Lettres n°365 à 375 de J.N. Darby parues
dans le Messager Evangélique de 1911
Lettre de J.N.D. no 365 -
page 99
Lettre de J.N.D. no 366 -
page 117
Lettre de J.N.D. no 367 -
page 177
Lettre de J.N.D. no 368 -
page 199
Lettre de J.N.D. no 369 -
page 238
Lettre de J.N.D. no 370 -
page 274
Lettre de J.N.D. no 371 -
page 318
Lettre de J.N.D. no 372 -
page 357
Lettre de J.N.D. no 373 -
page 358
Lettre de J.N.D. no 374 -
page 418
Lettre de J.N.D. no 375 -
page 435
… Christ est mon
bonheur, mais c'est dans le chemin de sa volonté qu'on trouve la jouissance de
son amour. En effet, tout faible que je sois, je trouve en Lui une source de
joie profonde et ineffable, ayant un caractère de paix qui se lie à la
révélation de lui-même à l'âme. Lorsque c'est Lui [qui se révèle], cela ne
laisse pas lieu à l'impression de quelque chose qui change, non pas qu'on
raisonne là-dessus, mais on sait qui l'on a cru et qu'il gardera ce que nous
lui avons confié jusqu'à ce jour-là. Au reste, c'est en lui-même que consiste
notre trésor. Que Dieu nous garde près de Lui! Ce n'est presque pas une
conviction de foi qui me donne la certitude que le bonheur, le seul bonheur, est
Lui. Quand, à travers tant d'imperfections, on a trouvé, depuis de longues
années, son amour toujours fidèle, et qu'on jouit présentement de cet amour,
c'est sans doute, dans un sens, la foi, mais c'est encore plus que cela: quelle
que soit notre faiblesse, nous demeurons en Lui et Lui demeure en nous, et nous
trouvons notre repos en lui-même.
Toute autre chose
n'est qu'une folie qui passe avec le souffle de la vie qui s'en occupe, et
souvent bien avant cela; — et n'est que vanité pendant qu'on la possède. Dieu
veut que nous marchions par la foi, mais celle-ci se change en connaissance par
la communion journalière.
à
Mr C. E.
New-York, décembre 1866
Je vous remercie de
votre lettre. Dieu sait que je n'ai jamais cherché à dominer la foi de qui que
ce soit, tout en cherchant à aider à la joie des autres, et je crois avoir ce
témoignage dans la conscience de tous les frères. Je suis leur serviteur, de
bon coeur, pour l'amour de Christ, mais je n'accepte
pas qu'ils dominent sur ma foi.
Je vois, dans les inexactitudes d'un écrit (*) qui expose des vérités peu examinées et peu réalisées parmi les frères, écrit où j'ai exposé ces vérités sans me douter de la mauvaise volonté de quelques-uns, je vois, dis-je, des expressions dont on peut se servir dans un mauvais sens, quand on cherche à le faire. Cela vient principalement de ce que le terme: souffrances, signifie ou des peines infligées ou des souffrances de coeur, distinction qui n'est pas faite dans l'écrit en question.
(*) Les souffrances de
Christ. (Ed.)
Mais, quant au fond
de la doctrine, je la maintiens en plein et je rejette entièrement, et comme
une triste erreur, ce qui m'a été opposé. La doctrine de mes adversaires (je
suis peiné d'en avoir) annule les plus touchantes vérités du christianisme et
les meilleures affections des chrétiens, tellement que (quelle que soit mon
affection pour mes frères, et elle est très grande, car vous savez que cela a
été le labeur de ma vie), s'il fallait renoncer, pour le fond, à ce que j'ai
écrit, ou renoncer aux frères, c'est à ces derniers que je renoncerais. Certes
pas à rechercher leur bien; mais s'ils ne voulaient pas de moi, avec l'aveu de
ce que j'enseigne dans cet écrit, je resterais seul et en laisserais la
décision à Dieu.
Grâce à Dieu, il
n'en est pas ainsi; les attaques n'ont fait que resserrer les liens d'affection
entre nous. L'influence des opposants, que j'aime de tout mon coeur, était déjà annulée par l'état dans lequel ils se
trouvaient.
En attendant, des
frères, en très grande quantité, ont beaucoup gagné dans leurs âmes en méditant
les souffrances du Seigneur (on avait presque peur de le faire, à la suite des
blasphèmes de Newton). S'il me faut passer par des peines de coeur, je ne m'en plains pas. La chose m'a été extrêmement
pénible, à cause des personnes engagées dans ces attaques, étant très
particulièrement lié avec un de ces frères; mais tout cela est bon et je ne
l'ai pas pris avec hauteur. J'ai examiné soigneusement mes écrits, la Parole,
et les objections de mes accusateurs; j'ai laissé aux autres le temps pour les
examiner; je ne crains pas le résultat. Tout en admettant mon infirmité et ma
faiblesse, je crois que cela tournera en grande bénédiction. J'attends.
Je vous dirai que
je n'ai pas vu l'écrit de M. G. et pas davantage ceux de MM. Dorman et Hall; on ne me les a pas envoyés, car tous
croyaient que je devais les avoir reçus. Quand même je les posséderais, je ne
les lirais pas, au moins l'un d'entre eux, car ma correspondance [avec eux]
m'avait fourni leurs objections; mais je n'ai aucune idée de faire de la
controverse en leur répondant.
Quand j'imprimerai
une nouvelle édition des «Souffrances de Christ», j'y ajouterai une introduction
qui examinera les questions débattues. En attendant, je poursuis, par la grâce
de Dieu, mon oeuvre comme de coutume. Je suis
encouragé à New-York, quoique ce soit le jour des petits commencements. Nous
n'avons pas de local, mais les âmes commencent à se rassembler. Les Etats-Unis
sont un terrible pays, moralement et spirituellement, mais on trouve beaucoup
d'âmes fidèles qui gémissent et souffrent de cet état de choses. Mondanité,
hérésies de toute sorte, politique, voilà ce qui caractérise les chrétiens. Il
y a une certaine activité et générosité pour donner, mais la Parole n'a aucune
autorité; les chrétiens cherchent les amusements du monde, comme les mondains;
et, presque davantage encore, la politique. Mais Dieu a un peuple; notre
privilège est de nous tenir près de Lui…
Plus on va en
avant, plus on sait qui l'on a cru; puis, Il saura garder ce que nous Lui avons
confié. Personne, je le crois, ne peut avoir un sentiment plus vrai et plus
profond de son néant, que moi; mais l'amour de Jésus, et de notre Dieu en Lui,
est un fonds inépuisable de bonheur — bonheur qui se dit éternel à nos coeurs. Nous attendons son Fils du ciel; les peines
d'ici-bas ne sont que pour un moment. Le désir de mon coeur
est seulement que nous puissions lui être fidèles et le glorifier. Je crois que
c'est aussi votre désir, bien que, par les circonstances, vous soyez plus en
relation avec ce pauvre monde. Comptez sur le Sauveur, si bon, si fidèle. Nous
le trouvons dans toutes les circonstances; partout où la volonté de Dieu nous
place. Qu'on est heureux d'avoir à faire à Lui! Mon coeur
jouit pleinement de son amour et de sa bonté, tout pauvre et chétif que je me
sente.
Que la grâce du Seigneur vous garde dans le repos et vous fasse jouir abondamment de sa communion.
à Mr P.N.
New-York, février 1875
Bien-aimé frère,
Je bénis Dieu de ce
qu'il vous a été en aide dans vos conférences à Bâle. Le moyen de tenir tête au
système du perfectionnisme est, non pas de s'y opposer, mais d'introduire les
vérités qui y manquent. J'ai écrit là-dessus et j'imprime un second traité dans
ce moment; la moitié de mes entretiens à New-York et ici a été avec des
personnes qui sont plus ou moins sous l'influence de ce système. Mais d'un côté
cela fait du bien, car ici l'état des chrétiens est déplorable; on n'en a pas
une idée, et les personnes pieuses en gémissent. Cela les réveille et leur fait
sentir qu'il leur faut quelque chose de mieux que des principes faux. Tout leur
christianisme est expérience et arminianisme. Ils ne sont nullement au clair
sur leur position en Christ, et cela nuit même à leur idée de sanctification.
Mais ils ont trouvé qu'il y a une délivrance du 7 aux Romains, et M. Pearsal Smith admet maintenant que c'est là ce qui est en
question.
Cependant cela
réveille les âmes. Ce qu'on a à faire est de tirer au clair pour ces âmes la
position chrétienne selon Hébreux 9 et 10: une conscience parfaite; puis de
leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle aspersion du sang (car
c'est leur système, et cela ne donne que le pardon), mais du lavage des pieds,
et que cela ne se rapporte pas au domaine de la justice, mais à celui de
la sainteté. La plus grande partie de mon oeuvre
ici a été occupée de ces choses; j'espère qu'il y aura eu du bien.
Hier, à la suite
d'une réunion dans une maison particulière, on m'a dit, de la part d'un
perfectionniste qui y assistait, que je les voulais plus parfaits qu'eux-mêmes.
J'ai répondu: «Certainement», et j'ai, jour après jour, l'occasion de présenter
un Evangile plus solide et plus vrai. Plus d'un a trouvé la paix et la
délivrance. Il n'y a qu'un point où je sois des plus sévères avec eux, c'est
que leur manière de parler de la tentation porte atteinte à la perfection de la
personne du Seigneur Jésus. Aussi je l'ai dit hier à Pearsal
Smith qui m'a visité au moment de partir pour Berlin. Nous sommes très bons
amis, mais je lui ai dit que sa doctrine aurait à être triée, et il l'a
très bien pris. Ne vous mêlez pas de ce dernier point. Il faut être très humble
et très enseigné de Dieu pour en parler selon Dieu. Personne ne connaît le Fils
sinon le Père. Si l'on émet des choses fausses, on peut les relever, mais ne
vous aventurez pas dans le positif, pour ne pas vous enfoncer. On aurait pu
citer un passage de Marc, en réponse à ce que vous avez dit à l'égard du
Seigneur dans la lettre que vous m'avez écrite au sujet de M. Godet.
Soyez sûr que la
plupart des chrétiens ont besoin d'être mis au clair quant au salut, à leur
position en Christ. Ils confondent leur position avec leur état. Presque pas un
d'entre eux ne comprend les premiers versets de Hébreux 10. Pour ma part,
j'enseigne, mais j'apprends toujours. Si les frères sont dévoués et saints dans
leur marche, leur témoignage sera toujours reconnu de Dieu, sinon, ils ne
feront pas grand chose. Le Seigneur qui nous parle
maintenant est Celui qui est saint, Celui qui est véritable. Il faut ces deux
choses, et la grâce et la patience pour les faire valoir. Il faut la vérité et
le Seigneur nous la communique, mais il faut la sainteté, autrement la vérité
même sera en discrédit. C'est là la chose importante pour les frères, puis le
dévouement. Saluez tous les frères de ma part.
Votre affectionné
en Christ.
à M. P.N.
New-York, mars
1875
Bien-aimé frère,
J'ai publié une
réponse à M. P. Smith, et elle se trouve, je le crois, en Angleterre. Il
reconnaît lui-même maintenant qu'il ne s'agit que d'affranchissement; on passe
de Romains 7 à 6 et 8. Mon traité publié premièrement ici, a mis au clair un
bon nombre d'âmes, et voici M. Smith arrivant au point capital. Mais ils sont
tous pour le libre arbitre. Je publie actuellement un autre traité; il a été
retardé par la maladie de la femme de l'imprimeur, mais paraîtra incessamment;
s'il y a possibilité d'expédier des imprimés en Suisse, je vous l'enverrai. Je
me réjouis de ce que vous me dites de Stuttgart et de Tubingue.
Mon travail ici a
été au milieu d'un marécage d'opinions diverses. J'espère que la vérité se sera
répandue; plus d'une âme a trouvé la paix. Un fanatisme intense a accompagné le
mouvement du perfectionnisme: les jeunes filles, comme sous l'impulsion de
l'Esprit Saint, imposant les mains aux ministres même, montés en chaire. Les
chefs ne reconnaissent pas cela, mais ils traitent le Seigneur comme peccable.
Le système de Lange, Ullmann, Erhardt, est la source
de cette fausse doctrine, comme, je n'en doute pas, il l'a été pour M. Godet.
Tous ne vont pas aussi loin, mais la lèpre est dans les vêtements, si la
maladie n'est pas dans la personne. Ils disent aussi que la convoitise n'est
pas péché, si la volonté n'y consent pas, alléguant, et c'est là qu'ils
confinent aux Allemands, que Christ a été tenté. Cette dernière doctrine se
répand avec l'idée que la rédemption est dans l'incarnation, non dans la mort
de Christ. Pour eux, il a pris l'humanité et l'a réconciliée. C'était la
doctrine d'Irving, seulement plus crue chez lui. De ce côté-ci cette doctrine
se lie avec le puséïsme et se continue dans les
sacrements. Quel gâchis d'opinions et que la vérité est précieuse! Et cependant
le Seigneur agit à travers tout. Saluez tous les frères.
Londres, février 1881
Bien cher frère,
J'ai appris par F. l'issue de ce mouvement de division dont vous me parliez. Il paraît, Dieu en soit béni, que le feu s'éteint. Le remède est souvent un peu de patience pour laisser Dieu agir (tout en jugeant tout mal manifesté), et spécialement quand le mal est dans l'état général. Puis il faut chercher, en nourrissant les âmes de Christ, à élever leur ton spirituel. Au reste, il faut toujours regarder plus loin que ce pauvre monde. Nous devons être un témoignage de Dieu ici-bas, et il faut bien s'en souvenir. «Vous êtes mes témoins», dit l'Eternel à Israël (*), et à plus forte raison les chrétiens qui sont le sel de la terre, la lumière du monde. C'est ce que je cherche; et je demande à Dieu qu'il maintienne son témoignage dans sa pureté. Je crois qu'il le fera, mais pour cela, il faut que nous vivions près de Lui, en esprit, comme lui vivait auprès de son Père. Il était un avec lui, et ainsi, tout ce qu'il disait et faisait n'était que l'expression de ce qu'est le Père. C'est aussi ce que nous devrions être pour Christ, mais pour cela il faut que notre coeur soit avec Lui en haut.
(*) Esaïe 43: 10
La première chose
est la communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ, car là est la
puissance directe de la vie. Mais on se trompe en supposant que les choses
célestes ne nous sont pas révélées: «Ce que l'oeil
n'a pas vu, et que l'oreille n'a pas entendu, et qui n'est pas monté au coeur de l'homme… Dieu nous l'a révélé par son
Esprit» (1 Corinthiens 2: 9, 10). Nous avons reçu, non l'esprit du monde, mais
l'Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont
été gratuitement données de Dieu. Tout en nous donnant de la force ici-bas, et
en nous détachant des choses qui se voient, cela nous habitue à vivre dans
celles qui seront notre portion éternelle.
On se sert souvent
du Sauveur, de sa grâce si adaptée à nos besoins, qui coule si librement envers
nous, qui pense à nous, à toutes nos difficultés, à toutes nos faiblesses — et
on a raison. Il nous fait traverser en paix et en sûreté un monde de chagrins
et de dangers; — mais c'est une autre chose d'avoir le coeur
élevé au-dessus du monde, tout en le traversant, et attaché à Lui dans le ciel,
de telle sorte que ce qui remplit le coeur
aujourd'hui est aussi l'objet de notre espérance. C'est ce que je cherche et
demande à Dieu pour les chrétiens, comme pour moi-même; mais, d'autre part, il
faut Christ pour la traversée du désert; il faut savoir compter sur sa fidélité
dans toutes les circonstances et s'attendre à Lui.
J'ai été
corporellement très affaibli, et je ne savais si je me remettrais. Bien que mes
poumons fussent atteints, c'était plutôt la suite d'un excès de travail et
d'une grave chute que j'ai faite en voyage. J'ai 80 ans depuis près de trois
mois…
J'étais heureux et
j'ai reconnu la fidélité absolue de Dieu; puis j'allais vers Christ et je ne
désirais rien d'autre. Maintenant, quoique je n'aie pas recommencé à prêcher,
je puis assister au culte, et, dans mon cabinet, je travaille presque comme de
coutume.
Il y a ici un désir
général d'entendre la Parole, et les réunions sont très fréquentées… Que Dieu
nous garde tous bien près de Lui; c'est là notre portion éternelle. Cela tient
la conscience éveillée. La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse.
Votre affectionné
frère en Christ.
à
Mr C.-F. R.
Montpellier, Juillet 1849
Cher frère,
Je réponds
premièrement à vos questions: Au sujet de Luc 22: 19, Christ venait de rompre
le pain, et il fait allusion à cet acte signifiant sa mort, pour montrer que ce
n'était pas son corps sain et sauf dans ce monde, mais frappé et puni par sa
mort pour eux, qui serait leur salut. Le mot «donné» est employé à cause de
l'acte qui en faisait le symbole; peut-être fait-il allusion à la Pâque, où,
pour d'autres raisons, pas un de ses os ne sera cassé? (Jean 19: 36).
Il est clair que la
première résurrection d'Apocalypse 20: 5, 6, est celle de l'Eglise et précède
les mille ans, seulement les décapités et ceux qui ont refusé d'adorer la Bête
y sont compris (verset 4); il s'agit du règne et la question de l'Eglise
proprement dite n'est pas introduite. — Je ne vois pas que Apocalypse 17: 12,
désigne une époque, mais un fait. L'époque désignée dans ce chapitre est, il me
semble, le commencement de la dernière demi-semaine de Daniel, mais il n'est
pas dit que la co-existence des cornes avec la Bête
date de cette époque. L'union des dix cornes avec la Bête aurait pu avoir lieu
auparavant. C'est plutôt la comparaison avec d'autres passages qui fait
supposer que la Bête sort de l'abîme au commencement de la dernière
demi-semaine. Le chapitre 17 ne nous donne aucune époque: c'est une
description.
On ne trouve pas,
me semble-t-il, assez de prières chez les frères; ils ne cherchent pas assez de
choses positives de la part de Dieu; ils se fient à la vérité et, dans
un sens, ils ont raison, mais ils ne se fient pas assez à Dieu,… ils n'ont
guère l'idée que les choses dont ils ont besoin puissent leur être accordées.
Je crains cette tendance.
Nous avons eu ici
un jour de jeûne et de prières qui, quoique très petit en nombre, a été
certainement béni. Il est si doux et cela apporte tant de bénédictions de se
placer directement devant le Seigneur! C'est ce qui manque aussi dans les
petites réunions, où il n'y a pas beaucoup d'aide: elles ne se placent pas
assez, avec une foi commune, devant Celui qui aime à les nourrir, et fait
trouver de la pâture aux brebis qu'il mène dehors. Prions qu'il communique
beaucoup de cet Esprit aux siens. La piété est aussi une grande chose pour les
frères, on est heureux là où elle se trouve; on est calme et satisfait; on
jouit d'un bonheur commun; il n'y a pas cet appétit morbide qui a besoin de
quelque excitant. Que Dieu donne à ses chers enfants d'être beaucoup en
communion avec Lui.
J'espère que V.
aura visité les troupeaux de la Côte, du Pays-d'Enhaut
et d'ailleurs. Peut-être verra-t-on bientôt quelque mouvement en Suisse.
Quant à Rome, c'est
maintenant que va commencer, je pense, le commerce proprement dit dont parle
l'Apocalypse. La fornication volontaire se commettra pour maintenir le principe
ecclésiastique contre le principe civil; cela durera pour un temps, et puis les
rois ne le supporteront plus et la fin viendra. — Je suis paisible et
tranquille quant aux saints; peut-être seront-ils
criblés moralement; et ils le seront dans la proportion selon laquelle ils se
caractériseront comme habitants de la terre; mais, si l'on garde la parole de
la patience du Christ, on sera gardé; la porte sera ouverte et personne ne la
fermera. Dieu ne change pas avec les événements; les événements sont pour le
monde, la Parole qui demeure éternellement est pour les saints. Si nous l'avons
comprise par la foi, nous n'avons pas à regarder ailleurs; les événements ne la
changeront pas. Jusqu'à présent, Dieu nous a gardés à travers tout; il n'a pas
même permis que notre marche fût entravée. Que son nom en soit béni! Je me fie
à Lui pour qu'il nous garde jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
besoin de ce témoignage, et alors nous aurons quelque chose de bien meilleur,
le repos parfait (Sophonie 3: 17), que mon âme souhaite ardemment, bien que je
sois heureux, très heureux qu'il me soit permis de travailler…
Paix vous soit,
cher frère, avec la présence de Jésus.
à
Mr C.-F. R.
15 mars 1858
Bien-aimé frère,
Je vous remercie de vos deux petits billets. J'espère cependant que vous n'avez pas abandonné la revue des feuilles de la traduction (*). C'est étonnant combien de petites choses échappent aux yeux, pour ne pas dire qu'on acquiert toujours de nouvelles lumières. J'ai dû interrompre ma lettre pour corriger la quatrième feuille d'impression. R., très utile du reste, car il est homme de détail, nous tombe dessus pour des articles et des aoristes. S. trouve ses corrections quelquefois affreuses. Vous devez bien avoir quelques remarques à ajouter sur les Alsaciens et les Vaudois. Je me sers de tout, et je laisse tomber les coups de marteau tout juste à côté de moi, avec une tranquillité édifiante, faisant mes remarques à moi-même sur les remarques des autres, de peur de les empêcher de me donner librement toutes leurs pensées. Car, ainsi que je l'ai dit, il y a bien des choses qui nous échappent d'une manière inconcevable.
(*) La traduction du
Nouveau Testament. (Ed.)
Personnellement, je
suis heureux de savoir que ce cher ami D. a trouvé un port. J'espère que notre
bon Dieu et Père lui donnera de la tranquillité d'esprit, il a de très belles
qualités s'il savait s'en servir dans cet esprit-là; mais combien chez nous
tous le moi du fond se fait jour à travers certains côtés de notre
caractère. Si c'est d'un côté désagréable et ennuyeux, nous sommes tels pour
les autres, si c'est d'un côté aimable, nous sommes aimables pour les autres,
mais il n'y a pas réellement de différence, et on a de la peine à juger ce moi,
quand il se présente avec certains caractères, sous certains traits.
En regardant à
Christ, tout est mis en ordre, parce que ce fond est atteint. Que
le christianisme est beau, beau en lui-même, beau dans sa parfaite adaptation à
tout ce que nous sommes et dans un Christ qui a participé à tout, sauf le péché
qui avait tout gâté! Quel spectacle pour les anges que de voir Dieu: un enfant
dans une crèche, et pas de place pour lui dans l'hôtellerie! D'autre part, je
considère l'embrouillement inextricable, les exercices du coeur
de l'homme au milieu du bien et du mal; l'homme ne sachant ce qui est bon et ce
qui est mauvais; le bien corrompu en corrompant; le mal devenant le moyen du
bien; le monde dans le coeur pour savoir ce qu'il y a
de bon sous le soleil. Qu'est-ce que la vérité? Et la fin de ces recherches: une
ardeur à tout sonder lâchée dans l'infini sans pouvoir le comprendre; l'homme
qui, plus il connaît le bien, plus il est misérable; ses meilleures affections
devenant la source de ses peines; le coeur, à la fois
soulevé contre Dieu et contre l'homme égoïste; toutefois se jugeant, se
haïssant, sans moyen d'en sortir, sans moyen d'y rester; une volonté qui
voudrait monter jusqu'à Dieu et qui est l'esclave du diable et du péché!
Le bien parfait
paraît! Il paraît sur la scène et dans les circonstances de l'homme, dans sa
nature (mais à part le péché) où cette lutte s'engage, où tous les éléments
moraux d'une créature qui connaît le bien et le mal, sans être Dieu et loin de
Dieu, se livrent le combat sans chef et sans centre.
Dès lors, tout est
lumière: le mal se manifeste comme mal, parce que le bien est là. S'agit-il de
la volonté? Elle est mise à découvert, à nu: c'est le mal volontaire. S'agit-il
de misère, de lutte? Réponse parfaite à tout: le bien dans cette misère,
d'autant plus bien qu'il est là, le bien en soi; mais la réponse parfaite à
tout besoin, à toute misère; une réponse qui nous en fait sortir en nous
donnant le bien parfait et en nous liant de coeur
avec Dieu.
Oui, plus la
confusion est absolue et sans bornes, plus le Christ est Christ! Quelle puissance
infinie que celle qui, à l'instant, met tout à sa place, parce que Lui est le
bien en soi et la perfection! Il est la vérité, il dit tout de toutes
choses. Tout est connu, tout est lumière; tout se montre selon la vérité de ce
qu'Il est, mais, Dieu en soit béni, ce qu'Il est, c'est la grâce — sans
cela, même Dieu étant amour, ce ne pourrait être la vérité. Mais je me laisse
aller…
… Dans les réunions
convoquées pour examiner les cas de discipline, j'insisterais formellement pour
que les soeurs fussent exclues. Si elles s'y
trouvaient, je ne m'y rendrais pas même. C'est tout à fait contre la parole de
Dieu, et aussi inconvenant qu'antiscripturaire. Comment examiner un cas de
corruption et de licence, avec de jeunes soeurs
présentes? Ce serait une honte pour elles de désirer s'y trouver. Au reste, la
Parole est claire… A mon avis, il n'est même pas tant à désirer que tous les
frères s'y trouvent. S'il y a quelques frères sages qui s'occupent
habituellement du bien des âmes, véritables anciens de la part de Dieu, et qui
ne le soient pas d'office, mais selon 1 Corinthiens 16: 15, 16, cela vaut mieux
que si tous les frères y étaient; il est ainsi plus évident qu'ils ne
sont pas l'assemblée, ce qui n'est pas aussi manifeste, lorsque tous les frères
s'y trouvent, et le danger d'une assemblée de frères, c'est qu'ils s'imaginent
être l'assemblée pour décider.
Seulement toute une assemblée ne peut pas s'informer des faits et de leur caractère; il faut que deux ou trois le fassent. Quand tous les renseignements sont pris, et que la chose a été pesée devant Dieu, on communique le résultat auquel on est arrivé, et c'est l'assemblée qui décide; si personne ne dit rien, la chose est décidée; si un frère grave fait une objection, ou a quelque chose à communiquer, ou connaît quelque circonstance propre à éclairer l'affaire, l'on peut attendre, ou examiner la chose à fond. Si ce n'est qu'une opposition légère, l'assemblée en fait facilement justice; j'ai vu ce cas-là. Mais si c'est quelqu'un qui soutient un mal jugé, il devient lui-même l'objet du jugement (2 Corinthiens 10: 6). Deux choses rendent l'action de l'assemblée nécessaire: premièrement, c'est que Christ s'y trouve; secondement, que c'est l'assemblée qui se purifie (1 Corinthiens 5; 2 Corinthiens 7: 11). Il est assez frappant que cette question ait surgi en bien des endroits, dans la Nouvelle Zélande et à l'autre bout du monde, pas en Angleterre que je sache.
… Je tiens beaucoup
à maintenir la responsabilité des assemblées, principe très important, selon
moi. On peut leur venir en aide, sans doute, mais il faut que la conscience de
l'assemblée agisse. Dans le cas dont vous parlez, on a compliqué inutilement
l'exercice de la discipline; mais la chose a été faite, si la réunion des frères,
ayant décidé ce qu'il fallait faire, a présenté le résultat à l'assemblée
réunie comme telle, en sorte que l'occasion fût offerte pour une remarque
quelconque. Mais l'assemblée doit se purifier, et la réunion des frères
n'est pas l'assemblée.
Je ne désire pas le
moins du monde que les soeurs parlent; je n'ai jamais
vu une femme se mêler des affaires d'église, sans qu'elle ait fait du mal.
Elles sont bénies et très utiles à leur place, mais cette place-là ne leur
appartient pas. Une décision prise par quelques frères pour l'assemblée peut
devenir une tyrannie terrible, et ne purifie pas la conscience de l'assemblée.
Que tous les frères se réunissent pour une affaire de discipline, soit;
mais après tout, l'investigation, s'il en faut une, est faite par quelques-uns,
seulement quelques-uns ne peuvent pas exercer la discipline, ni prononcer le
retranchement: ce ne serait pas 1 Corinthiens 5: 13, ni 2 Corinthiens 7: 11. Le
but de l'apôtre était de réveiller la conscience de l'assemblée. La meilleure
chose est que quelques frères graves se renseignent en s'assurant l'assentiment
des frères les plus sérieux de l'assemblée, et qu'alors, l'affaire étant mûre,
soit portée devant celle-ci; seulement qu'il y ait pleine liberté pour tous les
frères, s'il y a lieu, de faire leurs observations. Si rien n'est dit, la chose
est terminée; si quelque frère grave a des difficultés, on attend; si ce n'est
que de la mauvaise humeur, l'assemblée en juge, et l'on passe outre; si elle ne
le peut pas, c'est alors l'état de l'assemblée dont il y a lieu de s'occuper…
Lorsque les frères, renseignés sur les faits, ont jugé le retranchement
nécessaire, il n'y a qu'à présenter à l'assemblée la conclusion à laquelle ils
sont arrivés, et si rien n'est dit, la chose est faite.
L'expérience m'a fait craindre la domination des individus autant que la jalousie d'un esprit radical; il faut que la conscience de tous soit exercée, et l'affaire de l'individu, c'est de la réveiller, comme le fut celle des Corinthiens par la première épître de Paul.
Mars 1871
… On est heureux de
n'avoir que la Parole à suivre, et de savoir que c'est la parole de Dieu.
Quelle immense grâce que d'avoir sa Parole, la révélation de sa grâce envers
nous, la personne parfaite de Jésus, et les conseils de Dieu, ce que Dieu a
préordonné pour notre gloire. C'est dans sa bonté envers nous qu'il montrera dans
les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce.
Dès le
commencement, se fiant à l'Ennemi plutôt qu'à Dieu, l'homme s'est éloigné de
Lui, et les deux questions: Où es-tu? Qu'as-tu fait? montraient où en
était l'homme. Ensuite sa responsabilité a été complètement mise à l'épreuve
jusqu'au rejet de Christ. Alors Dieu a glorifié son amour en justice; et les
conseils de sa grâce, avant la fondation du monde, ont été mis en évidence.
Cela donne à l'Evangile une position toute particulière, puis montre la
relation de la responsabilité et de la grâce souveraine avec une grande clarté.
De plus, il n'y a maintenant plus de voile sur la gloire de Dieu. Dès lors sa
colère est révélée du ciel; mais aussi Sa gloire révélée dans la face de Jésus
Christ: le témoignage que tous les péchés de ceux qui voient cette gloire
n'existent plus devant Dieu. De plus, tout ce que Dieu est moralement est
pleinement révélé et constaté. Nous le connaissons selon cette gloire, et nos
relations avec Dieu, notre position devant Lui, sont fondées sur elle. Nous
sommes transformés de gloire en gloire, selon cette image, car nous pouvons la
contempler à face découverte: elle est la preuve de notre rédemption, et que
tous nos péchés sont abolis devant Dieu. Nous sommes aussi renouvelés en
connaissance selon l'image de Celui qui nous a créés; nous sommes créés selon
Dieu en justice et véritable sainteté, car il a relui dans nos coeurs pour faire ressortir cette gloire de Christ dans le
monde. Nous sommes comme la lanterne qui a une lumière à l'intérieur, pour
éclairer au dehors; mais si la chair s'en mêle, si les vitres sont troubles,
elles empêchent la lumière de sortir convenablement. Ainsi ce qui nous est
donné devient un exercice intérieur: le trésor est dans un vase de terre, et il
faut que celui-ci ne soit pas autre chose; il faut que nous soyons morts, afin
que la vie de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle. Ce n'est pas
seulement une communication de ce qui est en Christ, comme connaissance, mais
une communication qui exerce l'âme, la fait croître, et juge la chair en toutes
choses, afin que nous ne gâtions pas le témoignage qui nous a été confié. En
Christ lui-même, la vie était la lumière des hommes, et il faut que la lumière
que nous recevons devienne vie en nous, la formation de Christ en nous, tandis
que la chair est assujettie à la mort. La mort agit en nous, dit Paul, la vie
en vous. Telle est l'histoire du ministère, du vrai ministère. Ce que nous
communiquons est nôtre, cela nous éclaire, mais agit en nous moralement; la
gloire de Christ se réalise en nous, tout ce qui ne convient pas à cette gloire
est jugé, et la chair ne lui convient jamais.
La mort de Christ
mettait fin à tout ce qui était Paul, et ainsi la vie de Christ, et rien que
cela, pouvait agir de sa part dans les autres. C'est beaucoup dire. Ainsi, à
cet égard, il y a progrès. Pour ma position devant Dieu, je fais mon compte que
je suis mort; pour vivre, la mort agit en moi. Il y a le vase, mais il faut
qu'il ne soit pas autre chose. Alors la vie de Christ agit en lui et par lui,
et si le vase agit, il gâte tout. De fait nous vivons; mais il nous faut
toujours porter la mort en nous, afin que la gloire de Christ, qui est l'image
de Dieu, puisse luire pour les autres. Toute la gloire de Dieu est révélée; du
côté de Dieu, il n'y a plus de voile sur elle; si elle est voilée, ce voile est
sur le coeur de l'homme à cause de son incrédulité.
C'est une vérité de toute importance. Sous la loi, l'homme ne pouvait pas
entrer devant Dieu, et Dieu ne sortait pas. Maintenant il est sorti, mais en
s'anéantissant lui-même, pour apporter la grâce. Ensuite, l'oeuvre
de la rédemption accomplie, il est entré, et il n'y a plus de voile sur la
gloire.
1840
Cher Mr Edouard,
Je ne me plains pas
du tout de la franchise de votre lettre et je ne réclame rien pour mon âge: non
que le respect pour l'âge soit la même chose que d'avoir égard à l'apparence
des personnes, mais je n'ai aucune prétention de ce genre. Je vous ai trouvé
très aimable dans votre accueil et je me fais un plaisir de reconnaître cette
bonté de votre part; mais vous me pardonnerez, si je vous dis que j'en ai assez
vu pour savoir que vous n'êtes pas parfait. Soyez certain que je ne dis pas
cela comme un reproche, n'ayant qu'à vous remercier de vos procédés à mon
égard; je parle purement spirituellement. J'ai vu des choses dont il ne vaut
pas la peine de parler, et que j'aurais jugées comme de graves péchés en moi.
C'est ce qui a toujours produit chez moi la conviction du mal qu'il y a dans la
doctrine de la perfection, doctrine dont la Parole me démontrait la fausseté.
Elle atténue et cache le péché; tandis que ceux qui croient que la chair existe
encore en eux, jugent et condamnent (comme provenant de la chair dont la pensée
est inimitié contre Dieu) ce que les prétendants à la perfection laissent
passer comme des fautes d'ignorance ou des infirmités. J'ai vu des cas où cette
prétention a tristement endurci la conscience, et c'est ce qui, plus ou moins,
a toujours lieu. D'autres ont fait la même expérience.
J'en viens
maintenant plus particulièrement à vos remarques sur certains passages. En
premier lieu, je ne crois pas que le chapitre 7 aux Romains soit la description
de l'état chrétien. Il décrit, pour moi, l'état d'une âme sous la loi, qui n'a
pas encore compris la délivrance par grâce. Je crois que la pensée que c'est là
l'état chrétien a rendu tant de chrétiens misérables, ou les a jetés dans les
vues que vous maintenez, au sujet de la perfection. Je crois que le chapitre 8
dépeint l'état chrétien, lorsque l'Esprit de vie en Jésus Christ l'a affranchi
de la loi du péché et de la mort.
C'est parce que
j'ai vu qu'il y avait un côté vrai dans votre manière de voir que j'ai écrit le
billet que vous avez reçu par Pagès. Mais le point sur lequel vous vous trompez,
le voici: parce que nous sommes unis à Christ et que nous avons le même Esprit,
et que, partant, l'amour, la pureté sont absolus dans cette nouvelle vie et
règnent en nous, vous supposez que la nature du vieil homme ne continue pas à
subsister. Cela fait que vous passez légèrement sur bien des choses que, moi,
je condamne et déteste en moi-même comme l'abominable fruit du vieil homme. Ce
n'est pas que cela se manifeste toujours; il y a des temps où l'on n'a
conscience de rien que de la puissance de l'Esprit dans la nouvelle vie, mais
lorsque la chair agit, et elle le fait à notre insu et cause parfois du mal,
vous appelez cela ignorance, infirmité, etc., et vous prétendez qu'il n'y a
plus de péché en vous, tandis que moi, je l'appelle, avec la Parole, péché et
chair. Ce n'est pas quand vous pensez que, sous la puissance du Saint Esprit,
vous jouissez dans la nouvelle vie de toute la plénitude de Dieu, que je dis
que vous vous faites illusion. Je dis même et je crois qu'on devrait y vivre
toujours, au moins selon sa force, quand ce n'est pas dans une joie active.
Mais vous vous faites illusion en supposant qu'à cause de cela le péché
n'habite pas en vous, et, par conséquent, vous êtes forcé, ou de nier la
déclaration positive de la Parole: «Nous bronchons tous», ou d'affirmer
que, tout en bronchant, vous êtes parfait en amour.
«Quiconque
est né de Dieu ne pèche pas, et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu;»
c'est la participation à la nature divine; mais cela est vrai de tout chrétien,
de quiconque est né de Dieu. Je sais que votre système dit qu'on n'est né de
Dieu que lorsqu'on a reçu le Saint Esprit, de manière à être uni à Jésus, comme
à la Pentecôte. Je distingue moi-même entre la puissance du Saint Esprit donné
comme sceau et être né par la foi. L'une de ces choses suit l'autre. Mais il
n'en est pas moins vrai que nous sommes tous des enfants de Dieu, par la foi en
Jésus Christ, et puisqu'il est dit que «celui qui pèche est du diable et n'a ni
vu, ni connu Dieu», il est évident que, selon votre appréciation, tous les
chrétiens qui ne sont pas parfaits sont du diable et n'ont pas connu Dieu.
Il est évident, par
votre billet, que vous savez très peu ce que j'enseigne. Au lieu de ne pas
insister sur la vie de l'Esprit, j'ai eu particulièrement à coeur,
même ces derniers temps, de la mettre en avant, mais je ne l'accompagne pas de
ce qui est une grave erreur, si l'on en juge d'après la Parole. Mais encore, ce
n'est pas parce que la sainteté que vous prêchez est trop élevée pour moi que
je la rejette; c'est parce qu'elle est trop basse, beaucoup au-dessous de ce
que je trouve dans la Parole, que je ne puis l'accepter.
Je ne vois qu'un but
dans la Parole: la résurrection. Lorsque nous verrons Jésus, nous lui serons
semblables, tel qu'Il est, non pas tel qu'il était, et c'est pourquoi
l'apôtre dit ne pas être parfait, parce qu'il s'efforçait de parvenir à
la résurrection d'entre les morts. Or vous ne pouvez pas nier que Paul n'eût
reçu l'Esprit de la Pentecôte, ni Pierre non plus, lorsqu'il usa de
dissimulation, ni Paul et Barnabas, «homme plein du Saint Esprit et de foi»,
lorsqu'après une mutuelle contestation ils se séparèrent l'un de l'autre.
Il m'est impossible
de croire à la Parole et d'accepter vos prétentions. Ce n'est pas que je
suppose qu'on ne puisse pas jouir de Dieu par la puissance du Saint Esprit,
comme demeurant en Lui. Je le crois; mais je nie, d'après la Parole, qu'à cause
de cela la chair, le péché, ne soient pas encore en nous.
Et maintenant, quant à «l'amour parfait», ce n'est pas ma pensée que ce soit tout simplement savoir que Dieu nous aime parfaitement, ou que cela puisse exister même à part. Je ne le crois pas, parce que l'apôtre Jean parle de la nouvelle nature en nous; mais la chose dont cette nouvelle nature, qui est divine, jouit, c'est de Dieu lui-même, et non pas de son propre amour pour Dieu. C'est là que votre système vous place, selon moi, aussi bas que possible, au lieu de vous élever. Vous pensez à vous-même, après tout, quoique je ne nie pas que quelquefois Dieu soit plus puissant en vous que l'effet de votre mauvais système. «En ceci l'amour (de Dieu) est consommé avec nous — afin que nous ayons toute assurance au jour du jugement — c'est que, comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde» (1 Jean 4: 17). Voici ce que je trouve en examinant ce passage: au verset 9, l'amour de Dieu a été manifesté à notre égard, en ce que Dieu a envoyé son Fils unique au monde, afin que nous vivions par lui. C'est la démonstration de l'amour envers nous; au verset 17, l'amour est consommé avec nous, en ce que tel qu'il est, tels nous sommes dans ce monde. «Tel qu'il est» indique, selon l'usage constant de cette épître, notre position vis-à-vis de Dieu et celle de Christ maintenant. Or en voici l'effet pratique: nous sommes aimés du Père comme Christ est aimé de Lui (Jean 17), et cela se réalise, «afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux» (verset 26). Christ nous fait jouir de cet amour, dans la communion de Dieu, comme il en jouit en principe, si ce n'est pas [mot illisible] mesure. L'amour de Dieu, dit l'apôtre Paul, est répandu dans nos cours par le Saint Esprit qui nous a été donné. Il y a donc la joie de la relation: l'amour du Père, comme avec Jésus — et de la nature: nous demeurons en Dieu et Dieu en nous. C'est bien l'amour qui est en Dieu, non pas le nôtre pour lui; le Saint Esprit ne répand pas notre amour dans nos coeurs, mais il est répandu dans nos coeurs, de sorte que nous y demeurons et ainsi en Dieu, et Dieu en nous, parce que ce n'est pas seulement une révélation comme en 1 Jean 4: 9; mais le Saint Esprit qui est Dieu est en nous, et, Dieu étant amour, nous en fait jouir comme y participant; mais c'est à Dieu qu'il nous fait participer comme amour, et non pas à nous et à notre état. Notre état, c'est de penser à Dieu, non pas à nous-mêmes; d'y demeurer, et non pas d'être occupés de nous et de notre état de progrès. Si le Saint Esprit nous occupe de nous-mêmes, c'est toujours pour nous humilier…