grâces: l'amour du Père, le dévouement du Fils, le souvenir des douleurs inexprimables de Christ à la croix, la glorification de Dieu dans sa mort, les conséquences bénies de cette mort pour nous, la conscience de la présence du Seigneur au milieu de l'assemblée, les desseins éternels de Dieu en vue de Celui qui est le premier-né entre beaucoup de frères, ses pensées à l'égard du Chef du corps, de l'Assemblée — toutes ces choses et beaucoup d'autres encore, se présentent devant nous, et s'accordent pour produire une joie reconnaissante et une adoration profonde qui parlent du coeur.

Cependant, nous ne dirions pas que l'adoration ne peut avoir lieu qu'à la table du Seigneur, mais la célébration de la cène en est et en demeure ici-bas la première et la principale occasion. Nous ne disconvenons pas qu'il pourrait y avoir d'autres réunions, ayant pour but l'adoration d'une manière particulière, mais ce n'est qu'une marche plus fidèle et plus décidée, quant à la séparation du monde et à la communion avec le Père et le Fils, qui éveillera le désir de réunions pareilles, et les rendra possibles à la gloire de Dieu.