Quelques remarques sur Actes 11: 19-30

Porret-Bolens L.

ME 1910 page 228

 

L'assemblée à Jérusalem rendait un témoignage puissant au Seigneur et projetait autour d'elle une vive clarté (Actes des Apôtres 4: 32-37). Satan, jaloux de cette lumière, tenta de l'anéantir. Par des hommes hostiles au témoignage de Dieu, il suscita une grande persécution qui dispersa tous les disciples, à l'exception des apôtres (Actes des Apôtres 8: 1).

Mais l'ennemi fait une oeuvre qui le trompe, car il ne connaît ni les desseins du Seigneur, ni les richesses de sa grâce. Le Seigneur voulait que, non seulement à Jérusalem la repentance et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom, mais encore qu'il en fût de même à l'égard de toutes les nations (Luc 24: 47). N'avait-il pas dit aux disciples immédiatement avant de les quitter: «Vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'au bout de la terre»? (Actes des Apôtres 1: 8).

Par cette persécution, sa volonté allait recevoir son accomplissement. Nous lisons que «ceux qui avaient été dispersés allaient çà et là, annonçant la Parole. Et Philippe, étant descendu dans une ville de la Samarie, leur prêcha le Christ» (Actes des Apôtres 8: 4, 5). Au surplus, comment Celui qui allait faire connaître à Saul de Tarse que les croyants qu'il persécutait étaient membres de son corps — faisaient partie de lui-même — aurait-il pu permettre que leur bonheur fût anéanti? (Actes des Apôtres 9: 5).

Nous le voyons donc, les desseins du Seigneur s'accomplissent par la méchanceté même de l'ennemi, que Dieu limite et dirige à son gré.

La dispersion des disciples ne fit que propager et multiplier la lumière, chaque croyant en devenant le porteur aux lieux où la persécution l'avait chassé. «Ceux donc qui avaient été dispersés par la tribulation qui arriva à l'occasion d'Etienne, passèrent jusqu'en Phénicie, et à Chypre, et à Antioche, n'annonçant la Parole à personne, si ce n'est à des Juifs seulement. Mais quelques-uns d'entre eux étaient des Cypriotes et des Cyrénéens, qui, étant venus à Antioche, parlaient aussi aux Grecs, annonçant le Seigneur Jésus» (Actes des Apôtres 11: 19, 20).

La grâce, méprisée par les Juifs, allait se déployer d'une façon merveilleuse envers ces nations que les Juifs méprisaient; et cela eut lieu à Antioche, non par des apôtres, ou par un évangéliste, comme à Jérusalem et en Samarie, mais par de simples disciples dont nous ignorons les noms. Leur cœur rempli de Christ les porte à en parler aux Grecs qui les entouraient; le Seigneur met le sceau de sa bénédiction sur la fidélité de ces croyants, un grand nombre d'âmes est ajouté dans cette ville. Le moment était arrivé de magnifier la grâce de Dieu à l'égard des nations; elles allaient être — selon la déclaration du mystère révélé à Paul — «cohéritières et d'un même corps et coparticipantes de sa promesse dans le Christ Jésus, par l'évangile» (Ephésiens 3: 6).

La réception de Corneille, précédée des circonstances remarquables que nous connaissons, était de nature à ouvrir toute grande la porte aux nations. Aussi, dès que l'assemblée de Jérusalem ouït parler de ce qui avait eu lieu à Antioche, elle y envoya Barnabas, un Cypriote de naissance.

Quel intérêt touchant pour l'oeuvre de Dieu chez ceux qui s'y emploient et qui en sont eux-mêmes les témoins! Qu'ils se trouvent à Damas, à Antioche, ou à l'extrémité de la terre, les croyants ne sont-ils pas tous des esclaves du même Seigneur et des membres du même corps? Un lien intime les unit à Christ et les uns aux autres.

La grâce de Dieu qui apporte le salut se manifesta à Antioche d'une façon bien remarquable; et Barnabas en fut l'heureux témoin. Sans s'arrêter aux instruments employés, ses pensées vont directement à Dieu, la source de la bénédiction; et il peut s'en réjouir.

En effet, chaque manifestation de la grâce de Dieu, dans la conversion des pécheurs, réjouit, non seulement celui qui en est l'objet, mais aussi ceux qui en sont les témoins, quand leurs pensées sont à l'unisson avec le ciel (voyez Luc 15).

Barnabas ne se borne pas au rôle passif de témoin; il a un ministère à accomplir à l'égard de ces nouveaux convertis, et il ne le diffère pas; mais où étaient ses lettres de créance en vue de ce service? Il les portait toujours sur lui, et l'Ecriture nous les fait connaître: «Il était homme de bien et plein de l'Esprit Saint et de foi» (Actes des Apôtres 11: 24). Avec le don, cela suffisait pleinement. Quel poids la conduite du croyant, l'ensemble de sa vie, ne donne-t-elle pas à ses paroles!

 


 

Il peut paraître étrange que des nouveau-nés en Christ, remplis du premier amour, eussent besoin d'exhortation. Mais, ne nous y trompons pas, les difficultés se rencontrent bien vite sur le chemin du racheté, sans parler des dispositions de son cœur naturel qui cherche à reprendre ses droits; et que deviendrait-il s'il ignorait les ressources qui se trouvent dans le Seigneur pour faire face à ces choses? Il importe que le jeune croyant soit «attaché de tout son cœur au Seigneur». Le début de la vie d'un chrétien, quel qu'il soit, déteint ordinairement sur sa marche ultérieure, aussi est-il de toute importance qu'elle ait, dès le principe, une bonne orientation. Le jardinier met ses soins à la mise en terre de ses plants, car il sait que leur prospérité dépend en bonne partie de la manière dont ils ont été plantés. Nous ne sommes donc pas surpris d'apprendre que Barnabas ait exhorté tous ces croyants à demeurer attachés au Seigneur de tout leur cœur.

Combien il serait à désirer que tous les jeunes chrétiens prissent au sérieux, chacun pour lui-même, l'exhortation de Barnabas!

On ne peut aussi que souhaiter de nos jours un tel ministère. Au lieu d'attirer l'attention sur lui-même, ou de s'interposer entre le nouveau converti et le Seigneur, le vrai serviteur a pour but de faire valoir les richesses de Christ auprès du racheté, afin qu'il s'attache toujours plus à Lui.

A quoi ces premiers croyants, sortis des nations, vont-ils se joindre? Autrement dit: «Quelle sera leur position ecclésiastique?» La réponse nous est donnée dans ces paroles: «Et une grande foule fut ajoutée au Seigneur» (11: 24). Par le fait d'avoir reçu l'Evangile, et d'avoir été scellés du Saint Esprit, ils sont devenus des membres de Christ, unis à Lui, Tête glorifiée dans le ciel. Ainsi, eux aussi, se trouvent placés sur le même terrain que les croyants sortis du judaïsme; ils forment avec eux le corps de Christ sur la terre. Celui qui est mort pour nous «des deux en a fait un, et a détruit le mur mitoyen de clôture, ayant aboli dans sa chair l'inimitié, la loi des commandements, qui consiste en ordonnances, afin qu'il créât les deux en lui-même pour être un seul homme nouveau, en faisant la paix; et qu'il les réconciliât tous les deux en un seul corps à Dieu par la croix, ayant tué par elle l'inimitié» (Ephésiens 2: 14-16).

La Parole nous enseigne qu'il y a un seul corps de Christ sur la terre, dont tous les croyants font partie, comme aussi il y a un seul Esprit duquel ils ont été scellés, et par lequel ils sont unis à Christ dans le ciel et les uns aux autres ici-bas (Ephésiens 4: 4).

Les croyants sont nombreux, la tâche considérable: Barnabas va chercher Saul. Il l'a déjà présenté aux apôtres, et va l'introduire dans l'œuvre à Antioche. Ce pieux ouvrier du Seigneur agit conformément à la volonté de Dieu; la suite le confirma pleinement.

Qu'il est doux, qu'il est encourageant pour deux serviteurs de Dieu de travailler côte à côte, sans rivalité, au service du même Maître! La chose répond assurément à la pensée du Seigneur; n'a-t-il pas envoyé les disciples deux à deux devant sa face, dans les lieux où il devait aller? (Luc 10: 1).

Si l'exhortation a pour effet de stimuler le croyant, celui-ci a besoin aussi d'enseignement (verset 26); son âme doit être nourrie et son esprit éclairé. Le Seigneur a lui-même pourvu à cela. Il a placé dans le corps des membres qui remplissent une fonction particulière, quoique tous les membres, jusqu'au plus petit, aient une fonction à remplir. Nous lisons à ce sujet: «Dieu a placé les membres — chacun d'eux — dans le corps, comme il l'a voulu… L'oeil ne peut pas dire à la main: Je n'ai pas besoin de toi; ou bien encore la tête aux pieds: Je n'ai pas besoin de vous; — mais bien plutôt les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires… Or vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en particulier. Et Dieu a placé les uns dans l'assemblée: — d'abord des apôtres, en second lieu des prophètes, en troisième lieu des docteurs, etc.».

Nous apprenons, dans ce passage, que Dieu a assigné à chaque membre une fonction en rapport avec la place qu'il occupe; mais qu'il en a aussi placé dans l'assemblée en vue de l'accomplissement d'un service spécial.

En faisant cette distinction, nous sommes loin de vouloir établir une différence entre ce que l'on appelle habituellement «les ecclésiastiques» et «les laïques», chose inconnue dans le Nouveau Testament. Celui qui a reçu du Seigneur un ministère se gardera bien de prendre une place à part parmi ses frères où de se mettre, dans son esprit, au-dessus d'eux, encore moins entre eux et le Seigneur. Au contraire, il fera comme Barnabas et Saul qui, pendant une année, enseignèrent une grande foule. «Ils se réunirent dans l'assemblée»; c'est-à-dire qu'ils prirent place parmi les croyants, leurs frères, réunis comme membres du corps de Christ et firent valoir, comme tels, ce que le Seigneur leur avait confié pour le bien de l'assemblée et son édification. De ce fait, étant des membres du corps, comme les autres, ils se trouvaient placés, malgré leurs dons spéciaux, sous la discipline de l'assemblée. Assurément, ils étaient les premiers à reconnaître l'autorité du Seigneur sur son Assemblée, puisque c'est sous cette autorité même, qu'ils exerçaient leur ministère.

Quel effet béni un tel ministère, qui prend des choses de Christ pour les administrer aux âmes, ne doit-il pas avoir sur ceux qui ont l'avantage d'en jouir! Nous l'apprenons ici. Ces croyants à Antioche sont les premiers que l'on ait nommés chrétiens; assurément, la raison en est qu'ils étaient, dans leur vie journalière, la manifestation de Christ lui-même. N'est-ce pas à cet effet que le ministère a été donné, et aussi que les croyants sont laissés ici-bas? Certainement. Un disciple de Christ peut n'avoir aucune chose qui le distingue de ses frères, aucun don spécial, mais si Christ est l'objet de son coeur et son modèle, et qu'il le reproduise dans ses voies, il répond à la pensée de son divin Maître; et cela doit lui suffire. Ne soyons pas satisfaits à moins.

Quel bel exemple cette assemblée — la première parmi les nations — ne donne-t-elle pas! Elle devint le point de départ de l'oeuvre de Dieu au milieu des gentils et le centre même de cette oeuvre. On serait tenté de dire: «Qu'elle était heureuse l'assemblée qui jouissait d'un tel ministère!» Sans doute, mais ceux qui la composaient savaient en profiter, et voilà ce dont nous avons encore besoin. Notre responsabilité s'accroît dans la mesure des grâces que Dieu nous accorde. Mais ne pensons pas que le ministère soit limité à une assemblée locale; sa sphère d'action est le corps de Christ tout entier. Le prophète ou le docteur peut exercer son don à Jérusalem aussi bien qu'à Antioche, ou ailleurs, si le Seigneur, sous l'autorité duquel il l'exerce, l'y envoie. Aussi voyons-nous, en ces jours-là, des prophètes descendre de Jérusalem à Antioche (verset 27). Ils exprimaient ainsi la relation qui existait entre les croyants à Jérusalem et les croyants à Antioche; ils montraient que les uns et les autres faisaient partie du même corps, le corps de Christ; et c'est sur ce principe unique qu'ils se rassemblaient. L'un de ces prophètes — Agabus — qui, sans doute, avait déjà prophétisé à Jérusalem, exerce librement son don à Antioche. Il donna à connaître par l'Esprit, sous la direction duquel il parlait, qu'une grande famine aurait lieu dans toute la terre habitée, laquelle aussi eut lieu sous Claude.

Si ces prophètes, venant de Jérusalem, manifestent ainsi l'unité qui existe entre Jérusalem et Antioche, de leur côté, les disciples à Antioche affirment aussi le lien qui les unit à Jérusalem, en envoyant, chacun selon ses ressources, quelque chose pour le service des frères qui demeuraient en Judée, montrant leur amour envers ceux auxquels ils se sentaient particulièrement redevables. Quelle simple, mais touchante manifestation pratique de l'unité du corps de Christ!

Ce récit nous offre donc un tableau instructif et édifiant de la première assemblée parmi les nations. Telle est la vérité éternelle de Dieu concernant son Assemblée. Ce sont précisément ces vérités du commencement que nous sommes appelés à retenir; et c'est à elles que nous avons à revenir si nous les avons abandonnées. Ne nous laissons pas induire en erreur par ceux qui prétendent que de telles vérités étaient de saison aux jours apostoliques, mais que maintenant, les temps ayant changé, il faut se conformer à l'état de choses qui existe aujourd'hui. Nous répondrons: «Comment l'Assemblée, qui a pour chef Christ dans la gloire, serait-elle appelée à se conformer à d'autres directions que celles qu'il a données, et que la Parole nous fait connaître?» Christ a-t-il changé? sa Parole n'est-elle plus la même? Retenons donc les enseignements qu'elle nous donne, et soumettons-nous humblement et joyeusement à Christ.

«Mais vous prétendez», dira-t-on peut-être, «reconstituer l'Eglise primitive?» Absolument pas. Jamais cet état disparu ne sera retrouvé; mais devons-nous avoir aujourd'hui des principes différents de ceux des premiers croyants? Si nous les possédons, c'est assurément pour nous y conformer. Que firent ceux qui étaient de retour à Jérusalem, après les 70 années de la captivité? Ils n'avaient nullement l'idée d'inaugurer les jours glorieux de Salomon, mais ils n'inventèrent rien de nouveau, selon leurs pensées, pour remédier à la ruine; ils avaient la parole de leur Dieu pour les diriger et étaient heureux de s'y conformer.

Le chemin que nous avons à poursuivre aujourd'hui n'est-il pas tel? Ne sommes-nous pas, du reste, au bénéfice de la promesse du Seigneur valable pour tous les temps, en faveur de tous ceux qui s'y attachent? «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux» (Matthieu 18: 20).

Puissions-nous être du nombre de ceux auxquels le Seigneur peut dire: «Tu as gardé ma parole et tu n'as pas renié mon nom» (Apocalypse 3: 8). A ceux-là, il dit encore: «Je viens bientôt; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne» (Apocalypse 3: 11).