Jean 4: 1-30

Lebrat J.

ME 1910 page 3

 

Nous avons devant nous un passage des Ecritures d'un intérêt particulier, non seulement parce que nous y trouvons, s'entretenant ensemble, le Fils de Dieu, chassé de Jérusalem par la jalousie des pharisiens, et une pauvre femme de la Samarie, que sa vie de péché a isolée de ses semblables; mais aussi par ce que le Seigneur y révèle une vérité bénie que nous avons ainsi le privilège d'apprendre. Il n'y est pas seulement question, comme au 3e chapitre, de ce qui est commun aux croyants de tous les temps, c'est-à-dire de la nouvelle naissance, sans laquelle on ne peut voir le royaume de Dieu, ni y entrer, et dont le Seigneur parle à un savant docteur juif, qui aurait dû connaître cette vérité, puisque les prophètes, notamment Esaïe et Ezéchiel, en avaient parlé (Esaïe 44: 2, 3; Ezéchiel 36: 25-27). Mais la vérité, mise ici en évidence, ne pouvait être communiquée que par le Fils; et la communion avec le Père et son Fils Jésus Christ ne pouvait être la part du croyant qu'en suite de la réjection du Fils par les hommes. Or maintenant, si cette réjection n'était pas encore entièrement consommée, elle s'annonçait par le fait que Jésus devait quitter non seulement Jérusalem, centre du culte judaïque, mais même la Judée, pour s'en retourner dans cette Galilée méprisée des Juifs, où la plupart de ses miracles s'étaient accomplis. Mais, outre ses droits messianiques méconnus, il y avait sa Personne et ses droits comme Fils de Dieu. Comme tel, n'était-il pas venu manifester Dieu dans son vrai caractère, quel que fût l'état du monde et même de son peuple? Ce n'était plus la loi donnée par Moïse à Israël seulement, mais «la grâce et la vérité», la révélation par le Fils unique de Celui que personne ne vit jamais. Si le Fils est venu, et que, rejeté des hommes, il ait accompli l'oeuvre que le Père lui avait donnée à faire, n'y a-t-il pas quelque bénédiction particulière, découlant de la plénitude de la grâce qui brille dans l'accomplissement de cette oeuvre? Non qu'elle fût déjà accomplie, mais bientôt elle le serait, et le Seigneur, en l'anticipant, pouvait parler de ce qui en serait le résultat pour le croyant: l'introduction et la jouissance d'une relation inconnue jusqu'à ce moment-là.

Le Fils de Dieu peut donc dire à une Samaritaine, à qui il demande à boire, et qui ne lui cache pas son mépris: «Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire, tu lui eusses demandé toi-même et il t'eût donné de l'eau vive». La loi ne révélait pas Dieu comme celui qui donne: c'était une chose nouvelle qu'un Juif ne connaissait pas davantage qu'une Samaritaine. Et qui peut donner comme Dieu? Toutes les religions humaines sont basées, non sur le fait que Dieu donne, mais qu'il exige. L'homme ne peut, de lui-même, considérer Dieu que comme un être exigeant, impossible à satisfaire. Mais un Dieu qui donne, qui l'aurait jamais pensé? Voilà quelque chose de nouveau, propre à provoquer l'étonnement. Mais il y a bien plus encore: «Et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire». Celui qui a consenti à s'abaisser dans ce monde, sa création gâtée par le péché, jusqu'à dépendre de toi pour un peu d'eau; si tu connaissais la grâce qui l'a amené là, dans un monde ruiné, éloigné de Dieu, l'amour qui l'isole dans un monde qui ne comprend rien à cet amour, amour qui n'a pu être révélé dans la glorieuse création «le Dieu avec toutes ses merveilles, non plus que dans l'éternité même qui l'a précédée, mais qui a choisi cette pauvre terre souillée par le péché, comme sphère de son déploiement, ton coeur se fût fondu, tu eusses senti le vide que le péché y a produit, et que Celui-là seul qui a fait les mondes peut combler. Tu lui eusses demandé toi-même et il t'eût donné de l'eau vive. Il t'a demandé, mais seulement pour te donner. Il t'eût donné quelque close qui remplirait ton coeur jusqu'à le faire déborder, quelque chose qui, non seulement eût comblé tes besoins, apaisé ta soif pour un moment, mais «de l'eau vive».

L'étonnement de la pauvre femme va grandissant. Elle a conscience que celui qui lui parle a des prétentions élevées, mais peut-il les justifier? Quels sont ses moyens? quelles sont ses ressources? De là sa réponse: «Tu n'as rien pour puiser et le puits est profond; d'où as-tu donc cette eau vive?» Elle parle de son père Jacob, elle prétend avoir droit aux promesses. L'auréole du patriarche dont elle dit descendre ne doit-elle pas, en quelque sorte, rayonner sur elle? Et puis, quelle eau peut l'emporter sur celle de ce puits dont Jacob «lui-même a bu, et ses fils, et son bétail?»

Oui, dit Jésus, «celui qui boit de cette eau-ci aura de nouveau soif», quoique puits de Jacob. Elle ne peut satisfaire les besoins du coeur, remplir le vide qui s'y trouve. «Mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, moi, n'aura plus soif, à jamais; mais l'eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d'eau jaillissant en vie éternelle». Qu'est-ce qui a produit en l'homme cette soif ardente que rien au monde ne peut satisfaire? C'est le péché qui a introduit dans son coeur ce besoin insatiable, et tel qu'il n'est jamais content de ce qu'il possède: son coeur est trop grand; le monde est trop petit. Il n'y a que la connaissance de Dieu en Christ qui puisse le remplir. C'est, dit Jésus, ce que je donne: non seulement une nouvelle nature, capable de connaître Dieu et de jouir de lui, mais la puissance qui seule peut produire cette jouissance dans de pauvres êtres qui, par cela seul, peuvent être satisfaits: le Saint Esprit, comme puissance agissant pour occuper leur coeur de Celui qui peut le remplir et le faire déborder: «une fontaine d'eau jaillissant en vie éternelle». Dans un jet d'eau, l'eau s'élance jusque vers le niveau du réservoir qui l'alimente. La fontaine est là, dans mon coeur, jaillissant en vie éternelle. La puissance du Saint Esprit produit la reconnaissance, les actions de grâces, l'hommage, l'adoration, à la louange et à la gloire de Dieu, de qui tout découle, du Fils lui-même, autrefois abaissé et humilié, mais maintenant glorifié. Mon coeur est rempli, que dis-je? il déborde. C'est un besoin que la louange, l'adoration montent vers Celui qui s'est fait connaître en son Fils, vers le Fils lui-même qui me l'a fait connaître, à la fois comme Dieu et comme Père: son Dieu et son Père; mon Dieu et mon Père. C'est Dieu qui donne, mais comment donne-t-il? «Personne ne vit jamais Dieu». L'homme ne peut voir sa face et vivre; l'homme ne peut se rencontrer face à face avec lui: il serait son égal. Mais, en amour, Dieu a pu se faire connaître dans le Fils homme, Dieu manifesté en chair, et donner à l'homme, dans un vrai homme — bien plus qu'un homme — cette parfaite connaissance de Dieu. Il a fallu la rédemption, la mort de Christ, à cause des droits de Dieu, et parce que nous sommes pécheurs.

Mais ce n'est pas le sujet ici. Celui-là seul pouvait faire connaître Dieu de qui, seul aussi, il pouvait être dit, lorsqu'il était ici-bas: «Personne ne vit jamais Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître». Lui seul aussi pouvait dire à Nicodème: «Nous disons ce que nous connaissons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu». Là, il ne s'associe pas les prophètes, mais parle comme la Parole qui était au commencement, la Parole qui était auprès de Dieu, la Parole qui était Dieu, la Parole qui devint chair (Jean 1: 1, 14). Mais qui peut le comprendre, qui peut recevoir de telles communications? La femme montre qu'elle n'a souci que de sa peine; ses pensées ne vont pas au-delà de son labeur quotidien. Elle reste entièrement étrangère à ce dont le Seigneur lui parle. Hélas! Nicodème n'avait-il pas fait preuve d'une ignorance tout aussi grande, même plus coupable que la sienne, lui, le savant docteur? Ce n'est donc pas d'intelligence qu'il s'agit. Le Seigneur doit s'y prendre d'une autre manière. Il faut que l'âme soit placée en la présence de Dieu, où il n'est pas question de science, mais de conscience. Voilà pourquoi le Seigneur change brusquement la question: «Va, appelle ton mari, et viens ici». — «Je n'ai pas de mari», dit-elle. Jésus dit: «Tu as bien dit, je n'ai pas de mari, car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari; en cela tu as dit vrai». Sa vie de péché, dont au moins elle avait honte, lui apparaît maintenant sous un autre jour, parce que la lumière commence à briller pour elle, et elle voudrait se cacher. Mais comment se cacher? N'est-il pas écrit: «Si je dis: Au moins les ténèbres m'envelopperont, alors la nuit est lumière autour de moi; les ténèbres même ne sont pas obscures pour me cacher à toi, et la nuit resplendit comme le jour, l'obscurité est comme la lumière»? (Psaumes 139: 11, 12). Elle est devant Celui qui connaît tout, qui connaît sa vie, qui la connaît elle-même. Placée ainsi dans la lumière, c'est la conscience qui parle. Elle ne dit pas: «Je sais que tu es un prophète», mais «Je vois que tu es un prophète». Et pour éviter la lumière qui la blesse, elle soulève devant cet homme étrange la question de la rivalité religieuse entre Jérusalem et Garizim. Oh! la misérable propre justice! Si les Juifs ont un culte, les Samaritains n'en ont-ils pas un aussi? Et qui dira lequel est le meilleur? Qui pourra trancher cette question délicate? Dans sa hâte de s'abriter derrière ce retranchement, elle ne se doute pas de la vérité qui va sortir de la bouche de Jésus. Mais ce qu'elle a entendu commence à avoir pour elle de l'autorité, bien plus même qu'elle ne voudrait: il a parlé à sa conscience. Et Jésus peut dire: «Femme, crois-moi». Quelle est cette parole qui demande d'être crue? Est-ce celle d'un prophète, venant au nom de Jéhovah avec sa parole dans sa bouche? Non, son langage est celui dont il est dit: «Jamais homme ne parla comme cet homme» (Jean 7: 46). Jésus dit: «L'heure vient que vous n'adorerez le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem».

Celui qui avait établi Jérusalem comme le centre de son culte sur la terre, et qui en avait réglé toutes les dispositions est là, et montre qu'il ne s'agit plus de Jérusalem, ni de Garizim, parce qu'il faut adorer le Père, et non point Jéhovah. C'est bien la même personne, mais c'est un autre caractère, selon lequel les adorateurs doivent entrer dans une relation qui ne peut être connue que par la plénitude de la grâce. A une relation nouvelle doit correspondre un culte nouveau. Si Dieu se révèle comme Père, il veut avoir des enfants en relation avec lui, et les faire jouir de cette relation par l'Esprit d'adoption. Et s'il y a une telle relation, les lieux de culte établis soit par la volonté de l'homme, soit par celle même de Jéhovah, ne peuvent être maintenus. Quant à vous, Samaritains, «vous adorez vous ne savez quoi. Nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs». C'est quand le Seigneur est rejeté qu'il maintient, devant leurs ennemis, les privilèges des Juifs. Quelle grâce! Son coeur pouvait être attristé, mais non fermé, quand Jérusalem, la ville du grand roi, le rejetait, et qu'il était lui-même obligé de lui tourner le dos. Il maintient, quoique rejeté, ce qu'il avait institué avec gloire, lors même que les hommes s'en servaient contre lui. C'étaient, quoi qu'il en fût, les Juifs qui se rattachaient à la ligne de la promesse: «Le salut vient des Juifs».

Mais maintenant, il y a autre chose: «L'heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car aussi le Père en cherche de tels qui l'adorent». Sa réjection comme Messie amenait un autre ordre de choses, où le Père, dans l'activité de sa grâce et par le Fils, cherche des adorateurs. Le Fils se présente comme envoyé du Père, pour manifester cette grâce qui peut rendre les adorateurs tels que le Père les veut. Il faut qu'ils l'adorent, non comme on adorait Jéhovah jusqu'alors, comme un peuple dans la chair, par un culte en rapport avec cette relation extérieure dans laquelle Israël était avec lui, culte consistant «en viandes, en breuvages, en diverses ablutions, ordonnances charnelles, imposées jusqu'au temps du redressement» (Hébreux 9: 10). Ce qui convient au Père, c'est un culte «en esprit et en vérité», dans la pleine jouissance, par la puissance du Saint Esprit, de la relation où les adorateurs sont avec le Père; puissance qui seule produit la louange et l'adoration convenables à la bonté, à l'amour, aux tendres affections de son coeur, pour ceux qu'il a amenés dans cette relation bénie d'enfants de Dieu, ainsi qu'il est écrit: «Nous qui rendons culte par l'Esprit de Dieu» (Philippiens 3: 3).

Le culte judaïque était extérieur, charnel; le coeur pouvait y être, ou n'y être pas; maintenant, il est spirituel, avec toutes les saintes et divines affections que le Saint Esprit, par la grâce, produit dans la nouvelle nature, en harmonie avec le coeur du Père. Ce culte est en vérité, c'est-à-dire selon la révélation que Dieu a faite de lui-même comme Père. Israël pouvait connaître Dieu comme l'Eternel, comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Tout-puissant, mais non comme Père. Il appartenait au Fils de le faire connaître comme Père, et d'amener des pécheurs dans une relation aussi étroite et bénie avec lui que celle d'enfants de Dieu — en communion avec le Père et son Fils Jésus Christ.

Mais il y a encore un autre côté de la vérité: «Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité». Tout en se révélant comme Père, il maintient ses droits comme Dieu, et c'est à la croix seulement qu'ils ont été pleinement établis. Là, le voile fut déchiré, et l'accès en la présence de Dieu accordé à quiconque s'approche de lui. De sorte que Dieu n'est plus caché dans son sanctuaire, derrière le voile, où sa présence demeurait impénétrable, vu l'état de ceux qui s'approchaient, où, à cause de l'insuffisance des sacrifices offerts selon la loi, leurs péchés n'étaient pas ôtés, où ils étaient nécessairement tenus à distance, selon que la sainteté de Dieu l'exige. Maintenant Dieu est révélé. L'oeuvre parfaite de la rédemption met en évidence l'harmonie parfaite des perfections divines: sainteté, justice, vérité, majesté, lumière, amour, grâce et bonté, et chacune brille à sa place, sans qu'aucune en contredise ou en obscurcisse une autre. L'adorateur est amené devant Dieu lui-même, qui a été glorifié à la croix. Et, dans cette présence bénie, sans voile, il est, non seulement en pleine paix, mais, avec une parfaite joie, rendu capable d'adorer, par le Saint Esprit, Celui «qui a les yeux trop purs pour voir le mal». Et quel bonheur d'être ainsi devant Dieu, dans la pleine lumière de sa présence, avec la conscience d'être maintenant et pour l'éternité, les objets de son amour!

C'est là, bien-aimés enfants de Dieu, notre place bénie, ce dont nous avons le privilège de jouir, ce que nous pouvons réaliser par la puissance du Saint Esprit, «fontaine d'eau vive, jaillissant en vie éternelle». Au ciel même, nous n'aurons pas une autre relation avec le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, ni une plus entière liberté en sa présence que celle que nous avons maintenant. Nous n'aurons pas non plus une puissance autre que celle du Saint Esprit pour nous en faire jouir et produire la louange et l'adoration. Sans doute que, dans nos corps glorifiés, rendus semblables à celui de notre Rédempteur, nous n'éprouverons plus, comme maintenant, la faiblesse à tous égards, mais nous entrerons dans l'amour dont nous sommes les objets, non avec des coeurs étroits et faiblesse d'intelligence, mais pleinement, car nous connaîtrons comme nous avons été connus. Mais cet amour est déjà notre part et notre joie: il a été manifesté envers nous dans une scène de péché et rien ne l'a rebuté. Etant donc objets de la grâce, lavés de nos péchés, délivrés de tout ce qui nous tenait loin de Dieu, participants d'une nouvelle nature, dans laquelle, par la puissance du Saint Esprit, nous pouvons jouir de lui comme Dieu et comme Père, nous avons tout ce qui constitue des adorateurs, pour l'adorer dans ce double caractère. Et quand par sa grâce, nous sommes réunis comme tels, quelle joie que de savoir que, tous ensemble, nous pouvons offrir d'un commun accord, par la puissance du Saint Esprit, nos hommages au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, devenu, par grâce, notre Dieu et notre Père!