Extrait d'une ancienne lettre

ME 1910 page 417

 

Bien-aimé frère,

 

Tu me demandes si je me suis plu au milieu de vous. Je puis te répondre qu'en général j'y ai été rafraîchi et béni. J'ai surtout été réjoui de la franchise réciproque que j'ai constatée parmi vous. C'est une belle chose, que de pouvoir lire dans le cœur les uns des autres. Le caractère de nos relations fraternelles l'exige, sans parler de liens encore plus intimes qui nous ont unis en Christ. Je t'avoue que je me sens toujours à l'étroit, quand des frères sont réservés et froids, que l'un a peur de l'autre, ou qu'il se tait de peur de ne pas savoir s'exprimer assez correctement. Cela fait peine, et n'est certes pas selon la sagesse d'en haut, dont Jacques nous parle. J'estime que ce sont des coeurs aimants qui devraient se rencontrer et non pas seulement des regards aimables. Du reste, que celui qui n'aime pas à se montrer, se demande si c'est peut-être parce qu'il craint la lumière. Cela ne veut pas dire que celui qui porte, comme on dit, son coeur sur sa langue, et parle sans réflexion ne mérite pas d'être appelé superficiel et léger.

En ce qui concerne la coutume de s'exprimer ouvertement les uns vis-à-vis des autres, elle peut certainement être une source de grande bénédiction, si la chose a lieu dans un bon esprit. Mais il faut veiller à cela. Quand l'esprit de jugement des autres prévaut, cela ne manque pas de causer beaucoup de maux. Que celui qui a cet esprit, commence par penser à la poutre dans son propre œil. Tant qu'elle existe, nous ne voyons pas assez clairement pour être capables d'ôter le fétu de l'œil de notre frère. Quand, en outre, c'est avec une certaine satisfaction que l'on cherche à relever les fautes d'autrui, il est en effet démontré que le cœur se trouve dans un triste état. Ce ne peut être l'Esprit de Christ; car cet Esprit se manifeste en amour, en grâce et en douceur. C'est ainsi qu'Il agit et a toujours agi envers les siens, et tout d'abord envers les plus faibles, car ils en ont le plus besoin. Il nous convient donc certainement à nous, qui Lui appartenons et qui possédons son Esprit, de ne pas avoir une autre pensée.

Qu'est-ce qui pourrait du reste corriger un frère qui faillit, sinon l'amour? Par quoi pourra-t-il être gagné, si ce n'est par l'esprit de douceur et de grâce? Jamais, quand un frère en défaut est exhorté par un autre, il ne devrait avoir la pensée de se trouver devant un juge. Il faut qu'il sente que c'est un bien-aimé frère qui l'exhorte, un frère qui l'aime. Si, en nous occupant de fautes d'autrui, nous ne sommes pas conduits uniquement par l'amour pour les âmes et par le soin de la gloire de Dieu, nous serons incapables d'un tel service. Ce n'est que l'amour pour le Seigneur et pour les siens, qui doit être le mobile béni de nos actions. Sans amour, rien n'a de valeur devant Dieu. C'est pour cela que son amour est versé dans nos cœurs par le Saint Esprit; aussi l'apôtre Pierre nous adresse-t-il cette exhortation touchante: «Aimez-vous l'un l'autre ardemment d'un coeur pur». Nous en serons d'autant plus capables, que nous contemplerons davantage l'amour parfait de Celui qui, par son propre sang, nous a lavés de nos péchés, nous porte continuellement sur son cœur, et prend soin de nous avec un amour parfait. Plus nous avancerons dans la connaissance et la jouissance de cet amour, plus nos cœurs s'élargiront dans l'affection envers les autres. Son amour est l'unique source et le seul digne modèle du nôtre. Oh! que nos cœurs soient remplis du désir de puiser à cette source et de contempler le Seigneur.

En terminant, je voudrais, cher frère, toucher encore, en quelques mots, une chose, qui ne m'a pas fait bonne impression; je sais que tu recevras ma remarque en amour, si je m'exprime ouvertement à ce sujet. Il m'a semblé que, dans vos entretiens, les cœurs n'étaient pas assez pénétrés du sentiment de la présence du Seigneur. J'en ai été spécialement frappé avant et après la réunion du dimanche matin. Presque sur tous les visages de ceux qui entraient, on pouvait lire facilement qu'ils n'étaient pas remplis de la pensée: Je viens au lieu où Jésus et les siens sont rassemblés. De même la conduite et les entretiens de quelques-uns, avant la réunion, laissaient deviner que la pensée du sérieux de cette heure ne dominait pas dans leurs cœurs. Il en était de même après que la réunion eut pris fin. On aurait dit que ce qui avait touché les cœurs, quelques instants auparavant, avait soudain disparu. La conduite et les entretiens portaient un caractère plus ou moins mondain; on aurait pu se croire transplanté dans un tout autre entourage et nullement dans une assemblée qui sortait de la présence du Seigneur. Je rejette certainement tout légalisme et tout ce qui est artificiel et forcé, mais il nous convient d'avoir toujours l'attitude qui répond à la présence du Seigneur, lui est agréable, et cela tout particulièrement quand nous nous rassemblons autour de Lui et de sa Parole. Si nous professons nous réunir au nom de Jésus, en dehors de toutes les formes et organisations humaines, nous attendant a sa présence pour toute bénédiction, nous devons aussi prouver que la conscience de cette présence nous remplit d'un sérieux qui est en rapport avec elle. Autrement la connaissance de cette vérité bénie n'aura pas de valeur pour nous et tournera à notre détriment et à Son déshonneur.

Je sais, cher frère, que votre désir à tous est de plaire au Seigneur en tout point, et c'est pourquoi je suis assuré, que ces lignes te donneront l'occasion, ainsi qu'aux autres frères, de réfléchir sur ce point et de le prendre à cœur. Que la grâce du Seigneur soit avec vous tous et vous conduise en toute chose.