Darby J.N.
ME 1911 page 113
Si Dieu est simplement bon et que la chute de l'homme et la
rédemption ne soient pas la vérité de Dieu, comment se fait-il que les trois
quarts du monde soient païens, et une grande partie du reste mahométan ou
papiste? Comment expliquer la misère et la dégradation de toute sorte qui
règnent dans le monde, et l'égoïsme qui y domine et qui y est la source
principale de toute activité, quand les convoitises et les passions ne le sont
pas? Si l'homme n'est pas en chute, où est la bonté de Dieu? Et si Dieu n'est
pas bon, qui le sera? Le christianisme me dit que l'homme est tombé, et me
révèle Dieu en bonté au milieu de la misère, et la rédemption comme une issue à
cette misère; il me fournit non pas une histoire du développement de
générations successives selon les théories rationalistes des philosophes du
dix-neuvième siècle, mais des révélations de la bonté de Dieu et de la
délivrance qui étaient présentées depuis le jour de la chute, à la foi, afin
qu'elle les saisît, quoique le jour de l'accomplissement de la promesse ne fût
pas encore venu. Et si l'homme est si compétent qu'on veut bien le dire,
comment se fait-il, permettez-moi de vous le demander, qu'il y ait tant de
difficultés, tant d'opposition, tant d'incertitude quand il s'agit de découvrir
Dieu? Pourquoi ces adorateurs de Jupiter, de Siva, d'Odin le roi des hommes;
d'Ormuz et de tant d'autres?
L'homme est tombé; il a perdu la conscience de ce que Dieu
est, ainsi que de son amour; il ne trouve pas sa joie dans la connaissance de
Dieu et dans ce qui est souverainement bon: rien ne le prouve davantage que le
fait qu'il ne sait pas trouver Dieu.
Dieu a donné à l'homme une conscience; mais cette conscience
ne juge pas la Parole: la Parole la juge. En un certain sens, tout homme est
appelé à juger, mais, en face de la Parole, son jugement le manifeste lui-même,
car le jugement qu'un homme porte sur les choses met à nu son propre état. L'homme
est perdu, condamné, cela est certain, s'il ne reçoit pas la Parole. Dieu parle
et donne un témoignage complet de ce qu'il est: celui qui ne croit pas est déjà
condamné. La lumière est venue dans le monde. Si les hommes aiment mieux les
ténèbres que la lumière, ce n'est pas leur conscience qui en est cause, mais
leur volonté. Si le Fils de Dieu est venu, l'homme est-il tenu de le recevoir?
Il est là pour mettre l'âme de tout homme à l'épreuve en se faisant recevoir ou
rejeter par lui. L'homme, dites-vous, a le droit de juger; mais je réponds que
s'il ne reçoit pas Christ, il montre qu'il est méchant, méchant dans sa
volonté. Oui, sans doute, il est appelé à juger; mais s'il rejette ce qui est
parfait en bonté, il met à nu sa propre condition. L'homme est jugé par son
approbation ou sa désapprobation de ce qu'il a devant lui, parce que la
perfection, parce que Dieu manifesté en chair, est devant lui; parce que Dieu
prononce la malédiction sur celui qui n'écoute pas. L'homme est appelé à juger:
ce n'est pas un droit pour lui, car il est une créature perdue, mais il
est mis à l'épreuve par le jugement qu'il est appelé à prononcer: c'est sa responsabilité.
Je ne recherche pas ici de quelle manière il pourra faire face à cette
responsabilité, je crois qu'il faut la grâce de Dieu pour cela; je parle
seulement du fait: Dieu a parlé, il a parlé en grâce. N'est-ce pas ce à quoi
Jean-Baptiste rendait attentif: «Celui que Dieu a envoyé parle les paroles de
Dieu», et «Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous»? (Jean 3: 31-34).
Ne suis-je pas tenu de l'écouter? Ne suis-je pas tenu de recevoir les paroles
de Dieu? Mais vous dites: Ne faut-il pas que je juge si ce que j'entends sont
les paroles de Dieu et si celui qui parle est venu d'en haut? Sans doute, mais
vous êtes jugés vous-mêmes par le résultat auquel vous arrivez, parce que Dieu
sait qu'il a donné un témoignage parfaitement complet et plein de grâce: il est
lui-même le témoignage. Si vous rejetez le témoignage, vous le rejetez
lui-même, et vous demeurez dans vos péchés et sous la colère divine. Pour ceux
qui croient, Christ est précieux, comme il l'est pour Dieu; pour ceux qui sont
désobéissants, il est une pierre d'achoppement et une pierre de scandale (1
Pierre 2: 6-8). Il est une odeur de vie pour la vie, et une odeur de mort pour
la mort; la présentation de la vérité des paroles de Dieu, du Fils de Dieu, a
nécessairement ce caractère, parce que la rejeter, c'est rejeter Dieu lui-même.
Parler de la conscience comme si elle était entre nous et la
Bible, c'est folie. La Bible est la parole de Dieu mise en contact direct avec
nous, déclarant à notre conscience tout ce que nous avons fait, et que Dieu est
saint, et, son nom en soit béni, qu'il est amour, qu'il est un Sauveur. La
conscience comme chose distincte de nous est ce sur quoi la parole de Dieu
agit. Si la lumière vient (Dieu est lumière; Jésus était la lumière du monde),
elle manifeste toutes choses et agit sur l'oeil. Si l'oeil est en mauvais état,
il fuit la lumière; il ne la juge pas, mais son état est manifesté par elle; il
juge des couleurs, des formes, de toutes choses par la lumière. Mais une
conscience qui n'est pas «nous», ou une conscience qui serait entre nous et
Dieu, est une illusion: la conscience est la connaissance du bien et du mal en
nous, et elle est cela sans autre révélation de Dieu. Elle a le sentiment de la
responsabilité, et, bien qu'obscurément, celui du jugement et des conséquences
du péché, au moins quant à la portée d'une crainte vague.
Mais si le christianisme est vrai, en quelque manière, le
Fils de Dieu est venu, et il parle les paroles de Dieu. Du moment qu'il est
reçu, c'est-à-dire qu'on croit en lui, le premier jugement de la conscience et
du coeur est de se soumettre à Lui; la première chose convenable (car ce qui
est convenable, c'est le juste maintien des devoirs de relation) est d'écouter
et d'obéir à cette Parole, et ce qui est essentiellement mauvais, c'est de ne
pas se soumettre à elle et de ne pas la recevoir. Juger Dieu, lorsque je sais
que c'est Lui, est le comble du péché. Si vous ne croyez pas que Dieu est venu
et qu'il a parlé, je chercherai à le prouver à vos consciences; il y a une
possibilité divine de le faire. Sans doute, il faut que les hommes jugent si
c'est Dieu qui est là et qui parle; mais je leur dirai avec une parfaite
certitude ce que ses propres lèvres ont prononcé, savoir qu'il est venu; et
s'ils ne croient pas en Lui, ils sont condamnés; s'ils croient, ils ont la vie
éternelle. Mais si Dieu est venu, on ne saurait trop le répéter, la part de
l'homme, c'est de l'écouter, non pas de le juger.
Avec l'obscurcissement de la conscience par les passions,
l'ignorance, l'éducation, il est de la plus haute importance qu'il y ait un
témoignage parfaitement sûr de la pensée de Dieu, et qui ne dépende pas des
opinions variables de l'homme. Si je perds la Bible, je perds les
communications de Dieu, et je suis irréparablement perdu. Vous n'aimez
peut-être pas la parole de Dieu, vous n'aimez pas que Dieu se soit révélé? Vous
possédez ce qu'on tient pour une révélation, mais «vous aimez à la considérer
comme des annales du temps auquel ces documents ont été écrits, et comme des
documents qui nous transmettent la vie religieuse la plus élevée de ce temps».
On peut accorder que l'homme devait être développé et la vie religieuse
pareillement, mais les communications de Dieu, jamais! Or, il y a eu des
communications de Dieu, des paroles de Dieu prononcées dans ce monde, autrement
tout le christianisme depuis le commencement jusqu'à la fin, n'est qu'une
pieuse imposture, plus qu'aucune autre au monde. Mais s'il y a eu de telles
communications, les avons-nous perdues pour toujours? Sommes-nous retombés dans
les ténèbres? Car depuis que la lumière a lui, a lui dans une personne «parlant
les paroles de Dieu», dois-je donc la perdre, ne plus avoir cette révélation de
la part de Dieu, ne plus avoir aucune communication divine de sa part? J'aurais
donc perdu tout ce qu'il y a de précieux dans ce monde, tout ce qui peut élever
l'âme? J'aurais perdu toute communication avec Dieu? Je pourrai bien spéculer
sur Dieu, je connaîtrai peut-être quelque chose du bien et du mal, mais j'ai
perdu toute communication de sa part! Misérable que je suis!… Si Dieu a parlé
et que nous le niions, nous sommes des incrédules. Exalter la conscience de
l'homme, comme élevée au-dessus du témoignage de Dieu pour en juger, c'est
élever l'homme pécheur et corrompu au-dessus de l'autorité de Dieu. Je lis que
la Parole juge des pensées et des intentions du coeur, et non pas que la
conscience juge la Parole (comparez Hébreux 4: 12, 13). Cette dernière fait
connaître sa vérité et l'autorité de Dieu par son action sur la conscience;
elle dit à un homme tout ce qu'il a fait, mais elle révèle un Dieu de grâce.
Christ a parlé les paroles de Dieu. Ces paroles sont-elles
perdues pour nous? Et si nous les possédons, notre conscience est-elle placée
entre elles et nous? Quelle folie qu'une telle pensée! Si vous ne connaissez
pas ces paroles, vous n'êtes pas pour moi un incrédule, mais vous êtes un homme
qui ne croit pas, vous n'avez pas scellé que Dieu est vrai (comparez Jean 3: 33).
En tout cas, ne prétendez pas instruire les autres, si vous admettez que Dieu
ait parlé, et que cependant vous ne puissiez pas dire ce qui est sa Parole et
ce qui ne l'est pas…
Il y a deux éléments dans la conscience: l'un, la
connaissance du bien et du mal; l'autre, le sentiment de la responsabilité et
de la responsabilité envers Dieu. En pratique, le péché a grandement obscurci
le premier; la volonté résiste au dernier, bien qu'elle ne puisse le nier. La
parole de Dieu vient; elle donne la parfaite lumière à la conscience, et elle
présente l'autorité de Dieu à la volonté. Les hommes mettent en avant la
conscience comme étant compétente contre Dieu et sa Parole, et disent qu'il
faut que la conscience ait la suprématie. Dieu tranchera cette question: sa
lumière et sa Parole sont-elles parfaites pour la conscience? son autorité y
est-elle suffisante pour réclamer l'obéissance et la soumission?… Assurément il
faut que vous sachiez si cette Parole est bien la sienne; mais si le coeur
était ce qu'il doit être, vous seriez trop heureux d'apprendre qu'elle l'est
réellement. Et lorsque vous dites, lors même que cela soit vrai, que cette
Parole n'est qu'un fait externe et que votre conscience, après tout, doit
juger, je vois que vous en revenez à votre propre jugement et que vous ne vous
souciez pas plus des paroles de Dieu, qu'un méchant enfant des paroles de son
père; je connais ainsi votre caractère, votre volonté aime à être maîtresse. Si
vous demeuriez dans la maison du père, la voix et les paroles du père vous
seraient assez familières pour les reconnaître immédiatement. En ne le faisant
pas, vous ne faites que démontrer votre incapacité et votre méchanceté. Si
votre caractère naturel était ce qu'il doit être, quelque rebelle que vous ayez
été, une parole de la part de votre père serait le ciel pour vous, et votre
coeur trouverait son bonheur à se soumettre à son autorité; et c'est
précisément cette disposition qui, moralement, donne la capacité de recevoir
ses paroles, car alors le coeur est ce qu'il doit être, et la volonté est
brisée. «Si quelqu'un désire faire Sa volonté, il connaîtra de la doctrine, si
elle est de Dieu ou si je parle de moi-même…».
«Parle, Seigneur, ton serviteur écoute!» Tout ce qui est en
dehors de cela est éloignement de Dieu. Une conscience qui a besoin de se tenir
loin de Dieu afin de juger pour elle-même, n'est pas une conscience droite;
elle n'est que volonté et péché. La conscience n'est pas seulement un juge,
mais elle reconnaît l'autorité de Dieu (nous sommes «sanctifiés pour
l'obéissance», voyez 1 Pierre 1), et aime cette autorité, parce qu'elle est une
conscience vraie; la volonté d'un moi indépendant est abandonnée; l'âme est
ramenée à Dieu; car la Parole a de l'autorité aussi bien qu'elle est lumière. Elle
éprouve la vérité de la conscience en donnant de la lumière, mais elle parle
avec l'autorité de Dieu. C'est pourquoi le Seigneur dit: Les paroles que je
vous dis, ce sont elles qui vous jugeront au dernier jour. Jugez cette Parole
maintenant, si vous osez. Je ne crois pas à la droiture de la conscience d'un
homme qui invoque sa conscience contre la parole de Dieu. Voyez comment
l'apôtre parle à ce sujet: «Si nous croyons le témoignage des hommes, le
témoignage de Dieu est plus grand: celui qui ne croit pas a fait Dieu menteur!»
Et Christ lui-même dit: «Celui qui entend ma parole… a la vie éternelle.
Pourquoi n'entendez-vous pas mon langage? C'est parce que vous ne pouvez pas
ouïr ma parole… mais parce que je vous dis la vérité, vous ne croyez pas. Celui
qui m'a envoyé est vrai, et les choses que j'ai entendues de lui, je les dis au
monde. Selon que le père m'a enseigné, ainsi je parle» (1 Jean 5; Jean 8).
Parce que l'homme a abandonné Dieu sur le pied des relations originairement
établies par Lui, Dieu a envoyé le témoignage de choses célestes, afin d'amener
l'homme à une relation plus élevée avec Lui. Et un vil pécheur vient me dire, à
moi, qu'il faut que j'écoute ma conscience, parce que cette révélation est une
chose externe! Certainement les choses du ciel, et ce qui en témoigne, sont des
choses externes pour lui. Il a dit la vérité, il est hors du paradis; ce monde
est la scène qui s'est développée quand l'homme était exclu de la présence de
Dieu. Dieu a envoyé la révélation de ce qui est divin et céleste pour le tirer
de là et l'introduire dans ce qui est céleste, et l'homme rejette cette
révélation en disant qu'elle est en dehors de lui, une chose externe! L'homme a
raison; seulement, s'il ne reçoit pas la révélation, c'est lui qui sera externe
relativement à elle, en dehors d'elle. L'homme a la prétention d'avoir aussi
une conscience et, en cela, il a raison; mais cette conscience lui dira ce
qu'il a fait, lorsque le temps de grâce où Dieu reçoit les pécheurs sera passé.
«Mes brebis entendent ma voix;» mais vous, dit le Seigneur, vous ne croyez pas,
parce que vous n'êtes pas de mes brebis! Dieu donne la Parole et des oeuvres
qui la confirment, un témoignage complet: malheur à celui qui ne la reçoit pas,
il mourra dans ses péchés, et la même Parole le jugera en ce jour-là. Si
Dieu est venu, s'il a parlé et s'est révélé lui-même du ciel, et que nous ne le
recevions pas, Lui et tout ce qui est céleste sont des choses externes pour
nous, et il ne reste en nous que le moi. Mais ce raisonnement ne fait
que montrer leur ignorance: car celui qui croit au Fils a le témoignage
au-dedans de lui (1 Jean 5: 10). La capacité de la conscience devient divine,
ce que jamais la conscience naturelle ne peut être, alors même qu'elle est
droite. Elle doit et elle devait être humaine; tandis que, si je suis né de
Dieu par la Parole, en recevant la Parole, je reçois Christ, la révélation de
Dieu et de ce qui est céleste: Christ est ma vie, il est au-dedans de moi, et
je suis appelé à être un imitateur de Dieu, comme un cher enfant, et à marcher
dans l'amour comme Christ nous a aimés et s'est donné lui-même pour nous, en
sorte que, si Dieu m'y appelle, je dois laisser ma vie pour les frères (1 Jean
3: 16) car Christ nous a ainsi manifesté son amour pour nous. La capacité de ma
conscience est divine; elle agit parce que j'ai à la fois vu et reçu ce qui est
divin, en recevant Christ par sa Parole. C'est pourquoi Paul, parlant de la
plénitude de tout ceci, ne craint pas de dire: «Remplis jusqu'à toute la
plénitude de Dieu» (Ephésiens 3: 19). C'est pourquoi aussi Jean dit: «Ce qui
est vrai en Lui et en vous, parce que les ténèbres sont passées et que la vraie
lumière luit maintenant» (1 Jean 2: 8).