Aux pieds de Jésus

Luc 10: 38-42; Jean 11: 32-35; 12: 1-8

Prod'hom S.

ME 1909 page 253

 

Dans ces trois passages, nous voyons, parmi beaucoup d'autres enseignements, l'attitude nécessaire pour recevoir, de la source même, tout ce qui peut nous rendre capables d'honorer le Seigneur en toute circonstance. C'est à ses pieds, dans la proximité pratique de sa glorieuse personne, que notre vie, alimentée directement à sa source, se manifestera purement. N'oublions pas que c'est pour nous faire réaliser cette vie, que Christ est devenu notre vie. Nous ne devons pas nous contenter de savoir que Christ est notre vie, dans ce sens que nous possédons la vie éternelle en face de la mort; mais il nous faut pouvoir dire, comme Paul aux Philippiens: «Pour moi vivre, c'est Christ»; car toute sa vie était l'expression de Christ.

Le passage de Luc 10: 39, nous montre Marie buvant à la source, et rendue capable d'agir avec le tact et l'intelligence de l'amour, résultat de ce qu'elle a appris aux pieds de Jésus, dans les deux autres circonstances rapportées en Jean 11 et 12.

Les circonstances de Marie, dans les passages cités en tête de ces lignes, nous présentent, bien plus qu'on ne pense, le caractère de la vie chrétienne tout entière. Etre aux pieds de Jésus pour écouter sa parole est la part constante du racheté. C'est là qu'il puise la jouissance de la grâce, la connaissance de la volonté de Christ, l'intelligence des pensées de Dieu et la capacité de se conduire d'une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous égards. C'est là que le croyant trouve la force, pour marcher toujours à la gloire de Dieu, dans un chemin semé d'épreuves et de douleurs. La vie du chrétien est composée de souffrances multiples, où le deuil a une large part; aussi faut-il des ressources spéciales pour traverser cette sombre vallée.

C'est aux pieds de Celui qui enseigne que nous trouvons la sympathie et la consolation à l'heure de la douleur.

Marthe, que Jésus aimait (verset 5), mais qui n'était pas habituellement assise à ses pieds, va au-devant de lui lorsqu'elle apprend qu'il vient; et le Seigneur cherche à la consoler par ses précieux enseignements. Mais Marie, qui était demeurée jusque-là assise dans la maison, attirée par le coeur de son Seigneur, sort au moment convenable et se jette à ses pieds. Ce n'était pas proprement d'enseignement, que son coeur avait besoin à cette heure, c'était de sympathie et de consolation, et aussitôt que ces deux coeurs entrent en contact, la sympathie divinement humaine du Fils de Dieu éclate: Jésus pleura! On ne le voit pas pleurer avec Marthe, car la communion pratique et la sympathie n'existaient pas au même degré qu'avec Marie. Quelle consolation de savoir que le Seigneur entre parfaitement et mieux que nous dans nos douleurs! Il les comprend, cela suffit à l'âme qui le connaît et qui apprend de lui tous les jours. Quelle différence, quand l'épreuve nous trouve dans cette proximité de Lui, au lieu de nous surprendre et de nous forcer, pour ainsi dire, à chercher, en tâtonnant, un refuge auprès de Celui que nous avions abandonné, quand les circonstances semblaient nous permettre de nous passer de Lui. Au Psaume 27, le psalmiste demande une chose à l'Eternel: «C'est d'habiter dans la maison de l'Eternel tous les jours de sa vie, pour voir la beauté de l'Eternel et pour s'enquérir diligemment de lui dans son temple». Le résultat est qu'au mauvais jour, c'est là qu'il se trouve. «Car au mauvais jour, il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa tente; il m'élèvera sur un rocher» (versets 4 et 5).

Précieux Sauveur, Homme divin, qui pourrait mieux que toi sympathiser à nos douleurs? Qui pourrait frémir en son esprit, comme tu l'as fait, en voyant l'effet produit par la mort sur l'esprit de l'homme? Il n'y a chez l'homme qui vit continuellement dans la crainte de la mort aucune ressource contre une telle calamité. Oui, Jésus pleura! Marie pleurait dans la conscience de son deuil, les Juifs pleuraient par convenance, et dans l'incapacité de remédier à la mort. Mais quelles larmes que celles de Jésus! Il connaissait divinement toutes choses, et son coeur parfaitement humain, exempt de toute trace d'égoïsme et de péché, exprimait l'amour divin devant les effets de la mort sur l'homme. Il est le même aujourd'hui; c'est à ses pieds que nous pouvons pleurer, quoiqu'il soit couronné de gloire et d'honneur, et sorti des circonstances que sa grâce a traversées pour nous.

La troisième chose qui caractérise le croyant, nous la trouvons au chapitre 12, et Marie nous l'enseigne: c'est la communion dans le culte. Aux pieds du Seigneur, nous commençons par apprendre de Lui; c'est la bonne part qui ne sera ôtée, ni ici-bas, ni dans l'éternité. Puis nous y apprenons ce que vaut pour nous son coeur dans l'épreuve. Enfin, c'est là que nous faisons connaissance avec les gloires de sa personne, que nous entrons en communion avec Dieu au sujet de Son excellence, et que nous apprenons à l'apprécier. Dans le ciel, cette connaissance sera parfaite pour nous tous, et le culte qui en découlera sera parfait aussi. Mais quel prix ce culte n'a-t-il pas, dès maintenant, pour le coeur du Seigneur? Oui, il aime à voir chez les siens, une appréciation vraie des gloires de sa personne, au milieu d'un monde qui le méprise.

Marie, plus attachée à son Seigneur qu'aucun de ses disciples, se rendait compte de la haine dont il était l'objet de la part des Juifs. Elle sentait monter cette haine comme une marée qui allait bientôt tout submerger, et son amour choisit l'approche de cette heure ténébreuse, où pas une voix ne s'élèverait en faveur de son divin Maître, pour manifester au milieu des disciples, combien elle estimait sa personne. Avec l'intelligence de cet amour, elle fait ce qui est en son pouvoir, pour montrer le prix qu'a pour son âme Celui qui, quelques jours plus tard, allait endurer l'opprobre, les crachats de ses créatures et la mort. A ses pieds, comme toujours, elle vient répandre sur eux un parfum de grand prix, qui indiquait le prix plus grand encore qu'avait pour son coeur la personne de Jésus, le Fils de Dieu.

L'Esprit de Dieu, dans cet évangile, fait ressortir la pensée de Marie, ou plutôt, donne la vraie portée de son acte, en disant qu'elle répandit le parfum sur ses pieds. Dans l'évangile de Matthieu, le parfum est répandu sur la tête du Messie rejeté, dans celui de Marc, sur la tête du Serviteur méprisé. Ici, Marie est en présence du Fils de Dieu, haï du monde; mais pénétrée de son amour, consciente de la dignité et de la grandeur de sa Personne, elle ne verse pas le parfum sur sa tête, mais est heureuse de répandre sur ses pieds le symbole du prix de sa Personne pour son coeur, en contraste avec la haine du coeur des hommes et l'indifférence du coeur des disciples. Cet acte qui se lie intimement à la mort du Seigneur, cet acte, fruit de l'intelligence de l'amour, est accepté par le Seigneur pour sa sépulture. L'amour ignorant d'autres femmes lui réservait aussi cette cérémonie et cet honneur, mais Marie les avait devancées, et elles furent privées de ce privilège.

Dans les jours que nous traversons, et où notre Seigneur est méprisé de tant de manières, nous avons besoin, plus que jamais, de demeurer à ses pieds, écoutant sa Parole, pour apprendre à le connaître et à croître «en toutes choses jusqu'à Lui», dans l'intelligence, de ses gloires. Nous avons besoin d'y demeurer pour lui manifester, par un culte incessant et par une entière obéissance à sa Parole, tout le prix qu'il a pour notre coeur, en présence de l'indifférence, du mépris et de la haine dont il est toujours plus l'objet au milieu du monde christianisé. La puissance de notre vie pratique, de notre témoignage, de notre service, vient de la proximité dans laquelle nous vivons avec le Seigneur. On peut avoir une certaine lumière sur les vérités fondamentales des Ecritures, des connaissances dogmatiques qui nous rendent capables de réfuter certaines erreurs, on peut être au clair sur la question du rassemblement des enfants de Dieu, tout en ayant une vie plus ou moins stérile pour Dieu. La cause de cette stérilité, c'est qu'on laisse subsister dans son coeur, une quantité de choses auxquelles on donne plus de prix qu'au Seigneur, et qui interrompent le courant si délicat d'une communion, sans laquelle le christianisme n'a pas de valeur. Comme Marthe, notre service peut nous éloigner de la personne du Seigneur. En contraste avec Marie qui écoutait la Parole, «Marthe était distraite par beaucoup de service». Sans doute, le service est une chose très précieuse, car en servant, nous ressemblons à notre divin Maître qui est venu ici-bas «pour servir» (Matthieu 20: 28). Mais nous sommes si égoïstes, et avons tant d'importance à nos yeux, que nous-mêmes et ce que nous faisons nous occupe plus que le Seigneur. Alors, le courant de la vie et de l'amour qui se puisent à la source, étant obstrué, nous manquerons d'intelligence et de puissance dans notre service. Si, par contre, cet amour qui ne se puise qu'aux pieds du Seigneur, dans sa communion, abonde en nous, il nous rendra capables de discerner les choses excellentes pour les accomplir, «afin que nous soyons purs, et que nous ne bronchions pas jusqu'au jour de Christ, étant remplis du fruit de la justice, qui est par Jésus Christ à la gloire et à la louange de Dieu» (Philippiens 1: 9-11). Le vrai Serviteur, le parfait Modèle n'était pas distrait par son service. Dieu était son objet. «Il nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur» (Ephésiens 5: 1).

Nous avons besoin d'être gardés de l'influence de ce siècle d'activité chrétienne, qui fait contraste avec l'attitude de Marie «assise aux pieds du Seigneur, écoutant sa Parole». Comment obéir, si l'on n'a pas pris le temps d'écouter, et si la personne du Seigneur n'a pas acquis pour le coeur assez de valeur pour que sa Parole seule fasse autorité? De fait, il n'y a d'activité fructueuse que celle qui est réglée par la Parole de notre Seigneur et Maître. De cette manière, notre volonté est brisée, soumise et gardée dans l'heureuse dépendance de Celui qui «a préparé à l'avance les bonnes oeuvres, afin que nous marchions en elles» (Ephésiens 2: 10).

C'est en choisissant cette bonne part, cette proximité du Seigneur, à ses pieds, dans l'attitude humble qui nous convient, sans préoccupation de nous-mêmes, que nous possédons toutes les ressources dont nous avons besoin pour nous conduire d'une manière digne de Lui, dans toute notre vie. Nous trouvons là l'intelligence pour servir, nous y puisons l'amour, «ce chemin plus excellent» du service, ce grand mobile divin qui nous rend intelligents comme Marie, sans que nous ayons besoin de textes formels pour savoir ce qui convient au Seigneur. Nos coeurs posséderont aussi une abondance de consolations et de sympathies à l'heure de l'épreuve. De plus, apprenant à le connaître toujours mieux, nous pourrons lui offrir sans cesse le culte intelligent qui lui est dû, en faisant monter devant lui, le parfum des grâces que nous avons reçues de Lui. Enfin, quittant ce monde pour être avec le Seigneur, nous emporterons comme un trésor pour l'éternité, tout ce que nous aurons reçu de Lui, tandis que nous étions à ses pieds; et nous laisserons tout le reste, tout ce par quoi nos coeurs avaient été distraits de sa glorieuse Personne, qu'il s'agît de notre service, ou de toute autre chose.