Le commandement nouveau

Porret-Bolens L.

ME 1910 page 367

 

«Je vous donne un commandement nouveau, que vous vous aimiez l'un l'autre; comme je vous ai aimés, que vous aussi vous vous aimiez l'un l'autre. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour entre vous» (Jean 13: 34, 35).

L'évangile selon Jean place devant nous la personne du Fils de Dieu, la Parole éternelle qui «devint chair et habita au milieu de nous, pleine de grâce et de vérité» (Jean 1: 14). Comme nous l'apprenons, «la loi a été donnée par Moïse; la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ» (verset 17).

Ces deux choses se manifestent du commencement à la fin de cet évangile, dans la personne du Fils de Dieu. Au chapitre 13: 21-30, nous le voyons, la veille même de sa mort, donner à Judas un dernier témoignage de sa grâce en lui présentant le morceau trempé; mais, au lieu de laisser pénétrer cette grâce en son coeur, dans ce moment même, il cède la place à Satan dont il est la victime.

Ayant reçu Jésus par la foi, les onze, objets de sa grâce, avaient reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce (Jean 1: 16). L'auteur de cet évangile, conscient d'une façon intime de l'amour de Christ pour lui, se nomme «le disciple que Jésus aimait»; et, lors de la dernière Pâque, il se trouve à table dans le sein même du Sauveur. Précieuse et heureuse liberté que la jouissance de l'amour de Christ lui octroyait!

C'est dans ces circonstances, après que Judas fut sorti, que Jésus, se plaçant, pour ainsi dire, au-delà de la croix, donna aux disciples :

un commandement nouveau.

Il allait les laisser ici-bas comme ses témoins, les témoins de sa grâce; et il vient, pour ainsi dire, dans les versets cités en tête de ces lignes, leur tracer le chemin.

Nous pouvons remarquer trois choses dans ce passage:

1.    Le commandement lui-même.

2.    Le modèle et la mesure placés devant nous dans la personne de Christ.

3.    L'effet produit dans le monde par l'accomplissement de la volonté du Seigneur.

Nous trouvons, dans la première épître de Jean, des développements importants relatifs à ce sujet. Deux choses, intimement unies entre elles, sont placées d'emblée devant nous: la communion dans laquelle le croyant est placé avec le Père et son Fils Jésus Christ (chapitre 1) et les rapports dans lesquels nous nous trouvons avec ceux qui sont rendus participants de la même vie que nous-mêmes (chapitre 2). La réalisation de la première de ces choses influe inévitablement sur la seconde. Il est à remarquer que la première épître de Jean — comme celles de Jacques et de Pierre — est toute pratique, mettant à néant toute fausse prétention. La preuve que l'on connaît Christ — et le connaître selon cette épître, c'est être rendu participant de sa vie — se montre dans la conduite: «Et par ceci nous savons que nous le connaissons, savoir si nous gardons ses commandements» (1 Jean 2: 3).

Ensuite, il est question d'un commandement. Celui-ci prime tous les autres et résume toute la loi (Romains 13: 8-10): «Bien-aimés, je ne vous écris pas un commandement nouveau, mais un commandement ancien que vous avez eu dès le commencement» (1 Jean 2: 7). Ce commandement ancien, c'était l'amour en Christ, manifesté lorsqu'il était ici-bas. Mais le commandement est nouveau dans le sens que nous possédons maintenant la vie éternelle en Christ.

L'évangile de Jean nous présente cette vie en Christ lui-même; nous le voyons dès les premiers versets, et au chapitre 20, nous lisons: «Ces choses sont écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie par son nom» (verset 31). La vie en nous est le sujet de la première épître de Jean: «Ce qui est vrai en lui et en vous». La vie que le croyant possède est celle de Christ lui-même, et ses effets sont identiques. Nous l'avons remarqué: deux choses découlent de la possession de cette vie: la communion avec le Père et le Fils, en premier lieu, et l'amour pour les frères. Il y a d'autres preuves encore, comme nous le verrons; mais celles-ci viennent tout d'abord dans l'épître.

Les croyants, rendus participants de cette nouvelle vie par la Parole de la vérité, sont invités à s'aimer les uns les autres ardemment d'un coeur pur (1 Pierre 1: 22). N'est-ce pas le besoin d'une âme régénérée?

1.     L'apôtre Jean nous rappelle tout d'abord que c'est une manifestation, pour ainsi dire, toute naturelle de la vie dont nous avons été faits participants: «Bien-aimés, aimons-nous l'un l'autre, car l'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour» (1 Jean 4: 7, 8).

2.     La chose est présentée comme un devoir qui nous incombe: «Bien-aimés, si Dieu nous aima ainsi» — et il nous le rappelle dans ce qui précède — «nous aussi nous devons nous aimer l'un l'autre» (1 Jean 4: 11).

3.     Il y a un commandement positif à cet égard: «Et nous avons ce commandement de sa part, que celui qui aime Dieu, aime aussi son frère» (1 Jean 4: 21).

Avec la pratique de la justice et le don du Saint Esprit, l'amour donc est la preuve de l'existence de la vie divine en nous (1 Jean 3: 7-12, 24). «Celui qui aime son frère demeure dans la lumière» — l'amour et la lumière vont ensemble — «et il n'y a point en lui d'occasion de chute. Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres, et il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux» (1 Jean 2: 10, 11). Combien cela est solennel! En agissant au mépris du commandement du Seigneur — rappelé, comme nous le verrons encore, dans l'épître — nous affirmons, en quelque sorte, par notre conduite, que nous sommes étrangers à la vie et à la famille du Père, et que nous nous trouvons encore dans la condition de l'homme en Adam. Souvenons-nous-en: s'il y a dans nos coeurs, à l'égard de nos frères, de l'animosité, en un mot, autre chose que l'amour, «les ténèbres ont aveuglé nos yeux». Au surplus, la preuve que nous possédons nous-mêmes de l'existence de la vie en nous, n'est-elle pas dans l'amour pour nos frères? «Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères; celui qui n'aime pas son frère demeure dans la mort» (1 Jean 3: 14).

Si nous croyons au Seigneur Jésus, nous avons obéi à l'Evangile, la vie nous a été donnée, nous possédons Christ comme l'objet de cette vie, et nous ne prendrions pas à cœur le commandement du Seigneur rappelé dans cette épître? «Et c'est ici son commandement, que nous croyions au nom de son Fils Jésus Christ, et que nous nous aimions l'un l'autre, selon qu'il nous en a donné le commandement» (1 Jean 3: 23).

Dans le passage de Jean 13: 34, 35, se trouve non seulement le commandement nouveau, mais aussi:

le modèle et la mesure

de ce commandement, placés devant nous dans la personne de Christ.

Pour en revenir à la première épître de Jean, nous remarquerons que, dans le chapitre 1, nous avons la communion avec le Père et le Fils, comme résultat de la vie éternelle en nous. Au commencement du second, le fruit de cette vie dans la manifestation de l'amour pour nos frères, et le troisième chapitre nous fait connaître le modèle parfait de cette vie dans la personne de Christ.

Nous l'avons observé, la pratique de la justice et l'amour pour les frères sont les preuves de l'existence de la vie de Dieu dans l'âme; l'une ne peut aller sans l'autre; toutefois nous voyons que l'amour a une place plus étendue dans les développements qui suivent, comme aussi le commandement nouveau prime, en quelque sorte, tous les autres; de là, son importance particulière.

Nous ne pouvons connaître ce qu'est l'amour en regardant à nous, mais en considérant Christ: «Par ceci nous avons connu l'amour, c'est qu'il a laissé sa vie pour nous». Dans le même passage, l'amour de Christ nous est présenté comme modèle: «Et nous, nous devons laisser nos vies pour les frères» (1 Jean 3: 16). Telle est aussi la mesure du dévouement: «Personne n'a un plus grand amour que celui-ci, qu'il laisse sa vie pour ses amis» (Jean 15: 13). Une telle manifestation d'amour pour autrui est exceptionnelle, sans doute; mais nous pouvons l'exprimer dans les détails de notre vie de chaque jour: «Celui qui a les biens de ce monde, et qui voit son frère dans le besoin, et qui lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui?» (1 Jean 3: 17).

Il importe que l'amour soit sincère — il s'accompagne toujours de la vérité — et qu'il ne soit pas en parole seulement, «mais en action et en vérité» (1 Jean 3: 18). Il est à remarquer que c'est en démontrant notre amour dans la pratique que nous saurons que nous sommes de la vérité et que nous assurerons nos coeurs devant lui. Heureux effets! Au reste, l'amour ne se démontre que par des faits. C'est à la croix que j'ai appris à connaître l'amour de Christ pour moi; et s'il s'agit de la manifestation de l'amour de Christ dans le présent et dans l'avenir, c'est encore dans des faits que j'apprends à le connaître. Un passage remarquable de l'épître aux Ephésiens, nous parlant de l'amour de Christ pour l'Assemblée, place trois faits devant nous (Ephésiens 5: 25-27).

Dans ces versets, l'amour de Christ pour l'Assemblée est présenté comme modèle au mari chrétien: «Maris, aimez vos propres femmes, comme aussi le Christ a aimé l'assemblée et s'est livré lui-même pour elle». Observons-le, non seulement Christ a mis sa vie en rançon pour nous sur la croix, mais il s'est «livré lui-même», est-il écrit. C'est en quelque sorte le sacrifice de sa personne tout entière, qu'il fait dans son amour. N'en avons-nous pas la preuve dans ce qu'il fait et ce qu'il fera en faveur des siens? (Jean 13: 1; 14: 3). Quelle activité dans l'amour de Christ envers nous! Et n'est-ce pas le parfait modèle placé ainsi devant chacun de nous?

Si nous avions la personne de Christ, plus souvent devant nous comme l'objet habituel de nos âmes, de la nouvelle vie que nous possédons, nous le considérerions inévitablement plus souvent aussi comme notre modèle, car les deux choses sont inséparables. Mais à quelle distance nous nous trouvons encore de la mesure placée devant nous!

En prenant à cœur le commandement du Seigneur pour le réaliser,

des effets se produiront

dans ce monde, à la gloire de Celui qui nous a sauvés. Il fut ici-bas le témoin fidèle, il révéla le Père, fit connaître Dieu: «Personne ne vit jamais Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître» (Jean 1: 18). Et maintenant, il a laissé «les siens» sur la scène pour le représenter: «Personne ne vit jamais Dieu, si nous nous aimons l'un l'autre, Dieu demeure en nous, et son amour est consommé en nous» (1 Jean 4: 12). Et n'a-t-il pas dit: «A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour entre vous»? (Jean 13: 35).

Au commencement de la dispensation chrétienne, les croyants réalisèrent d'une façon admirable le commandement du Seigneur. Nous lisons qu'«ils persévéraient dans la doctrine et la communion des apôtres, dans la fraction du pain et les prières… Et tous les croyants étaient en un même lieu, et ils avaient toutes choses communes; et ils vendaient leurs possessions et leurs biens, et les distribuaient à tous, selon que quelqu'un pouvait en avoir besoin. Et tous les jours, ils persévéraient d'un commun accord dans le temple; et, rompant le pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, louant Dieu, et ayant la faveur de tout le peuple» (Actes des Apôtres 2: 42-47). «Et la multitude de ceux qui avaient cru était un coeur et une âme; et nul ne disait d'aucune des choses qu'il possédait, qu'elle fût à lui; mais toutes choses étaient communes entre eux… et une grande grâce était sur eux tous», (Actes des Apôtres 4: 32, 33).

Nous ne rappelons pas cela dans le but de favoriser un communisme mondain, de mauvais aloi, fruit de l'égoïsme de l'homme, mais pour faire ressortir, au contraire, l'amour ardent qui existait alors parmi les premiers chrétiens.

Ne reconnaissait-on pas dans ces croyants des disciples de Celui qui nous a aimés, et qui a manifesté ici-bas la grâce et la vérité? Ils répondaient ainsi à la pensée du Seigneur, et un témoignage puissant lui était rendu parmi la génération tortue et perverse d'Israël.

Que le souhait du bienheureux apôtre aux Thessaloniciens, se réalise aussi envers nous, pour la gloire de Christ, dans ces derniers et mauvais jours: «Et quant à vous, que le Seigneur vous fasse abonder et surabonder en amour les uns envers les autres et envers tous, comme nous aussi envers vous, pour affermir vos coeurs sans reproche en sainteté devant notre Dieu et Père à la venue du Seigneur Jésus avec tous ses saints» (1 Thessaloniciens 3: 12, 13).

 

Tu nous aimes, Seigneur, comme t'aime le Père;

Ton amour tout puissant couvre notre misère,

Et soutient notre faible cœur.

Tu l'as offert, Jésus, le sang qui purifie;

Oui, par amour pour nous, tu quittas cette vie,

Que, par amour, tu pris, Seigneur!

 

Et près de la quitter, à cette heure suprême,

Tu nous dis: Aimez-vous, comme moi je vous aime.

Donne-nous d'aimer comme toi!

Afin que, dans les tiens, le monde reconnaisse

Ta vie et ton amour, accorde-nous sans cesse

De te contempler par la foi!