Une conversion

Wigram G.V.

ME 1910 page 477

 

J'avais reçu à l'école de bonnes instructions quant au contenu de la Bible. A l'âge de dix-sept ans, j'avais été sous un enseignement baptiste; mais je n'avais jamais connu l'Evangile, lorsqu'à dix-neuf ans je partis pour l'étranger, ne songeant qu'aux plaisirs qu'offre une vie militaire à l'homme animal. Un camarade et moi passâmes une longue et fatigante journée sur le champ de bataille de Waterloo, en juin 1824.

Nous arrivâmes tard à Lens, et je me retirai bientôt dans ma chambre. La pensée me vint: «Je vais réciter mes prières». C'était une habitude d'enfance que j'avais négligée depuis. Je m'agenouillai près de mon lit; mais je trouvai que j'avais oublié les paroles. Je levai les yeux comme dans un effort pour me les rappeler, lorsque tout d'un coup j'éprouvai dans mon âme une impression comme jamais je n'en avais eu auparavant. C'était comme si un Être infini et tout-puissant, connaissant tout, plein du plus profond, du plus tendre intérêt pour moi, bien qu'ayant en extrême et parfaite horreur tout ce qui était en moi et se rapportait à moi, me donnait la conscience qu'il avait pitié de moi, qu'il m'aimait. Mon œil ne voyait personne, mon oreille n'entendait personne; mais j'avais la certitude que Celui que je ne connaissais pas et n'avais jamais rencontré, m'avait rencontré pour la première fois et m'avait donné la conscience que nous étions face à face.

Il y avait une lumière que n'avait jamais perçue jusqu'alors aucun de mes sens, aucune de mes facultés naturelles; il y avait la présence de ce qui me faisait l'impression d'être d'une grandeur infinie, quelque chose de totalement séparé, de suprême, qui néanmoins se faisait en même temps connaître à moi de telle manière que, comme homme, je pouvais parfaitement le sentir, le goûter et en jouir. La lumière faisait que tout était lumière; c'était Lui-même; mais elle n'anéantissait pas, car elle était l'amour même; et Il m'aimait personnellement. La tendresse, la plénitude exquise de cet amour prenait possession de ma personne pour lui-même, en qui était tout cet amour; en même temps, la lumière, d'avec laquelle l'amour était inséparable en Lui, me révélait combien j'avais été l'opposé de tout ce qui était lumière et amour.

Je pleurais quelque temps à genoux sans dire une parole, et je me mis au lit. Le lendemain matin, ma première pensée fut: «Trouve une Bible». J'en trouvai une, et depuis lors la Bible a été mon livre des livres. Mon compagnon, membre du clergé, le remarqua, ainsi que le changement complet dans ma vie et mes pensées. Nous continuâmes notre voyage ensemble jusqu'à Genève, où avait lieu en ce moment une vive persécution des fidèles; il s'en alla en Italie, et moi je trouvai une compagnie selon mon cœur: je restai avec ceux qui souffraient pour Christ.

Après cinquante années d'épreuve, je puis parfaitement m'appliquer aujourd'hui les quelques lignes ci-dessous, qui ont trait à ce que j'éprouvai en cette soirée:

«Christ, repos éternel du Père,

Jésus, un jour d'en haut me regarda.

Il m'appela par mon nom

Et se révéla Lui-même à moi.

La lumière qui donne la vie

Resplendit dans mon cœur ténébreux. J'étais mort,

Elle me fit vivre; car c'est Lui-même que je reçus,

Lui qui pour moi donna sa vie et son sang.» (*)

 

(*) Le bien-aimé frère qui a écrit ces lignes, après cinquante-quatre années passées au service du Seigneur, s'est endormi en Jésus, le 1er février 1879.