Jean
12: 1-8
Porret-Bolens L.
ME 1910 page 428
La scène, rappelée dans le passage ci-dessus, illustre,
d'une manière frappante, en Lazare, Marthe et Marie, trois caractères de la vie
du chrétien sur la terre. Celui qui forme le centre de ce merveilleux tableau,
c'est le Seigneur Jésus, le Fils de Dieu, au moment où, après avoir donné le
témoignage le plus éclatant de sa divinité, il est à la veille d'être crucifié.
Quel moment solennel que celui-là! L'orage est prêt à se déchaîner, mais la
scène intime que nous révèle ce passage respire la paix la plus parfaite.
Comment n'en serait-il pas ainsi, quand les coeurs, à
l'unisson, sont uniquement occupés de Jésus, l'objet de leur commune affection?
Rejeté de Jérusalem par les chefs de son peuple, il honore de sa présence ceux
qui l'ont honoré en le recevant comme le Messie promis; et ceux-ci ont le
privilège de manifester, en de telles circonstances, le prix infini que sa
personne a pour eux: chacun, à sa manière, ils lui expriment tous l'amour dont
leur coeur est rempli.
Dans ce lieu, témoin de la manifestation
de la grâce et de la puissance du Fils de Dieu, on lui fait un souper. Le
Sauveur, à la veille de sa mort, a institué un souper — la Cène — à l'intention
des siens; il leur a laissé pour le temps de son absence un mémorial de sa
mort, de son amour pour eux, de manière à encourager et à réjouir leurs coeurs. Mais ici, ce sont ses bien-aimés, loin de la cité
«qui tue les prophètes et lapide ceux qui lui sont envoyés», qui font un souper
à son intention. Dans les circonstances présentes, combien cette manifestation
de l'amour des siens dut être sensible au coeur de
Christ! Remarquons-le: celui qui en est l'objet, le moment, le lieu, tout est
caractéristique et surtout les personnes — Lazare, Marthe et Marie —
mentionnées dans le récit. Elles illustrent, nous semble-t-il, trois caractères
de la vie chrétienne importants à considérer. Le premier, personnifié en
Lazare, est:
la communion.
Béthanie est le lieu, avons-nous dit, où le Sauveur
manifesta sa gloire divine pour la dernière fois, en faisant sortir Lazare du
tombeau. Celui-ci est un témoin vivant de la grâce et de la puissance de Christ
en ce lieu: «Lazare, le mort, que Jésus ressuscita d'entre les morts», est à
table avec Jésus. Quelle image frappante de la condition du croyant,
rendu participant de la vie de Christ! Il est amené, par le fait d'être né de
Dieu et rendu participant du Saint Esprit, dans la communion du Fils de Dieu et
dans la communion avec le Père (1 Corinthiens 1: 9; 1 Jean 1: 3). Il en résulte
pour lui une joie accomplie. La joie procurée par le pardon, est une chose,
celle qui découle de la communion en est une autre (Psaumes 32: 1). Tous les
croyants connaissent la première; il n'en est malheureusement pas de même de la
seconde, que plusieurs semblent ignorer; et le plus souvent nous ne la
réalisons que bien imparfaitement. Il y a, pour ainsi dire, deux liens dans la
vie chrétienne: le lien de la vie éternelle est indestructible (Jean 10: 28),
mais le lien de la communion est si fragile qu'il peut être rompu à chaque
instant par manque de vigilance: une mauvaise pensée non jugée suffit pour nous
la faire perdre. Aussi ne négligeons pas les moyens qui sont mis à notre
disposition pour le maintien de notre communion avec le Seigneur. Ce sont la
parole de Dieu et la prière, choses souvent mentionnées ensemble (voir Luc
10: 38-42; 11: 1-13). Le Seigneur a soin de les rappeler à ses bien-aimés, avec
les effets qui en résultent, en leur donnant les consolations dont leurs coeurs avaient besoin pour le temps de son absence. Il leur
dit: «Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera,
et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui» (Jean 14: 23).
«Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi
j'ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous
ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit
accomplie» (Jean 15: 10, 11). Quant à la seconde, nous lisons ceci: «En vérité,
en vérité, je vous dis, que toutes les choses que vous demanderez au
Père en mon nom, il vous les donnera. Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé
en mon nom; demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit accomplie» (Jean
16: 23, 24).
Le cœur de Christ le porte sans cesse auprès des siens qu'il
a laissés dans ce monde: nous en avons une image dans le récit qui nous occupe.
Il a dit: «Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au
milieu d'eux» (Matthieu 18: 20). «Et voici, moi je suis avec vous tous les
jours, jusqu'à la consommation du siècle» (Matthieu 28: 20). Puisse notre cœur répondre
à son amour en réalisant ce qu'Il est pour nous; en jouissant de sa communion!
Lazare à table avec Jésus — «le mort, que Jésus avait ressuscité d'entre les
morts» — en est un touchant exemple. Sa personne parle de vie, et sa place à
table, de communion, le souper étant un emblème connu de la chose. Quelle joie
pour le coeur de Christ qui veut avoir aussi près de
lui que possible les objets de son tendre amour! et quelle plénitude de
bénédictions pour nous! Rien de surprenant si notre état pratique est
languissant, en négligeant de prendre la place que le Seigneur nous donne. Disons
à Celui duquel nous nous écartons si facilement:
«Oh ! Seigneur, garde-moi près de Toi! toujours plus
près de Toi!»
Nous passons au second caractère
de la vie chrétienne :
le
service
symbolisé par Marthe. Si la communion
résulte du fait que nous avons la vie et le Saint Esprit, le vrai service pour
le Seigneur découle de la communion; et l'objet de la communion et du service
est Christ lui-même. Marthe servait le Seigneur, à l'intention duquel le
souper avait été fait. C'est ce qui la distingue ici, et en Luc 10: 38-42; mais
elle a appris à servir comme il convient. En premier lieu, lorsqu'elle reçut
Jésus dans sa maison, son service pour lui était tellement l'objet de ses
préoccupations, qu'il se plaçait, en quelque sorte, entre elle et l'hôte divin
qu'elle venait de recevoir, de façon à la priver de la bénédiction que celui-ci
apportait. Marie, sa soeur, ne fait pas ainsi; elle
choisit la bonne part en honorant le Seigneur de la manière la plus excellente.
Aussi a-t-elle son approbation. Mais Marthe a profité de la leçon et sert ici
le Seigneur d'une façon conforme à ses pensées. Aussi, aucun reproche ne lui
est-il adressé. Son coeur veut se dévouer librement
en faveur de Celui qui est l'objet de son affection. C'est ainsi qu'elle
éprouve le besoin de la lui témoigner. Elle a appris à le connaître plus
intimement, à la suite des circonstances rapportées au chapitre précédent. Sa
manière de faire nous donne un enseignement que nous ne sommes que trop portés
à oublier.
Le Seigneur accorde à ses rachetés le privilège de le servir
maintenant dans le déploiement de toute leur activité dans ce monde. Lui-même
doit être l'objet de notre coeur et partant de tout
notre service; c'est là ce qui ennoblit le devoir le plus infime et apporte à
l'âme qui l'accomplit l'encouragement le plus grand. Mais veillons à ce que
notre activité soit le fruit de notre communion avec Christ; elle n'a de valeur
pour lui qu'à ce compte-là. Ce n'est pas un service consistant dans
l'accomplissement de choses grandes aux yeux des hommes, et auquel s'emploient
une classe particulière de croyants. Non. C'est la part de tous, jeunes ou
âgés: nous avons «été créés dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres que
Dieu a préparées à l'avance, afin que nous marchions en elles» (Ephésiens 2: 10).
Nous trouvons ces œuvres-là dans le chemin de l'obéissance à la volonté de
Dieu, tous les jours de notre pèlerinage dans ce monde. La vie chrétienne est
faite de petites choses, dans l'accomplissement desquelles nous avons à être
fidèles. Par contre, il y a des services particuliers, selon le don qu'un
croyant peut avoir reçu: l'un peut prêcher l'Evangile, un autre édifier les
saints; mais tous, jusqu'au plus obscur racheté, sont appelés à mettre leur vie
au service du Seigneur, auquel nous appartenons. Nous en avons un touchant
exemple dans le cas des esclaves, auxquels sont adressées les exhortations de Colossiens
3: 22-25. Vu l'importance du passage, nous le citerons en entier: «Esclaves,
obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, ne servant pas sous
leurs yeux seulement, comme voulant plaire aux hommes, mais en simplicité de cœur,
craignant le Seigneur. Quoi que vous fassiez, faites-le de cœur, comme pour le
Seigneur et non pour les hommes, sachant que du Seigneur vous recevrez la
récompense de l'héritage: vous servez le Seigneur Christ. Car celui qui
agit injustement recevra ce qu'il aura fait injustement; et il n'y a pas
d'acception de personnes».
S'il y a une condition dans laquelle l'homme ici-bas soit
placé, qui soit de nature à mettre un empêchement à servir le Seigneur, c'est
certes celle d'esclave. Eh bien! il est rappelé à ceux-ci qu'ils servent le
Seigneur Christ. C'est aux esclaves que le Saint Esprit adresse les
exhortations les plus étendues et les plus encourageantes. C'est à eux qu'il
est fait mention de la récompense de l'héritage, remarquons-le. La récompense
est rappelée pour stimuler, au sein des difficultés, ceux qui sont engagés dans
le service par amour pour leur Maître et par obéissance à sa volonté. La
récompense est le fruit de la fidélité, de quelque nature qu'ait été le devoir
accompli. Il est rappelé aussi aux maîtres chrétiens qu'ils ont un maître dans
les cieux qu'ils ont le privilège de servir, en accordant même à leurs esclaves
ce qui est juste et équitable. On le voit, la vie entière du croyant dans tous
ses détails est un continuel service pour le Seigneur. En somme, nous sommes
exhortés «par les compassions de Dieu, à présenter nos corps en sacrifice
vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est notre service intelligent» (Romains
12: 1). «Si quelqu'un sert, qu'il serve comme par la force que Dieu fournit,
afin qu'en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus Christ, à qui est la
gloire et la puissance, aux siècles des siècles! Amen» (1 Pierre 4: 11).
Nous passerons, pour terminer, à
la troisième chose caractérisant la vie chrétienne dans ce monde, nous voulons
parler de:
l'adoration
la partie la plus élevée du service
chrétien et qui se réalisera d'une manière parfaite par les rachetés, dans la
gloire céleste. L'objet de l'adoration, comme celui du service, est Christ
lui-même et le Père auquel nous avons été amenés; et elle découle, comme le
premier, de la communion avec le Seigneur. Si le besoin du croyant, dirigé par
l'Esprit de Dieu, est de servir sans cesse, il éprouvera aussi le besoin, non
moins pressant, de lui offrir directement ce qui lui est si justement dû: le
parfum de l'adoration.
Dans la scène placée devant nous, l'adoration occupe la
place la plus importante, au rebours de celle que nous sommes portés à lui
accorder. On fera parfois une large part à l'évangélisation ou au service —
choses bien importantes sans doute — et l'on reléguera peut-être l'adoration à
l'arrière-plan. Une note discordante se fait entendre: Judas disqualifie tristement
l'acte de Marie, en venant jeter sur elle le blâme le plus ingrat. Mais le
Seigneur a soin de faire ressortir la valeur d'un tel acte, accompli en vue de
lui-même, dans les circonstances où il se trouvait.
L'adoration suppose l'intelligence des pensées de Dieu
relativement à la personne de Christ, intelligence acquise graduellement par la
parole de Dieu, nourriture de l'âme régénérée (1 Pierre 2: 1, 2). L'apôtre
Pierre invite les croyants à désirer ardemment, comme des enfants nouveau-nés,
le pur lait intellectuel, afin de croître par lui à salut. Si cela a eu lieu,
le racheté, participant de la vie de Christ, s'approche de lui comme d'une
pierre vivante de la maison de Dieu, et réalise aussi la sainte sacrificature à
laquelle il est appelé, en offrant des sacrifices spirituels, agréables à Dieu
par Jésus Christ (1 Pierre 2: 4, 5).
Marie a goûté que le Seigneur est bon et a appris de lui, à
ses pieds (Luc 10: 38-42). Mûrie par l'épreuve, elle a une intelligence plus
grande de la personne de Christ et des circonstances du moment. Son affection
pour lui augmente à mesure que la haine des chefs religieux augmente, et elle
l'exprime dans un acte dont Jésus seul comprend la portée. Quelqu'un l'a
remarqué: C'est la seule fois que le Sauveur fut compris par les siens,
lorsqu'il était ici-bas: Marie comprend, non seulement la solennité du moment,
mais elle a connaissance de l'auguste personne dont on faisait si peu de cas. Elle
tient à honorer dignement le Fils de Dieu, son Sauveur, en lui consacrant ce
qu'elle a de plus précieux; et elle fait cela avec toute la dignité requise.
Elle a pris une livre de parfum de nard pur, de grand prix, pour oindre
les pieds de Jésus, et elle les essuie avec ses cheveux. De quelle valeur fut
un tel acte — unique en son genre — pour le cœur de Christ, en ce moment-là!
Nous avons là l'expression de l'attachement le plus grand, de l'appréciation la
plus complète. Marie affirmait d'une façon silencieuse, mais réelle, que Celui
qui allait être crucifié était son tout. Les paroles font quelquefois défaut
pour exprimer ce que le coeur ressent, c'est alors
que l'adoration, semblable au trop plein d'une coupe qui se répand, s'élève à
Celui qui seul est digne d'en être l'objet. Ici, l'âme jouit de la bénédiction
suprême: le donateur est son trésor, et heureuse en lui, elle s'exprime dans
l'adoration qui lui est due.
Ce service commence ici-bas, mais il se poursuivra sans fin
dans la perfection de la présence du Seigneur. Il est la preuve la plus
évidente que le coeur est parfaitement heureux dans
la contemplation de l'objet de son amour.
Si nos âmes, comme celle de Marie, savent se placer en
esprit aux pieds du Fils de Dieu pour lui rendre hommage, ceux qui nous
entourent en éprouveront les effets: l'entourage sera imprégné de l'odeur du
parfum, du parfum d'une âme qui apprécie Christ.
Puissions-nous être conduits à apprécier ainsi notre
Seigneur, Celui devant lequel les anciens tombent sur leurs faces pour lui
rendre hommage!
Ah!
qu'à tes pieds, Seigneur, je reste,
Et
qu'ici-bas, ma faible voix
Exalte,
unie au choeur céleste,
Le
Fils de Dieu mort sur la croix.