Le silence des femmes dans les assemblées

Ladrierre A.

ME 1910 page 204

 

Cher frère,

J'ai lu le traité sur «Le silence des femmes dans les assemblées», et voici quelques pensées que cette lecture m'a suggérées.

D'abord, le passage de 2 Corinthiens 3: 17, que l'auteur prend pour épigraphe, et qu'il répète page 3, est détourné de son véritable sens, si l'on veut prouver par là que les femmes, ayant, comme tout chrétien, l'Esprit de Dieu, ont la liberté de parler dans les assemblées. L'apôtre a mis en contraste la loi et l'Evangile, le ministère de mort et de condamnation et le ministère de l'Esprit et de la justice. Le premier excluait de la présence de Dieu, le second introduit sans voile en présence de la gloire, en affranchissant de la mort et de la condamnation, car «là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté «de contempler», à face découverte, la gloire du Seigneur». Il ne s'agit donc nullement de la liberté de parler.

Le passage cité de Galates 3: 28, ne s'applique pas davantage à ce que l'auteur veut établir. Le contexte montre avec évidence qu'il s'agit des privilèges qui sont en Christ et qui appartiennent sans distinction à tous ceux qui ont revêtu Christ. Or ces privilèges sont d'être affranchis de la loi, d'être justifiés par la foi et d'être fils de Dieu. Il n'y a pas un mot qui se rapporte au droit qu'auraient les femmes de parler dans les assemblées.

Je relèverai encore deux exemples de la manière arbitraire dont l'auteur cite l'Ecriture pour les besoins de sa cause, en ajoutant même ce qu'elle ne dit pas.

Où trouve-t-il le moindre fondement pour affirmer (page 5) que «c'est certainement le fait absolument nouveau de voir des femmes parler en public, qui fut principalement la cause de cette exclamation: «Ils sont pleins de vin doux»? La Parole ne dit-elle pas positivement que c'est le fait d'entendre des Galiléens parler des langues étrangères qui frappe les auditeurs? (Actes des Apôtres 2). Et n'est-ce pas aller au-delà de la portée des Ecritures de dire: «C'est aussi ce fait surprenant que Pierre semble avant tout vouloir justifier, en disant: «C'est ici ce qui a été dit par le prophète Joël, etc.»? L'auteur souligne «c'est ici», comme se rapportant au fait que les femmes parlaient, tandis que de la lecture du passage, il ressort que «c'est ici» veut dire le fait que vous entendez ces Galiléens parler en langues étrangères des choses magnifiques de Dieu, par la puissance de l'Esprit de Dieu, conformément à ce que Joël annonce pour les derniers jours. Remarquez encore le sens que l'auteur donne à l'expression «toute chair» qu'il souligne, en ajoutant «hommes et femmes», tandis que, dans l'Ecriture, ces mots signifient tous les hommes, et non pas les Juifs exclusivement (voyez Esaïe 40: 5-8; Romains 3: 20). L'Esprit Saint ne sera pas l'apanage des Juifs exclusivement, mais aussi des nations. D'après la prophétie de Joël, à la fin de ce siècle, Dieu sortira du cercle étroit des ordonnances juives, pour agir (en bénédiction) à l'égard de tout homme sur la terre. En vue des conseils de grâce envers les gentils, l'Esprit de Dieu (dans Joël) se sert de termes qui leur laissent la porte ouverte: «L'Esprit est répandu sur toute chair, et quiconque invoquera le nom de l'Eternel sera sauvé». Et cela était vrai moralement lors de la prédication de l'Evangile par Pierre: l'Esprit Saint était répandu sur le résidu juif croyant et allait l'être sur les gentils (voir Actes des Apôtres 10); et ce sera vrai à la fin du siècle quant au gouvernement de Dieu, alors que la prophétie de Joël aura son plein accomplissement.

Le second exemple de la manière dont l'auteur ajoute à la Parole, se trouve page 7: «Au chapitre 11 de 1 Corinthiens, il (Paul) règle la manière dont la femme (mariée) doit prier et prophétiser dans les assemblées». Le passage auquel il fait allusion est aux versets 3 et suivants. Or une simple lecture fait voir qu'il s'agit ici de la femme en contraste avec l'homme en général, et non de la femme mariée seulement. Ce qui y est établi est la position de subordination de la femme à l'égard de l'homme, ainsi que celle de l'homme à l'égard de Christ, et de Christ (homme) à l'égard de Dieu. De cette position de la femme (mariée ou non), l'apôtre tire la raison pour laquelle elle doit avoir la tête couverte si elle prie ou prophétise. L'auteur ajoute «dans les assemblées». Où voit-il cela dans le passage? Le contraire ressort plutôt du fait que, depuis le verset 17, l'apôtre règle évidemment l'ordre à garder dans l'assemblée — «quand vous vous réunissez en assemblée» (verset 18) tandis que ce qui précède est général.

N'est-il pas étrange de voir l'auteur de la brochure débuter ainsi: «Le diable ne demande pas mieux que de perpétuer ce silence» (celui des femmes dans les assemblées), alors que l'apôtre dit positivement de la femme: «Elle doit demeurer dans le silence»? (1 Timothée 2: 11, 12). Il est vrai que l'auteur cherche à détruire la portée de ce passage, mais c'est en y introduisant ce qui ne s'y trouve pas.

Il veut qu'il s'agisse ici de femmes mariées et que les exhortations s'appliquent à la soumission de la femme vis-à-vis de son mari. Il va même jusqu'à traduire, au verset 12: «Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre aucune autorité sur son mari», tandis que le texte porte: «ni d'user d'autorité sur l'homme». Dans tout le passage, du verset 8 au 15, il s'agit de l'homme en contraste avec la femme. «Je veux donc», dit l'apôtre, «que les hommes prient en tout lieu»; les hommes — non les maris seulement, je pense. Puis «de même aussi, que les femmes se parent d'un costume décent»; les femmes, en général, et non pas uniquement celles qui sont mariées, ce qui serait absurde, et laisserait aux autres — vierges ou veuves — la liberté de satisfaire leur vanité.

C'est donc bien à la femme, d'une manière générale, que l'apôtre s'adresse quand il veut qu'elle «apprenne dans le silence»; c'est à elle, d'une manière générale, qu'il dit: «Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni d'user d'autorité sur l'homme», ce qui arriverait si elle se levait dans l'assemblée pour parler. «Elle doit demeurer dans le silence», tandis qu'il appartient aux hommes «de prier en tout lieu», dans l'assemblée aussi bien que dans la famille. L'auteur, en insistant sur ce qu'il est question de la femme mariée, voudrait-il insinuer que celle-ci seule doit se taire, et que ce sont les femmes non mariées qui peuvent parler? Mais ce que j'ai dit fait voir que Paul parle de la femme, en contraste avec l'homme.

Que reste-t-il donc à la femme? «Les bonnes oeuvres» qui siéent aux femmes qui font profession de «servir Dieu». Qu'est-ce que l'apôtre réclame des veuves, vraiment veuves? Qu'elles aient prêché, édifié l'assemblée par leurs discours, ou évangélisé en public? Non; mais qu'elles aient marché dans les bonnes oeuvres, élevé des enfants, exercé l'hospitalité, secouru les affligés (1 Timothée 5: 9, 10). Partout la Parole nous présente ce rôle des femmes si grand, si beau, humble et effacé en apparence, mais réel, effectif et précieux aux yeux de Dieu, et n'empiétant jamais sur celui que Dieu a assigné à l'homme.

L'auteur de la brochure s'efforce aussi de prouver que le passage de 1 Corinthiens 14: 34, 35, laisse aux femmes la latitude de parler dans les assemblées. Que dit cependant l'apôtre? «Qu'elles se taisent, car il ne leur est pas permis de parler». Cela est positif. Pourquoi notre auteur ajoute-t-il entre parenthèses: «non de prophétiser ou prier»? Pourraient-elles prophétiser ou prier sans parler? Elles n'ont pas même la permission de parler dans l'assemblée pour s'instruire; c'est à la maison qu'elles doivent le faire; auraient-elles donc la permission de parler pour enseigner, prier ou prophétiser?

Remarquons aussi ce qui précède ce passage. L'apôtre règle l'ordre à suivre dans l'assemblée, relativement à l'action de celui ou ceux qui parlent des langues étrangères ou qui prophétisent. Il ajoute: «Dieu n'est pas un Dieu de désordre», et aussitôt après, il dit: «Que vos femmes se taisent dans les assemblées». Cela n'est-il pas significatif? Les dons de langues et de prophétie doivent s'exercer avec ordre dans l'assemblée, mais les femmes doivent se taire. Dans ce passage de 1 Corinthiens 14, l'apôtre s'adresse aux femmes mariées, c'est vrai, mais j'ai montré que, dans 1 Timothée 2, il parle des femmes en général. D'ailleurs remarquons la fin du verset 35: «Car il est honteux pour une femme de parler dans l'assemblée». L'apôtre invoque une raison de convenance, comme il l'a fait au chapitre 11: 13 et 14, et pose une affirmation dont la généralité ne peut échapper à personne: «il est honteux pour une femme», quelle qu'elle soit — mariée, veuve ou vierge. Le précepte concernant les femmes mariées découle du précepte général. Le sens du mot parler est aussi défini. Ce n'est pas honteux de parler de certaines choses ou d'une certaine manière; mais honteux de parler, pas permis de parler dans le sens absolu, de même que se taire est aussi absolu.

L'auteur dit (page 7): «Dieu aurait-il repris d'une main ce qu'il avait donné de l'autre? Après avoir dit: Vos fils et vos filles prophétiseront, aurait-il dit: Non, qu'elles se taisent?» C'est toujours une chose très fâcheuse de vouloir mettre la parole de Dieu en contradiction avec elle-même pour établir sa propre pensée. Certainement Dieu ne se contredit pas, et les paroles du prophète Joël ont eu un accomplissement en ce que l'Esprit Saint a été répandu, et l'auront pleinement, dans un jour encore à venir, quand viendra la pluie de la dernière saison (Joël 2: 23). Mais il ne suit pas de là que si une femme avait le don de prophétie, elle dût nécessairement l'exercer dans l'assemblée. Dieu, en disant par la plume de Paul: «Que les femmes se taisent dans les assemblées», n'a pas dit que les femmes qui ont le don de prophétie, ne prophétisent pas. Les quatre filles vierges de Philippe prophétisaient (Actes des Apôtres 21: 9), mais rien ne nous est dit qui puisse nous faire penser que ce fût dans l'assemblée. Et même, lorsqu'il s'agit d'avertir Paul de ce qui l'attendait à Jérusalem, c'est un prophète qui vient de Judée pour le lui dire. Si les filles de Philippe avaient voulu prophétiser dans l'assemblée, elles auraient agi en contradiction au «commandement du Seigneur».

En nous appuyant sur les exhortations claires et positives de l'apôtre inspiré, nous pouvons conclure qu'il n'appartient pas à une femme, mariée ou non, eût-elle les dons les plus excellents, de les exercer en public. Aucun exemple du Nouveau Testament ne peut être cité à l'appui de la thèse contraire. Au contraire, nous avons plus d'un exemple du rôle qu'elle est appelée à jouer comme chrétienne, du service qu'elle est appelée à remplir. Dorcas, Lydie, Marie, mère de Jean, surnommé Marc, nous le montrent. Priscilla, femme d'Aquilas, n'enseigne pas dans l'assemblée, mais elle aide son mari, à la maison, à instruire plus exactement Apollos dans la voie de Dieu (Actes des Apôtres 18: 26). Ainsi faisaient sans doute les femmes dont Paul loue le travail dans le Seigneur, et celles qui aidaient plusieurs, comme Phoebé.

«Que les femmes âgées», dit encore l'apôtre, «instruisent les jeunes femmes à aimer leurs maris, à aimer leurs enfants, à être sages, pures, occupées des soins de la maison, bonnes, soumises à leurs propres maris» (Tite 2: 3-5). Voilà d'une part l'enseignement qu'une femme âgée peut donner, et la manière dont les jeunes ont à agir. Pas un mot de prêcher, d'évangéliser en public, de prendre part à aucune action publique.

Je pourrais encore faire remarquer — si l'on veut s'appuyer sur la prophétie de Joël, pour justifier l'action publique des femmes — que prophétiser n'est pas évangéliser, comme le font nos modernes prédicatrices, et que ce n'est pas davantage louer, comme le dit notre auteur (page 13). Prophétiser était un de ces dons départis dans la primitive Eglise, et qui faisait de celui ou de celle qui le possédait, la bouche de Dieu pour communiquer une révélation (1 Corinthiens 14: 29, 30). Quelqu'une de celles qui parlent en public de nos jours, aurait-elle la prétention de prophétiser ainsi? En tout cas, l'eût-elle, encore devrait-elle se taire en public. Je sais qu'on voudrait nous ramener à l'état de l'Eglise primitive — plût à Dieu que cela arrivât — mais la Parole ne nous montre pas qu'il en doive être ainsi; au contraire, elle nous annonce la ruine comme devant s'accentuer et comme étant irrémédiable. Les signes qui seront manifestés à l'avenir sont ceux de l'Antichrist (2 Thessaloniciens 2). Ce n'est qu'à la fin, aux derniers jours, que de nouveau se montrera la puissance de l'Esprit Saint. Mais à supposer que l'on puisse voir refleurir dans l'Eglise les jours d'autrefois, ce n'est certes pas en commençant par la désobéissance au commandement du Seigneur (1 Corinthiens 14: 37). L'auteur dit (page 3): «Le diable ne peut souffrir que Dieu soit loué, que le nom de Jésus soit glorifié». C'est vrai, mais surtout il ne peut souffrir que Dieu soit obéi purement, simplement, et par toutes sortes de subtilités, il cherche à entraîner le chrétien dans une voie de désobéissance, en la colorant de beaux prétextes. Or l'obéissance est ce qui glorifie Dieu et honore Jésus. «Obéir vaut mieux que sacrifice» (1 Samuel 15: 22).

Je ne puis m'empêcher, en terminant, de rappeler qu'une des fameuses prédicatrices du jour reconnaissait si bien la vérité des paroles de Paul défendant à la femme de parler, qu'elle osa dire que, lorsqu'elle le rencontrerait dans le ciel, elle lui en ferait des reproches. C'est une boutade irrévérencieuse, sans doute, mais qui montre bien que la force de la Parole s'imposait à elle. Hélas! c'est trop souvent ainsi que l'on se débarrasse de son autorité.

Combien nous avons besoin de nous tenir simplement à cette Parole sans la torturer pour la forcer à entrer dans le cadre de nos pauvres pensées! Puissent nos soeurs être toujours plus pénétrées de ce que dit l'Ecriture au sujet de leur marche dans la pudeur et la modestie, et comprendre la place bénie que le Seigneur leur a assignée pour le servir «dans l'incorruptibilité d'un esprit doux et paisible qui est d'un grand prix devant Dieu».

Croyez-moi, cher frère, votre affectionné en Christ.