Porret-Bolens L.
ME 1910 page 228
L'assemblée à Jérusalem rendait un témoignage puissant au
Seigneur et projetait autour d'elle une vive clarté (Actes des Apôtres 4: 32-37).
Satan, jaloux de cette lumière, tenta de l'anéantir. Par des hommes hostiles au
témoignage de Dieu, il suscita une grande persécution qui dispersa tous les
disciples, à l'exception des apôtres (Actes des Apôtres 8: 1).
Mais l'ennemi fait une oeuvre qui
le trompe, car il ne connaît ni les desseins du Seigneur, ni les richesses de
sa grâce. Le Seigneur voulait que, non seulement à Jérusalem la repentance et
la rémission des péchés fussent prêchées en son nom, mais encore qu'il en fût
de même à l'égard de toutes les nations (Luc 24: 47). N'avait-il pas dit aux
disciples immédiatement avant de les quitter: «Vous serez mes témoins à
Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'au bout de la terre»?
(Actes des Apôtres 1: 8).
Par cette persécution, sa volonté allait recevoir son
accomplissement. Nous lisons que «ceux qui avaient été dispersés allaient çà et
là, annonçant la Parole. Et Philippe, étant descendu dans une ville de la
Samarie, leur prêcha le Christ» (Actes des Apôtres 8: 4, 5). Au surplus,
comment Celui qui allait faire connaître à Saul de Tarse que les croyants qu'il
persécutait étaient membres de son corps — faisaient partie de lui-même —
aurait-il pu permettre que leur bonheur fût anéanti? (Actes des Apôtres 9: 5).
Nous le voyons donc, les desseins du Seigneur
s'accomplissent par la méchanceté même de l'ennemi, que Dieu limite et dirige à
son gré.
La dispersion des disciples ne fit que propager et
multiplier la lumière, chaque croyant en devenant le porteur aux lieux où la
persécution l'avait chassé. «Ceux donc qui avaient été dispersés par la
tribulation qui arriva à l'occasion d'Etienne, passèrent jusqu'en Phénicie, et
à Chypre, et à Antioche, n'annonçant la Parole à personne, si ce n'est à des
Juifs seulement. Mais quelques-uns d'entre eux étaient des Cypriotes et des
Cyrénéens, qui, étant venus à Antioche, parlaient aussi aux Grecs, annonçant le
Seigneur Jésus» (Actes des Apôtres 11: 19, 20).
La grâce, méprisée par les Juifs, allait se déployer d'une
façon merveilleuse envers ces nations que les Juifs méprisaient; et cela eut
lieu à Antioche, non par des apôtres, ou par un évangéliste, comme à Jérusalem
et en Samarie, mais par de simples disciples dont nous ignorons les noms. Leur cœur
rempli de Christ les porte à en parler aux Grecs qui les entouraient; le
Seigneur met le sceau de sa bénédiction sur la fidélité de ces croyants, un
grand nombre d'âmes est ajouté dans cette ville. Le moment était arrivé de
magnifier la grâce de Dieu à l'égard des nations; elles allaient être — selon
la déclaration du mystère révélé à Paul — «cohéritières et d'un même corps et
coparticipantes de sa promesse dans le Christ Jésus, par l'évangile» (Ephésiens
3: 6).
La réception de Corneille, précédée des circonstances
remarquables que nous connaissons, était de nature à ouvrir toute grande la
porte aux nations. Aussi, dès que l'assemblée de Jérusalem ouït
parler de ce qui avait eu lieu à Antioche, elle y envoya Barnabas, un Cypriote
de naissance.
Quel intérêt touchant pour l'oeuvre
de Dieu chez ceux qui s'y emploient et qui en sont eux-mêmes les témoins!
Qu'ils se trouvent à Damas, à Antioche, ou à l'extrémité de la terre, les
croyants ne sont-ils pas tous des esclaves du même Seigneur et des membres du
même corps? Un lien intime les unit à Christ et les uns aux autres.
La grâce de Dieu qui apporte le salut se manifesta à
Antioche d'une façon bien remarquable; et Barnabas en fut l'heureux témoin.
Sans s'arrêter aux instruments employés, ses pensées vont directement à Dieu,
la source de la bénédiction; et il peut s'en réjouir.
En effet, chaque manifestation de la grâce de Dieu, dans la
conversion des pécheurs, réjouit, non seulement celui qui en est l'objet, mais
aussi ceux qui en sont les témoins, quand leurs pensées sont à l'unisson avec
le ciel (voyez Luc 15).
Barnabas ne se borne pas au rôle passif de témoin; il a un
ministère à accomplir à l'égard de ces nouveaux convertis, et il ne le diffère
pas; mais où étaient ses lettres de créance en vue de ce service? Il les
portait toujours sur lui, et l'Ecriture nous les fait connaître: «Il était
homme de bien et plein de l'Esprit Saint et de foi» (Actes des Apôtres 11: 24).
Avec le don, cela suffisait pleinement. Quel poids la conduite du croyant,
l'ensemble de sa vie, ne donne-t-elle pas à ses paroles!
Il peut paraître étrange que des nouveau-nés en Christ,
remplis du premier amour, eussent besoin d'exhortation. Mais, ne nous y
trompons pas, les difficultés se rencontrent bien vite sur le chemin du
racheté, sans parler des dispositions de son cœur naturel qui cherche à
reprendre ses droits; et que deviendrait-il s'il ignorait les ressources qui se
trouvent dans le Seigneur pour faire face à ces choses? Il importe que le jeune
croyant soit «attaché de tout son cœur au Seigneur». Le début de la vie d'un
chrétien, quel qu'il soit, déteint ordinairement sur sa marche ultérieure,
aussi est-il de toute importance qu'elle ait, dès le principe, une bonne
orientation. Le jardinier met ses soins à la mise en terre de ses plants, car
il sait que leur prospérité dépend en bonne partie de la manière dont ils ont
été plantés. Nous ne sommes donc pas surpris d'apprendre que Barnabas ait
exhorté tous ces croyants à demeurer attachés au Seigneur de tout leur cœur.
Combien il serait à désirer que tous les jeunes chrétiens
prissent au sérieux, chacun pour lui-même, l'exhortation de Barnabas!
On ne peut aussi que souhaiter de nos jours un tel
ministère. Au lieu d'attirer l'attention sur lui-même, ou de s'interposer entre
le nouveau converti et le Seigneur, le vrai serviteur a pour but de faire
valoir les richesses de Christ auprès du racheté, afin qu'il s'attache toujours
plus à Lui.
A quoi ces premiers croyants, sortis des nations, vont-ils
se joindre? Autrement dit: «Quelle sera leur position ecclésiastique?» La
réponse nous est donnée dans ces paroles: «Et une grande foule fut ajoutée au Seigneur»
(11: 24). Par le fait d'avoir reçu l'Evangile, et d'avoir été scellés du Saint
Esprit, ils sont devenus des membres de Christ, unis à Lui, Tête glorifiée dans
le ciel. Ainsi, eux aussi, se trouvent placés sur le même terrain que les
croyants sortis du judaïsme; ils forment avec eux le corps de Christ sur la
terre. Celui qui est mort pour nous «des deux en a fait un, et a détruit le mur
mitoyen de clôture, ayant aboli dans sa chair l'inimitié, la loi des
commandements, qui consiste en ordonnances, afin qu'il créât les deux en
lui-même pour être un seul homme nouveau, en faisant la paix; et qu'il les
réconciliât tous les deux en un seul corps à Dieu par la croix, ayant tué par
elle l'inimitié» (Ephésiens 2: 14-16).
La Parole nous enseigne qu'il y a un seul corps de Christ
sur la terre, dont tous les croyants font partie, comme aussi il y a un seul
Esprit duquel ils ont été scellés, et par lequel ils sont unis à Christ dans le
ciel et les uns aux autres ici-bas (Ephésiens 4: 4).
Les croyants sont nombreux, la tâche considérable: Barnabas
va chercher Saul. Il l'a déjà présenté aux apôtres, et va l'introduire dans l'œuvre
à Antioche. Ce pieux ouvrier du Seigneur agit conformément à la volonté de
Dieu; la suite le confirma pleinement.
Qu'il est doux, qu'il est encourageant pour deux serviteurs
de Dieu de travailler côte à côte, sans rivalité, au service du même Maître! La
chose répond assurément à la pensée du Seigneur; n'a-t-il pas envoyé les
disciples deux à deux devant sa face, dans les lieux où il devait aller? (Luc
10: 1).
Si l'exhortation a pour effet de stimuler le croyant,
celui-ci a besoin aussi d'enseignement (verset 26); son âme doit être
nourrie et son esprit éclairé. Le Seigneur a lui-même pourvu à cela. Il a placé
dans le corps des membres qui remplissent une fonction particulière, quoique
tous les membres, jusqu'au plus petit, aient une fonction à remplir. Nous
lisons à ce sujet: «Dieu a placé les membres — chacun d'eux — dans le corps,
comme il l'a voulu… L'oeil ne peut pas dire à la
main: Je n'ai pas besoin de toi; ou bien encore la tête aux pieds: Je n'ai pas
besoin de vous; — mais bien plutôt les membres du corps qui paraissent être les
plus faibles sont nécessaires… Or vous êtes le corps de Christ, et ses membres
chacun en particulier. Et Dieu a placé les uns dans l'assemblée: — d'abord des
apôtres, en second lieu des prophètes, en troisième lieu des docteurs, etc.».
Nous apprenons, dans ce passage, que Dieu a assigné à chaque
membre une fonction en rapport avec la place qu'il occupe; mais qu'il en a
aussi placé dans l'assemblée en vue de l'accomplissement d'un service spécial.
En faisant cette distinction, nous sommes loin de vouloir
établir une différence entre ce que l'on appelle habituellement «les
ecclésiastiques» et «les laïques», chose inconnue dans le Nouveau
Testament. Celui qui a reçu du Seigneur un ministère se gardera bien de prendre
une place à part parmi ses frères où de se mettre, dans son esprit, au-dessus
d'eux, encore moins entre eux et le Seigneur. Au contraire, il fera comme
Barnabas et Saul qui, pendant une année, enseignèrent une grande foule. «Ils se
réunirent dans l'assemblée»; c'est-à-dire qu'ils prirent place parmi les
croyants, leurs frères, réunis comme membres du corps de Christ et firent
valoir, comme tels, ce que le Seigneur leur avait confié pour le bien de
l'assemblée et son édification. De ce fait, étant des membres du corps, comme
les autres, ils se trouvaient placés, malgré leurs dons spéciaux, sous la
discipline de l'assemblée. Assurément, ils étaient les premiers à reconnaître
l'autorité du Seigneur sur son Assemblée, puisque c'est sous cette autorité
même, qu'ils exerçaient leur ministère.
Quel effet béni un tel ministère, qui prend des choses de
Christ pour les administrer aux âmes, ne doit-il pas avoir sur ceux qui ont
l'avantage d'en jouir! Nous l'apprenons ici. Ces croyants à Antioche sont les
premiers que l'on ait nommés chrétiens; assurément, la raison en est
qu'ils étaient, dans leur vie journalière, la manifestation de Christ lui-même.
N'est-ce pas à cet effet que le ministère a été donné, et aussi que les
croyants sont laissés ici-bas? Certainement. Un disciple de Christ peut n'avoir
aucune chose qui le distingue de ses frères, aucun don spécial, mais si Christ
est l'objet de son coeur et son modèle, et qu'il le
reproduise dans ses voies, il répond à la pensée de son divin Maître; et cela
doit lui suffire. Ne soyons pas satisfaits à moins.
Quel bel exemple cette assemblée — la première parmi les
nations — ne donne-t-elle pas! Elle devint le point de départ de l'oeuvre de Dieu au milieu des gentils et le centre même de
cette oeuvre. On serait tenté de dire: «Qu'elle était
heureuse l'assemblée qui jouissait d'un tel ministère!» Sans doute, mais ceux
qui la composaient savaient en profiter, et voilà ce dont nous avons encore
besoin. Notre responsabilité s'accroît dans la mesure des grâces que Dieu nous
accorde. Mais ne pensons pas que le ministère soit limité à une assemblée
locale; sa sphère d'action est le corps de Christ tout entier. Le prophète ou
le docteur peut exercer son don à Jérusalem aussi bien qu'à Antioche, ou
ailleurs, si le Seigneur, sous l'autorité duquel il l'exerce, l'y envoie. Aussi
voyons-nous, en ces jours-là, des prophètes descendre de Jérusalem à Antioche
(verset 27). Ils exprimaient ainsi la relation qui existait entre les croyants
à Jérusalem et les croyants à Antioche; ils montraient que les uns et les
autres faisaient partie du même corps, le corps de Christ; et c'est sur ce
principe unique qu'ils se rassemblaient. L'un de ces prophètes — Agabus — qui, sans doute, avait déjà prophétisé à
Jérusalem, exerce librement son don à Antioche. Il donna à connaître par
l'Esprit, sous la direction duquel il parlait, qu'une grande famine aurait lieu
dans toute la terre habitée, laquelle aussi eut lieu sous Claude.
Si ces prophètes, venant de Jérusalem, manifestent ainsi
l'unité qui existe entre Jérusalem et Antioche, de leur côté, les disciples à
Antioche affirment aussi le lien qui les unit à Jérusalem, en envoyant, chacun
selon ses ressources, quelque chose pour le service des frères qui demeuraient
en Judée, montrant leur amour envers ceux auxquels ils se sentaient
particulièrement redevables. Quelle simple, mais touchante manifestation
pratique de l'unité du corps de Christ!
Ce récit nous offre donc un tableau instructif et édifiant
de la première assemblée parmi les nations. Telle est la vérité éternelle de
Dieu concernant son Assemblée. Ce sont précisément ces vérités du commencement
que nous sommes appelés à retenir; et c'est à elles que nous avons à revenir si
nous les avons abandonnées. Ne nous laissons pas induire en erreur par ceux qui
prétendent que de telles vérités étaient de saison aux jours apostoliques, mais
que maintenant, les temps ayant changé, il faut se conformer à l'état de choses
qui existe aujourd'hui. Nous répondrons: «Comment l'Assemblée, qui a pour chef
Christ dans la gloire, serait-elle appelée à se conformer à d'autres directions
que celles qu'il a données, et que la Parole nous fait connaître?» Christ
a-t-il changé? sa Parole n'est-elle plus la même? Retenons donc les
enseignements qu'elle nous donne, et soumettons-nous humblement et joyeusement
à Christ.
«Mais vous prétendez», dira-t-on peut-être, «reconstituer
l'Eglise primitive?» Absolument pas. Jamais cet état disparu ne sera retrouvé;
mais devons-nous avoir aujourd'hui des principes différents de ceux des
premiers croyants? Si nous les possédons, c'est assurément pour nous y
conformer. Que firent ceux qui étaient de retour à Jérusalem, après les 70
années de la captivité? Ils n'avaient nullement l'idée d'inaugurer les jours
glorieux de Salomon, mais ils n'inventèrent rien de nouveau, selon leurs
pensées, pour remédier à la ruine; ils avaient la parole de leur Dieu pour les
diriger et étaient heureux de s'y conformer.
Le chemin que nous avons à poursuivre aujourd'hui n'est-il
pas tel? Ne sommes-nous pas, du reste, au bénéfice de la promesse du Seigneur valable
pour tous les temps, en faveur de tous ceux qui s'y attachent? «Là où deux
ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux» (Matthieu 18:
20).
Puissions-nous être du nombre de ceux auxquels le Seigneur peut dire: «Tu as gardé ma parole et tu n'as pas renié mon nom» (Apocalypse 3: 8). A ceux-là, il dit encore: «Je viens bientôt; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne» (Apocalypse 3: 11).