Bellett J.G.
ME 1910 page 351
Dans un moment où les saints de Dieu sont portés à s'occuper
de questions qui s'élèvent parmi eux, il y a surtout danger que,
l'esprit étant continuellement rempli de ces choses, la personne de Christ ne
perde sa place comme l'objet placé devant le coeur.
Le but de Satan est toujours de détourner l'âme de Christ. Il sait très bien
interposer d'autres objets et ainsi déplacer Christ et «les choses qui sont en
haut», lesquelles devraient être ce qui occupe les pensées du chrétien (Colossiens
3: 1-3). Ne pourrait-il pas souvent nous être dit, comme autrefois à l'église
d'Ephèse, dans l'Apocalypse: «Tu as abandonné ton premier amour»? La fidélité
et l'énergie ne faisaient aucunement défaut à ces chrétiens; il y avait «les oeuvres, le travail et la patience»; ils ne pouvaient
supporter les méchants; ils avaient éprouvé les prétentions de ceux qui prenaient
la place d'apôtres, et les avaient trouvés menteurs; mais, hélas! — et c'est ce
qui était fatal — ils avaient «abandonné leur premier amour». De même, nous
pouvons être on ne peut plus actifs sous beaucoup de rapports, nous pouvons
être experts dans les questions dites d'église; mais si Christ lui-même perd sa
place à Lui dans nos coeurs, il n'y a plus que
sécheresse et impuissance; et le résultat n'est qu'orgueil et bonne opinion de
soi. La véritable pierre de touche pour tout, c'est: Quelle est la pensée
de Christ à cet égard? Il survient entre chrétiens des choses qui demandent de
la patience et du support les uns pour les autres, parce que nous sommes encore
ici-bas et que nous commettons des fautes; quelquefois aussi nous ne saisissons
pas la pensée du Seigneur. Mais lorsqu'il est question de Christ, de la vérité
de sa personne, ou de son œuvre et des conséquences de son œuvre, l'Ecriture
n'admet aucun accommodement; il faut agir avec la plus grande décision: faire
un accommodement serait manquer à la loyauté qui lui est due. Mais placer des
disputes sur des questions d'église et des différences de jugement entre
chrétiens touchant des affaires personnelles au même niveau qu'une question qui
concerne Christ, ce n'est nullement Lui donner l'honneur qui Lui appartient.
Toutes les autres vérités trouvent leur place dans la mesure
où on donne à Christ sa place à lui. Prenons, par exemple, la vérité de
l'Eglise. Si nous avons devant notre pensée l'Eglise en elle-même, à part de
Celui qui est Chef «à l'assemblée qui est son corps», celle-ci devient quelque
chose dont nous pouvons tirer gloire; c'est réellement une manière de nous
exalter nous-mêmes. Si, au contraire, nous sommes occupés de ce qu'est l'Eglise
pour Christ — de toute l'Eglise de Dieu et de la grâce infinie et
souveraine que Christ a manifestée en mettant son affection en elle, cet amour
qui est la cause, la source de son service constant pour la laver et la
purifier par l'eau de la Parole, afin de se la présenter à lui-même glorieuse, n'ayant
ni tache, ni ride, ni rien de semblable, — alors le cœur, sorti de lui-même,
est amené à contempler ce qu'est Christ et le caractère merveilleux de son
amour à Lui; et en présence de cet amour, nous apprenons à connaître notre
néant absolu.
Parlons du service. Nous pouvons être occupés et actifs dans
le service, qui est vraiment une bonne chose à sa place; mais si la pensée de
Christ n'est pas vivante dans notre coeur, le service
devient une affaire de routine, ou même un moyen par lequel nous aimons à nous
accréditer nous-mêmes; c'est notre service à nous, notre oeuvre
à nous.
Parlons de l'étude de la parole de Dieu, qui est assurément
pour nous de la plus haute importance. Si l'on s'en occupe d'une manière tout
intellectuelle, elle devient sèche et sans puissance; c'est alors une étude qui
plaît à l'intelligence et nous conduit à nous vanter de ce que nous avons plus
de connaissance que d'autres. Mais si l'on cherche et trouve Christ dans la
Parole; si l'on est diligent à se faire un fonds des précieuses vérités qu'elle
présente au coeur concernant Christ dans toutes ses
relations diverses, non seulement avec nous, mais aussi avec Israël dans un
jour à venir, si l'on est diligent à apprendre ce qui Lui est agréable, — alors
l'âme trouve de la nourriture, et en présence de sa grâce, on sent combien peu
on Lui ressemble; ainsi, lorsqu'on est délivré du moi, Christ devient plus
pleinement et d'une manière plus vivante l'objet de l'âme.
Parlons de la vérité de la venue du Seigneur. Si les
affections du cœur pour Christ ne sont pas réellement en exercice, cette
vérité, quelque bénie qu'elle soit, devient une doctrine, une théorie sèche,
qui ne produit aucun effet pratique dans la vie et la marche du chrétien. C'est
seulement lorsque Celui qui vient est placé d'une manière vivante devant
le coeur que, l'entendant dire: «Je viens bientôt»,
l'âme répond aussitôt: «Amen, viens, Seigneur Jésus!» A moins que les
affections du coeur ne soient fixées sur Lui, la main
ne sera pas sur le loquet de la porte pour lui ouvrir aussitôt.
Parlons encore du Culte. Si Christ, dans toute la gloire de
sa personne comme Fils éternel du Père, et néanmoins l'homme Christ Jésus, plein
de grâce et de vérité, Lui, l'expression parfaite de tout ce qui était dans le cœur
du Père, révélé dans un monde de péché et de pécheurs, si Lui est devant l'âme,
— il y aura nécessairement dans la contemplation de sa personne un tel
sentiment, une telle jouissance de tout ce qu'Il est, que le cœur ne pourra que
déborder et se répandre en adoration, en louanges et en actions de grâce devant
Lui et devant le Père qui l'a envoyé. Le Saint Esprit a d'ailleurs été donné
dans le but exprès de glorifier Christ, d'amener l'âme du chrétien par ce qu'il
trouve dans les pages de la Parole inspirée, à mieux comprendre toute la gloire
de notre Seigneur Jésus Christ, non seulement en tant que Fils divin et
éternel, la Parole, le vrai Dieu avant les temps des siècles, mais en tant que
la Parole devenue chair, le Fils de l'homme humble, obéissant, ici-bas. Est-il
rien de comparable à Christ? Et toute vérité concernant sa personne et
concernant lui-même n'est-elle pas pour le chrétien incomparablement plus
importante que toute autre considération? Considérez ce qui Lui appartient, non
seulement dans sa propre gloire particulière et personnelle comme le Fils qui a
toujours été dans le sein du Père, lui, la vie qui était la lumière des hommes,
l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, le Messie Roi d'Israël, le Fils de
l'homme qui doit être établi sur toutes les œuvres des mains de Dieu; ou
bien, en rapport avec ses gloires relatives, comme notre Souverain
Sacrificateur, portant toujours les siens sur son cœur et sur ses épaules,
suivant la valeur de Sa personne devant Dieu, ou bien comme notre Avocat, si
nous avons manqué, lui le Juste, toujours en la présence du Père pour restaurer
l'âme par l'application de la Parole, pour laver nos pieds dans son service
plein de tendresse et de grâce pour son peuple. C'est ainsi que le service béni
du Saint Esprit consiste à faire briller dans chaque page de la Parole divine
quelque rayon nouveau de la gloire et de la perfection de Jésus, de sorte que
le coeur soit non seulement captivé tout entier par
Lui comme étant le Sauveur, mais qu'il soit tiré ici-bas après Lui, trouvant
ses délices en Lui, comme ce fut vraiment le cas pour le prophète inspiré de
Patmos, lorsque le nom et les diverses gloires qui sont associées et liées à la
personne de Jésus Christ passaient successivement devant lui, — et outre tout
cela notre relation particulière avec cette Personne bénie qui nous aime et
nous a lavés de nos péchés dans son sang. L'âme qui trouve ainsi ses délices en
Jésus exprime son adoration: «A Lui la gloire et la force aux siècles des
siècles! Amen».
Cette contemplation de Christ attendrirait nos coeurs et ferait disparaître tout égoïsme et toute raideur
dans nos relations les uns avec les autres, parce qu'elle nous occuperait de ce
que les saints sont pour Christ, plutôt que de leurs manquements et de
leurs imperfections. Elle nous rendrait jaloux et soigneux, lorsqu'il serait
question de la vérité et de la gloire de Christ, mais patients, comme lui-même
était patient avec ses disciples dans leurs errements. Voyez dans quel esprit
de grâce, lequel en effet reflétait celui du Seigneur lui-même, l'apôtre Paul
s'adresse à l'assemblée de Corinthe, tandis qu'il leur écrit en même temps: «Je
vous ai écrit dans une grande affliction et avec serrement de coeur, avec beaucoup de larmes», leur disant d'ôter le mal
sérieux qu'ils avaient laissé subsister au milieu d'eux. Voyez aussi comment il
parle aux assemblées de la Galatie, pour lesquelles la question était vraiment
d'une importance vitale. Il doit leur dire: «Je crains quant à vous»; «Je suis
en perplexité à votre sujet». Néanmoins, il ne peut supporter la pensée qu'ils
abandonnassent ainsi la vérité, et il ajoute: «J'ai confiance à votre égard,
par le Seigneur», etc. Un esprit de juge sévère et rigide n'est point l'esprit
de Christ; il flétrit les affections, dessèche l'âme; il engendre l'orgueil qui
ne veut pas plier; il révèle le manque de cet amour et de cette sollicitude
pour les plus faibles même des brebis du bon Berger, lequel serait assurément
selon la pensée et l'exemple de Christ. S'il a lavé nos pieds, nous devons nous
laver les pieds les uns aux autres, car il nous en a lui-même donné l'exemple.
Frères, pesons ces choses, car nous en avons besoin; supportons et ayons patience; ne cessons jamais de nous porter les uns les autres sur nos coeurs en prière, et rappelons-nous constamment ce que Christ est pour les siens et ce que les siens sont pour Lui.