Marc
10: 17-45
ME 1910 page 152
Il est digne de remarque, que la parole de Dieu se sert
souvent des plus beaux spécimens de la famille humaine pour nous montrer la
ruine morale de l'homme et l'incapacité de la chair d'entrer dans les pensées
de Dieu. Nous en avons comme exemples Job, Nicodème, Saul de Tarse, le scribe à
qui le Seigneur dit: «Tu n'es pas loin du royaume de Dieu» (Marc 12: 34), etc.
L'homme riche qui, ici, avec toutes les marques du plus profond respect,
s'adresse à Jésus en ces termes: «Bon Maître, que ferai-je afin que j'hérite de
la vie éternelle?» nous en donne encore un exemple remarquable. Il entendait,
sans doute, la vie éternelle comme pouvait le faire un Juif, c'est-à-dire que,
pour lui, c'était cette bénédiction promise, apportée par la présence du Messie
au milieu de son peuple, selon Daniel 12: 2 et 13, et le Psaume 133: 4; mais,
en lui prêtant la forme de ses pensées charnelles. Ne comprenant pas qu'elle
sera le résultat de la parfaite grâce, il regardait à la loi comme moyen d'y
parvenir, estimant que, par la loi aussi, il pourrait acquérir cette bonté
qu'il voyait en Jésus. Il n'avait certes pas appris que «la loi produit la
colère». Frappé de la bonté de Jésus, qu'il considérait comme un simple homme,
mais comme un docteur excellent, digne de tout son respect, il s'adresse à lui
dans ce caractère.
Jésus, voyant toute la portée de sa pensée — qu'il se confie
en lui-même, en sa propre force pour atteindre à cette bonté — commence par
déclarer qu'il n'y a point de bonté dans l'homme: Dieu seul est bon. Jésus
parle de l'abondance de son propre coeur: «Pourquoi m'appelles-tu bon? Nul
n'est bon, sinon un seul, Dieu». N'était-il pas lui-même l'expression parfaite
de la bonté de Dieu envers l'homme pécheur et coupable, la preuve que Dieu seul
est bon? Mais puisque le langage de cet homme montre qu'il espère, par
lui-même, garder la loi pour avoir la vie éternelle, et parvenir, par elle, à
une justice qui lui manque, c'est à la loi que Jésus le renvoie. Il lui
rappelle, non les devoirs de l'homme envers Dieu, mais ses devoirs envers son
prochain. Sincère, mais ne se connaissant pas lui-même, il répond: «Maître,
j'ai gardé toutes ces choses dès ma jeunesse». C'était vrai, du moins quant à
ce qui concernait ses actes extérieurs. Beau caractère vraiment, droit,
intelligent, aimable, avec qui l'on pouvait avoir des rapports faciles, Jésus
le reconnaît dans ce qu'il a de tel. Mais Jésus connaissait le vrai état de
l'homme, quel qu'il soit, n'ayant pas besoin que quelqu'un lui rendît
témoignage au sujet de l'homme; et c'est ce qu'il va mettre en évidence dans
celui qui était là devant lui. Ce dernier ne savait pas combien son coeur
tenait aux choses présentes, à ce monde, dont Satan se sert pour retenir le
coeur de l'homme loin de Dieu. Jésus donc, mettant immédiatement le doigt sur
la plaie, lui dit: «Une chose te manque: va, vends tout ce que tu as, et donne
aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, et viens, suis-moi, ayant
chargé la croix». Hélas! pour lui, comme pour tant d'autres, la croix paraît
bien lourde, le ciel bien loin, et Jésus n'a point d'attraits. Il ne peut
renoncer aux choses qu'il a sous la main. Et puis, où sont ses affections?
Est-il vrai, comme il le prétend, qu'il aime son prochain comme lui-même? Pourra-t-il
se dépouiller de ses richesses pour en faire part aux pauvres, aux déshérités
de ce monde? «Oh! disait quelqu'un, les pauvres sont si peu intéressants! leur
misère est souvent la conséquence d'une vie de désordre ou de paresse!» Voilà
les vains raisonnements que le coeur avance comme excuse, pour se cacher à
soi-même son égoïsme, si possible. Mais, s'il est vrai qu'il aime son prochain
comme lui-même, plus il est riche, plus il pourra venir en aide aux malheureux autour
de lui, soulager les nombreuses infortunes. Et qu'est-ce qui l'empêche de
partager avec eux jusqu'à la dernière obole? Non, effrayé par la croix qu'il
faudra charger en suivant ici-bas Celui qui n'a pas un lieu où reposer sa tête,
affligé par cette parole qui le sonde jusqu'au fond: «Va, vends tout ce que tu
as, et donne aux pauvres», triste, en pensant à l'abandon de ses biens qui lui
procurent tant de jouissances et lui valent quelque estime de la part de ses
semblables, il ne peut, quoiqu'ils ne lui donnent pas de vrai bonheur, se
résoudre à sacrifier son trésor ici-bas, pour avoir un trésor au ciel. Ses
biens ne lui rendent-ils pas la vie agréable, facile et commode, exempte des
soucis de l'indigence? Renoncera-t-il à une vie, peut-être même d'opulence et
de luxe, pour une vie errante, sans que rien vienne compenser la perte qu'il va
faire?
Jésus a parlé, il est vrai, d'un trésor au ciel, mais il ne
l'aura que plus tard, et son coeur n'y prend aucun plaisir. Et puis, tout cela
n'est-il pas plus ou moins problématique? Oui, il est affligé, il est triste:
il avait si peu pensé à cela. Oh! pourquoi ne peut-on pas avoir le monde
présent et le monde à venir? Le présent est sûr, l'avenir est incertain. Gêné
par la présence de Jésus, il s'en va à ses richesses: son coeur est ainsi manifesté.
Et voilà l'homme naturel, sous son plus beau caractère, celui même qui professe
pour Jésus une grande estime, qui voit en lui une bonté qu'il serait heureux
d'atteindre; voilà l'homme privilégié comme Juif, possesseur des biens que
Jéhovah promettait à son peuple, s'il eût été fidèle (Deutéronome 28: 25); le
voilà, quand il est mis à l'épreuve, placé par la parole de Jésus en la
présence de Dieu. Il désire, sans doute, hériter la vie éternelle, mais à quel
prix! Comment s'engager dans la voie qui y conduit, dans le sentier du
renoncement, en suivant Jésus, en qui, après tout, il ne trouve rien qui gagne
son coeur? Tel est le coeur naturel, en présence du ciel et de Jésus. Le nôtre,
est-il meilleur`? Ici se vérifie la parole du prophète: «Il n'a ni forme, ni
éclat; quand nous le voyons, il n'y a point d'apparence en lui qui nous le
fasse désirer. Il est méprisé et délaissé des hommes, homme de douleurs et
sachant ce que c'est que la langueur, et comme quelqu'un de qui on cache sa
face; il est méprisé, et nous n'avons eu pour lui aucune estime» (Esaïe 53: 2,
3). Hélas! il en est bien ainsi de vous et de moi, à moins que, par la grâce,
nous n'ayons appris à discerner quelque chose de la beauté de Celui en qui tout
est aimable. Quelle différence entre celui qui le considère par la foi et la
puissance du Saint Esprit, et celui qui le voit avec les yeux de son coeur
naturel. Paul peut dire: «afin que je gagne Christ»; Saul de Tarse l'a
persécuté, et l'homme riche s'en va à ses biens.
Jésus regarde tout à l'entour. Quel effet aura produit sur
ceux qui sont là, l'exemple de cet homme? sur ceux même qui le suivent, sur ses
propres disciples? Ils se sont, il est vrai, attachés à Lui par la foi, ils
sont nés de nouveau. Mais ont-ils compris qu'il n'y a rien de bon en l'homme,
que «ce qui est né de la chair est chair»? Savent-ils jusqu'à quel point
les pensées de la chair se mêlent à leurs affections pour Jésus, et les
dénaturent en leur prêtant leur forme? Et nous-mêmes, l'avons-nous compris?
C'est maintenant ce que Jésus veut leur apprendre, et c'est pourquoi il
commence par leur dire: «Combien difficilement ceux qui ont des biens
entreront-ils dans le royaume de Dieu». Paroles qui sondent le coeur et
étonnent les disciples. Hélas! elles renversent toutes leurs pensées: ils ne
savent pas que Satan se sert de ces biens pour s'emparer de celui qui les
possède, pour le dominer tout entier, l'assujettir. Ses affections s'y portent
même sans qu'il s'en doute, et il ne peut apprécier ni les choses célestes, ni
Jésus. Il n'entre pas dans le royaume de Dieu, qui n'est pas «manger et boire,
mais justice, paix et joie par l'Esprit Saint» (Romains 14: 17). La chair a ses
goûts et ses tendances à elle, et n'y a point d'accès.
Mais les richesses sont-elles donc aussi un obstacle pour
celui qui n'en a pas? Ecoutez encore cette parole de Jésus: «Enfants, combien
il est difficile à ceux qui se confient aux richesses d'entrer dans le royaume
de Dieu». La voilà bien, la pierre d'achoppement. Vous n'en avez pas,
dites-vous, et vous croyez votre coeur libre. Mais n'aimeriez-vous pas en
avoir? ce désir ne monte-t-il jamais dans votre coeur? n'en est-il pas
quelquefois même obsédé? N'estimez-vous pas que les richesses rendent plus
heureux celui qui les possède? Descendez donc dans votre coeur, voyez ce qui
s'y passe. Qu'aime-t-il, que cherche-t-il, que poursuit-il? Cela peut-être, et
même bien d'autres choses moins avouables encore. Vous dépensez votre force,
votre énergie, votre santé même, après quoi? La vanité, les plaisirs peut-être.
Et que vous reste-t-il? «Il est plus facile», dit Jésus, «qu'un chameau passe
par un trou d'aiguille, qu'un riche n'entre dans le royaume de Dieu». Quelle
déclaration solennelle! Quelle difficulté insurmontable! Ici, l'homme est
impuissant. Qui fera passer un chameau par un trou d'aiguille? Qui fera entrer
un riche dans le royaume de Dieu? Et si je ne suis pas riche, n'ai-je pas
désiré les richesses pour me procurer au moins les jouissances que mon coeur y
rattache? Et encore, n'y a-t-il que cela?… Réflexions sérieuses, qui
remplissent mon coeur d'anxiété, pour peu que ma conscience soit atteinte. Et
devant moi se dresse la question que les disciples se posent entre eux: «Et qui
peut être sauvé?» Le puis-je moi-même? D'autres peut-être, mais moi?… Il y va
de ma condition devant Dieu, non seulement de ce que j'ai fait, mais de ce que
je suis. «Dieu a les yeux trop purs pour voir le mal», et le mal est en moi,
là, dans mon coeur, que ferai-je? La convoitise, toutes sortes de choses, que
faire?
Voyez ce que dit Jésus: «Pour les hommes, cela est
impossible, mais non pas pour Dieu; car toutes choses sont possibles pour
Dieu». Quelle révélation de l'état de l'homme, de mon propre état! Je suis sans
ressource quant à moi-même, souillé, ruiné, perdu sans espoir. Ah! mais aussi
quelle révélation des ressources de Dieu! Oui, l'homme n'a point de capacité
pour entrer dans le royaume de Dieu qui, pour lui, n'a point d'attrait. Et,
s'il était possible d'introduire un homme naturel dans le paradis, il y serait
plus malheureux qu'en enfer même: il n'en a point les goûts. Mais, de plus,
devant un Dieu saint et juste, comment pourrait se tenir un être souillé,
coupable? Et que devenir? En lui, il n'y a point de force pour le bien, il n'en
a que pour le mal. La loi, même s'il est né de nouveau, lui donnera-t-elle la
force qui lui manque? Non, elle ne lui est d'aucun secours. Au contraire, elle
le condamne. «Fais ces choses et tu vivras»; dit-elle, «il faut que tu m'obéisses.
— Je ne le puis pas, je n'ai point de force. — Eh bien! je te maudis». Que
faire devant ce commandement: «Tu ne convoiteras point»? Et mon coeur est plein
de convoitises, que la loi, par la défense même, ne fait qu'exciter. Plus je
m'efforce de m'en débarrasser, plus elles m'assaillent. Ah! que faire? Mais
pour Dieu, oui, béni soit son Nom, «toutes choses sont possibles pour Dieu». Il
hait les convoitises; le péché, il l'abhorre; mais il aime le pécheur, et pour
montrer son amour, ôter le péché, et mettre fin devant Lui à l'état de l'homme
déchu, la croix est nécessaire. Mais l'homme n'aime pas la croix, elle le
montre tel qu'il est. A la bonne heure, la loi, elle lui laisse supposer qu'il
a quelque force pour s'améliorer. Mais c'est à la croix qu'il a dit son dernier
mot en inimitié contre Dieu; c'est là qu'il a attaché le Fils de Dieu entre
deux brigands. Et qui a fait cela? C'est l'homme cultivé de Dieu qui a commis ce
crime horrible; c'est l'homme sous le régime de la loi, à qui même Dieu est
venu en grâce pour le bénir; il a violé la loi, méprisé la grâce, mis à mort le
Fils. Qu'y a-t-il à attendre de lui? Et qu'est-ce que Dieu pouvait faire de
plus pour lui? L'arbre est connu par son fruit: il est jugé, il n'est bon qu'à
être coupé et jeté au feu.
Mais, si à la croix l'homme a été manifesté, Dieu aussi
s'est manifesté en amour, en sainteté, en justice. Dieu a donné son Fils, quel
amour! Le jugement est tombé sur lui, à la croix; et là, non seulement il a
«porté nos péchés en son corps sur le bois», non seulement il a subi «la
malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous»; mais il a «été
fait péché pour nous — traité comme le péché même, s'il eût été une personne —
pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en lui». En grâce,
Jésus a pris la place de l'homme coupable et perdu devant la justice de Dieu,
afin que nous eussions Sa place en justice devant Dieu. La justice de Dieu est
satisfaite; et de plus, à cause de l'excellence de la victime, et de
l'obéissance parfaite de Celui qui fut fait péché pour nous, Dieu, ayant
été glorifié, la justice de Dieu a prononcé, en faveur de Christ, en le
glorifiant, lui qui, sous le jugement, prit notre place à la croix. Et par
grâce envers nous, mais par justice envers Christ, nous avons place dans la
gloire qui l'a reçu. Quelle grâce! quel amour! quelle oeuvre excellente! quelle
position bénie!
Maintenant que Christ est glorifié, le croyant, en attendant
d'être avec lui, a, pour son coeur, un objet: le Bien-aimé de Dieu, Celui en
qui le Père a mis toutes ses délices; il a le Saint Esprit pour former ses
affections en rapport avec la Personne bénie du Fils et la place qu'il occupe
dans le ciel. Le Saint Esprit le sépare du monde et des choses présentes, pour
le faire jouir de Christ qui l'aime, qui l'a sauvé, ainsi qu'il est écrit: «Ce
que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de
Dieu, qui m'a aimé, et qui s'est livré lui-même pour moi» (Galates 2: 20). Par
la puissance du Saint Esprit, il entre — pour autant que le moi, la chair est
jugée pratiquement — dans le royaume de Dieu, où tout se range sous Christ,
quoique le royaume ne soit pas encore, comme il le sera plus tard, établi en
puissance et en gloire. C'est là que son coeur se meut, que se portent ses
affections et ce qui imprime à sa vie son caractère. Toute la sphère de gloire,
qui se lie à l'administration de ce royaume par Christ, occupe ses pensées.
Ainsi, tout ce qui donne de l'importance à l'homme dans la chair, le milieu où
il trouve son plaisir, ce en quoi se concentrent ses affections, les gloires
même dont il se fait une auréole, tout est laissé en arrière pour faire place à
Christ qui, par la foi et la puissance du Saint Esprit, est devenu son objet,
la mesure d'après laquelle il juge de tout le reste. A nous, maintenant, de
nous demander dans quelle mesure nous entrons dans le royaume de Dieu; dans
quelle mesure nos coeurs jouissent de Christ exalté en haut, en suite de son
obéissance ici-bas. Nous ne pouvons vraiment être heureux que dans la mesure où
nous réalisons cette exhortation: «N'attristez pas le Saint Esprit de Dieu, par
lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption» (Ephésiens 4: 30).
Pierre est plus occupé de la gloire que de la croix qui
commence à se dessiner sur le chemin où les autres disciples et lui sont
engagés en suivant Jésus, et il rappelle (ce qui était vrai) que ses compagnons
et lui avaient tout quitté pour le suivre. Il pense à être récompensé, mêlant,
comme cela arrive souvent, les pensées de la chair à la foi, tellement la chair
est habile. Jésus en prend occasion pour dire que quiconque — Juif ou gentil —
aura tout quitté pour l'amour de Lui et de l'Evangile, en recevra cent fois
autant. Ces choses, bonnes en elles-mêmes, en tant que données de Dieu,
n'occuperont que la place qui leur convient en rapport avec Jésus, et il sera
heureux en elles autant qu'il est possible à celui qui, les tenant de la main
de Dieu, en jouit en sa présence. Cependant, attaché à Jésus, il aura aussi
maintenant, de la part du monde, sa place dans la haine et le mépris avec Celui
que le monde rejette. Puis, dans le siècle qui vient, non point, comme
Pierre le pensait, quelque récompense particulière, mais la vie
éternelle. Quant à la récompense, il y en aura, sans doute, mais elle n'est
pas le but à poursuivre, et il était prématuré d'en parler, car on ne peut se
fier aux apparences. Il faut que les conseils des coeurs soient manifestés, et
alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu. «Plusieurs, qui sont les
premiers, seront les derniers, et les derniers seront les premiers».
Hélas! les disciples, en suivant Jésus, étaient effrayés:
ils sentaient, quoique vaguement, que ce chemin aboutissait à la croix, les
Juifs ayant le dessein de faire mourir Jésus. Plus occupés de la récompense et
de la gloire auxquelles ils aspiraient, que des souffrances de Jésus et de la
croix, base de toutes les gloires à venir, ils tremblaient en le suivant. Jésus
cependant, dans le caractère du bon Berger, qui va devant ses propres brebis,
qui met sa vie pour elles, allait devant eux. Que de fois n'avons-nous pas fait
comme eux, en marchant dans ce chemin où la chair trouve la mort.
Qu'avaient-ils donc à craindre après lui? Ce que la chair redoute par-dessus
tout: la croix projetait son ombre et sur Jésus et sur eux; et elle les
remplissait d'effroi. Du reste, Jésus leur dit alors ouvertement, en insistant
même sur cela, ce qui en sera du Fils de l'Homme. Il va être rejeté du monde,
insulté, honni, couvert d'opprobre et de honte, livré enfin par le peuple même
que Dieu a comblé de tant de privilèges, et à l'instigation de ses chefs, aux
gentils qui le feront mourir. Mais il ressuscitera, et la résurrection est la
glorieuse porte d'entrée dans un monde nouveau établi sur cette puissance qui
triomphera de la mort. Néanmoins, la chair ne peut que tressaillir, car, étrangère
à la gloire et aux bénédictions de ce monde à venir, elle n'a devant elle que
la mort et ne trouve rien dans un Christ rejeté du monde. Pour elle, le monde
est sa sphère.
Nous savons que c'est sur la glorieuse résurrection de
Jésus, annoncée ici, mais dont les disciples ne comprenaient pas la portée, que
sont établies toutes les bénédictions divines; sur elle repose
l'accomplissement «des grâces assurées de David» (Actes des Apôtres 13: 34; Esaïe
55: 3; Psaumes 89: 1-4). Pour nous, croyants, elle est la preuve que, l'oeuvre
de la croix ayant glorifié Dieu, nos péchés sont effacés, et étant justifiés
par la foi, nous avons la paix avec Dieu; nous sommes admis dans sa faveur, et
nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu, car non seulement
Jésus Christ, notre Seigneur, a été livré pour nos fautes, «mais il a été
ressuscité pour notre justification» (Romains 4: 25; 5: 1-3). C'est encore la
résurrection de Jésus qui est le gage de la première résurrection, celle des
justes, et lui donne son caractère. Quelle joie pour nous de savoir que «Christ
a été ressuscité, prémices de ceux qui sont endormis» (1 Corinthiens 15:
20). Et tandis que, pour l'homme naturel, tout ce en quoi il a mis sa vie, usé
ses forces, dépensé son activité et son intelligence, sans pouvoir même
atteindre le but qu'il s'est prononcé, tout ce qu'il a poursuivi — richesse,
honneurs, célébrité ou gloire — eût-il même été atteint, lui échappe par la
mort où tout croule, nous savons, nous chrétiens, que la résurrection, liée à
la venue de Jésus, nous introduira dans cet état bienheureux, où «ce qui est
mortel en nous sera absorbé par la vie»; nous savons que, avec nos corps
glorieux — ressuscités ou transmués — nous lui serons semblables, car nous le
verrons tel qu'il est» (1 Corinthiens 15: 49; Colossiens 3: 3; 1
Thessaloniciens 4: 16-18; 1 Jean 3: 2).
Jacques et Jean montrent, à leur tour, qu'ils sont peu
sensibles à ce que Jésus vient de dire; et, plus occupés de la gloire du
royaume qu'ils conçoivent à leur manière, que de ce que Jésus va souffrir, ils
voudraient pour eux-mêmes les deux meilleures places dans la gloire. Mais les
autres disciples n'en voudraient-ils pas autant? Leur indignation le montre.
Que leur restera-t-il quand ces deux-là auront obtenu ce qu'ils voudraient eux
aussi? Quel manque de coeur et d'intelligence! Il s'agissait bien alors de
cela! Jésus n'avait-il pas parlé de la croix et d'un coeur engagé avec lui dans
ce chemin? Mais cela ne peut plaire à la chair; elle pense à sa propre
importance, à sa satisfaction. Dans ce but, elle mettra tout en oeuvre, même la
foi en la royauté de Jésus. C'est encore la croix que Jésus leur présente:
«Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que moi je
bois, ou être baptisés du baptême dont moi je serai baptisé?» Je ne puis vous
accorder qu'une part avec moi dans mes souffrances. Pouvez-vous la prendre? La
gloire du royaume à venir n'est pas à ma disposition, elle sera accordée, selon
les conseils du Père, à ceux pour qui elle est préparée. J'ai pris ici-bas la
place de serviteur, et ce n'est pas à moi qu'appartient la distribution des
places dans le royaume. Pouvez-vous, pour être avec moi, me suivre dans mon
service où je suis engagé et où je vous donne une part? Pouvez-vous marcher
dans mon chemin d'obéissance, de dévouement et d'humiliation, où j'occupe la
dernière place, moi, le Fils de l'Homme? C'est le sentier qui conduit à la
gloire, le seul où vous serez avec moi et près de moi; c'est celui qui convient
pour vous et pour tous ceux qui me suivent. Ma position n'est pas celle des
grands de ce monde, qui disposent des faveurs à leur gré, ou s'assujettissent
leurs semblables pour les faire servir à s'élever eux-mêmes. Je suis engagé
dans ce chemin du service, du sacrifice de moi-même, où conduit l'amour qui ne
se fatigue jamais, mais qui va jusqu'à donner sa propre vie. Suivez-moi dans ce
sentier jusqu'au bout, c'est le secret de la vraie grandeur.
Bien-aimés, que Dieu nous donne de connaître ce chemin, d'y
marcher comme les heureux objets de l'amour de Christ qui surpasse toute
connaissance, nous rappelant qu'il est écrit: «Par ceci nous avons connu
l'amour, c'est que lui a laissé sa vie pour nous; et nous, nous devons laisser
nos vies pour les frères» (1 Jean 3: 16). L'Ecriture nous donne des exemples de
ce dévouement (voir Romains 16: 3, 4; Philippiens 2: 17, 19-21, 29, 30, etc.).
Jésus lui-même a fait l'expiation, subi la colère à la
croix; nous ne pouvons être avec lui dans cette oeuvre qui fut la sienne
propre, et que lui seul pouvait accomplir; mais, par la grâce et la puissance
du Saint Esprit, nous pouvons le suivre dans le sentier du dévouement, dans
l'amour, selon que nous y sommes exhortés: «Soyez donc imitateurs de Dieu comme
de bien-aimés enfants, et marchez dans l'amour, comme aussi le Christ nous a
aimés et s'est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu, en
parfum de bonne odeur» (Ephésiens 5: 1, 2). Que Dieu nous en accorde la grâce!