L'amour, trait distinctif du témoin de Christ

Porret-Bolens L.

ME 1910 page 264

 

Au moment où le Seigneur Jésus est sur le point de quitter les siens pour s'en aller au ciel, ceux-ci lui disent: «Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël?» Il leur répond: «Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les saisons que le Père a réservés à sa propre autorité; mais vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous; et vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'au bout de la terre» (Actes des Apôtres 1: 6-8).

Après avoir reçu le Saint Esprit promis, les disciples de Christ commencent à lui rendre témoignage à Jérusalem, manifestant à tous qu'ils «n'étaient qu'un coeur et qu'une âme» (Actes des Apôtres 4: 32).

La prière du Seigneur Jésus, en Jean 17: 18-22, recevait ainsi un prompt et merveilleux exaucement dans la manifestation de l'unité de tous les croyants. Attachés de coeur à la personne du Sauveur, ils étaient remplis d'amour les uns pour les autres.

Le commencement du livre des Actes nous offre un tableau unique, plein de fraîcheur; c'est comme un admirable jour de printemps, où la nature, baignée de lumière et de chaleur, montre de toute part harmonie et mouvement. Le soleil, image du soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons, transforme tout par sa clarté et sa chaleur. Lorsque Christ resplendit sur nous, quel soleil pour l'âme que celui-là! On a aussi comparé — et avec justesse — les croyants dans leur ensemble, ou le croyant, témoin de Christ, à la lune qui brille en l'absence du soleil. Combien sa lumière est agréable pour celui qui veille pendant la nuit! On le sait, la lune n'a pas de lumière propre; elle emprunte celle du soleil qu'elle nous reflète lorsque la terre ne s'interpose pas entre elle et le soleil. C'est un enseignement pour nous qui nous laissons si facilement envahir par les choses de la terre! Si ces choses viennent se placer entre nous et Christ, comment serions-nous capables de le manifester? Il faut, hélas! le reconnaître, nous dormons souvent parmi les morts, négligeant de réaliser ce qu'est pour nous la personne du Seigneur Jésus, maintenant dans la gloire.

Dans cette condition, comment pourrions-nous le manifester dans notre vie et dans nos voies? Nous pouvons le remarquer, ce que Dieu confie à la responsabilité de l'homme est loin de prospérer entre ses mains, s'il néglige de réaliser la dépendance de Celui qui est pour lui la source de toute bénédiction.

L'assemblée d'Ephèse réalisait, au début, sa position céleste, aussi est-ce à elle que les conseils de Dieu, relativement à Christ et à l'Eglise, purent être librement exposés, le Saint Esprit n'ayant pas à s'occuper d'elle en discipline. Cependant, le danger existait aussi pour elle; Dieu nous connaît, il sait que nos pauvres coeurs sont portés à s'endormir facilement, parce que la vieille nature est en nous. Aussi trouvons-nous, dans cette épître, le solennel avertissement: «Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d'entre les morts, et le Christ luira sur toi» (Ephésiens 5: 14). Les vierges étaient sorties au-devant de l'époux; mais comme il tardait, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent (Matthieu 25: 1-5). C'est la première chose que nous apprenons des témoins de Christ; mais, si le réveil a lieu, Christ resplendit sur l'âme, lui devient précieux, et se reflète ainsi par les siens, mis pratiquement en contact avec lui. Nous pouvons penser que l'avertissement de l'apôtre aux Ephésiens eut son effet; mais a-t-il duré longtemps? Quoiqu'il en soit, du vivant de l'apôtre Jean, le Seigneur, prenant connaissance de la manière dont les siens ont répondu à sa pensée et à ses soins, pendant son absence, place devant l'assemblée d'Ephèse son véritable état; Ephèse, nous le savons, représente l'Eglise, comme témoin de Christ, à son début. Or, qu'entendons-nous sortir de la bouche de Celui qui a les pieds comme de l'airain brillant, et les yeux comme une flamme de feu (Apocalypse 1: 12-16), de Celui qui tient les sept étoiles dans sa droite, qui marche au milieu des sept lampes d'or? (Apocalypse 2: 1). «Je connais tes oeuvres, et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants; et tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs; et tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu ne t'es pas lassé» (Apocalypse 2: 1-3). Le Seigneur se plaît à reconnaître, tout d'abord, le bien qui existe chez ceux auxquels il s'adresse; et rien absolument n'est oublié. Mais il a une chose à signaler qui dépare toutes les autres, et que nul oeil humain n'est capable de discerner; mais que le Seigneur ressent personnellement: «J'ai contre toi», dit-il, «que tu as abandonné ton premier amour. Souviens-toi donc d'où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières oeuvres: autrement, je viens à toi et j'ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes» (Apocalypse 2: 4, 5). Les premières oeuvres étaient caractérisées par le premier amour auquel l'assemblée à Ephèse est invitée à revenir, si elle veut conserver la place de porte-lumière que Christ lui a donnée.

Pour faire ressortir la chose, on a souvent employé, comme comparaison, la femme dans son intérieur. Elle peut tenir son appartement en ordre et accomplir ses devoirs journaliers avec une ponctualité parfaite, mais si son affection pour son mari laisse à désirer, celui-ci sera-t-il satisfait? Tout son intérieur, quelque confortable qu'il soit, a perdu son charme: il désire — et cela est de toute importance — que le cœur de son épouse réponde à son affection. Tel, le coeur de Christ à l'égard de ses rachetés qu'il aime. L'affection d'un cœur dévoué donne son prix à tout le reste, et le Seigneur y est particulièrement sensible. Comment le témoin de Christ pourrait-il le représenter dignement, si son cœur ne s'alimente pas sans cesse de l'amour de Christ par la puissance du Saint Esprit? Pourquoi notre témoignage est-il si faible et à la veille, peut-être, de nous être ôté, comme une lampe inutile? Ah! c'est que nous sommes en défaut précisément à cet endroit-là. N'avons-nous pas négligé de puiser à la source que le Seigneur a mise à notre portée? ou peut-être, après en avoir joui, y sommes-nous devenus plus ou moins indifférents? C'est, hélas! ainsi, que les saints d'Ephèse avaient été amenés dans l'état qui nous est rappelé au commencement de cette épître de l'Apocalypse.

Comparons-le avec les premiers mots de la première épître aux Thessaloniciens:

En Apocalypse 2: 2, le Seigneur dit: «Je connais tes œuvres, et ton travail, et ta patience». En 1 Thessaloniciens 1: 2, 3, nous lisons: «Nous rendons toujours grâces à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières, nous souvenant sans cesse de votre oeuvre de foi, de votre travail d'amour, et de votre patience d'espérance de notre Seigneur Jésus Christ devant notre Dieu et Père».

Ici, nous le voyons, l'oeuvre est celle de la foi, le travail celui de l'amour, et la patience celle de l'espérance. Qu'est-ce à dire? Que la foi, l'amour et l'espérance, ces trois choses qui demeurent maintenant, étaient en plein exercice chez ces nouveaux convertis (1 Corinthiens 13: 13). C'était la fraîcheur de la vie de Christ, manifestée dans sa divine simplicité, aussi les effets en furent-ils merveilleux: «Vous êtes devenus», leur est-il écrit, «nos imitateurs et ceux du Seigneur, ayant reçu la Parole, accompagnée de grandes tribulations, avec la joie de l'Esprit Saint; de sorte que vous êtes devenus des modèles pour tous ceux qui croient dans la Macédoine et dans l'Achaïe. Car la parole du Seigneur a retenti de chez vous, non seulement dans la Macédoine et dans l'Achaïe, mais en tous lieux, votre foi envers Dieu s'est répandue, de sorte que nous n'avons pas besoin d'en rien dire. Car eux-mêmes racontent de nous quelle entrée nous avons eue auprès de vous, et comment vous vous êtes tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité d'entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient» (1 Thessaloniciens 1: 6-10). Le secret de ce vivant témoignage, à la gloire de Christ, était que ces fidèles respiraient l'air vivifiant de la présence de Dieu et se trouvaient en communion constante avec Celui qui était l'objet de leur foi, de leur amour et de leur espérance. Ils étaient ainsi en communication intime avec la source, qui coulait pour eux toujours abondante et rafraîchissante.

Un vénéré frère, maintenant auprès du Seigneur, nous disait une fois, dans une conférence, à propos d'Apocalypse 2: 2: «Il y a encore de l'eau dans le lit de la rivière, mais la source a tari». En effet, la communication entre le canal et la source n'existant plus, que reste-t-il alors? De l'eau stagnante, inutile et même nuisible.

Si Jésus perd de son prix pour nous et que le coeur de ses témoins le délaisse, ils ne sont plus capables de le représenter fidèlement; et s'ils ne reviennent pas à leur état premier, ils sont bien près d'être mis de côté. Puissions-nous ne pas l'oublier!

 


 

L'histoire de Marie de Magdala nous fournit un précieux enseignement dans le cas qui nous occupe. Luc la mentionne pour la première fois parmi celles qui suivaient le Seigneur. Jésus avait eu compassion d'elle et l'avait délivrée de sept démons; elle avait appris à le connaître comme le Messie et s'était attachée à lui. Elle était une de ces brebis perdues de la maison d'Israël que le bon Berger avait cherchée et sauvée. En raison de la grâce inappréciable dont elle avait été l'objet de la part du Seigneur, Marie éprouva le besoin de le suivre et de le servir; et rien ne put arrêter son infatigable dévouement.

Nous la trouvons près de la croix de Jésus, avec la mère de Jésus et Marie, femme de Clopas (Jean 19: 25). Elle assiste, avec d'autres femmes, à l'ensevelissement du Seigneur (Luc 23: 55, 56). Puis nous la voyons au sépulcre, de grand matin, le premier jour de la semaine (Jean 20: 1). Tout cela nous révèle son attachement pour Christ.

Que serait-elle devenue sans Lui, elle, pauvre pécheresse perdue? Il l'avait aimée d'un amour éternel, elle l'aime en retour de toute la force de son âme. Une telle affection est d'une grande valeur pour le Seigneur; aussi va-t-elle être mise à l'épreuve pour en faire ressortir la réalité.

Ce qui nous est rapporté en Jean 20: 1-18, est le récit de cette épreuve qui se répète trois fois: les deux disciples, les anges, et le Seigneur lui-même sont le moyen de manifester la réalité du dévouement de cette femme à son Seigneur; puis nous voyons comme elle fut honorée par Celui qu'elle aimait à servir.

«Le cœur de Marie de Magdala», a dit quelqu'un, «était vide de tout, sauf de la douleur d'avoir perdu celui qu'elle aimait tant». Elle était au sépulcre comme il faisait encore nuit.

Pierre et Jean, avertis par elle, y viennent et constatent que Jésus est ressuscité; mais ils retournent chez eux, laissant Marie à sa douleur. Jésus ne possédait pas entièrement leur cœur; mais Marie ne les suit point. Pour elle, le monde entier était un sépulcre vide; elle demeure là où avait été le Seigneur et y épanche son chagrin. Deux anges, assis dans le sépulcre, en sont témoins; leur présence n'effraye pas Marie, tant elle est absorbée par sa douleur; ils ne peuvent la consoler; mais l'épreuve n'est pas à son terme. Elle perçoit un mouvement derrière elle, se retourne et voit Jésus; mais elle ne savait pas que ce fût Lui; elle le prend pour le jardinier et lui dit, comme s'il devait être au fait de ce qui la préoccupait si fort: «Seigneur, si toi tu l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et moi je l'ôterai» (Jean 20: 15). L'épreuve de l'amour de Marie est enfin terminée. Le bon Berger se révèle à sa brebis et lui donne à connaître qu'il ne l'avait jamais perdue de vue, car rien ne peut altérer son amour. Ne l'a-t-il pas montré d'une façon merveilleuse en donnant sa vie pour ses brebis? car, «ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin» (Jean 13: 1).

C'est à cette source-là que le coeur de Marie de Magdala s'était désaltéré, et qu'il désire rester. Tel était le secret de son amour et de son dévouement. Le Seigneur était tout pour son coeur; c'est précisément ce qu'il cherchait et qui fut mis en évidence par cette triple épreuve. Quel enseignement pour nous, dans les temps que nous traversons!

Un vénéré serviteur de Dieu a dit:

«C'est Marie, celle qui cherchait le vivant parmi les morts, mais avec un coeur qui était à lui, un coeur attaché à sa personne, c'est elle qui est employée par le Seigneur pour communiquer aux apôtres mêmes la connaissance des privilèges les plus élevés qui appartiennent aux chrétiens. On voit clairement l'importance de ce dévouement. Ce n'est pas la connaissance qui caractérisait Marie, mais son affection l'approchait spirituellement du Seigneur, et faisait d'elle le vase propre pour communiquer ce qu'il avait, Lui, dans son coeur. Elle possédait, comme vase, cette connaissance, mais, mieux encore, elle possédait le Seigneur».

La connaissance est précieuse, sans doute; mais le trait distinctif d'un témoin de Christ, dans tous les temps, est celui que nous venons de rappeler. Que le Seigneur nous fasse la grâce de le manifester en attendant sa venue, et cela à la gloire de son saint Nom et pour la bénédiction de ses rachetés!